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mercredi 3 août 2016

Les Chevaliers de la Morale et de la Vertu et notre vie privée

« Suivant le récit d'Abou Daoud, fondé sur l'autorité d'Amasch, qui le tenait de Zaid, on vint trouver Abdallah ibn Masoud et on lui dit: «Voici un homme dont la barbe dégoutte de vin »; sur quoi il répondit : «Il nous a été défendu d'espionner; mais si quelque chose de contraire à l'ordre s'offre à nos yeux, nous devons punir. » Talibi rapporte la même chose d'une manière un peu différente, sur l'autorité de Zaid ibn Wahab, suivant lequel on dit à Abdallahibn Masoud: « As-tu quelque chose à ordonner par rapport à Walid ben Akaba, dont la barbe dégoutte de vin,» et il répondit : «Il nous a été défendu d'espionner; mais si quelque chose de. contraire à Tordre s'offre à nos yeux, nous punissons. » (Walter Behrnauer, Mémoire sur les institutions de police chez les Arabes, les Persans et les Turcs, Impr. impériale (Paris), 1861, p. 6)


Alors qu'il était calife de 634 à 644, Omar ibn al-Khattâb sortait souvent la nuit pour faire un tour d'inspection à Médine, capitale du jeune Empire musulman. Un soir qu'il effectuait cette randonnée de routine, il entendit s'élever d'une maison une chanson gaillarde. Quand il put localiser la source de la voix et s'en approcher de plus près, il a acquis la certitude que celui qui chantait à l'intérieur de sa demeure était ivre. Il décida de s'introduire immédiatement dans la maison pour arrêter et punir le sacrilège, persuadé que le calife qu'il était usait ainsi d'un droit irréprochable et en tout conforme à la charia. Ayant escaladé le mur et poussé une porte, le calife a découvert alors que non seulement le maître de céans était en train de boire, mais il était en plus en galante compagnie. Ivresse et adultère: deux délits cumulés passibles, le premier de quatre-vingts coups de fouet, le second de lapidation jusqu'à ce que mort s'ensuive.

"Ennemi d'Allah! cria le calife. Crois-tu que Dieu puisse te couvrir alors que tu es en train de transgresser Ses lois ?" Ce à quoi l'homme ainsi épinglé répondit:" Commandeur des croyants, ne vous hâtez pas de me condamner pour deux fautes qui, quelle que soit leur gravité, sont circonscrites dans la maison qui m'appartient et ne regardent que ma personne et ma complice. Mais songez plutôt à demander la clémence de Dieu pour vos propres fautes, dont l'impact est beaucoup plus étendu. Car nonobstant votre droiture et votre souci de justice, Commandeur des croyants, vous venez de transgresser en cette nuit et ce lieu trois lois divines, et non des moindres. La gravité de vos fautes en cette circonstance dépasse de beaucoup ce que j'ai commis !"

- Comment cela ? interrogea Omar. L'homme répondit: « le Coran dit: "n'espionnez pas !"(ولا تجسسوا), et vous venez de m'espionner dans l'enceinte de mon domicile. Et d'une ! et de deux: Dieu dit:" entrez dans les maisons par leurs portes !"(وائتوا البيوت من أبوابها), et vous vous êtes introduit chez moi par effraction en escaladant le mur. Et de trois: Dieu dit:" n’entrez pas dans des maisons autres que les vôtres avant de demander de façon courtoise la permission et de saluer leurs habitants (لا تدخلوا بيوتا غير بيوتكم حتى تستأنسوا وتسلموا على أهلها)". Et vous n'avez pas respecté non plus ce commandement divin».

Toutes les sources1 concordent pour affirmer que Omar ibn al-Khattâb, très à cheval sur la question du droit, a reconnu la justesse de cette plaidoirie et acquitté en conséquence l'homme. Abou Echeikh al-Asbahani va jusqu'à dire que Omar est sorti de la maison de ce noceur en pleurant2. Les supposés flagrants délits que le calife a voulu sanctionner par la charia sont devenus, par cette même charia lue d'une manière dynamique, nuls et non avenus, et ce dès que leur constatation s'est révélée en elle-même non conforme au droit à la vie privée et à l'inviolabilité du domicile.

