« Une vision bornée de l'histoire nous a imposé d'en localiser les sources non loin de chez nous, dans l'aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athéniens et romains. [...] Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit, comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient... » (Pierre Rossi)
Scénario, scénique, scénette, scénographie, scéniquement, scéno-graphique, scénographiquement, scénite, scénopégie... et la liste peut encore s'allonger, dérivent de la racine scène, mot attesté en français depuis 1531 au sens de « représentations théâtrales de l'Antiquité ».
Le TLFi rattache le mot au latin scaena « scène d'un théâtre,
Scène de Hôtel Feydeau, mise en scène d Georges Lavaudant
théâtre », « scène publique, scène du monde », « mise en scène, comédie, intrigue », « partie d'un acte », du grec σκηνή « construc-tion en bois, couverte, où on jouait les pièces de théâtre », d'où « partie de la scène où jouaient les acteurs », « fiction de théâtre », d'où « fiction, mensonge ».
Mensonge, fiction: il y en a aussi un peu dans cette définition, quand le TLFi fait de "baraque" (premier sens du mot grec) un lieu "où on jouait les pièces de théâtre". Et ce que le TLFi ne vous dit pas, c'est qu'en grec le mot signifiait d'abord tente. Et si les Grecs désignaient autrefois les Arabes par Scénites[1], c'est tout simplement parce que la skéné (scène=tente) était l'habitat de prédilection des Arabes, et des bédouins en particulier. Le dictionnaire grec-français de Charles Alexandre, de même que Littré, et Antoine Paulin Pihan ont le mérite de nous rappeler ce sens premier du mot grec. Pihan précise même, en s'appuyant sur Charles Alexandre, "que le sens de scène théâtrale, appliqué au mot grec, est un peu détourné de sa signification primitive". Mais qu'importe ! Ce qui nous intéresse davantage ici, à savoir d'où le grec tire ce mot, Littré, le TLFi, ni autres mystes de philologie et lexicographie françaises, ne daignent en donner la moindre précision.
Et pourtant, on ne compte pas les références [2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10], [11],qui nous disent que ce grec σκηνή skènè est en fait un mot sémitique, et les grecs le doivent probablement à l'arabe سَكِنةsakéna (habitation), du verbe سَكَنَ sakana (habiter, demeurer), plutôt qu'à l'hébreu "châkan"(id.). La racine trilitère arabe س.ك.ن S.K.N. est la même souche auquel le moyen français doit meschinage et ses variantes et apparentés [12], dont mesquin (1604), mesquinement (1608) et mesquinerie (1624), conservés en français moderne. C'est la même encore dont le français tire le terme anatomique échine.
A. Amri
17.02.2020
Notes:
1- Voir la géographie de Strabon, tome I, Paris, 1867, p. 85 et 362.
11- Noah Webster, A Dictionary of the English Language, V. 2, Londres, 1832, n. p. 12-Meschinnage, mechinaige, machinaige, mecmescin, messin, mischin, meschineste, meschinette, meschiner....(Source)
"Quand Allah a créé le cheval, il a dit au vent: « Je veux qu'une créature vienne de toi. Condense-toi. » Le vent s'est condensé, et le résultat fut le cheval. " (Marguerite Henry, King of the Wind, 1948)
"L'hiver
de 1732 avait été très froid et les gelées fréquentes. Vers la fin du
mois de janvier de cette année, une assez grande foule s'était amassée
au bas du Pont-Neuf, à l'angle de la rue Dauphine et du quai des
Augustins, à Paris. Rien n'était et n'est encore malheureusement plus
commun que le triste spectacle qui ras-semblait ces oisifs. Le pavé,
rendu très glissant par le givre et le verglas, ne donnant aucune tenue
aux chevaux, un de ces animaux, attelé à une grosse charrette pleine de
bois, ne pouvait parvenir à faire avancer d'un pas cette pesante
voiture. Le charretier, homme grand et vigoureux, vêtu d'une blouse
bleue, à l'air dur et grossier, accablait ce cheval de coups de fouet,
le frappant tantôt sur la tête, tantôt sur le corps, avec une
impitoyable brutalité."
