vendredi 20 décembre 2013

Ahmed Manaï: Marzouki est justiciable pour ses crimes en Syrie

Dr Ahmed Manai est assurément le premier opposant déclaré de Ben Ali. Pour avoir créé avec Mondher Sfar le Comité tunisien d'appel à la démission de Ben Ali en janvier 1993, il était devenu l'ennemi public numéro un du dictateur déchu. Torturé, emprisonné, traqué en exil, tabassé à maintes reprises par les sbires du palais de Carthage, menacé de mort lui et sa famille, ce militant dont le cv et la probité sont exemplaires ne peut pas plaire aux nains faisant les potentats qui gouvernent aujourd'hui la Tunisie. Sinon comment expliquer que Le livre Noir de Marzouki tente de trainer dans la boue un tel militant historique intègre?

Le 11 décembre 2013, Dr Ahmed Manaï a accordé une interview à CAP FM Radio dans laquelle il s'est exprimé sur la récente publication de Moncef Marzouki, puis sur la question syrienne et enfin sur la justice de transition.
Concernant ce dernier volet (non traduit ici), Dr Ahmed Manaï est persuadé que la Tunisie devrait s'inspirer de l'exemple sud-africain. Et l'interviewé a rendu un vibrant hommage au disparu Mandela, non sans rappeler qu'à travers l'Irak et d'autres contextes similaires les Arabes se sont révélés plus vindicatifs que conciliants. Et le fait que certains islamistes tunisiens se plaisent à profaner le combat de Mandela en surnommant ce dernier Mandil (serviette) n'est pas de nature à augurer d'une exception tunisienne à ce niveau.
Ci-dessous une traduction partielle de cette interview, couvrant la première moitié (une quinzaine de minutes), laquelle est consacrée au Livre Noir et à la responsabilité de Moncef Marzouki dans l'effusion du sang en Syrie. Dr Ahmed Manaï a été interrogé tour à tour par Hassan Hameli et Soufiene Ben Farhat.



CAP FM:

Tout d'abord, on voudrait connaître votre opinion sur le Livre Noir paru récemment et qui a suscité une grande polémique. Vous-même avez déjà écrit et fait des déclarations au sujet de ce livre. Quelle est votre attitude à ce sujet? S'agit-il d'une manœuvre d'intimidation qui cible les journalistes?

A.Manai:

Avant tout, il faut convenir que cette publication ne mérite pas qu'on l'appelle livre. C'est une compilation d'insanités qui comporte un grand nombre de mensonges. Que telles insanités soient attribuées à des plumes ayant collaboré avec l'ancien régime ne peut que renforcer le discrédit frappant le soi-disant livre. Personnellement, je suis persuadé qu'une grande part de ce patchwork d'inepties est l’œuvre du palais de Carthage.

CAP FM:
Vous avez dit en toutes lettres, Dr. Ahmed Manai, que le contenu du Livre Noir est une fiction tramée par les résidents du palais de Carthage. Vous avez déclaré aussi, à propos des archives de la police politique -et nous y reviendrons, que c'est une bombe à retardement. A votre sens, pourquoi le
Livre Noir serait une fiction tramée par les résidents du palais de Carthage?