S'il faut rappeler aux musulmans ce fait historique attesté, lequel n'est pas unique -il faut bien le souligners3, c'est que 14 siècles après Omar, les « Chevaliers de la Morale et de la Vertu» islamiques ne savent pas encore ce qu'est une vie privée. Sur ce chapitre précis, hélas, ils ne sont même pas capables de se hausser au niveau de la charia.

Vladimir Veličković (La chute)
Ce lundi 1er août 2016 dans un quartier situé au nord de l'agglomération de Tunis, l'atteinte à l'inviolabilité du domicile et à la vie privée a fait un mort âgé de 21 ans. Un frais bachelier résidant à Menzah VI, quartier aménagé au début des années 1970 avec une part importante d'habitat collectif, a invité dans son appartement sa copine. Il n'a pas fait la nouba. Ni perturbé le moins du monde le repos des voisins. Mais dans sa hâte d'être à l'abri de tout regard indiscret, il a oublié les clés sur la porte. Et n'a pas soupçonné qu'une voisine de palier n'attendait qu'une telle opportunité pour le traîner dans la boue. La femme, selon toute apparence dragon de vertu et voulant faire la "brigadière de mœurs" dans l'immeuble, a enfermé le couple et appelé la police. Quand le jeune homme s'est aperçu du guêpier dans lequel il s'est fait fourrer avec son amie, il a tenté de descendre par la fenêtre afin de rouvrir de l'extérieur la porte. Il voulait surtout épargner à son amie les conséquences fâcheuses d'une interpellation policière. Malheureusement, la tentative lui a coûté la vie. Il a glissé, et tombant à la renverse, il a succombé peu de temps après à une fracture crânienne.



A.Amri
03.08.2016



=== Notes ===

1- Voir Assyouti (السيوطي ), Alaâ Eddin al-Muttaki (علاء الدين علي المتقي), Al-Kharaiti (الخرائطي).

2- Attawbikh wat'tanbih (Blâme et Prévention).

3- Al-Bayhaqi rapporte dans Al-Sunan al-Kubra que le même calife Omar ne s'est pas permis de s'introduire dans la maison de Rabiâ ben Omaya ben Khalaf, alors que celui-ci était en train de faire la noce avec une joyeuse compagnie.

mercredi 31 décembre 2014

Mohamed Cheikh Ould Mohamed: un cri juste que les injustes n'admettent pas



"Tout musulman qui apostasie, sans se repentir dans un délai de trois jours, est passible de la peine de mort." (Article 306 du Code pénal mauritanien)

Mohamed Cheikh Ould Mohamed



Il ne faut pas crier à l'injustice dans les pays musulmans. Surtout quand ces pays sont de facto au dessus de l'injustice. Parce que gouvernés par la charia de Dieu. Immunisés contre les dérives, les erreurs, les abus et toutes sortes de tares qui, ailleurs, affectent et infectent les lois séculières.
Et si malgré tout, injustice il y a, si malgré tout, cette injustice est flagrante, criante, intenable, si malgré tout il s'avère impossible de se taire quand l'injustice broie, opprime, lèse au quotidien ses victimes et les accule à hurler, il faut alors tourner sept fois sa langue et la retourner encore avant de découdre ses lèvres. Sous peine d'aller loin, n'en plaise à Dieu, et de montrer du doigt, ne serait-ce que de façon pudique et dans son intérêt, l'islam. Ce serait, n'en plaise à Dieu,  commettre un mal irréparable. L'offense suprême. Imputer à Dieu, au Prophète, à la charia et aux sentinelles thuriféraires des lois parfaites un mal qui, il va de soi, n'est pas le leur. Ce serait, n'en plaise à Dieu, apostasier l'islam.