C'est ainsi que commence, sous la plume d'Eugène Sue(1), l'histoire palpitante de Godolphin l'Arabe(2). Et la scène (3) racontée à travers cet extrait, véridique, nous restitue l'un des moments les plus tristes de la vie de ce cheval. Un moment qui s'imbrique dans ce que l'on pourrait appeler les tribulations parisiennes de Godolphin.
Qui aurait pu l'imaginer, à Tunis et au milieu du 18e siècle, que le cheval de course beylical offert au roi français Louis XV, par un absurde revers de fortune insoupçonné, deviendrait bête de somme attelée à une charrette, « comme le
génie à la misère » suivant la comparaison de Théophile Gautier ? Et pire, objet des plus abominables traitements d'une brute de charretier ?
Barbe selon les uns, arabe selon d'autres(4), ce cheval, né vers 1724 au Yémen, avait traversé toute l'Arabie, en son âge tendre, pour séjourner quelque temps
à Damas. Il avait été été acquis d'abord par un chérif syien qui l'avait baptisé du nom de Scham(5). Puis, toujours poulain, il avait franchi la Méditerranée une première fois, de la rive est à la rive ouest, ayant été revendu à Hussein Ier, alors bey de Tunisie.
Enfin, après avoir reçu la meilleure éducation hippique dans les haras de ce souverain et fait ses preuves de bon coureur, Scham, âgé de 7 ans, a traversé une seconde fois la Méditerranée, cette fois-ci du sud au nord, vers la France. En en faisant cadeau (6) avec sept autres coureurs aux écuries royales de Fontainebleau, Hussein Ier devait probablement croire qu'il ferait le bonheur du jeune roi français. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Mais, avant d'en expliquer les raisons, revenons encore à la scène racontée par Eugène Sue:
"Renâclant, soufflant, le pauvre cheval s'épuisait en efforts si continus, que, malgré le froid, il était inondé de sueur et blanc d'écume. Tantôt, se jetant avec une sorte de furie dans le collier, il y donnait si vigou-reusement que des étincelles jaillissaient sous ses fers; tantôt, sans être découragé par ces énergiques mais impuissants essais, il reculait de quelques pas pour reprendre son élan; puis, rassemblant de nouveau toutes ses forces, il tentait encore, mais toujours en vain, de mettre en mouvement cette lourde voiture. Deux fois il s'abattit sous son pesant harnais, deux fois ses genoux touchèrent le pavé glissant, et deux fois le charretier, redoublant de coups et d'imprécations, le releva en le secouant si rudement par son mors, que la bouche du malheureux animal était toute saignante." (7)
Pourquoi une telle injure du sort ? Arrivé un an plus tôt en France en compagnie de sept (8) autres chevaux, Scham et ses compagnons de traversée étaient venus jusqu'au château de Fontainebleau, accompagnés chacun de son saïs. Une fois la livraison faite, tous ces garçons d'écurie étaient rentrés à Tunis. A l'exception d'un seul, Agba, un garçon muet, qui s'occupait de Scham. Pour des raisons à la fois affectives et superstitieuses, étant, d'une part, si attaché au cheval qui lui avait été confié, et d'autre part porteur d'une médaille-amulette censée protéger le cheval contre toutes sortes de maléfices(9), Agba est resté sur les lieux, intégré au personnel domestique de Louis XV.
Louis XV, qui n'avait que quinze ans en 1731, n'ayant pu apprécier à leur juste valeur ces chevaux apparemment marqués par les traversées successives de la mer et de la France(10), on comprend ce qui a valu à Scham, sur le sol français, ce destin mal emmanché, cette triste page de mektoub. D'ailleurs les autres chevaux n'en furent pas plus chanceux. Si quelques uns avaient été affectés au trait, confiés aux carrossiers du roi, les autres ont dû se faire vendre aussi à des charretiers parisiens. Quant au saïs de Scham, ne pouvant souffrir d'abandonner à son triste sort son protégé, il dut mener une vie errante, à la bohème, afin de suivre au quotidien les traces de son ami.