A.Manai:
D'abord, en me référant à ce que j'ai lu en premier lieu concernant les personnes défuntes comme feus Mohamed Mzali, Salah Karkar, Ali Saîdi, je dirais que le devoir moral de ceux qui ont publié ces insanités est de respecter la mémoire des morts s'ils les évoquent. Sinon se taire par décence. Mais au lieu de cela, ils ont affublé ces morts de calomnies, de choses ridicules. Alors qu'un grand nombre de ces personnes ont rendu d'éminents services à M. Marzouki, et durant de nombreuses années. Ceci concernant les défunts.
En ce qui me concerne moi-même, permettez-moi de rappeler d'abord ce qu'un opposant en exil peut faire. Globalement des contacts avec des ONG, des médias. Et la rédactions de textes, d'articles, de temps à autre des informations. La réaction du régime, ses réactions plutôt étaient multiformes. L'auteur de ce livre dit que l'action de l'Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE) a débuté en 1997, ce qui est inexact. L'ATCE a commencé son travail à partir de janvier 1993. J'ouvre ici une parenthèse pour signaler que je détiens tous les documents publiés par des organisations ou des individus collaborant avec le régime, lesquels documents sont dirigés contre les opposants. Je ne me permettrais pas de polémiquer ici sur la valeur de ces personnes, évaluant positivement ou négativement tel ou tel opposants. Mais, en gros, les publications de l'ATCE sont des attaques visant ces personnes.
Je disais que l'ATCE a commencé son action en 93. Et c'était en France, au lendemain de la création du
Comité Tunisien d'Appel à la Démission du Président Ben Ali que j'ai fondé en association avec Mondher Sfar au mois de janvier 93. L'attaque a commencé aussitôt depuis Paris. Quand il est apparu que ce comité a provoqué une crise diplomatique entre les deux pays. A ce propos, j'ai entre les mains un article écrit par Debré, en ce temps-là correspondant du journal Le Monde à Tunis...

CAP FM:
Michel Debré.

A.Manai:
Ce correspondant a parlé d'une crise suscitée par la création de ce comité. Et l'ATCE a alors publié à Paris un article signé m'assimilant à un fondamentaliste ayant déjà présidé une campagne électorale au Sahel. Quant à Mondher Sfar, on lui a attribué une appartenance à la droite française, en précisant qu'il écrivait à Présent, quotidien à la solde du Front National. C'étaient des attaques de ce genre. Mais il n'y avait pas de basses calomnies faisant état de la débauche d'un tel, comme on en a lu dans ce livre.L'ATCE a poursuivi son action jusqu'en 97. Et ce qui a été publié en 97 à mon sujet et au sujet de Mondher Sfar ce sont des menaces d'agression et d'assassinat. Sfar a été menacé d'être jeté à la Seine. Et ces menaces ont été suivies d'actes, ce que Le Livre Noir ne mentionne pas. Sfar et moi-même avons été agressés deux fois. En ce qui me concerne, j'ai été tabassé le 29 février 1996. Pour Mondher Sfar, c'était en avril 96. La deuxième agression ciblant ma personne a eu lieu le 14 mars 97. Et l'ATCE publiait à la suite de chacune de ces agressions que c'était une chose méritée, qu'il aurait été  souhaitable que de telles agressions se soient soldées par la mort des personnes qui en ont fait l'objet. Mais ces calomnies qui se sont poursuivies et ont ciblé plusieurs personnes s'en tenaient au cadre strictement politique, ne descendaient jamais si bas. A titre d'exemple, on répandait que tel est agent de la CIA et tel agent des Renseignements français.

CAP FM:
Au sujet de la citation de votre nom dans Le Livre Noir, vous avez déjà déclaré que ce sont des insanités. Mais vous avez fait une autre  déclaration, il y a deux jours, qui n'est pas passée inaperçue, dans laquelle vous adressez un message
à Moncef Marzouki, président provisoire, que vous interpellez par ces mots: "patientez, je vous poursuivrai devant la justice pour vos crimes en Syrie."
Pourquoi?

A.Manai:
Sans transition au sujet de cette deuxième affaire, personnellement je tiens M. Marzouki pour responsable en grande partie de ce qui s'est passé en Syrie. Permettez-moi de rappeler que j'ai adressé en mars 2012 une lettre ouverte à M. Marzouki. Je lui ai demandé de faire de son mieux pour garder la Tunisie au dessus de la crise syrienne. "Cette crise, lui dis-je, n'est pas comme vous l'imaginez. C'est une guerre déclarée contre la Syrie." Ma lettre ouverte était assez courtoise. Et c'est naturel: je l'ai écrite en tant que citoyen tunisien soucieux de voir son pays adopter une diplomatie extérieure qui soit à l'image de notre diplomatie traditionnelle. Parce que, en toute franchise, en dépit de la satanisation de l'ancien régime, la politique extérieure de Ben Ali ne s'est pas écartée, dans ses grandes lignes, de la tradition bourguibienne. C'était une politique équilibrée, sans fracas ni problèmes, que ce soit avec nos voisins ou avec les pays lointains.
Au lieu d'une telle diplomatie, ce que nous avons vu à l'endroit de la Syrie c'est l'engagement dans une campagne, une aventure dont l'issue est insoupçonnable. Ce que M. Marzouki ne pouvait imaginer à l'époque c'est que cette guerre contre la Syrie était planifiée et serait destructrice. En mars 2012, quand je lui ai adressé ma lettre ouverte,  le nombre de morts en Syrie était aux environs de 1500.


