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mardi 29 mars 2022

Lettre de Ahmed Manai au Président Kais Saied à propos de la Syrie (Traduction)

 

 Ouardanine, le 15 mars 2022

Monsieur le Président de la République Tunisienne,

Je vous adresse d’abord, dignes de votre rang, mes salutations.

Il y a trois ans, plus exactement le 9 février 2019, le hasard nous a réunis dans le hall d’accueil d’une
chaîne de télévision en cours de création, tous deux invités par la journaliste Mme Laila Attia Allah. Mon audience avait été enregistrée, quoiqu’à ce jour pas encore diffusée, et j’attendais d’être ramené chez moi, tandis que vous, vous venez à peine d’arriver et votre audience n’a pas encore débuté. Nous nous sommes assis pendant plus d’une heure ensemble et nous n’avons pas beaucoup parlé. Vous étiez si réservé, non sans un certain air altier comme si vous vouliez prévenir ainsi tout échange avec moi. Toutefois, si j’avais imaginé que vous deviendriez un jour Président de la République tunisienne, je vous aurais parlé de ce dont je traite par la présente, car c’est ma préoccupation depuis onze ans.

Kaïs Saïed

La question concerne les relations diplomatiques tuniso-syriennes, qui ont été rompues il y a dix ans, et la nécessité de les rétablir, car je pense que le peuple le souhaite, même si je ne l’ai pas consulté à ce sujet.   

J’ai déjà écrit à ce propos à messieurs l’ex-président provisoire et le ministre des Affaires extérieures dans le gouvernement provisoire de l’époque, quand bien même cette dernière correspondance était implicitement adressée au beau-père de tel ministre, Ghannouchi, dont la main mise sur le pays avait atteint un degré tel qu’il déclarait, immédiatement au lendemain des élections législatives de 2011, que la Tunisie allait renvoyer les ambassadeurs de Syrie et du Yémen et délivrer les locaux de leurs ambassades respectives  à   l’opposition des deux pays concernés. Ghannouchi n’était alors que chef d’un parti qui a remporté la majorité électorale.   

J’ai écrit également au chef de parlement et aux députés. Puis en co-auteur avec la militante Hend Yahia, j’ai encore écrit au défunt président Béji Caïd Essebsi, à son ministre des Affaires extérieures ainsi que, par trois fois, au président turc Recep Tayyip Erdoğan. Ce dernier était ce que l’on peut appeler une vieille connaissance, lui ayant rendu visite à Istanbul à la tête d’une délégation internationale en date du 18 mai 1998. C’était à la fois pour le soutenir alors qu’il faisait face à un procès martial, et pour lui faire part de mon désaccord car il a impliqué son pays dans une guerre d’agression contre la Syrie.

Il est donc tout à fait naturel que je vous écrive à votre tour, votre Excellence étant le Président de la république tunisienne, même si je constate qu’actuellement, vous êtes bien plus préoccupé par les soucis de semoule, de farine, d’huile subventionnée, que des problèmes internationaux. Cependant, ces soucis d’ordre intérieur, si importants soient-ils, ne sauraient s’accaparer en exclusivité l’attention d’un président de la république. Quoiqu’il en soit, le devoir me somme de vous écrire, d’autant que je suis d’ores et déjà certain que vous serez le dernier président tunisien que j’aurais interpellé à ce sujet.

Prémices [de la tragédie syrienne]

À la mi-mars 2011, des manifestations, des émeutes et des violences ont éclaté dans la ville de Deraa, dans le sud de la Syrie, à la frontière jordanienne. Cela a commencé à l’instar de ce que connurent de nombreux pays arabes, à commencer par la Tunisie ; puis la contagion s’est rapidement étendue aux villes, villages, zones rurales et de nombreuses bourgades de Syrie. La violence s’est accrue et ses victimes allaient croissant, déplorées aussi bien du côté des civils, des universitaires, des étudiants et autres catégories, que du côté des forces de l’ordre gouvernementales, avec, notamment, de nombreux assassinats ciblant des soldats et des policiers. Puis les violences ont atteint leur paroxysme lorsque, au mois de juin, un attentat à la bombe, le tristement célèbre massacre de Jisr al-Choghour, a ciblé une caserne, tuant pas moins de cent vingt membres de la sécurité.

