dimanche 18 juillet 2010

Fahem Boukaddous: la conscience inaliénable








Photo de Mme Afef Bennacer


Dans une lettre adressée à l'opinion publique, Mme Afef Bennacer a dénoncé une manœuvre scandaleuse chapeautée par le pouvoir en place, et visant à acheter la conscience de son mari Fahem Boukaddous.

Rappelons que ce dernier, journaliste tunisien âgé de 40 ans, a été condamné le 6 juillet dernier, à 4 ans de prison. Ce jugement confirmait le verdict de première instance à l'encontre du chroniqueur de la Révolte minière. Tout au long des mois d’émeutes qui se sont déroulées il y a deux ans dans le Bassin minier, reporter sur place de la chaîne Al-Hiwar qui émet depuis l’Italie, Fahem Boukaddous a assuré au quotidien la couverture de cette révolte. Au même moment, la presse officielle et les médias « auxiliaires», excellant dans le complot du silence, semblaient vivre à mille planètes de la Tunisie. Dans la phraséologie de la justice tunisienne, le délit incriminé à ce journaliste indépendant s’appelle “appartenance à une association criminelle susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens” à quoi ajouter “diffusion d’information de nature à troubler l’ordre public”.

Fahem Boukaddous qui souffre depuis des années d’asthme, entre autres problèmes de santé nécessitant des examens et des soins intensifs périodiques, a profité du répit que lui laissait sa demande de pourvoi en cassation pour se faire hospitaliser le 3 juillet dernier à Sousse. Le 15 juillet, à sa sortie de l'hôpital Fahem Boukaddous savait que la police allait l’appréhender dans les minutes qui suivraient. Aux alentours de l’hôpital, en civil comme en uniforme on l’attendait effectivement. Mais l’arrestation tardait à venir quand même, et l’on comprendra pourquoi. Rentré chez lui avec sa femme sous bonne escorte, Fahem Boukaddous reçoit un appel téléphonique d’un ancien ami et camarade de lutte estudiantine, entre-temps repenti et assagi pour virer à l’opposé de ce qui les avait unis. Noureddine Ben Nticha, tel est l’ami cité dans la lettre, demandait à voir instamment le journaliste qui attendait ceux qui étaient postés en face de sa maison, dans leur panier à salade. Intrigué et cédant à la pressante demande, l’appel ayant été réitéré 3 fois, le journaliste et sa femme se rendent au café, toujours flanqués de leurs anges gardiens, où les attend l’ex-compagnon des luttes étudiantes, celui-là même avec qui Fahem Boukaddous a été emprisonné dans ce passé commun.

Si la police tardait à mettre le grappin sur Fahem Boukadddous et se contentait de le serrer de si près, c’est parce qu'on était en train de mijoter une soupe qui pourrait faire basculer le sort du journaliste. L’ami converti de celui-ci était l'entremetteur d'un autre entremetteur dont on découvrira le nom, l'un et l'autre venus animés de bonnes intentions et investis d’une « mission de conciliation secrète». Et du plus haut intérêt. Qui les aurait mandatés? la réponse semble superflue.

Noureddine Ben Nticha a proposé au journaliste de rédiger à la main, et dans le secret absolu, une demande de grâce présidentielle. En échange de quoi le signataire de la demande obtiendrait, outre la grâce, une carte de presse nationale. Et l'ami a ajouté, pour faire foi au sérieux d'une telle proposition, qu'il y avait à l'extérieur une tierce personne pour discuter éventuellement des détails de l'accord à conclure.
Mme Afef Bennacer souligne que la réponse de son mari à ce propos était la suivante:"je suis un journaliste indépendant et reconnu à l'échelle internationale. La possession d'une carte de presse nationale n'est pas mon souci et je n'accepterai pas un tel marchandage."
A ce moment-là précis, enchaîne la lettre, Ben Nticha a fait un bref appel téléphonique et M. Bourhen Bsaïes, est venu immédiatement les rejoindre à leur table pour évoquer avec plus de détails cette question. M. Bourhan Bsaïes, le porte-parole médiatique du pouvoir, celui à qui incombe toujours la tache ardue de redorer l’image de Ben Ali quand l’opposition ou les télés étrangères fustigent ce dernier, est venu tendre ainsi la main à Fahem Boukaddous.
En guise d’entrée en matière, M. Bsaïes, souligne Mme Afef, a évoqué l’état de santé critique du journaliste, qui devrait se faire soigner dans de « meilleures conditions » et « si besoin, à l’étranger ». Il a réitéré la proposition de la demande de grâce manuscrite et laissé entendre que Fahem Boukadous, « avec les qualités qu’il a, sa sincérité, ses amitiés avec l’ensemble des constituants de la société civile » mériterait mieux. De nombreuses allusions à des « avantages matériels » et « une vie prospère » ont été faites à ce propos précis par M. Bsaies, précise la lettre.
Quant à la réponse par laquelle le journaliste a décliné cette offre, son épouse la formule comme suit:
« Mon mari lui a répondu alors qu’il ne fera pas cette demande de grâce et que sa liberté, il l’obtiendra à la faveur des luttes du mouvement démocratique, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur »

Une demi heure après, le panier à salade vient chercher chez lui Fahem Boukaddous.

Gabès, le: 18.07.2010


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