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lundi 27 janvier 2020

Ce n'était pas la peine, alors, d'être indépendant

En dépit des articles 1 et 39 de la constitution tunisienne, certaines chaines de télédiffusion nationale, en particulier dans le secteur privé, voudraient nous persuader, à travers des productions et des plateaux qui semblent avoir été conçus à cet effet, que le constitutionnel n'engage pas le télédiffusionnel. Et qu'en conséquence, il est du droit de ces médias, quand ils veulent et tant qu'ils veulent, de moduler à leur guise l'usage de l'arabe, d'en réduire peu ou prou la place dans leurs émissions, de lui substituer sans gêne aucune le francarabe, voire de le mettre carrément sur une voie de garage. Et le remplacer tout aussi aisément par le français. 

 Générique d'émission

Et mystère, cette liberté que s'accordent de nombreux médias, semble laisser indifférent l’État. Députés, gouvernements et présidents de la « décennie du chaos », en spectateurs passifs, ou indifférents, y opposent un silence total. Comme pour nous suggérer que cette attitude ne serait que l'expression de leur consentement mutuel.

Dans un contexte pas éloigné du nôtre, Fanon disait: « Ce n'était pas la peine, alors, d'être indépendant. »(1) L'auteur transcrivait en l'occurrence ce que la bouche des peuples africains, à peine décolonisés ou luttant encore pour l'être, mâchonnait avec mépris à l'encontre des intellectuels colonisés. Même si nos manitous de télédiffusion et leurs sous-fifres (2) n'auraient aucun mérite pour être assimilés à des intellos, la citation de Fanon, avec tout ce qu'elle sous-entend d'humeur indignée, je voudrais la dire cent fois à chacun d'eux. Manière de cracher leur fait à ces tristes promoteurs d'une culture créolisée, aliénante, détunisifiante et si effrontément maquée. Et sans velléité populiste aucune ni immodestie de ma part, je n'en serais pas moins traducteur du dégoût, juste et légitime, qu'éprouvent celles et ceux qui, tunisiens et fiers de l'être, désavouent ce meschinage (3) qui cible tout un pays.

Non, ce n'était pas la peine d'être indépendant. 

Il aurait mieux valu et pour ces pages sans fierté, enchainés avec leurs chaînes à la traîne de cette queue qui nous couvre d'outre-Méditerranée, et pour le pays qu'ils donnent à voir au monde entier aplati de la sorte, que la France restât ! Non seulement, sous la coiffe de son protectorat elle aurait mieux accompli ce qu'elle envisageait déjà dans son "œuvre civilisatrice". Mais elle aurait donné à notre pays, au moins, l'honorable excuse de n'être pas indépendant pour décider librement de son sort. Ainsi la face de la Tunisie, aux yeux du monde qui capte ses télés et radios, aux yeux des pays frères, aux yeux du continent auquel elle a légué son vieux nom d'Ifriquia, aurait été-t-elle incontestablement sauve. Et bien plus digne qu'elle ne l'est, hélas! par les temps qui courent.


Des plateaux en tout conformes, singés ou plagiés dans leurs
habillage, éclairage, maquillage, et jusque dans leurs titres parfois, à ceux des plateaux hexagonaux. Ceux-ci pour beaucoup, en passant, n'étant pas moins conformes à ceux d'outre-Atlantique !(4) Talk-shows, variétés, films américains à doublage français, feuil-letons tunisiens assaisonnés de francismes, feuilletons turcs doublés en tunisois et pas moins assaisonnés des mêmes épices. Idem pour la publicité, y compris dans le titre apocopé qui, en capitales latines, l'annonce: "PUB". Sans oublier les titres d'émissions, les titres de paragraphes, les génériques, le francarabe systématique d'animation, où mecs et mecques dits anims, nous donnent parfois l'impression de n'être, dans ce pays qui les a vu voir le jour et grandir, que de pauvres métèques ! Pis encore ! De tristes laquais œuvrant à maltiser le pays d'Hannibal et de Tertullien(5). Que leur manque-t-il à ces caudataires de la "gueuse fière" pour en être plus fiers ? Une livrée de maison aux armoiries de la gentry parisienne ? Ils la portent déjà, à travers une francité débridée qui ferait pâlir d'envie, je crois, le plus franchouillard des Français.

