lundi 16 mai 2022

Leçon de kamasutra, Mahmoud Darwich

Avec la coupe à boire incrustée de lapis-lazuli, attends-la
sur la mare d'eau, autour du ciel et de l'eau de Cologne, attends-la
avec la patience du cheval équipé pour les pentes raides des montagnes, attends-la
avec l'étiquette raffinée du bel émir, attends-la
avec sept coussins garnis de nuages, attends-la
avec le feu de l'encens féminin moutonnant à plein, attends-la
avec la fragrance virile des étalons fleurant le santal, attends-la
et ne t'empresse pas, si elle vient après le rendez-vous, attends-la
si elle vient avant, attends-la

n'effarouche pas les oiseaux
au-dessus de ses tresses, attends
qu'elle s'assoie à son aise comme un verger à l'apogée de sa beauté, attends
qu'elle expire cet air étrange qui lui pèse sur la poitrine, attends qu'elle retrousse au dessus des jambes, pan à pan, sa robe, attends-la
et conduis-la vers un balcon pour qu'elle voie une lune dans son bain de lait
attends-la, et sers-lui de l'eau avant le vin
ne t'avise pas de lorgner les perdrix jumelles enlacées sous le corsage
attends-la, et comme pour résorber des larmes de rosée humectant sa peau
touche en douceur sa main quand elle repose sur le marbre la coupe, et attends
parle-lui comme une flûte qui rassure une corde apeurée du violon
comme si vous étiez deux témoins du lendemain, et attends
jusqu'à ce que la nuit te dise
il ne subsiste dans l'univers que vous deux
prends-la alors vers ta mort convoitée, et attends


 

Texte arabe oralisé par Darwich

 

Mahmoud Darwich

Traduit par A. Amri

16. 05. 2022

 

A propos du même poète:

 

La fille devenant cri

Vers courtois

Soldat rêvant de lis blanc

Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?

 

 

 

 

 

 


La fille devenant cri: Mahmoud Darwich


Sur les parages de la mer une fille
fille ayant un père et une mère
parents ayant une maison
maison à deux fenêtres et une portière
Sur la mer un navire se distrait
à prendre en chasse ceux qui marchent sur la plage
quatre, cinq, sept
tombent sur le sable
tandis que la fille y réchappe une première fois
une main de brouillard
main divine, l'ayant sauvée
 

"Papa! dit-elle
Papa, lève-toi, que nous rentrions!
La mer n'est pas impartie
à ceux qui sont comme nous
Son père sur son ombre gisant
des vents de l'absence battu
et le sang éclaboussant palmiers et nuées
ne lui a pas répondu
 
Volatile, la voix la porte alors
plus haut, plus loin
que la mer et sa plage
elle crie dans la nuit, en rase campagne
pas d'écho néanmoins aux échos
 
C'est alors qu'elle-même devient
cri éternisé
dans une dépêche de presse
qui n'est plus dépêche depuis
les avions étant entretemps revenus
bombarder une maison
à deux fenêtres et une portière
 
Mahmoud Darwich
Traduit par A. Amri
 
16. 05. 2022 

________________________ A propos du même poète

 

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