Retour au récit d'Eugène Sue: "Une troisième fois , enfin , après un dernier et violent effort tenté avec l'énergie désespérée de la douleur, le cheval tomba sur ses genoux ; mais une de ses jambes s'engageant sous lui, il ne put se redresser et resta renversé sur le côté, tremblant, baigné de sueur, et l’œil attaché sur son maître. La rage de celui-ci fut alors à son comble : après avoir cassé son fouet sur la tète du cheval, qui, abattu dans les brancards, pouvait à peine remuer et allongeait en gémissant son col sur le pavé, le charretier, par un odieux raffinement de méchanceté, se mit à donner à sa victime de furieux coups de pied dans les naseaux." (11)
Et de guerre lasse, le cheval ne put que se résigner à encaisser les coups. Tout en léchant, dans une "fierté stoïque" qui n'est pas sans rappeler le loup de Vigny, le sang répandu sur son museau. Tandis que la foule de spectateurs qui ne cessait de grossir, soutenait de son regard l'insoutenable, faute de courage pour faire autre chose que de regarder.
Quand il épuisa toutes les brutalités sans parvenir à faire redresser son cheval, le charretier "avisant une botte de paille accrochée derrière sa voiture, en arracha une poignée, la tordit en forme de torche et, tirant un briquet de sa poche, se disposa, avec la plus impitoyable cruauté, à faire souffrir une autre torture à ce malheureux animal, disant aux spectateurs, assez lâches pour le laisser faire : — Je vais griller cette rosse-là... ça la fera peut-être se relever."(12)
Le rebondissement qui suit cette scène est-il inscrit dans la logique de ce qui a l'air de quelque chose de providentiel, qui s'était produit à Londres une semaine avant ?
Au matin de ce même jour de janvier 1732, un quaker britannique en visite à Paris a reçu de Londres une correspondance lui annonçant une bonne nouvelle. Ce qu'il désirait ardemment depuis tantôt neuf mois, s'était enfin réalisé. Sa fille avait accouché d'un beau garçon. Et lui, le père et grand-père ainsi comblé, sitôt la lettre reçue et lue, a voulu remercier le ciel par un acte de gratitude singulière. Aussi a-t-il quitté son auberge, se laissant guider par ses pas dans les rues et les artères de Paris, à la recherche de la créature digne de l'acte médité. Au moment précis où le charretier s'apprêtait à faire subir à son cheval l'ultime supplice évoqué, lequel -est-il besoin de le dire ? pouvant n'être en la circonstance qu'un cautère sur une jambe de bois, en homme providentiel le quaker arriva sur les lieux. Et s'étant frayé un chemin au milieu de la foule, quand il a pu croiser le regard du cheval et aviser le dessein du charretier, d'un bond il sauta et tira ce dernier de la manche de sa blouse.
Arabian, sculpture, par Arthur Du Passage (1838-1909)
S'arrêtant à ce regard furtif échangé entre Scham et le quaker britannique, Maurice Druon écrit: "Pour qui connait les chevaux et les aime, le regard d'un cheval peut être aussi expressif, aussi révélateur qu'un regard humain. Et les chevaux aussi reconnaissent parmi les hommes ceux qui savent les comprendre. Un cheval choisit son maître, autant que le maître choisit la monture. Ce grand œil sombre, à la fois fier et effrayé, qui se tournait vers l'Anglais, n'appartenait pas à une bête de trait, un animal né pour une condition serve."(13)
Acquis par ce quaker au prix de quinze louis d'or, Scham et son indéfectible ange gardien, ainsi qu'un chat, plus tard nommé Grimalkin (14), qui s'était attaché lui aussi au cheval arabe, ont pu clore ce triste épisode des tribulations parisiennes. Et traverser la Manche peu de temps après derrière leur bienfaiteur. Après maintes péripéties tout aussi émouvantes, Scham, devenu le légendaire Godolphin Arabian, a fait inscrire son nom en lettres d'or dans les annales hippiques de l'Angleterre. C'est à lui, après deux étalons précédents de la même race(15), que le pur sang anglais doit sa filiation.