CAP FM:
Mille cinq cents morts en mars 2012. Actuellement, le chiffre dépasse cent mille.

A.Manai:
Actuellement, le chiffre se situe entre 120 et 130 mille. Je voudrais poser cette question: qui assume la responsabilité d'autant de sang qui a coulé en Syrie durant les deux dernières années?

CAP FM:
Dr Manai, si vous voulez bien expliciter davantage le rapport de cause à effet entre
M. Marzouki et ce lourd bilan de la guerre en Syrie?

A.Manai:
Rappelons que, outre ce que j'ai documenté moi-même, il y a des organisations respectables, en Tunisie ou ailleurs, qui collectent dans l'incognito des informations et documentent les déclarations de M. Marzouki, entre autres, au sujet de la question syrienne, lesquelles déclarations permettent d'en déduire que leur auteur incite les terroristes à aller se battre en Syrie. A cela ajoutez sa réception de leaders suspects d'être derrière l'envoi de jihadistes vers la Syrie...

CAP FM:
Au cours du congrès des soi-disant amis de la Syrie, dont l'initiative revient à la Tunisie.

A.Manai:
Oui. A partir de ce congrès, la Tunisie à travers son président et d'autres personnes a commencé de glisser dans le bourbier syrien. C'est à ce niveau précis que M. Marzouki assume sa responsabilité dans le carnage de ces 120 à 150 mille personnes, conséquence de l'engagement tunisien et de ce congrès des soi-disant amis de la Syrie tenu à Tunis.

CAP FM:
D'après vous, les familles des jeunes tunisiens morts en Syrie pourraient-elles engager des poursuites incriminant des responsables politiques
à ce niveau?

A.Manai:
Bien sûr, bien sûr que oui. Les organisations évoquées documentent, entre autres, les témoignages de ceux qui ont été envoyés en Syrie. Entre parenthèses, M. Soufiene, je me rappelle que vous-même avez été en Syrie en vue de faire rapatrier quelques uns de ces recrues. Il y a sur place en Syrie des organisations qui s'appuient sur les témoignages des captifs, tunisiens ou autres, interrogés et détenus par l'armée syrienne. Parmi les questions cruciales posées à ces captifs: qui vous a recruté(s)? Qui a pris en charge votre voyage en Syrie? Tout cela est dûment documenté. Et d'après ce que je sais, le nom de Marzouki a été très cité dans ces interrogatoires, à côté d'autres noms évidemment.
En conséquence, ces témoignages rendent justiciable M. Marzouki. Mais la responsabilité de celui-ci est davantage grave du fait qu'il est président. Que tel président soit provisoire, que sa légitimité soit caduque ou vaille toujours, ne le décharge pas, qu'on le veuille ou non, de tout ce qui incombe à sa fonction à la magistrature suprême. Juridiquement parlant, en vertu du droit international M. Marzouki, en tant que président de la république,  est le premier responsable des actions faites par les Tunisiens à l'étranger. Et davantage quand ces actions sont des actes de guerre comme c'est le cas en Syrie.
Par conséquent, la responsabilité de M. Marzouki à ce propos est claire. Et elle sera dévoilée au grand jour à l'avenir. Je pense qu'on en saura plus à partir de janvier ou février prochain, quand les enquêtes à ce propos seront rendues publiques et que les procès surtout seront intentés devant des instances internationales et dans les pays habilités encore à faire ces procès, mais aussi devant la justice syrienne et peut-être même la justice tunisienne.