Mission d’observation arabe

A travers une démarche unique dans l’histoire de la Ligue arabe, le Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères a approuvé une initiative concernant la Syrie, et ce dans le but d’aider ce pays frère à résoudre au plus tôt sa crise politique. Cela a été fait, et les observateurs arabes ont accompli ce qui leur avait été confié, puis ils ont rendu un rapport à la fois objectif, professionnel, honnête, complet et équilibré, lequel a été soumis par le chef de mission au Conseil de la Ligue le 17 janvier 2012. Le rapport conclut entre autres que les autorités policières et militaires syriennes n’ont eu recours au tir que pour riposter en légitime défense à des éléments armés. C’est probablement ce constat qui a dû enrager certains pays, lesquels avaient hâte de mettre en œuvre la destruction de la Syrie, ce qui les a incités à enterrer le rapport d’une part, et d’autre part accélérer le renvoi de l’affaire devant Conseil de sécurité, espérant que ce dernier légifèrerait dans le sens qu’il avait suivi auparavant au sujet de la Libye. Mais cette tentative a lamentablement échoué, comme vous le savez, à cause de l’utilisation par la Chine et la Russie du véto.     


J’étais l’un des membres de la mission, je suis Ahmed Manaï   

J’étais l’un des cent soixante membres de l’expédition, et le rapport que la Ligue arabe a dissimulé m’a été envoyé par e-mail par mon regretté ami, Dr Qais Al-Azzaoui, à l’époque représentant de l’Irak à la Ligue arabe. Je l’ai découpé en trois séquences [en vue de le faire traduire], envoyant l’une à mon ami Safouane Grira à Paris -personnage que vous connaissez bien puisque vous avez assisté à sa cérémonie de son mariage, une autre à l’ami algérien Omar-Al-Mazri à Aix-en-Provence. Et j’ai conservé la dernière séquence pour moi. Au bout de deux jours, la traduction française était prête ; et le site de l’Institut tunisien des relations internationales l’a publiée, puis à partir de la version française, le texte a été traduit en diverses autres langues.

Le 5 février, la Tunisie a rompu ses relations avec la Syrie, expulsé la délégation syrienne de Tunisie et invité notre ambassadeur à Damas à revenir au pays, laissant notre diaspora en Syrie à découvert, sans protection consulaire. Le 24 février 2012, la Tunisie accueillait le symposium de ce que l’on a convenu d’appeler « les Amis de la Syrie ». Or ce dont personne ne doute, c’est que pas un Etat, un seul de toute cette clique internationale d’imposteurs, ne pourrait soutenir la grotesque usurpation d’identité. Ces tristes saltimbanques réunis audit symposium -est-il besoin de le rappeler ? ont été tour à tour racoleurs et commanditaires -en Orient comme en Occident- de légions de terroristes, instructeurs militaires de ces légions, bailleurs de fonds les entretenant sur un grand pied, pondeurs de fatwas sanctifiant pour leur « noble cause » même l’insensé [prostitution jihadiste], et propagandistes dévoués -officiels et leurs médias- de telles hordes du chaos. Tous se sont ligués pour détruire la Syrie, tous ont œuvré à démanteler son Etat. J’en veux pour exemple l’aveu de l’ex-chef de gouvernement qatari que son pays a dépensé cent trente-cinq milliards dans les basses manœuvres visant à faire tomber la Syrie. Mais…