Cette imprudence-là, Mohamed Cheikh Ould Mohamed n'a pas su s'en prémunir. Et elle lui a valu la peine de mort. Juste évidemment, évidemment incontestable, irréprochable indubitablement parce que conforme à la charia de Dieu. C'est ce que vous diraient les inquisiteurs des temps modernes et de tous les temps, les cerbères de l'obscurantisme religieux, les oppresseurs des peuples et des hommes, qui perpétuent, en Mauritanie ou ailleurs, le règne de la barbarie.

Ingénieur âgé de 28 ans, Mohamed Cheikh Ould Mohamed appartient aux Maalmines (forgerons), caste marginalisée entre autres dans un pays où les privilèges et les discriminations du féodalisme, à quoi ajouter le racisme et les séquelles de l'esclavagisme, sont prégnants. Quoique lui-même, cadre et fils de haut fonctionnaire, ne soit pas directement affecté par l'injustice qui frappe le commun de sa caste, au mois de décembre 2013, cet ingénieur a osé lever la voix pour dénoncer le mal mauritanien. Les privilèges dont jouissent les Bidhane, caste de l'aristocratie régnante, et les préjudices qui en découlent, frappant le reste de la population. Diagnostiquant ce mal à travers un article publié sur le web, l'auteur n'a pas mâché ses mots pour incriminer la religion. Non pas l'islam dans sa substance révélée mais celui vicié dès l'origine par le pouvoir politique basé sur les privilèges du sang et des alliances. C'est cette altération de la religion par la religiosité, savamment analysée, et à bon droit mise en cause, qui constitue le principal propos de son article. Et parce que cette mise en cause ne peut plaire ni à la caste régnante ni aux jurisconsultes locaux moyenâgeux dont les interprétations rétrogrades et anachroniques de l'islam lui servent de garde-fou, dès la parution de l'article la réaction des ultras ne s'est pas fait attendre. De toute part, les cerbères du système ont montré leurs canines, vouant au bûcher le "mécréant". En dépit d'une mise au point où l'auteur a clamé son innocence et explicité son amour et son respect du Prophète, le 2 janvier 2013 il a été arrêté à Nouadhibou (nord-ouest de la Mauritanie) et écroué. Au bout d'un an de détention et pour couronne de calvaire(1), ce 24 décembre 2014 la cour criminelle de Nouadhibou l'a jugé coupable et condamné à la peine capitale.

Parce que cette peine est injuste quelles que soient les raisons des tribunaux islamistes et des seigneurs qui gouvernent la Mauritanie, nous dénonçons avec vigueur autant la sentence que le climat d'inquisition moyenâgeuse qui lui a été propice. N'en déplaise aux oppresseurs qui perpétuent le règne de la barbarie en Mauritanie ou ailleurs, nul ne peut être jugé pour ses opinions ou sa croyance religieuse.


Tout en appelant les citoyens du monde, les ONG internationales, les Etats et leurs missions diplomatiques à se mobiliser pour sauver de l'échafaud Mohamed Cheikh Ould Mohamed, nous publions ci-dessous la traduction de l'article qui a valu à son auteur l'absurde arrêt de mort.


                                                                                 Ahmed Amri - 31.12.14



"
La religion n'a rien à voir, honorables Maalemines(2), avec votre problème. Car en religion il n'y a pas de considération ni pour le lignage ni pour la classe. Ni Maalmines (2) ni Bidhanes(3) n'y ont de place, ne vous en déplaise. Votre problème, si ce que vous dites est exact, peut être rattaché à ce qui s'appelle religiosité. C'est là une nouvelle thèse qui a trouvé parmi les Maalmines eux-mêmes certains de ses ardents défenseurs. Convenons-en donc !