Traduction A.Amri
20 décembre 2013


Pour Dr Ahmed Manaï sur ce blog:

Marzouki s'est tu au moment où il devait parler (par Dr Ahmed Manai)

La liberté d’expression et la responsabilité de l’intellectuel musulman


Lien externe:

http://tunisitri.wordpress.com/


vendredi 13 décembre 2013

Amina Bettaieb: portraitiste de la révolution

C'est à la révolution tunisienne qu'Amina Bettaieb doit sa naissance en tant que pinceau. Si étrange que cela puisse paraître, cette professeure de français, aujourd'hui conseillère d'orientation, n'a jamais touché auparavant à un pinceau, si ce n'est dans ses tendres années de collégienne.
Chez elle, l'amour de la peinture aurait surgi de cet instant saillant, à la fois épique et douloureux, qui a marqué le cours de notre histoire récente. Comme si la chute de la vieille dictature et les espoirs suscités par la nouvelle ère, levier émancipant toutes les formes d'expression, ont fait éclater dedans cette femme un talent jusque-là enfoui, insoupçonnable. Car sans préavis aucun, du jour au lendemain, l'enseignante a décidé d'apprendre la peinture. Pour l'essentiel en autodidacte, lisant et relisant des ouvrages consacrés à l'histoire de cet art, à ses mouvements, ses styles, ses genres, ses thèmes...
La médiathèque Charles de Gaulle dont elle est assidue depuis 2010 lui a servi d'une véritable académie dans ce parcours d'autodidacte. C'est sa principale école de Beaux-Arts en quelque sorte. Car c'est surtout dans les locaux et les portails électroniques de cette bibliothèque gérée par le service culturel de l’ambassade de France à Tunis qu'Amina Bettaieb s'est ressourcée pour devenir peintre.
Pour le côté pratique, les techniques de la peinture à l'huile surtout, Amina Bettaieb a bénéficié de l'assistance d'un étudiant à l’École des Beaux-Arts qui lui a donné quelques cours à domicile. Mais le professeur qui voulait initier son élève à des techniques que l'apprenante est censée ignorer s'est vite aperçu qu'il se faisait enseigner bien plus qu'il n'enseignait lui-même. "Madame, disait-il souvent à son élève, de nous deux qui serait à bon droit le prof?"

Pour ses débuts, Amina Bettaieb s'est essayée d'abord dans la peinture à l'huile. En reproduisant quelques œuvres de Claude Monet dont deux Nymphéas. Elle a reproduit aussi des tableaux d'Alexandre Roubtzoff, l'orientaliste russe amoureux de la Tunisie. De même qu'une œuvre de la peintre tunisienne Wassila Bourghida.

Dans le domaine artistique, le peintre, en cela semblable au chanteur, au musicien, à l'acteur, se fraye sa voie en imitant d'abord des modèles. La reproduction n'est pas un art mineur. Loin de là. Outre qu'elle est à la base de toute initiation artistique, pour le peintre elle permet d'apprivoiser ce que les initiés appellent espace et rythme picturaux. Chaque reproduction dote l'artiste d'un miroir à travers lequel il s'auto-évalue, juge et jauge son talent. Pour mesurer tantôt ce qu'il a déjà acquis et tantôt ce qu'il doit encore peaufiner afin de postuler à une place dans la cour des grands.

Mais Amina Bettaieb ne s'est pas contentée de reproduire les œuvres de ceux dont elle s'est servie comme phares pour se révéler surtout à elle-même. Avant de s'investir dans le portrait et l'aquarelle, elle a dédié les primeurs de ses œuvres à l'huile à la révolution qui a fait éclore son talent.  C'est du creuset de cette révolution dans ses hauts et ses bas que sont sorties des œuvres comme Je danse, donc je suis. Un cogito dédié au mouvement de protestation anti-islamiste, la dissi-dance des jeunes tunisiens soulevés contre les apôtres de l'obscurantisme religieux.


Puis vint ce que l'artiste appelle le coup de foudre pour l'aquarelle. Un peu à la faveur d'une allergie à l'odeur de l'essence de térébenthine. Amina Bettaieb découvre alors ce "medium magique qui dépasse parfois l'intention de l'artiste! L'eau circule sur le papier, dit-elle,  puis le résultat est surprenant!"