Dix ans de guerre planétaire contre un peuple magnanime

 Cent trente pays enthousiasmés, des plus grands aux plus nains, tous égaux et se valant en criminalité, ainsi que les ignobles organisations terroristes wahhabites et fréristes, se sont réunis en Tunisie pour ourdir le plan d’attaque contre la Syrie. Et c’était à dessein de renverser son État, profaner sa terre, disperser son peuple et s’emparer de ses ressources. S’ensuivirent dix ans de guerre des plus sale où tout fut permis : les tueries, les destructions d’infrastructures et de tout, le boycott économique et financier, les « pactes » implicites de famine, le pillage de pétrole national, le vol d’usines, la destruction par le feu de récoltes agricoles, et par-dessus cela encore, les mensonges systématiques, les calomnies, les tartufferies instrumentalisant la religion… Un bon nombre de Tunisiens ont contribué dans une large mesure à ces crimes, qui par le racolage de recrues destinées à l’Holocauste syrien, comme les cheikhs apôtres de terrorisme formant la coterie des soi-disant oulémas musulmans (dont Ghannouchi, Al-Khadmi, Al-Najjar et d’autres), qui par l’action directe sur le terrain, soit en tant que zélote, tueur, sicaire, exécuteur de hautes besognes, soit tout simplement en tant que ravisseur [entre autres de femmes et d’enfants destinés à la traite d’humains dont raffolait le tristement célèbre calife al-Baghdadi].

Un des cas humains, sans doute l’unique dont les faits ne cessent de m’impressionner, est Ghannouchi. Je l’ai connu en octobre 1968 à la mosquée de Paris. Il venait alors de Syrie et m’a raconté que c’était à Damas qu’il a connu sa « seconde naissance ». Là, il avait pu faire ses études et loger gratuitement. C’était là aussi qu’il avait prétendu avoir porté les armes pour défendre Damas qui, pendant la guerre de 1967, était menacé de conquête sioniste.

Cette même terre de « seconde naissance », en l’an 1999, a accueilli 17 personnes, tous hommes de main militaires ou civils de ce même Ghannouchi, qui avaient été extradés du Soudan vers lequel ils avaient fui au lendemain de l’échec de leur tentative de coup d’Etat en Tunisie. Ces personnes ont joui pleinement de l’hospitalité syrienne jusqu’en 2002, lorsque les Nations Unies leur ont trouvé ailleurs d’autres pays d’asile.  

Il n’y a pas que ces faits paradoxaux dans les hauts faits et gestes de Monsieur Ghannouchi. En 2015, quand il s’est avéré que les terroristes qu’il avait envoyés en Syrie ont échoué dans leur mission et commençaient à revenir en Tunisie, dans sa phraséologie les survivants de ses légions de recrues devenaient « chair putride » !  « Chair putride » alors qu’ils étaient jusque-là « Conquérants du sein d’Allah [paradis] pour leur propre salut aussi bien que pour le salut de leurs proches » !  Et comble du délire, en 2018 Ghannouchi saluait encore les frappes aériennes américaines contre la Syrie.

Monsieur le Président,

En toute sincérité, je ne vous demanderais pas de rétablir les relations avec la Syrie, car je sais que ce serait une entreprise difficile pour vous. Néanmoins, n’oubliez pas que le monde change rapidement autour de nous.  Et la victoire de la Syrie contre ses agresseurs constitue l’un des nombreux facteurs motivant ce changement. Tout au long des dix dernières années, les Syriens, en tant que peuple, armée, instances dirigeantes et président, ont résisté, combattu, persévéré, fait preuve de pugnacité, eux et leurs alliés, et fini par remporter -ce qui dans les annales humaines sera cité ainsi, la première victoire d’un Etat, d’un pays et d’un peuple contre une conjuration planétaire où l’Occident colonial, ses valets locaux, les messianismes judéo-chrétien et islamiste, n’ont tiré que l’avanie et le déshonneur.