A présent, permettez-moi de revenir à la religion et la religiosité pour éclairer le statut du lignage et de la classe dans la religion.
Quelle différence y a-t-il entre religion et religiosité?
Selon, Dr Abdelmajid Ennajar:" la réalité de la religion diffère de celle de la religiosité. La religion dans son essence ce sont les préceptes fondateurs de la législation divine. Alors que la religiosité est la mise en pratique de tels préceptes. Celle-ci est un fait humain. Cette différence conceptuelle conduit, en réalité, à  une différence de caractéristiques et de jugements spécifiques à l'un ou à l'autre concepts." (2).
Par conséquent, la religion est un fait divin et la religiosité fait humain. A quel moment au juste de l'histoire rattache-t-on la religion et la religiosité?
Il va sans dire que, vues dans le contexte islamique, elles appartiennent à deux périodes distinctes: la religion se rattache à la vie de Mohamed; la religiosité, quant à elle, est postérieure à telle vie.
Considérons à présent quelques exemples de la première période.

Temps: juste après la bataille de Badr en 624 apr. J.-C. Lieu: Yathrab.
Voici le jugement prononcé au sujet des prisonniers de Quraish tombés aux mains des musulmans:   "Messager de Dieu, a dit Abou Bakr Esseddik premier conseiller du Prophète, ces prisonniers sont des cousins, des frères, des enfants du clan. A mon avis, nous devrions leur imposer une rançon, ce qui constituera un supplément de force pour nous contre les infidèles. En même temps, gardons l'espoir que Dieu les guidera vers le bon chemin; et ils seront demains nos alliés."

Remarque: qui sont ici les infidèles selon Abou Bakr ?(3)

C'est tel jugement de Abou Bakr qui a prévalu en la circonstance. Avec un amendement en faveur de ceux qui n'avaient pas d'argent: au lieu de payer la rançon, servir de précepteur aux enfants des musulmans.
Mais doucement ! il y a eu une dérogation pour Zeyneb, fille du Prophète, qui voulait racheter par un collier déposé chez Khadija(4) son mari Abou Alâs. A sa vue, le Prophète s'est beaucoup apitoyé et a dit à ses compagnons: " si vous n'y voyez pas d'inconvénient, rendez-lui son mari et son bien (collier)!"(5) Ce à quoi les compagnons ont répondu positivement.

A quoi rime, selon vous, cette exception ?

Temps: 625
apr. J.-C. Lieu: Ohad.
Événement: bataille entre les musulmans et les quraïshites.
Tandis que la tribu de Quraysh affrontait les musulmans pour venger la défaite de Badr et espérer en finir avec Mohamed et ses partisans, Hind bent Ataba a commandité Wahshi pour tuer, en échange de son émancipation et d'une rétribution en bijoux, Hamza. Hind a obtenu ce qu'elle voulait.
Quelques ans plus tard, au lendemain de ce qu'on a convenu d’appeler la conquête de la Mecque, Hind s'est convertie à l'islam. Ce qui lui a valu le titre "Honorable mécréante, musulmane honorable". Wahsi, quant à lui, le Prophète l'a sommé de disparaitre quand il s'est converti à son tour à l'islam !
C'est que Hind est quraïshite alors que Wahsh est
abyssinien. Sinon comment expliquer une telle discrimination ? Ne se valent-ils pas en tant que coupables à tout le moins, car, pour être plus équitable, il faudrait dire que la vraie coupable du meurtre de Hamza est Hind, Wahsh n'étant en la circonstance qu'un esclave exécutant un ordre?

Toujours dans la même bataille, comparons le sort de Wahsh à celui de Khaled Ibn Al-Walid. Ce dernier a été la principale cause de la défaite des musulmans à la bataille de Ohad. Malgré le grand nombre de morts enregistrés dans cette défaite, à sa conversion à l'islam Khaled Ibn Al-Walid a été honoré par le titre Epée dégainée d'Allah. Pourquoi Wahshi n'aurait-il pas mérité un titre comme Lance-d'Allah-qui-ne-rate-jamais-sa-cible ?