Tombe d'Arabian
A
sa mort en 1753, honneur assurément peu commun qui le distingue de ses
congénères disparus, Godolphin a eu droit à une tombe à Wandlebury. Et
de nombreux auteurs, des peintres ainsi que des cinéastes lui ont
consacré des œuvres inspirées de sa légende (16).
Cette légende, -il faut le souligner, Arabian
la doit surtout aux honneurs consécutifs à un combat pour sa "Dame de cœur": Roxana. Et jamais à une performance quelconque sur un champs de course. Car ce cheval n'a jamais couru, n'a jamais voulu courir, sur un hippodrome britannique. Comme on l'a déjà dit,
dès que sa rêne n'est plus tenue par Agba son saïs, Arabian devient
indocile, et aucun jockey ne peut l'approcher. D'ailleurs, il semble
qu'il n'ait été acquis par lord Godolphin que pour servir de
boute-en-train, afin de préparer une jument nouvellement acquise, Roxana, à s'accoupler avec Hobgoblin, l'étalon chouchouté de l'écurie.
Mais
plutôt que de se prêter à ce rôle peu honorable de souffleur,
The Duel par Rosa Bonheur (1895)
Arabian a
préféré viser plus haut: percevant, à travers divers signes reçus de Roxana, que celle-ci lui donnait la préférence sur le gras et pesant Hobgoblin, il a décidé de détrôner d'abord cet étalon infatué, ce rival briguant un honneur qui ne lui revenait pas. Et s'introniser ensuite par le mérite de son propre sang sultan de l'écurie Godolphin. Pour
ce faire, il a provoqué en duel son rival. Et un vrai duel s'en
est effectivement suivi, dont l'auteur français précité, avec l'extraordinaire brio
de sa narration, a fait l'un des épisodes les plus saisissants de l'épopée schamienne. Un épisode qui se termine par ces
lignes: "Hobgoblin tomba sur ses genoux ; mais, se relevant par un
dernier effort, il prit la fuite, et alla honteusement se réfugier dans
la box de Scham. Resté vainqueur, Scham n'abusa pas de la défaite de son
rival pour le poursuivre. Fier, radieux, triomphant, il s'arrêta.
Alors, la tête haute, l’œil ombragé par une longue mèche de sa crinière
sanglante, il jeta un hennissement long et retentissant comme un chant
de gloire. Un autre hennissement, impatient, nerveux, passionné ,
haletant, lui répondit. C'était Roxana, noble prix du vainqueur..."(17)
De l'union de Roxana et d'Arabian vont naître des fils, petits-fils et arrière-petits fils champions. "Au meeting de Newmarket, en 1738, écrit Henry Lee,
trois de ces fils se trouvaient engagés, le même jour, dans des courses
différentes. C'étaient Lath, cinq ans, Cade, quatre ans, et Regulis,
trois ans. Ils gagnèrent tous trois. Leur propriétaire, lord Godolphin,
avait tellement escompté ce triple succès, qu'il avait fait conduire
leur père sur l'hippodrome, afin qu'il pût assister à la victoire de ses
enfants."(18).
On ne compte pas ses descendants qui ont contribué à leur tour à honorer cette légende: Eclipse (1764-1789), cheval de course britannique invaincu toute sa carrière, Man o 'War (1917-1947), affectueusement surnommé Big Red, meilleur cheval de l'histoire des courses américaines, Secrétariat, (1970 –1989) surnommé lui aussi « Big Red », l'un des plus grands champions américains de l'histoire des courses...