 Vous, Monsieur le Président, au lieu d’adopter cet attentisme que plus rien n’est censé motiver, vous pouvez faire quelque chose en direction de la communauté tunisienne vivant en Syrie.  Cette communauté n’a que trop enduré l’incurie, l’indifférence, le mépris des gouvernements successifs de son pays. Vous pouvez également faire quelque chose en direction des Syriens réfugiés en Tunisie. Car -est-il besoin de le rappeler ? au moment où la plupart de ces Syriens végètent dans l’indigence en Tunisie, survivant à la faveur de la mendicité et exclus de tout cadre législatif pouvant leur assurer un semblant de vie décente, il en va tout autrement pour les Tunisiens qui vivent en Syrie. Ceux-là, outre la protection dont ils bénéficient au niveau des lois syriennes, ne sont pas condamnés à mendier. Beaucoup, sans nul besoin de demander la nationalité, sont des fonctionnaires employés sans discrimination aucune dans les services gouvernementaux. Ils sont traités comme les citoyens syriens, et jamais je n’ai entendu dire que les autorités syriennes ou d’autres services aient puni tel ou tel Tunisien pour les crimes infâmes commis par des terroristes de notre pays à l’encontre des Syriens.    

Si je devais vous indiquer quelque urgence à ce propos, je vous dirais : fournir aux Tunisiens résidant en Syrie les services permettant de faciliter l’octroi de passeports dont les demandeurs attendent plus d’une année avant de les obtenir. Octroi de bourses également, entre autres moyens de soutien matériel, aussi bien aux étudiants tunisiens en Syrie qu’aux étudiants syriens en Tunisie, ce qui permettrait surtout à ces derniers d’avoir des conditions plus propices au séjour et à l’étude.

Je vous écris parce que je crois, compte tenu de mon âge et de mon état de santé, que vous serez la dernière plus haute instance à laquelle j’aurais écrit sans en attendre en contrepartie quelque chose de notable.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations.

Ahmed Al Manaï

Président de l’Institut Tunisien des Relations Internationales et membre de l’ancienne mission arabe en Syrie

Traduction A. Amri
28. 03. 2022


 

lundi 27 janvier 2020

Ce n'était pas la peine, alors, d'être indépendant

En dépit des articles 1 et 39 de la constitution tunisienne, certaines chaines de télédiffusion nationale, en particulier dans le secteur privé, voudraient nous persuader, à travers des productions et des plateaux qui semblent avoir été conçus à cet effet, que le constitutionnel n'engage pas le télédiffusionnel. Et qu'en conséquence, il est du droit de ces médias, quand ils veulent et tant qu'ils veulent, de moduler à leur guise l'usage de l'arabe, d'en réduire peu ou prou la place dans leurs émissions, de lui substituer sans gêne aucune le francarabe, voire de le mettre carrément sur une voie de garage. Et le remplacer tout aussi aisément par le français. 

 Générique d'émission

Et mystère, cette liberté que s'accordent de nombreux médias, semble laisser indifférent l’État. Députés, gouvernements et présidents de la « décennie du chaos », en spectateurs passifs, ou indifférents, y opposent un silence total. Comme pour nous suggérer que cette attitude ne serait que l'expression de leur consentement mutuel.

Dans un contexte pas éloigné du nôtre, Fanon disait: « Ce n'était pas la peine, alors, d'être indépendant. »(1) L'auteur transcrivait en l'occurrence ce que la bouche des peuples africains, à peine décolonisés ou luttant encore pour l'être, mâchonnait avec mépris à l'encontre des intellectuels colonisés. Même si nos manitous de télédiffusion et leurs sous-fifres (2) n'auraient aucun mérite pour être assimilés à des intellos, la citation de Fanon, avec tout ce qu'elle sous-entend d'humeur indignée, je voudrais la dire cent fois à chacun d'eux. Manière de cracher leur fait à ces tristes promoteurs d'une culture créolisée, aliénante, détunisifiante et si effrontément maquée. Et sans velléité populiste aucune ni immodestie de ma part, je n'en serais pas moins traducteur du dégoût, juste et légitime, qu'éprouvent celles et ceux qui, tunisiens et fiers de l'être, désavouent ce meschinage (3) qui cible tout un pays.

Non, ce n'était pas la peine d'être indépendant. 