Lieu: la Mecque.
Temps: 630 apr. J.-C. Évènement: conquête de la Mecque. Que s'en est-il suivi ?
Tous les Mecquois ont été amnistiés malgré les divers préjudices causés au prophète Mohamed et à son message, et quand bien même l'armée musulmane était capable de les exterminer. L'amnistie a été proclamée comme suit par le Prophète alors que les Mecquois étaient rassemblés près de la Kaaba:
"Que pensez-vous que j'aille faire de vous?" dit le Prophète. "Tout le bien, répondirent les Mecquois. Tu es un frère généreux et non moins généreux neveu." Et le Prophète leur dit alors:" vous n'êtes plus blâmables désormais. Que Dieu vous par
donne ! Partez! vus êtes libres."
Cette amnistie a permis de préserver les vies humaines, d'éviter la captivité, de garder intacte la propriété de l'argent mobile et des terres et de ne pas soumettre ces biens à l'imposition. En cela, la Mecque n'a pas été traitée comme d'autres zones.

Lieu: Forts
Banu Qurazya. Temps: 627 apr. J.-C. Événement: extermination des Banu Qurayza. Cause: complot d’individus de  Banu Qurayza contre les musulmans dans le siège de la Tranchée (sachant que les individus ici "justiciables" n'étaient que les chefs et qu'il y a un verset qui dit à ce propos: "personne ne peut porter le fardeau d'autrui".)
C'est un fait attesté que lorsqu'il s'est approché des forts de Banu Qurayza qu'il a tenu en siège, le Prophète s'est adressé aux juifs comme suit:" frères des singes et des porcs (4), idolâtres, vous m'insultez ?" Les juifs ont juré alors par la Torah révélée à Moïse que non. " Abu al-Qasim, disent-ils, vous n’êtes pas de ceux qui sont profanes." Le Prophète a alors mis en première ligne les archers.

Avant de poursuivre, je voudrais m'arrêter ici pour remarquer qu'en citant le Prophète, nous sommes censés nous appuyer sur "l'esprit totalisant", l'autorité morale infaillible.
Comparons à présent le sort des Mecquois et celui des Banu Qurayza. Ceux-ci, sans passer aux faits, ont eu les velléités de conspirer avec Quraish pour en finir avec Mohamed et son message. Et alors que les quraishites ont été amnistiés, les Banu Qurayza ont été passés aux armes. Sans distinction aucune entre celui qui a failli rompre le pacte et celui qui qui n'a rien à se reprocher à ce propos. On a tué les guerriers des Banu Qurayza et capturé leurs enfants. Et l'on raconte, à ce sujet, que pour déterminer si un adolescent devait être tué ou capturé, il fallait découvrir son bas-ventre. Celui qui avait le pubis poilu se faisait tuer et celui qui l'avait non poilu avait la vie sauve.

Ainsi donc, Quraish qui s'est opposée aux musulmans dans plus d'une bataille, qui les a assiégés de manière impitoyable à la Tranchée, qui a recruté, au début du message, 40 jeunes pour tuer Mohamed à la veille de la migration vers Médine, qui, auparavant, a tué et torturé de la pire manière des musulmans, le jour de la conquête de la Mecque a trouvé en Mohamed un frère généreux et un non moins généreux neveu qui leur a dit: "partez! vous êtes libres." A l'opposé, les Banu Qurazya qui ont juste failli s'allier avec les mécréants contre Mohamed ont été rétribués par un massacre général. Où est allée la miséricorde ? Faut-il en conclure que les "frères et consorts" ont un rôle dans "l'esprit totalisant et absolu" ?

En guise de résumé, si le concept "cousins-clan-frères" pousse Abou Bakr à s'abstenir de tuer les infidèles, si la relation parentale entre le Prophète et Zeyneb autorise la fille à recouvrer son mari et son bien sans autre forme de procès, si le sang tribal autorise qui de pouvoir à distribuer des titres d'honneur aux qurashites et les refuser aux abyssiniens, si la fraternité, les liens de sang, de parenté, autorisent d'accorder la grâce à Quraish et de ne pas l'accorder aux Banu Qurayza, si cela est monnaie courante au temps du Prophète, soit au temps de la religion, comment s'étonner qu'il en soit de même aujourd'hui au temps de la religiosité?