 Echantillon de francarabe médiatique

C'est un francophone, et membre de l'Académie française depuis 2013, qui a dit: « Voir un peuple défendre sa langue me réjouit. »(6). C'est un Français, et des classiques enseignés à l'école tunisienne, qui a dit: « Le premier instrument du génie d'un peuple, c'est sa langue. »(7). C'est encore un Français, et jamais dessaisi de son dialecte aurillacois, qui a dit: « Le peuple qui perd sa langue maternelle, perd aussi son âme de peuple : dominé et dompté par les autres races, il s'y confond, il s'y fond et finalement il s'y noie !»(8) C'est toujours un Français, et membre de nombreuses sociétés savantes, qui a dit: « Un peuple qui perd sa langue abdique sa nationalité»(9) Et pour finir, c'est un Egyptien, et de ceux que les écoliers de la maternelle tunisienne vous citeraient par cœur, qui dit:

 أَيَهجُرُني قَومي عَفا اللَهُ عَنهُمُ 
إِلى لُغَةٍ لَم تَتَّصِلِ بِرُواةِ
سَرَت لوثَةُ الإِفرِنجِ فيها كَما سَرى

لُعَابُ الأَفاعي في مَسيلِ فُراتِ
فَجاءَت كَثَوبٍ ضَمَّ سَبعينَ رُقعَةً
مُشَكَّلَةَ الأَلوانِ مُختَلِفاتِ
حافظ ابراهيم (1872-1932)

Les miens me balanceraient-ils, à Dieu ne plaise
Pour une gueuse (10) de la cuisse gauche née 
En qui le jargon ifrangi est injecté
Tout comme la bave ophidienne dans l'Euphrate  
Défroque de soixante-dix haillons ravaudée   
Et fière d'autant de couleurs disparates? 
Hafez Ibrahim (1872-1932)

A. Amri
27.01.2020



1- Les Damnés de la Terre, Maspéro, 1961.

2- Parce qu'il y a aussi des animateurs et des journalistes qui méritent tout le respect, je dois préciser que je cible ici, essentiellement, les propriétaires  de ces médias et les producteurs engagés dans l’œuvre de maltisation qui cible la Tunisie.
3- Le terme est désuet mais la condition qu'il désigne ne l'est pas. Pour rappel, ce mot du moyen français, issu de la même racine que mesquin, signifiait -entre autres- prostitution. Voir Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde, V. 3, Bruxelles, 1852.

4- Les intellectuels français se plaignent d'un mal similaire au nôtre, et l'on peut dire depuis des siècles déjà. En 1757, Louis-Charles Fougeret de Monbron publie un pamphlet dans lequel il fustige le snobisme de ses compatriotes anglomanes. Ce même snobisme inspire à Robert Solé (écrivain et journaliste égyptien naturalisé français) une « lettre persane » que son Rica commence comme suit: « Mon cher Usbek, depuis mon arrivée dans le royaume de France, le 18 de la lune de Shahrivar, je tombe des nues. Paris est encore plus grand ­qu’Ispahan. Les maisons y sont si hautes qu’on les croirait toutes habitées par des astrologues. Les Parisiens, pressés, dévalent les trottoirs, de petites boîtes noires collées à l’oreille. J’enrage comme un eunuque quand je les vois s’agiter ainsi, mais c’est leur langage qui me trouble le plus : je n’y comprends goutte. Le français des Français est un drôle de sabir. « Ici, m’a expliqué mon aubergiste, tout le monde craint un remake de la crise financière. On cherche désespérément à relever le challenge en boostant l’activité. Serions-nous une nation de losers ? En tout cas, le French bashing devient insupportable. »

A son tour critiquant le même mal, Bernard Vadon (écrivain français, journaliste, homme de théâtre et auteur de chansons) reproduit deux extraits qui semblent transcrire des échantillons du sabir médiatique français. « En prime time et en live, faute de talk-shows, on doit se rabattre sur le replay.»
« Quant aux dirigeants politiques, ils twittent à longueur de journée : c’est à qui aura le plus de followers. Nombre d’entre eux ont pris un coach, car ils sont désormais des people dont le moindre selfie peut faire le buzz. »


