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samedi 4 novembre 2023

Abbas fourbis ton arme ! (poème traduit de Ahmed Matar)

 

Aux dirigeants arabes terrés dans leurs trous, à l'heure où Gaza et le peuple palestinien se font immoler sur l'autel du sionisme.

 

Abbas est là derrière la barricade

Tout vigilance, tout sensibilité

qui depuis l'an I de la conquête

fourbit la lame de son épée

se fait brillanter les bacchantes

et dans telle posture d'attente

étreint sa peluche

Le voleur en moins de rien

ayant englouti une rive[1]

 Abbas retourna sens dessus dessous

le parchemin

et supputant  pertes et profits

se dit:

il en reste quand même une !

Du coup Abbas rassemble ses munitions

fortifie sa barricade

et se remet à fourbir son arme

Le voleur cependant

s'est infiltré jusque chez lui

s'arrogeant un droit d'invité

ce à quoi Abbas

tout hospitalité

répond en offrant le café

non sans toutefois cesser

de brillanter lame et son épée

Mais voilà que sa femme crie:

"Tes enfants ont été tués, Abbas ! 

Abbas, ton invité va me violer !

Lève-toi! sauve-moi Abbas! "

Photo @legrandsoir.info


Tout vigilance, tout sensibilité, tout attention

Abbas n'a rien entendu

c'est que, dit-il à part soi,

cette bonne femme, pouah!

calomnie les honnêtes gens ! 

"Abbas ! crie encore sa femme

l'invité va voler notre brebis !"

Retournant dessus-dessous le parchemin

en moins de rien ayant supputé pertes et profits

Abbas envoie à qui de droit 

une dépêche de menaces

"Mais à quoi bon, Abbas,

tu fourbis la lame de ton épée ?"

- J'avise aux temps d'adversité, pardi !

dit judicieusement Abbas

- Soit l'ami ! Fourbis la lame de ton épée !"
 

 Texte déclamé par Maram Nard
 
 
 
 
Ahmed Matar, poète irakien.
Trad. A. Amri
04. 11. 2023
 
Texte dans sa version arabe 


[1] Rive du Jourdain appelée Cisjordanie, par opposition à « Transjordanie » qui désigne la seconde rive du Jourdain.

 Textes traduits du même auteur

Pamphlet contre le tartufe Karadhaoui

Entretien avec l'espoir

Circoncision

 

Au sujet de Ahmed Matar:

Hommage à Ahmed Matar

 

mercredi 1 juin 2016

Circoncision - Poème traduit de Ahmed Matar


pour sa grâce opérante
au jour de circoncision
je fus harnaché
d'une burda transparente
et de chéchia empanaché
puis s'amorça une pantomime
ouvrant l'ère de ma honte
 
Ahmed Matar


on fendit ma burda
sur mes parties intimes
et l'on égorgea

mes parties intimes
le sang gicla dans mon giron

et de toutes parts exubérante
la joie cria
bénissant la fontaine de sang
mabrouk !

mille mabrouks !
et que la grâce demain 

comble de même la langue !

 
 
 
Ahmed Matar
Trad. A. Amri
22.05.2016



Poèmes traduits du même auteur:

lundi 9 mai 2016

Sadiq Khan et Ahmed Matar



Sadiq Khan le musulman, le fils du chauffeur de bus d'origine pakistanaise, est élu maire de Londres. 

Sans être indifférent à ce que peut représenter pour les musulmans londoniens cet évènement, c'est surtout le message civique que l'électorat (de la capitale britannique) a transmis en l'occurrence qui m'intéresse. Et ce message devrait intéresser, à mon sens, d'autres Arabes et l'ensemble des musulmans. Non pour les calcul d'intérêts, économiques ou idéologiques, et les dividendes que certains espèrent en tirer. Mais pour la beauté de la leçon démocratique, l'emblème progressiste que je vais réécrire à ma façon afin d'en expliciter tout le sens..

Être
maire de Londres est une dignité qui fait de Sadiq Khanlui la tête des « directions stratégiques » pour les transports, les offices de police et de protection civile (London Fire and Emergency Planning Authority), les services planifiant le logement, et  désigne l'homme comme premier responsable du budget annuel de l'Autorité du Grand Londres.

Plus intéressant encore: cette dignité l'habilite à figurer comme aspirant légitime à la primature dans les années à venir. En son temps,
le Français Chirac  a conquis la présidence depuis son bureau de maire à Paris.

Il va sans dire que Sadiq le musulman, aux yeux de plus d'un
Sadiq Khan
néo-puritains de l'extrême-droite en GB et en UE, passe pour ce que leurs pairs islamistes appellent kafir. Même si le mot arabe est surtout
«honoré» par ceux qui en parlent la langue, il y a dans la langue d'outre-Manche bien d'euphémismes (si on peut les appeler ainsi) pour dire  «infidèle». A commencer par musulman, islamique, mahométan.

