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samedi 8 novembre 2014

Lumière au bout du tunnel, par Amina Bettaieb

Comment expliquer mon émotion esthétique face à ce tableau?

Peinture d'Amina Bettaieb
Mais à quoi bon expliquer l'émotion d'abord ? Le Beau n'a pas besoin de mots pour se faire valoir ni voir. Son pouvoir intrinsèque, souverain, l'assure de la magie inouïe qui y fait mordre tout œil émotif, sensible, généreux.

La première impression qui se dégage de cette toile est la chaleur. Non seulement de la palette des couleurs, étouffante ! mais de l’atmosphère ambiante qui enveloppe ce beau brin de fille rêvant. Tout est chaud dans ce tableau. Même le regard triste et distrait de la belle rêveuse semble consumé dans le halo des teintes dorées, rougeâtres, orangées, grenadines qui procèdent du champ chromatique du feu.

Le décolleté ne peut que rajouter à telle impression. Le verre pareillement. De même que les cheveux en chignon et, en arrière plan, comme une mise en abyme, ou la bulle d'une vignette de bande dessinée qui éclaire une pensée, ce tableau dans le tableau, riche, opulent en évocations.

Le livre ouvert mais délaissé au profit de la rêverie, le verre plein et si alléchant mais boudé par les lèvres vermeilles, semblent connoter tout autant la soif spirituelle que la soif physique. Toutes deux capables de se désaltérer mais paraissant "en mal de force apéritive". Sans doute parce que la vraie substance désaltérante se trouverait ailleurs. Dans cette chose qui habite et taraude la tête, l'appesantit un peu et lui donne ce regard fixe abimé dans l'ailleurs.

Le violet et les teintes froides, comme des nuages qui surplombent la tête, semblent dire qu'on a beau être jeune et beau, c'est du noir qu'on broie. Mais pourquoi broyer du noir?

Parce que le Beau ne respire ni ne s'épanouit entre quatre murs, serait-il pourvu de toutes les commodités nécessaires à son confort.
Et c'est ce qui semble faire la force suggestive du tableau dans le tableau, incrusté à l'angle droit, à hauteur du front appesanti et incliné.

Au bout d'un tunnel ou d'une porte ouverte (la symbolique serait quasiment la même), une femme apparemment dans son élément, vue de dos mais pas moins coquette, qui jouit de la mobilité au grand air, en plein soleil. Et qui, tout en tournant le dos à un espace clos, ou un passé sombre, esquisse un pas vers l'avant et ouvre grand ses bras comme pour étreindre l'horizon. Le vent qui soulève sa robe, ou sa jupe, et l'eau de mer qui tempête autour d'elle, semblent traduire la symbiose entre la chair féminine vivante et les quatre éléments qui s'offrent à elle dans toute leur exubérance.

Ce petit tableau incrusté dans la toile est un peu comme la fenêtre dans l'univers de Madame Bovary. Ou de toute vie qui languit dans telle ou telle prison. C'est également, dans une optique en rapport avec le taoïsme et les pratiques méditatives, le troisième œil, celui de la connaissance de soi.

A. Amri
8.11.14

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