5- Voici le cri de fierté patriotique de cet homme (né vers 150-160 et mort en 220), en réaction au goût pris par certains Carthaginois pour le port de la robe romaine: « Carthaginois, de tout temps vous avez été les maîtres de l’Afrique; l'empire que vous y avez tenu, et qui a eu la même étendue que cette vaste et admirable partie de la terre, est de tant de siècles qu'à peine en sait-on les commencements; votre nom et votre puissance sont du même âge, on n'a pas plus tôt connu l'un qu'on a redouté l'autre: il faut que les autres nations vous cèdent en ce point, et que les plus puissantes reconnaissent que si un peuple est illustre à proportion qu'il est ancien, il n'en est pas qui le soit davantage que le Carthaginois. Le présent ne contribue pas moins à votre félicité que le passé à votre noblesse. Il semblait que Carthage, après de si grandes ruines, ne dût être désormais qu'une triste et affreuse solitude, et néanmoins le vainqueur qui l'avait détruite l'a rebâtie, les Romains qui l'avaient rendue déserte l'ont repeuplée et ont laissé à Carthage son nom ; ce ne sont pas tant les Carthaginois qui sont devenus Romains, que les Romains qui sont devenus Carthaginois. » (Traité du manteau).

6Michael Edwards (poète, critique littéraire, traducteur et professeur franco-britannique.

7Stendhal (1783-1842).

8- Arsène Vermenouze (Inédits languedociens: en volume, Lo Convise, 1996, p. 191).

9Victor Flour de Saint-Genis (historien: 1830-1904), Histoire de la Savoie, T. 3, Chambéry, 1869, p. 267)

10- La gueuse dont il est question ici n'est pas celle qu'avait recommandée Voltaire à la générosité des aumôniers, mais le francarabe, et seulement ce sabir-là.

mardi 14 janvier 2020

"Dégage, dégagisme.. et les mystes de la philologie

« Si l’on peut dire qu'avant la renaissance des lettres le français contenait à peine un mot d’origine grecque contre cinq cents mots d’origine latine, il serait juste d’ajouter: et contre presque autant de mots d'origine arabe ; encore ces rares expressions étaient-elles venues plutôt par l’intermédiaire de l’arabe que du latin. » (Louis Amélie Sédillot, Histoire générale des Arabes, T. 2, Paris, 1877, p. 203 )



Le 1er juin 2011, le jury du 7e Festival du mot de La Charité-sur-Loire (France) a choisi comme mot de l'année « Dégage !».

Presque le jour même, les échos se répercutent, pléthore, notamment en Tunisie et en Egypte -comme en témoignent encore quelques vestiges de pages électroniques, sur les antennes (bien) branchées. Et l'on ne manque pas de disputer d'entrain et de ferveur, dans l'un et l'autre pays, et dans le transport commun d'échotiers et leurs écoutiers, pour s'en flatter à qui mieux mieux. Et même s'en adjuger de chaque nationalité le mérite plus ou moins exclusif. En un mot, de ce côté-ci de la Méditerranée la  mémorable distinction charentaise était devenue, du jour au lendemain, une citation des peuples arabes, et de leurs élites dégagistes surtout, à un grand tableau d'honneur français.

Il est vrai qu'en ce 1er juin 2011, ledit festival français, par la voix
Printemps qui cause pas arbi ?
du président de son jury, n'a pas oublié de citer des Arabes. « Cet impératif, expliquait Alain Rey, a été brandi en Tunisie au début d'un mouvement d'in-surrection populaire et pacifique, devenu une révolte puis une ré-volution. Dégage ! signifie à la fois partir, s'en aller, libérer ce qui est coincé, retenu ou encore déblayer, désherber, désencombrer. » 

Toutefois, et toutes proportions gardées, si l'on peut tirer quelque honneur de ces mots, pour l'attribuer surtout à la Tunisie, ce serait lequel, en toute honnêteté ? Je dirais sans ambages que le seul mérite de notre pauvre Tunisie, et qui vaille d'être lu et relu dans le discours d'Alain Rey, c'est d'avoir été, dans ce gala charentais surtout, la digne caudataire de la « fière française » (1) mise en gala. Car, et je ne le dirai jamais assez à ceux qui ont pu se gourer sur le sens réel de ce clin d’œil aux Arabes : c'était à l'honneur exclusif de la langue française. Et les Tunisiens n'ont été évoqués dans ce contexte précis que pour rappeler, et à bon droit -qui n'en conviendra pas ? l'étendue outre-méditerranéenne du rayonnement culturel français. Il n'est que de revoir, si besoin, ce qui a été publié en France, à la naissance de ce printemps arabe parlant français, pour en admettre l'évidence.