Frères, je voudrais juste conclure avec vous, et je m'adresse en particulier aux Maalmines, que la tentative de différencier la substance de la religion de la réalité propre à la religiosité est "bonne mais non concluante". On ne peut occulter la réalité que ces "lionceaux [NDT: les Bidhanes] sont en fait les descendants du lion" [NDT: l'ordre mahométano-quarishite]. Ceux qui souffrent doivent être honnêtes avec eux-mêmes, quelle que soit la cause de leur souffrance. Et si la religion est impliquée dans  cette souffrance, disons-le de vive voix: la religion, les hommes de religion, les livres de religion, jouent le rôle qui est le leur dans les questions sociales, que ce soit celles des Lahratin(5), des Maalmines, ou celle des Ikawns(6) à propos de qui la religion stipule que leur manger, leur boire, leur travail sont harams [ndt: illicites].

Mise au point:

Durant les jours passés, j'ai suivi les réactions suscitées par mon article "Religion, religiosité et Maalmines", lesquelles étaient en grande partie takfiristes et ostensiblement racistes. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques chargés de menaces et d'intimidation.
De nombreux facteurs ont contribué à créer un climat propice à de telles réactions, dont l'analyse fondée sur la théorie conspirationniste chez les Azways (7) qui taxe de juif et de mécréant, tout en le marginalisant, quiconque se réclame du sang maalmine. A quoi ajouter le prosaïsme le plus plat chez ces mêmes Azways qui, pour servir des fins machiavéliques et dénotant leur esprit malade, attribuent de façon mensongère des propos au Prophète, tels que: "un forgeron n'est bon à rien, serait-il un savant."


Mohamed Cheikh Ould Mohamed
Traduit par A. Amri
30.12.14



Notes:


1) Sous la pression des campagnes de presse orchestrées par les islamistes, peu de temps après son arrestation sa propre famille a publié un communiqué pour le dénoncer et le bannir. Puis les parents de son épouse ont contraint celle-ci à se séparer de lui. Enfin, avant même le procès, son employeur l'a licencié.

2) NDT: caste des forgerons qui figure en bas de l'échelle de la hiérarchie "traditionnelle" mauritanienne.

3) NDT: si le sous-entendu ne peut être compris (surtout par ceux qui ne sont ni musulmans ni arabes), précisons que l'auteur veut dire qu'aux yeux de Abou Bakr, en tant qu'enfants de la tribu dont le Prophète est issu les quraishites capturés ne peuvent s'assimiler à des infidèles.

4) NDT: épouse du Prophète.

5)- NDA: Bidhane البيضة est un terme qui désigne la caste la plus élevée en Mauritanie, considérée comme étant d'extraction pure, blanche comme l'explicite la racine du terme أبيض. Cette caste est en fait un mélange de descendances arabo-berbères.

6)NDA : "il les a traités ainsi parce qu'ils l'ont insulté." (Tobari 2/252 commenté et annoté par cheikh Ahmed Shaker. Cité aussi par Ibn Kathir.

7) NDT: Caste des noirs libres.

8) NDT: Caste des griots (artistes, et en particulier dans le domaine de la chanson).

7) NDT: Elite éclairée (ou estudiantine) des Bydhane.

vendredi 16 mai 2014

Meriem Yahia Ibrahim: à vous votre religion, à moi la mienne !

Meriem Yahia Ibrahim est une femme médecin soudanaise âgée de 27 ans. Elle est née d'un mariage mixte interconfessionnel, son père étant musulman et sa mère chrétienne. Suite au divorce de ses parents qui a suivi de peu sa naissance en 1987, elle a vécu depuis sa prime enfance sous la tutelle exclusive de sa mère.

En 2012, Meriem a épousé un médecin originaire du Soudan du sud, de confession chrétienne, et a eu de lui un enfant âgé de 19 mois. A l'heure qu'il est, enceinte depuis 9 mois, Meriem attend son deuxième enfant(*). Elle serait sans doute une mère heureuse, une femme comblée, sans le tournant tragique que sa vie a pris malgré elle depuis deux ans. Et dans lequel s'imbriquent les rouages infernaux d'un islam sclérosé et déshumanisé, l'islam et la charia des Frères Musulmans.