Il va sans dire aussi que le plus orthodoxe de ces néo-puritains serait persuadé que l'élection de Sadiq n'est pas
«canonique». En somme pas halal. Et parce que haram, il y aurait à redouter que les pires calamités s'abattent, le long du mandat de «Zadig», sur Londres, la Grande-Bretagne et l'Occident chrétien. A cause des coquins qui ont fait d'un mahométan le maire d'une cité chrétienne.

Quand j'ai appris la nouvelle, je me suis dit, un peu candidement: "serait-il possible qu'un jour, triomphant du puritanisme nôtre, une démocratie arabe puisse faire d'un kafir (entendez un chrétien ou un juif), non pas le maire d'une capitale arabe, non pas le préfet ou sous-préfet d'une wilaya arabe, mais seulement un omda ? En serions-nous un jour capables ?

Et comme l'utopie de cette éventualité m'a contraint à rabaisser de sept crans le possible à explorer, je me suis dit:" serait-il loisible au moins que nous puissions un jour, sans terreur de prêches nous mettant en garde contre le kufr, ni homélies nous rappelant l'atroce supplice du tombeau, ni sermons soufflant sur notre visage les ardents feux de la géhenne, ni l'abominable anathème d'intelligence avec le sionisme pur et le sionisme chrétien, élire un sympathique kafir de chez nous, certifié issu de spermatozoïde et d'ovocyte
«sang pour sang» arabes ? En serions-nous capables dans un proche, moyen, sinon lointain avenir ?

C'est alors que je me suis rappelé les élections constitutionnelles tunisiennes de 2011. Et la campagne de prévention contre le kufr, menée tambour battant,  par les timbaliers des Frères pour éloigner non seulement leurs ouailles, mais toutes les ouailles du Prophète, des listes "coquines et athées". Les listes ainsi qualifiées par nos saints puritains étaient celles des "rouges", puis de toute la gamme à gauche, enfin de tout ce qui n'était ni islamiste ni nahdhaoui.

Je me suis rappelé, entre autres, une liste qui s'est présentée dans une circonscription du sud, pour laquelle j'avais (et j'ai encore) beaucoup de sympathie, présidée par une militante de ces femmes "mesurables à l'aune d'une dame et demi" (dixit Ouled Ahmed), et qui comptait, outre les rouges, comble du kufr ! un noir. Le CV de la militante, ses combats le long des années de braise, la mise sous les écrous de son compagnon, ni son bébé qui lui aussi avait  indirectement eu son lot de misères sous Ben Ali n'ont pu assurer aux "intouchables-inéligibles-kafirs" l’Épître du pardon.

Je me suis rappelé tant d'autres listes de gauche, dont les candidats sont connus pour la même probité, le patriotisme même, la même pérennité du combat, lesquelles listes ont perdu ces élections de 2011. Non pas seulement à cause de l'émiettement de la masse électorale (il y avait près d'une centaine de formations en lice) mais surtout à causse de la terreur, la peur bleue, greffée dans la cervelle d'un grand nombre de citoyens, sous la houlette des islamistes. On a vu dans de nombreuses régions des affiches et des banderoles invitant l'électeur à s'assurer son ticket d'accès, et de première classe, au paradis ! En votant islamiste, cela va de soi.

Combien d'électeurs, à un moment tentés de "compromettre" le repos assuré dans leurs futures tombes, ont vu surgir, à l'abri du rideau assurant le secret du vote, Mounkar et Nakîr ! Surgis comme d'une tombe virtuelle, tempêtant, rouspétant et distribuant des soufflets au suppôt de Satan ! suppôt qui, hamdoullah, en a immédiatement recouvré la raison. Et sauvé in extremis sa place au paradis, parmi le gratin des Élus, ayant à sa droite le Prophète, et à sa gauche le Cheikh Émir des Croyants.

Pour conclure, en fin de compte j'ai dû tapoter sur la joue de l'utopie, en la consolant du mieux que je pusse, lui récitant le poème ci-dessous de Ahmed Matar:
Version arabe du poème ci-dessous traduit


Hier j'ai contacté l'espoir
"Est-il possible, lui dis-je,
que l'exquis parfum sorte
du hareng salé et de l'ail ?"
- Oui, qu'il a dit.
- Est-il possible
que dans un foyer
trempé de pluie
le feu puisse s'allumer ?
- Oui-da! qu'il a dit.
- Est-il possible
que de la coloquinte
on distille du miel ?
-Assurément! qu'il a dit.
- Est-il possible
de mettre la terre
dans les anneaux de Saturne ?
- Oui, qu'il a dit.
Oui-da! assurément !
car tout est probable !
- Alors, dis-je, un jour
nos potentats arabes
rougiront de honte."