Il aurait mieux valu et pour ces pages sans fierté, enchainés avec leurs chaînes à la traîne de cette queue qui nous couvre d'outre-Méditerranée, et pour le pays qu'ils donnent à voir au monde entier aplati de la sorte, que la France restât ! Non seulement, sous la coiffe de son protectorat elle aurait mieux accompli ce qu'elle envisageait déjà dans son "œuvre civilisatrice". Mais elle aurait donné à notre pays, au moins, l'honorable excuse de n'être pas indépendant pour décider librement de son sort. Ainsi la face de la Tunisie, aux yeux du monde qui capte ses télés et radios, aux yeux des pays frères, aux yeux du continent auquel elle a légué son vieux nom d'Ifriquia, aurait été-t-elle incontestablement sauve. Et bien plus digne qu'elle ne l'est, hélas! par les temps qui courent.


Des plateaux en tout conformes, singés ou plagiés dans leurs
habillage, éclairage, maquillage, et jusque dans leurs titres parfois, à ceux des plateaux hexagonaux. Ceux-ci pour beaucoup, en passant, n'étant pas moins conformes à ceux d'outre-Atlantique !(4) Talk-shows, variétés, films américains à doublage français, feuil-letons tunisiens assaisonnés de francismes, feuilletons turcs doublés en tunisois et pas moins assaisonnés des mêmes épices. Idem pour la publicité, y compris dans le titre apocopé qui, en capitales latines, l'annonce: "PUB". Sans oublier les titres d'émissions, les titres de paragraphes, les génériques, le francarabe systématique d'animation, où mecs et mecques dits anims, nous donnent parfois l'impression de n'être, dans ce pays qui les a vu voir le jour et grandir, que de pauvres métèques ! Pis encore ! De tristes laquais œuvrant à maltiser le pays d'Hannibal et de Tertullien(5). Que leur manque-t-il à ces caudataires de la "gueuse fière" pour en être plus fiers ? Une livrée de maison aux armoiries de la gentry parisienne ? Ils la portent déjà, à travers une francité débridée qui ferait pâlir d'envie, je crois, le plus franchouillard des Français.

 Echantillon de francarabe médiatique

C'est un francophone, et membre de l'Académie française depuis 2013, qui a dit: « Voir un peuple défendre sa langue me réjouit. »(6). C'est un Français, et des classiques enseignés à l'école tunisienne, qui a dit: « Le premier instrument du génie d'un peuple, c'est sa langue. »(7). C'est encore un Français, et jamais dessaisi de son dialecte aurillacois, qui a dit: « Le peuple qui perd sa langue maternelle, perd aussi son âme de peuple : dominé et dompté par les autres races, il s'y confond, il s'y fond et finalement il s'y noie !»(8) C'est toujours un Français, et membre de nombreuses sociétés savantes, qui a dit: « Un peuple qui perd sa langue abdique sa nationalité»(9) Et pour finir, c'est un Egyptien, et de ceux que les écoliers de la maternelle tunisienne vous citeraient par cœur, qui dit:

 أَيَهجُرُني قَومي عَفا اللَهُ عَنهُمُ 
إِلى لُغَةٍ لَم تَتَّصِلِ بِرُواةِ
سَرَت لوثَةُ الإِفرِنجِ فيها كَما سَرى

لُعَابُ الأَفاعي في مَسيلِ فُراتِ
فَجاءَت كَثَوبٍ ضَمَّ سَبعينَ رُقعَةً
مُشَكَّلَةَ الأَلوانِ مُختَلِفاتِ
حافظ ابراهيم (1872-1932)

Les miens me balanceraient-ils, à Dieu ne plaise
Pour une gueuse (10) de la cuisse gauche née 
En qui le jargon ifrangi est injecté
Tout comme la bave ophidienne dans l'Euphrate  
Défroque de soixante-dix haillons ravaudée   
Et fière d'autant de couleurs disparates? 
Hafez Ibrahim (1872-1932)

A. Amri
27.01.2020



1- Les Damnés de la Terre, Maspéro, 1961.