Mais il n'y a pas que cette méprise qui mérite d'être rappelée à ce propos. Je voudrais en rappeler une autre, qui touche à l'étymologie de "dégage !" et j'espère qu'Alain Rey et ses pairs, français ou d'autres nationalités, en prendront acte. Ce que cet homme, linguiste, lexicographe et rédacteur en chef des éditions Le Robert, n'a pas dit en ce 1er juin 2011, pas même un petit chouïa, c'est que le français "Dégage !" dérive, en vérité, de l'arabe « وديعة wadiâ [gage] ». 

Oui. Absolument. Et j'espère que l'éclairage que je vais fournir au lecteur sera assez suffisant pour démontrer la pertinence de ce que je dis.


Issu du verbe "dégager", l'impératif français est composé du préfixe "dé" et "gage". Ce mot est attesté pour la première fois en 1130, sous la forme "gwage" (Lois de Guillaume), et signifie « ce qu'on met ou laisse en dépôt, comme garantie d'une dette, de l'exécution de quelque chose ». C'est mot à mot le premier sens du vocable arabe, et on le trouve mentionné, entre autres dérivés (3), dans Dozy (4). Quant à l'étymologie communément admise, de Du Cange à Littré, en passant par les Ménage, Diez et autres, nulle place pour le « وديعة wadiâ [gage] » parmi les parents putatifs de  "gwage". Le mot est rattaché tantôt au bas-latin vadium, wadium, latin vas, vadis, tantôt au germanique  wetti « gage, amende », allemand wette « pari, gageure ».

Avant d'éclairer le mystère (5) de l'étymon arabe devenu "gwage" puis "gage", il convient de rappeler quelques mots d'origine dhadienne latinisés, francisés et/ou romanisés dans d'autres langues, comme:  alguasil (الوزير al wazir, bédégar بَادْ-ورْد badward, guadafiones وظافة wadafa, guahate  واحد wahid, guedre ورد ward, bagatelle بواطل bawatel, Véga واقع waqiî, varan   ورل waral, validé والدة, vizir وزير, cavas قواس, carvi كروية, alvacil الوزير, vakil وكيل, adarve الذروة edh-dhirwa. J'ajoute encore, quoique moins connu, gahen وهن wahan (terme de médecine médiévale signifiant allongement de ligament) et les toponymes espagnols Guadeloupe وادي الحَبٌ wadi al habb, et Guadalajara وادي الحجر wadi al hajar.

En observant les mots arabes et leurs formes romanisées, on constate que le و wa[w] arabe, romanisé, se rend soit par "gu", ou "g" soit par "v" et quelquefois "w" (6).

Si l'on met côte à côte وديعة [wadiâ] et le "dé-gage» français, en prenant en compte ce qui précède, on ne manquera pas de reconnaître en la forme primitive de "gage", c'est-à-dire "gwage", un incontestable dérivé de l'étymon arabe. A moins d'être plus myste que véritable linguiste, Rey devrait constater cette évidence qui saute aux yeux et la faire reconnaître par les Français.

Il va de soi que l'analogie entre l'arabe وديعة wadiâ (gage) et le latin wadium, wadia, wadiī, wadī, wadio (de sens identique), l'ancien francique waddi « gage », le néerlandais wedde (de même sens), l'ancien allemand wetti « gage, amende »; l'allemand moderne Wette « pari, gageure », semble se passer de commentaires. Il en va de même pour le latin vadium, vadis, variantes orthographiques du même mot. Mais comment expliquer, me dirait-on, ce vieux "gwage" des Lois de Guillaume

Là encore, le mestour n'aurait rien de mystérieux ! Il suffit de comparer "gwage", "gahen", "Guadeloupe", "Guadaljara", pour comprendre que l'altération subie par les mots arabes, au niveau de l'initiale "و wa" est la même. Quant au reste de  وديعة wadiâ, il suffirait de confronter "alguazil", "alvacile" et "varan" avec les originaux arabes pour comprendre le mécanisme ayant fait de وديعة wadiâ  ce fameux  "gwaje" des Lois de Guillaume. Et s'il faut appuyer davantage ce mécanisme, je citerai le "waiða" régional français et le moyen français "gaaigneau",  le wallon "wagni", le francique "waidanjan", l'anglais "win" et le français "gagner". De même que toute une liste d'anthroponymes français comme Gagne, Gaigne, Gangné, Gangnereau, et leurs apparentés allemands Vagne, Vagnier, Vaniez, Vagneux, Vagnet, Vagnon, Vagnot, Vagoux, Vagnard, Wagneur, Wagneux, Wagnieux, Wagnier (7)... 

