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vendredi 20 mars 2020

Accise, assise, excision: mots français, racines arabes

« Les marchandises de toute nature, originaires de l'un des deux Pays et importées dans l'autre, ne pourront être assujetties à des droits d'accise, de consommation intérieure ou d'octroi, perçus pour le compte de l’État, des communes ou des corporations, supérieurs à ceux qui grèvent ou grèveraient les objets similaires de production nationale ou les matières avec lesquelles ils auront été fabriqués. » (Article 5 du Traité de commerce conclu entre la France et les Pays-Bas le 24 mars 1882)[1]

Accise est un terme qui a fait son entrée en français au 16e siècle. Le TLFi en donne la définition qui suit: « Impôt indirect portant sur les objets de consommation, principalement sur les boissons.» Quant à son étymologie, la même source nous apprend que le mot est «emprunté à l'anglais excise « impôt sur les marchandises comestibles » depuis 1596, que cet anglais est à son tour emprunté au moyen néerlandais  excijs « impôt sur les denrées », transformation de accijs, peut-être par rapprochement avec excĭdere « couper, enlever ».

Assise, au sens de « redevance imposée, imposition », est attesté dès 1170. Et le TLFi en fait un dérivé du verbe asseoir.

Excise, variante orthographique de accise, semble n'être entré en usage que dès 1733.

Excision, attesté dès 1340 au sens de « arrachement, destruction », avant de signifier, dès 1549, « arrachement, destruction », est donné dérivé du latin excisio (« entaille »).

En fait, ces quatre mots français et le latin excisio sont des emprunts à deux mots arabes apparentés.

Accise, assise: jargon médiéval
de finances arabo-musulmanes
Les trois termes relatifs à l'imposition, accise, assise et excise dérivent de l'arabe الجزية al jizia, via le siculo-arabe relayé par les Normands de Sicile. جِزْيَةٌ Jizia, formé définie الجِزْيَةُ al-jizia est un mot de sens identique, dont le référé s'appliquait tantôt pour l'imposition sur la terre, tantôt sur le commerce. Introduit dans la Sicile musulmane, le mot a désigné le tribut imposé par les musulmans aux indigènes non convertis. Adshisia [2][3], orthographié gesia, gisia [4], gesjat [5], gisib [6], dans les archives normandes, s’est romanisé sous l’administration de Frédéric II, prenant tour à tour les formes cise et accise [7]. De la même racine, le turc tire son cizye [8], de sens identique.
Pour comprendre les lois ayant fait de al-jizia accise, il faut rappeler que l'élision de "l" de l'article arabe "al" est fréquente dans l'histoire des emprunts romans à l'arabe:القائد al qaïd a donné acaïd, القصدير al qasdir acazdir, الزعرور az-zaârour acérola, acérole et azerole... Quant à la vocalisation du "ج j" par "k" (le premier "c" du couple "acc", elle se constate à travers divers mots comme acérole, acemi, bardache, doronic, belléric, emblic (emblique)... Le "ز z" s'est maintenu à travers le "s" flanqué de 2 voyelles. Que ce soit pour "assise", "accise", ou "excise", c'est la même loi de vocalisation qui explique la romanisation du mot arabe.

Affiche de site gouvernemental fr.


Pour excisio, racine latine de excision, il faut en chercher l'étymologie dans l'arabe الْجَزُّ el-jezz (tondaison, découpage, taille), déverbal du verbe جَزَّ jezza (tondre, couper, tailler). Là encore, l'élision du "l" de l'article arabe, ainsi que les mêmes vocalisations vues précédemment, expliquent aisément le passage du mot arabe à la forme latinisée.

Pour conclure, le TLFi est invité à considérer que "assise" et "accise" ne sont que deux variantes orthographiques du même mot. Et par la même, prendre en compte l'hypothèse de Pihan [9] en ce qui concerne l'étymologie de "assise" (substantif) au sens 1
.


A. Amri
20.03.2020


Notes:

3- Heinrich Leo, Histoire d'Italie pendant le Moyen Âge, trad. Dochez, T. 1, Paris, 1837, p. 213, note  2.
4. Dionisius A. Agius, Siculo Arabic, n° 12, Londres et New York, 1996, p. 258.
6- Heinrich Leo, opt. cit. p. 213, note 2.
7-  Heinrich Leo, opt. cit. p. 213, note 2.
8- Marie-Carmen Smyrnelis, Une société hors de soi: identités et relations sociales à Smyrne au XVIIIe, Peeters Publishers, 2005, n. p.  


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