2- Parce qu'il y a aussi des animateurs et des journalistes qui méritent tout le respect, je dois préciser que je cible ici, essentiellement, les propriétaires  de ces médias et les producteurs engagés dans l’œuvre de maltisation qui cible la Tunisie.
3- Le terme est désuet mais la condition qu'il désigne ne l'est pas. Pour rappel, ce mot du moyen français, issu de la même racine que mesquin, signifiait -entre autres- prostitution. Voir Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde, V. 3, Bruxelles, 1852.

4- Les intellectuels français se plaignent d'un mal similaire au nôtre, et l'on peut dire depuis des siècles déjà. En 1757, Louis-Charles Fougeret de Monbron publie un pamphlet dans lequel il fustige le snobisme de ses compatriotes anglomanes. Ce même snobisme inspire à Robert Solé (écrivain et journaliste égyptien naturalisé français) une « lettre persane » que son Rica commence comme suit: « Mon cher Usbek, depuis mon arrivée dans le royaume de France, le 18 de la lune de Shahrivar, je tombe des nues. Paris est encore plus grand ­qu’Ispahan. Les maisons y sont si hautes qu’on les croirait toutes habitées par des astrologues. Les Parisiens, pressés, dévalent les trottoirs, de petites boîtes noires collées à l’oreille. J’enrage comme un eunuque quand je les vois s’agiter ainsi, mais c’est leur langage qui me trouble le plus : je n’y comprends goutte. Le français des Français est un drôle de sabir. « Ici, m’a expliqué mon aubergiste, tout le monde craint un remake de la crise financière. On cherche désespérément à relever le challenge en boostant l’activité. Serions-nous une nation de losers ? En tout cas, le French bashing devient insupportable. »

A son tour critiquant le même mal, Bernard Vadon (écrivain français, journaliste, homme de théâtre et auteur de chansons) reproduit deux extraits qui semblent transcrire des échantillons du sabir médiatique français. « En prime time et en live, faute de talk-shows, on doit se rabattre sur le replay.»
« Quant aux dirigeants politiques, ils twittent à longueur de journée : c’est à qui aura le plus de followers. Nombre d’entre eux ont pris un coach, car ils sont désormais des people dont le moindre selfie peut faire le buzz. »


5- Voici le cri de fierté patriotique de cet homme (né vers 150-160 et mort en 220), en réaction au goût pris par certains Carthaginois pour le port de la robe romaine: « Carthaginois, de tout temps vous avez été les maîtres de l’Afrique; l'empire que vous y avez tenu, et qui a eu la même étendue que cette vaste et admirable partie de la terre, est de tant de siècles qu'à peine en sait-on les commencements; votre nom et votre puissance sont du même âge, on n'a pas plus tôt connu l'un qu'on a redouté l'autre: il faut que les autres nations vous cèdent en ce point, et que les plus puissantes reconnaissent que si un peuple est illustre à proportion qu'il est ancien, il n'en est pas qui le soit davantage que le Carthaginois. Le présent ne contribue pas moins à votre félicité que le passé à votre noblesse. Il semblait que Carthage, après de si grandes ruines, ne dût être désormais qu'une triste et affreuse solitude, et néanmoins le vainqueur qui l'avait détruite l'a rebâtie, les Romains qui l'avaient rendue déserte l'ont repeuplée et ont laissé à Carthage son nom ; ce ne sont pas tant les Carthaginois qui sont devenus Romains, que les Romains qui sont devenus Carthaginois. » (Traité du manteau).

6Michael Edwards (poète, critique littéraire, traducteur et professeur franco-britannique.

7Stendhal (1783-1842).

8- Arsène Vermenouze (Inédits languedociens: en volume, Lo Convise, 1996, p. 191).

9Victor Flour de Saint-Genis (historien: 1830-1904), Histoire de la Savoie, T. 3, Chambéry, 1869, p. 267)

10- La gueuse dont il est question ici n'est pas celle qu'avait recommandée Voltaire à la générosité des aumôniers, mais le francarabe, et seulement ce sabir-là.

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...