Pour conclure à ce propos, ce n'est pas tant un mot de l'année 2011 qui puisse flatter réellement les Tunisiens. Ni malgré leur sincère gratitude pour Mélenchon, le cri de ce militant français revendiquant ouvertement la filiation avec le mouvement d’insurrection populaire tunisien de 2011 (8). Non plus que la sympathie de Raphaêl Glucksmann suggérant de reconnaître aux Tunisiens le "copyright" de "dégagisme". Mais ce qui peut toucher réellement les Tunisiens, eux et les autres peuples frères, c'est qu'un dictionnaire français, ou seulement une voix d'autorité philologique, française ou de tout autre pays, puisse se revoir loin du socle gréco-latin, et revoir dans le juste sens l'étymologie de "gage".
 
« Voir un peuple défendre sa langue me réjouit. » (Michael Edwards (Poète français, critique littéraire, traducteur, professeur et membre de l'Académie française depuis 2013)


A. Amri
14.01.2020



Notes:


1- J'euphémise ici ce que Voltaire appelle tout crûment: « gueuse fière ».

2- Signalons ici que Le Petit-Robert, Ed° 2018, a intégré à son lexique "dégagisme", mot qu'il définit de façon succinte comme suit : "Dégagisme [deɡaʒism] n.m. -2011, répandu 2017, de dégager. Fam. Rejet de la classe politique en place, notamment lors d'une élection. Députés victimes du dégagisme."


3Dont on peut citer: اودع [awdaâ] confier, mettre en gage), مستودع [moustawda'] (lieu de dépôt, personne dépositaire d'un gage), توادع tawadaʿâ [s'engager mutuellement à], وداع  wadaʿ (adieu [confier à Dieu quelqu'un]), ودائع [wadaîʿ] (serments, engagements, contrats)...

4- Supplément aux dictionnaires arabes, T. 2,  Leide & Paris, 1927, pp. 791 - 792

5- Mystère: comparez avec l'arabe " مستور mestour", du verbe "ستر satara" (cacher) dont dérive "ستار sitar" que Pihan donne comme étymon de "store".

6Rappelons aussi que  le ع ('ain) arabe, son guttural typiquement sémitique, n'a pas d'équivalent ni en latin ni dans les langues romanes ou celtiques. Et l'on peut dire qu'il n'y a pas de règle fixe régissant sa vocalisation dans les langues ciblées par des emprunts arabes comportant ce son. Il se rend quelquefois par un "h" (alhanzaro العنصرة al-ânsara [nom arabe de la fête de Saint-Jean],  alhidada العضادة [alidade], alhagara العجارة al âjara [rideau]). Quelquefois il se vocalise par "g" (algarabia العربية al arabiya (moyen fr. algarvie, algarrada العرادة al ârrada [catapulte], algazafan العفص al âfs  [noix de galle], almartaga اَلْمَرْتَع‎ (al-martaʿ, “pâturage"), quelquefois par un "f" (alfagara,  العجارة, rideau), et plus souvent encore en "a" (anzarote عنزروت  ênzarout [sarcocolle], en "e" (elche علج îlj [barbare])...


7-  Claude Cougoulat, Anthroponymie, Sacré nom de nom: Histoire des mots racines qui ont généré les noms de famille, V. 1, p. 124

8- Voir la tribune datant du 30 janvier 2017: Valls valse, encore une victoire du dégagisme !


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mardi 14 octobre 2014

A la recherche d'un mendiant tunisien - par Amr Abdelhamid

Quand ils parlent de leur pays, surtout à l'intérieur, les Tunisiens ont rarement l'occasion de se montrer élogieux. Il y a toujours mille et une choses qui ne vont pas. Et quand la politique est de la partie, le plus chauvin comme le moins ne manqueraient jamais de prétexte pour renchérir et accabler en toute circonstance le pays.
Fort heureusement, cette vision si réductrice de la Tunisie n'est jamais corroborée par les  étrangers qui y viennent du Nord comme du Sud. Et en livrent souvent des impressions pour le moins flatteuses.