L'espoir me dit alors:
"si cela se produit
viens cracher à ma figure !"


Ahmed Matar (poète irakien)
Traduction A. Amri

A. Amri
09.05.2016


Version arabe sur ce lien.


Finkielkraut  trouvant indigeste la victoire de Sadiq Khan 






Réaction aux propos de Finkielkraut: Finkielkraut : nouvelle sortie de route, par Guillaume Weill Raynal sur Mediapart.






















jeudi 17 juillet 2014

Hommage à Ahmed Matar


"Je n'écris pas de la poésie; c'est la poésie qui m'écrit. Je voudrais bien me taire pour mieux vivre. Mais ce que j'endure me fait parler." Ahmed Matar

Selon des sources électroniques relayées par Oasis FM, le poète irakien Ahmed Matar serait décédé ce 17 juillet 2014 à Londres, à l'âge de 60 ans. Mais il semble que cette information est mensongère. Et nous souhaitons en avoir la confirmation au plus tôt.
Né dans la banlieue de Bassorah en 1954, Ahmed Matar a commencé à écrire la poésie alors qu'il était collégien âgé de 14 ans. Engagé depuis sa prime jeunesse, il connut la prison puis l'exil à deux reprises à cause de ses écrits. Une première fois au milieu des années 70 quand il fut contraint d'aller vivre et travailler au Koweït, puis en 1986 quand, expulsé avec son ami le caricaturiste palestinien Néji Al-ali, il alla s'installer en Grande Bretagne.

En modeste hommage à ce grand poète insoumis qui, où qu'il a vécu, n'est jamais resté à l'écart des problèmes politiques et sociaux des peuples arabes, ci-dessous deux poèmes traduits par l'auteur de ce blog. (A.Amri - 17 juillet 2014)


Pamphlet contre le tartufe Karadhaoui















 

Il revient à la charge
l'émetteur de fatwas

baver tout son soûl
sur l'honneur des femmes
excepté la quatrinité sacrée
ma mère, ma sœur
ma fille, ma femme
est halal

halal et sanctifié ici-bas
tout acte terroriste
à condition que ce ne soit pas moi
qui y passe de vie à trépas

que les maisons habitées
soient dynamitées
c'est du jihad
cent pour cent saint
pour autant que mon toit
à moi
en sorte sauf et sain

la vertu chez moi
une chenille qui se tord
selon les tribulations de la vie
et l'étoile sous laquelle
tel ou tel est né

quand loin de moi
elle tombe avec fracas
sur tel ou tel infortuné
l'épreuve m'engage
bouche cousue
à ne pas lever le nez
si elle percute mon nez
ma voix tonne et tempête
à grand fracas

Ainsi donc
à la guise d'une telle vertu
je ponds vendredi une fatwa
que samedi je ravale
si les bottes du plus fort
me la renvoient au panier

la modération en islam
c'est fifty-fifty
les délits
simultanément
on les consent et interdit

tels actes sont jugés impies
si le gros pis
de ma chamelle pie
s'en tarit
sinon pieux et zélés
s'ils drainent plus de jus
à ma chamelle et son pis

lui le mufti
a émis ses fatwas
et moi à mon tour
j'émets les miennes
le vice est dans l'ivraie
non dans le bon grain
la laideur
au cœur du sculpteur
et non dans la pierre
à sculpter
votre pondeur de fatwas
c'est la bombe et son poseur
n'accusez pas son consultant
pris dans la toilé d'araignée

par conséquent
nous sommes voués
à la destinée du troupeau
à l'abattoir alignés
écartelés entre les hachoirs
des sentences de mort
et les bottes de nos bourreaux

Et l'islam même en deviendra athée
si l'on ne musèle à temps ce mufti!

Ahmed Matar
Traduction A.Amri


23.01.2013

Entretien avec l'espoir



Hier j'ai contacté l'espoir
"Est-il possible, lui dis-je,
que l'exquis parfum puisse s'extraire
de l'oignon
et du hareng salé?"
- Oui, qu'il a dit.
- Est-il possible
que dans un foyer
inondé de pluie
le feu puisse s'allumer?
- Oui-da! qu'il a dit.
- Est-il possible
que de la coloquinte
on puisse distiller du miel?
-Assurément! qu'il a dit.
- Est-il possible
de mettre la terre
dans les anneaux de Saturne?
- Bah oui, qu'il a dit.
Oui-da! assurément!
car tout est probable!
- Alors, dis-je,
un jour assurément
nos potentats arabes
rougiront de honte."

L'espoir me dit alors:
"Si cela se produit
viens cracher à ma figure!"

Ahmed Matar
Traduction A. Amri

19.02.2013
 
 
 
Poèmes traduits du même auteur:
Abbas, fourbis ton arme !
 
Au sujet de Ahmed Matar:

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