En guise de conclusion, rappelons qu'une étude faite par Barbara Wallner et ses collègues de l'Institut d'élevage et de génétique animale (Université de médecine vétérinaire de Vienne), publiée en 2013, a révélé que presque tous les pur-sang anglais et près de la moitié des races de chevaux de sport modernes dans le monde portent l'haplotype Eclipse, descendant de Godolphin, le Roi du vent (19).
A. Amri 15..02.2020
Notes: 1- La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, p. 101.
2- Edward Coke (le quaker britannique dans le récit d'Eugène Sue) fut le premier propriétaire britannique de ce cheval. A sa mort, le cheval est légué à Roger Williams. Et quand lord Godolphin l'achète, il le baptise de ce nom: Godolphin Arabian.
4- Pour le "General Stud Book", registre généalogique de chevaux en Grande-Bretagne et en Irlande, c'est un barbe. Mais il y a lieu de croire que cette identification ne serait que le produit d'une confusion faite avec le cheval Brown Western Barb (voir L'histoire de DNA : Godolphin Arabian le roi des boute-en-train). Pour Eugène Sue également, c'est un barbe, et de l'une de ses meilleures branches, le
Bou-ghareb, « un des plus dignes descendants d'une des plus anciennes
races de Barbarie, nommée, à cause de sa vigueur et de sa vitesse, race des
rois du jarret »(La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, pp. 118/119). Cet avis est partagé par de J. Brunton Stephens (The Godolphin Arabian: The Story of a Horse, Londres, 1873). Pour Judith Blunt-Lytton (éleveuse de chevaux arabes et joueuse de tennis), Godolophin arabian est probablement de race arabe ou descendant de chevaux arabes. (The Authentic Arabian Horse, George Allen & Unwin Ltd., 1979, 3e éd.)
5- Dans son King of the Wind, Marguerite Henry interprète ce nom comme une apocope de "شمس chams" (soleil).
6- Rappelons que l'arabe الهدية al hadya (le cadeau) a déjà donné l'espagnol alfadia et le portugais odia, adia (de même sens). Le mot "hadie" (de sens identique) est attesté dans Maqrê Dardeqé, un dictionnaire hébreu-italien-arabe écrit en 1395 et publié à Naples en 1488. On en trouve également l'attestation dans le Glossaire Hébreu-Français du 13e siècle (Mayer Lambert et Louis Brandin, Genève 1977, p. 256).
7- Eugène Sue, op. cit., p. 101/102.
8- Le chiffre varie selon les sources, allant de 6 à 9, mais on s'accorde à dire que tous les chevaux avaient été sélectionnés parmi des mâles destinés à devenir étalons.
9- Eugène Sue, op. cit., p. 102.
10-Selon le site Thoroughbred Heritage,
pendant son séjour en France, le vicomte de Manty, qui a pu voir Scham
dans les écuries de Louis XV, l'a décrit comme étant magnifiquement fait
mais "à moitié affamé", avec un tempérament têtu qui le rendait mal
aimé du personnel de l'étable. Il est très probable qu'il était en
mauvaise condition physique, après son voyage de Tunis, à la cour du roi
français. Le film tiré de l'oeuvre de Marguerite Henry (King of the Win) évoque également ce fait.
11- Selon la légende qui sera tissée plus tard autour de Godolphin l'Arabe, ce garçon d'écurie était persuadé qu'un signe blanc, sur son pied droit arrière, prédestinait le cheval à une existence d'exception. En même temps, un autre signe sur le poitrail, en forme d'épis de blé, augurait de qulque malheur pouvant frapper le cheval. Et le garçon d'écurie aurait reçu du bey tunisien en personne une médaille-amulette dont le pouvoir est de contrer, justement, ce malheur.
12- Eugène Sue, op. cit., p. 103.
13- Le Prince Noir, in Des seigneurs de la plaine à L'hôtel de Mondez: nouvelles, R. Julliard, 1962, p. 111.