La plupart des portraits à l'aquarelle produits en conséquence sont issus de cette magie faisant d'Amina Bettaieb une portraitiste de la révolution. Khaoula Rachidi pour l'honneur du drapeau national, Aljia Jedidi héroïne du Bassin minier, Indignez-vous! ou encore  les portraits dédiés aux martyrs des assassinats politiques: Chokri Belaid, Mohamed Brahmi, Socrate Cherni plaident à bon droit pour l'attribution de tel titre à ce pinceau féminin dont les débuts sont plus que prometteurs.



Le mot de la fin, nous voudrions le consacrer à l’autoportrait ci-dessous.
De prime abord, on serait tenté d'y lire une expression d'introversion, voire une forme de narcissisme artistique. Quand bien même Mme Bettaieb n'est pas la première peintre à se reproduire elle-même sur un tableau. Mais dès que le regard intercepte cet objet que la femme tient entre les mains, pour autant qu'il puisse déchiffrer le titre

et rechercher sur internet les informations associées à ce livre, c'est toute une histoire de combat familial qui émerge alors pour corriger le décryptage hâtif du premier balayage visuel.

C'est l'histoire du Dr Abdelkarim Bettaieb, mari de la peintre, dans son combat contre l'arbitraire politique et l'injustice. Par conséquent,
Il y a l’autoportrait admirable en soi. Et le non moins admirable combat que ce livre entre les mains de Amina Bettaieb nous invite à découvrir: « Mémoires- Le médecin et le despote » écrit par son mari.


A.Amri
13.12.13



Au même sujet:


Femme au bout du tunnel, par Amina Bettaieb

mercredi 4 décembre 2013

Oyoun Al-Kalam (Les Yeux des Mots): Anthologie de chants traduits



"Quand elle évoque son parcours artistique, c'estOyoun Al-Kalam ou Al-Bahth Al-Moussiqui qui priment en toute circonstance sur le patronyme et le prénom siens. Quand on lui attribue un titre, un succès, une performance sur un plateau de télévision, c'est tout juste si elle ne se fâche pas! A cause de ce tropisme mécanique, injuste, maladroit, qui détourne le mérite collectif au profit de sa modeste personne! Car, et elle rectifie sur-le-champ, c'est le titre de Oyoun Al-Kalam, le succès d'Albahth Al-Mousiqi, la performance du groupe!
Il y a en elle un tel respect de cette dimension identitaire partagée, un tel sens de l'honnêteté intellectuelle -l'honnêteté tout court- qu'elle refuse tout hommage qui ne soit pas à l'honneur du groupe auquel elle appartient. Alors même que ce groupe n'est plus qu'un duo depuis 2004, tel souci de probité demeure inchangé chez elle.

Mais comment persuader alors de sa maladresse et son impertinence le maudit tropisme mécanique si, à travers un hommage comme celui qui suit, il se révèle irrémédiable? Nous y reviendrons.
Aux origines du texte ci-dessous, il y avait un désir, vieux et quasi obsessionnel, de rendre hommage à l'ensemble Al-Bahth Al-Moussiqi qui, outre sa contribution à l'éveil d'une conscience nationale progressiste et révolutionnaire, a donné à la ville de Gabès une bouffée d'oxygène inappréciable. Inappréciable et inespérée, d'autant que la pollution chimique asphyxiant la région semblait affecter par une forme de contagion sournoise la vie culturelle même. Mais au moment précis où le désir est né, des dissensions internes ont fracturé l'ensemble une première fois en 95. Et de nouveau en 2004. Certains membres ont pris une retraite anticipée. D'autres se sont attelés à la relance de l'ensemble. Tandis que deux cartes maîtresses de la troupe dispersée la Dame de cœur et le Valet de carreau! ont crée leur propre ensemble, le duo Oyoun Al-Kalam.
Revenons à la question posée précédemment au sujet de ce tropisme mécanique incurable! Comment le persuader de sa maladresse et son impertinence?
Lui rappeler que l'arbre ne peut cacher la forêt? Ce serait tout aussi absurde qu'interpeller en pleine nuit un non-voyant pour lui dire:" bougre d'aveugle, regarde où tu mets ta canne!"
L'émotion esthétique a ses lois que la raison dialectique n'a pas. C'est à sa rencontre en 1962 avec Ahmed Fouad Nejm et l'étroite collaboration du duo, auquel s'est jointe la compagne du poète Azza,  que Cheikh Imam doit l'éclat de ses nom et renom. Et pourtant l'arbre a fini par éclipser la forêt. Dans l'ombre de Marcel Khalifa, qui se souvient de l'ensemble Al Mayadeen? Qui distingue assez nettement l'imperceptible Oumaïma? Dans l’Église d'Orient, sous l'aura des saintes icônes byzantines Dieu même n'est-il plus qu'un pâle figurant?"
 