En témoigne l'article ci-dessous écrit par 
Amr Abdelhamid, homme de médias égyptien.
 
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J'avoue que mon premier voyage en Tunisie a longuement tardé. J'avais envie de faire la visite de ce pays depuis le départ, à la gare Sidi Bouzid, du train de printemps arabe en fin de décembre 2010. J'ai maintes fois projeté d'y aller. Mais il y avait toujours un contretemps qui m'en empêchait.

Et finalement, j'y suis parti et j'y ai passé cinq jours entiers, me déplaçant entre la capitale Tunis, le village enchanté de Sidi Bou Saïd et Carthage, sa riveraine pittoresque.

Les impressions que j'en ai gardées sont celles d'un homme qui y avait fugué pour oublier la politique et ses palabres, et non celles d'un homme de médias.


A la célèbre avenue Habib Bourguiba, j'ai scruté les visages des gens assis aux terrasses des cafés sur les deux bords. Des centaines de jeunes des deux sexes, des hommes, des femmes, des enfants, des étrangers. A les voir si nombreux, on penserait qu'ils se sont donné rendez-vous pour se voir à la même heure. Tandis que à voir sur l'allée piétonne séparant les deux voies de l'avenue de nombreuses patrouilles de police, de la statue Ibn Khaldoun à la place 14 Janvier, on a le sentiment d'être, en tout instant, en sécurité.

Mais quelle que soit l'importance de ce sentiment, on ne peut le comparer à un sentiment plus merveilleux qui fait défaut au touriste dans les rues du Caire: le sentiment de vie privée. Flâner ici et là sans avoir à se faire agacer par des importuns, si le touriste est un homme, ou par des harceleurs s'il s'agit d'une femme âgée entre 12 et 62 ans !
La plupart des Tunisiennes et des étrangères sont "branchées", habillées à la mode. Néanmoins on ne voit nulle part ni n'entend acte ou parole de harcèlement.

"Peut-être que ce constat ne s'appliquerait qu'au centre de la capitale, me suis-je dit, en raison des forces de l'ordre déployées à proximité du ministère de l'intérieur et de l'ambassade de France". J'ai gardé cette réserve et je me suis dirigé vers le Vieux Marché qui rappelle  Khan El Khalili au Caire. Là, les venelles sont étroites et s'étendent de Bab B'har à la vieille mosquée la Zitouna. Des boutiques étalent ce qui peut affrioler les visiteurs de la Médina: mosaïques, poteries, curiosités artisanales, parfums, confiseries, etc. La plupart des marchands ne se retournent même pas à votre passage, comme si votre présence ne les intéresse pas, quand bien même vous vous arrêteriez pour tourner et retourner à votre guise leurs marchandises. Si un marchand pressent que vous avez réellement envie d'acheter quelque chose, et seulement dans cette condition-là, il vous propose alors ses conseils. Mais de manière pudique et avec civilité. Et sans jamais courir après vous si vous repartez sans rien lui acheter. Ici, vous êtes libre de flâner, de vous arrêter, de vous assoir à l'intérieur d'un café au style européen ou un autre populaire. Et à la Médina comme à l'avenue Bourguiba, c'est le même constat.

Sidi Bou Saïd
Je me suis dit alors:" rien ne peut objectiver le sentiment de vie privée autant qu'une course dans un taxi." J'ai décidé d'aller à Sidi Bou Saïd. Un village perché en douceur sur une colline qui surplombe la Méditerranée. Regarder la mer d'une telle hauteur est une volupté indicible. J'ai arrêté un taxi et je me suis engouffré dedans. On a déclenché le compteur. L'auto-radio diffusait une chanson de Amr Dhiab. A la faveur d'un appel que j'ai reçu du Caire, le chauffeur a compris que je suis égyptien. Mais il ne s'est  permis de causer avec moi que lorsque je l'y ai incité. Je me suis enquis de la situation du pays, des préparatifs aux élections présidentielles. Il m'a répondu sur le ton d'une personne plutôt satisfaite. On ne pourrait espérer mieux, dit-il, quand on voit ce qui se passe chez nos voisins les Libyens. Il ne s'est plaint ni de la hausse des prix des carburants, de la flambée des prix en général, ni du décès de sa tante. Il n'a parlé ni du coût de la rentrée scolaire ni de l'échéance de taxi tombant mal à propos. Et il n'a pas abusé de mon statut de touriste pour garder la monnaie quand je l'ai payé. Ce n'était pas, là, un taxi d'exception en Tunisie. C'était la conduite communément observée que j'ai constatée durant ce séjour, faisant appel aux services de 4 à 5 taxis au quotidien.
Carthage: site archéologique

