samedi 20 février 2016

Des souvenirs avec la mer, je n'en ai pas - Poésie de Mouna Rezgui



à celui qui m'a dit:
je me fais des illusions peut-être
mais c'est ainsi
j'ai mal de toi et je t'aime
il me peine de ne pas avoir
des souvenirs avec la mer
de bon matin il a pris les mouettes
je n'ai pas baptisé ma langue
au sel de son front
je n'ai pas immergé ma main
dans ses fonts baptismaux
je n'ai pas retiré de son vent
un fétu de souffle
je ne l'ai pas accompagné à un zoo
pour voir quelque oiseau encagé
ou,  soupirant, un singe
je suis rentrée de l'amour
tel un rescapé de Tazmamart
distraite et incapable
de traduire par des équations logiques
le génie de mon cœur


Photo Mouna Rezgui

il se retire toujours
comme de son sanglant combat le cerf mâle
décochant vers le troupeau un regard
qui émousse la brutalité de la savane
je ne cesse de me dire
quel feu m'envahira
quand l'herbage de l'oubli
aura conquis les sables de mon nom
dans les villages de tes yeux
alors que ton absence se pavane
pareille à un trait de lumière irisée
à la jonction précise de la mer avec la dure
je me dis par moments que je ne guérirai jamais
ce peut-être ma mauvaise volonté
souvent j'ai l'illusion
de ta voix rauque en éruption
qui détone dedans les murs de mon cœur
puis l'écho limpide qui couvre les arbrisseaux du patio
me voici devant toi impuissante et aphone
fane qui tombe de l'irréductible arbre de ton absence
pourquoi, la mer, as-tu changé de parfum ?
j'aimais à te humer et je ne sais
si je dois feuilleter un livre
ou embrasser un poète ?


Mouna Rezgui
Traduction A.Amri 
20.02.2016 


vendredi 14 août 2015

Vers courtois - Mahmoud Darwich (traduction)

secoue
je t'en supplie
de la plus gracieuse paume sur terre

la branche du temps
afin que tombent 
du passé et du présent
les feuilles fanées
et naissent aussitôt
deux jumeaux
un ange et un poète

nous apprendrons alors
comment les cendres

sous les aveux tacites
des âmes sœurs

redeviennent des flammes




ô ma pomme !

ô le plus exquis des péchés
rémissible
si la frange de tes cils
résorbe ma distraction 

et mon silence

je trouve curieux, moi
que les vents se plaignent
de l'inexorable loi qui m'assigne

à l'ascendant de ton orbite
alors que toi
c'est le nectar qui immortalise ma voix
et la saveur qui ambroisie dans ma bouche
la terre et ses légendes


toi entre mes bras
à quoi bon
une étoile voyagerait-elle
sur une orange 

et boirait, boirait
boirait à l'ivresse ?

un air à boire s'est effrité

ainsi que l'incantation qui l'accompagne

pourquoi je t'aime ?
pourquoi mes foudres tombent-elles
prosternées à tes pieds ?
pourquoi mon ouragan

mes quatre vents 
s'essoufflent-ils sur tes lèvres
et je découvre alors subitement
que la nuit est un oreiller douillet
que la lune est aussi belle

que l'apparition d'une rose épanouie
et que moi contre toi
je suis chic comme un dandy ?


resterais-tu ainsi soudée à mon bras

une colombe se trempant le bec dans ma bouche
tandis que de la paume de ta main
marquant de son sceau mon front 
tu ratifies dans mon sang grisé
la promesse de l'amour éternel
resterais-tu la colombe soudée à mon bras?
fais-toi alors des ailes

que je m'envole
et fais-moi des câlins divins
que, volant, je dorme !

que ma colombe assigne à mon nom
le pouls du parfum
et fasse de ma maison
un casier pour pigeons
je te veux chez moi
corps astral
qui marche à pied
et roc de réalité qui vole 

au doigt et à l'œil !


Mahmoud Darwich
Traduit par A.Amri
14.08.2015
 
Texte arabe:



 
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