A. Amri
09.01.2013

Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix



La Bsissa

Prends la bsissa et les dattes mon enfant
Et voici deux mille en pièces de vingt
Que je viens d'avoir maintenant
Empoche ton fric, prends !
Mais n'oublie pas ta maman, surtout
Et pour rien au monde mon enfant
Ne délaisse pas tes études
Éloigne-toi des égarés 

Ne te laisse pas tenter par leur tain de vie
Eux ils ont des sous, ils ont la vie facile
N'oublie pas tes bouquins Viens tout près de ta maman
Tu es gravé dans le cœur mais j'ai les larmes aux yeux

Poésie Belgacem Yakoubi
Traduction A.Amri



Martyr

Martyr, ô martyr !
Martyr, le pain est revenu
Martyr du pain, révolte-toi !
De ta tombe une rose est sortie
Phare guidant les processions de pèlerins
Mon sang, ma petite maman, est rose
Dessine sur la voie publique un pain
Je voulais faire de ma poitrine le bouclier du peuple
Les bataillons de brigadiers l'ont criblée de balles
Mais mon tueur, moi je l'ai vu
Caché au centre du palais
Il éperonnait aux bras ses sentinelles
Qui ont vidé en moi la haine des balles
J'ai été inhumé dans l'obscurité de la nuit
N'ayant droit qu'à des obsèques discrètes
Ben Ghdahem et Daghbagi
Quand ils se sont rencontrés au milieu des oueds
Marchant alors que les rigoles de sang coulaient
De Bizerte à Ben Guerdane
Ils ont dit:" ceci est le sang de Fadhel
Qui se répand et couvre tous les lieux
Il crie et proteste contre la hausse du pain
Décidée par les officiants politiques
Pauvre de moi qui vois le blé de Béja
Remplir vos greniers, ô Romains !
La rose que tu as irriguée de ton sang
Embaumant la brise qui s'élève
A titillé son nez à ta maman
Et ta maman a crié:" ne dites pas qu'il est mort !
Pourquoi vous dites Fadhel est mort ?
Ne dites pas que Fadhel est mort
Fadhel est une graine dans l'épi
Surgeon de l'olivier et du dattier
Fadhel sera bientôt à Gafsa
Invité par les montagnes du phosphate
Fadhel, fleur d'amandier
Qui s'épanouit au fort de l'hiver
Trait de lumière dans la nuit obscure
Épine inextirpable au pied de la dictature
Un Fadhel de perdu pour l’honneur
Cinq de trouvés pour le relais
Irréductibles sur les sentiers du combat
Fadhel ne fait que faire un somme
Il se réveillera sous peu
A l'appel du séisme


Poésie
Lazhar Dhaoui
Traduction A. Amri





Si la rosée



Les femmes de mon pays

J'ai écrit, tant écrit
épuisant lettres et dits
j'ai décrit, tant décrit
épuisant l'inédit
je dis, donc, en deux mots
et je passe
la femme de mon pays
est mesurable à l'aune
d'une femme et demi

Poésie Ouled Ahmed
Musique: Jamel Guenna
Traduction A.Amri



Patrie que trame l'imaginaire



L'Internationale



Toujours ayant du souffle



Les Yeux des Mots

Si le soleil se noie dans une mer de brume

Et déploie sur l'univers une vague de ténèbres

Si la vue s'éteint dans la prunelle et le cœur

Si le chemin se perd dans l'inextricable dédale

Toi qui erres, qui cherches et qui comprends

Tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...