En effet, en 2012 la justice soudanaise reçoit un communiqué dénonçant un mariage non conforme à la charia, en l’occurrence celui de Meriem Yahia Ibrahim (que les auteurs du communiqué prétendent connaitre comme une parente musulmane) et son conjoint chrétien. Alors que le mariage d'un musulman avec une chrétienne ou une juive est explicitement autorisé dans le Coran, celui d'une musulmane avec un non musulman, faute de référence coranique tranchant pour ou contre, est interdit par la charia. Mais cela n'a pas empêché des oulémas comme Hassan al-Tourabi, ancien chef des Frères musulmans soudanais, d'émettre une fatwa autorisant tel mariage. Toujours est-il que le rigorisme des législateurs et leur sexisme allant de pair à ce chapitre, le mariage d'une musulmane avec un non musulman reste prohibé dans la plupart des pays musulmans. Et seule la conversion à l'islam du postulant au mariage assure sa légalité à une union de tel ordre.

Quand la justice soudanaise a interrogé à propos de sa confession Meriem, celle-ci a nié avoir été musulmane, affirmant qu'elle est chrétienne de naissance. Ce qui est juste et n'admet aucune chicane, n'en déplaise à l'islam des fanatiques bornés et phallocrates. Meriem a été élevée par sa mère qui, mariée ou divorcée, a conservé sa propre confession et l'a transmise par l'éducation à sa fille. Et à supposer que celle-ci ait abjuré l'islam et se soit convertie au christianisme, quel sens donneraient les intransigeants de la charia au verset:" à vous votre religion, à moi la mienne لكم دينكم ولي ديني"? N'y a-t-il pas là un jugement clair, net et tranchant en faveur de Meriem?

Mais cela n'est pas l'avis des juges devant qui Meriem a comparu depuis août 2013, le fait que cette femme honnête et courageuse a nié être musulmane ne pouvant s'entendre que comme un aveu public d'apostasie.. apostasie de l'islam! En conséquence et au mépris d'un droit universellement reconnu, Meriem se voit jugée conformément à deux articles du code pénal soudanais: l'article 126 relatif au délit d'apostasie et l'article 146 relatif au délit d'adultère. Les peines respectives encourues sont la peine capitale et 100 coups de fouet!

Le 11 mai 2014, la justice soudanaise a accordé à l'accusée un délai de 3 jours pour déclarer son repentir. Si Meriem abjure la chrétienté et atteste qu'il n'est de Dieu qu’Allah et Mohamed est le prophète d'Allah, la peine de mort tombera. Sinon elle n'aura droit qu'au sursis lui permettant d'accoucher et d'allaiter pendant deux ans son bébé.

Ce 15 mai, Meriem a comparu devant un tribunal de Karthoum pour dire son dernier mot. Avant que la sentence ne soit prononcée. "Je suis chrétienne, clame-t-elle malgré tout, et non musulmane!"
- Puisqu'il en est ainsi, lui répond le juge, alors que nous t'avons accordé 3 jours pour te décider à te repentir, tu persistes à rejeter l'islam, nous te condamnons à la mort par pendaison!"

Nous voudrions bien que le juge qui a prononcé ce verdict au nom d'Allah nous éclaire un peu sur le sens exact du verset coranique: "Point de contrainte en religion لا إكراه في الدين".
Bons apôtres de l'obscurantisme qui nous tue, ennemis de la lumière et de la vie, si votre charia applique à la lettre les préceptes divins comme elle le prétend, elle ne pourra qu'acquitter cette femme jugée et condamnée de façon inique, arbitraire, barbare.

A. Amri
16 mai 2014


*- Ce deuxième enfant, une petite fille, vient de naitre en date du 27 mai 2014.


Lien externe:

Prière de signer et relayer la pétition mise en ligne par Amnesty International:
Libérez Meriam Yehya Ibrahim, jeune soudanaise condamnée à mort en raison de sa religion

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...