Sur les sites archéologiques de Carthage, j'ai été frappé par la propreté et l'ordre qui règnent partout. J'ai vu la résidence de notre ambassadeur sur le rivage de la mer, avoisinant d'un côté avec la Méditerranée, de l'autre avec ce que la civilisation romaine a "offert" à l'humanité. Je me suis exclamé en invoquant le Prophète, pour ne pas avoir l'air d'envier l'heureux ambassadeur !

Dans la périphérie du Musée de Carthage, il n'y avait pas la trace d'une poubelle. Il n'y avait pas non plus un quelconque arbitraire dans les rapports avec les visiteurs. Je n'ai pas vu de marchands ambulants. Par contre, il y avait de nombreux kiosques, mais alignés de manière ordonnée et proposant des souvenirs qu'on achèterait en toute spontanéité. Je n'ai pas vu des types qui vous extorquent en vous proposant des services que vous n'avez pas requis. Et personne ne vous aborderait de manière intruse dans votre promenade pour vous lancer comme un robot:" Bonne année, Pacha!"
Durant cinq jours, j'ai été heureux de ne pas entendre cette formule rituelle en Egypte, qu'on entend six mois avant l'Aïd et six mois après. Pour l'obole à en tirer par ses diseurs ! Je n'ai entendu que: " joyeux Aïd !" Un souhait sincère et désintéressé.
Tunis - La Médina

Encore une fois, je me suis dit:" est-ce que je me trompe dans mes constations? Est-ce que je suis injuste à l'égard de mon pays en le mettant dans une telle comparaison?"
Peut-être ! mais nonobstant l'amertume de l'Egyptien pour son pays, c'est le sentiment fort d'avoir à bon droit de telles impressions qui l'emporte toujours sur toute tentation de nuancer. C'est du moins ce que j'ai acquis durant ce voyage.

Tout marche en Tunisie comme j'aurais voulu que ce soit en Egypte ! Normalement à tout le moins. Sans tout le superflu qui devient source d'ennuis, d'énervement, de tensions. Et je me suis rappelé l'expression "la Tunisie comme réponse!"

Les Egyptiens ont répété cette expression quand les Tunisiens s'étaient révoltés contre Ben Ali. Et l'ont réitérée encore quand les dirigeants du mouvement Ennahdha (branche tunisienne des Frères Musulmans) se sont conduits de manière intelligente à leur accession au pouvoir. Ils ont tiré profit des erreurs de leurs frères en Egypte, ne perdant pas la raison lorsque les Tunisiens ont investi la rue pour contester la façon dont le chef de gouvernement islamiste a géré le pays.

Au dernier jour de mon séjour en Tunisie, je me suis assis dans un café et j'ai demandé une confiserie tunisienne. J'ai été surpris de constater que ce qu'on m'a servi suffirait amplement à satisfaire trois personnes. Au moment de m'en aller, j'ai hésité un moment pour laisser le reste de l'assiette. Puis j'ai décidé de l'emporter à la "take away". Mon intention était de donner ce reste au premier mendiant croisé dans la rue. Et là, nouvelle surprise pour moi ! J'ai découvert que durant les cinq jours passés en Tunisie, je n'ai vu nulle part des mendiants. Est-ce logique?

J'ai voyagé dans pas moins de 50 pays. Et même dans certains appartenant à ce qu'on appelle premier monde, j'avais l'habitude de rencontrer des nécessiteux faisant la manche à l'entrée des stations du métro ou sur les places publiques. Néanmoins, tout en étant certain qu'il devrait y avoir des mendiants à Tunis, pour l'honnêteté je n'en ai pas vu un durant mes promenades quotidiennes dans son centre ou dans son vieux marché.
    
Alors que le taxi me conduisait à l'aéroport de Tunis-Carthage, veillant à ce que le chauffeur ne m'entende pas, j'ai dit en guise d'adieu à Tunis:  " heureuse cité où les mendiants et les harceleurs n'ont pas droit de cité!"  



Amr Abdelhamid
Traduction A. Amri
14 octobre 2014



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Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

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