14- "Godolphin fut le héros d'un exemple d'amitié rare, écrit Henry Lee. Il avait pour camarade de
Peinture de George Stubbs (1724-1806)
box un chat qui ne le quittait pas pour ainsi dire, et qui passait son temps, soit sur son dos, soit couché entre ses jambes de devant. Quand Godolphin mourut, en 1753, à l'âge de 29 ans, le chat refusa de manger, languit quelque temps et mourut à son tour. Le portrait de Godolphin et de son chat, par Stubbs, se trouve encore au château de Gog-Magog." (Historique des courses de chevaux de l'antiquité à ce jour, Paris, 1914, p. 40)
16- Pour les livres: outre le récit en français d'Eugène Sue, , - Eugène Sue, La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, on peut citer encore, dans l'ordre chronologique de leurs parutions: - Eugène Sue, The Godolphin Arabian; or, The history of a thorough-bred, Londres, 1845 - James Brunton Stephens, The Godolphin Arabian: The Story of a Horse, London, 1873- Frederic George Stephens & Lefevre Gallery, The Duel (the Godolphin Arabian and Hobgoblin), L. H. Lefèvre (Londres), 1896 - Marguerite Henry, King of the Wind, Chicago: Rand McNally, 1948
- Maurice Druon, Le Prince Noir, in Des seigneurs de la plaine à L'hôtel de Mondez: nouvelles, R. Julliard, 1962 - Peter Cannon-Brookes, The Crabbet Park Portrait of The Godolphin Arabian, hrupp Farm Publishing, 2004
Peinture: The Godolphin Arabian, par George Stubbs The Godolphin Arabian par Daniel Quigley Le Duel par Rosa Bonheur (Musée du Louvre).
Sculpture: Arabian par Arthur Du Passage (1838-1909)
Cinéma:
King of the Wind de Peter Duffell (1990), d'après le roman éponyme de Marguerite Henry (1948)
Selon le site "confrerieducassoulet", le mot cassole est typiquement occitan et vient de "cassolo" (du latin catinum [plat en terre creux] et du grec Kyathion [écuelle, assiette en terre creuse et épaisse]). En vérité, "cassolo", ou plus exactementcaçòla [kaˈsɔlo], est un diminutif de l'occitan caça, et ce terme n'a rien à voir avec l'étymologie latino-grecque évoquée.
En 1876, considérant que le français casse (poêlon, chaudron, grande cuiller, coupe (dans le Midi)), ne peut s'apparenter au mot "caisse", Marcel Devic soutient qu'il vient de l'arabe كأس kas (coupe à boire). Et rappelant l'analogie avec l'espagnol cazo, le portugais caço, l'italien cazza, le bas latin caza, cazia, l'auteur fait de l'occitan "caça" un dérivé du même " كاس kas" arabe.
Il faut remarquer que, 12 ans plus tôt, ce même casse figurait dans une liste de mots français tirés de l'arabe, dressée par Alexis Favrot. Toutefois, l'auteur ne fournissant pas le radical arabe, il ne serait pas aisé de deviner s'il s'agit de "كأس kas" ou d'un autre mot.
Quoiqu'il en soit, ce "كأس kas", s'il parait assez pertinent pour le sens de "coupe" évoqué, à mon avis ne pourrait assurément pas tenir devant un autre étymon arabe que Devic semble n'avoir pas connu. Soit que l'auteur n'ait pu lire Eugène Daumas (1837 puis 1851), Edmond Lambert (1848) ni Florian Pharaon (1855), soit que l'étymon arabe, mal servi par une translittération faite d'une forme dialectale, ait pu passer inaperçu sous ses yeux, Devic n'a probablement pas exploré la piste de l'arabe قَصْعةٌ qassâ.
Cet étymon qui me semble mieux cadrer avec à la fois l'occitan "caça" et le français "casse", c'est Luigi Rinaldi qui l'a donné en 1901 pour l'italien "cazza" (grande louche), ses dérivés cazzarola, cassarola (casserole), cazzola (cassole), et ses apparentés dans les autres langues romanes. Entre l'arabe "قَصْعةٌ qassâ", le latin catinum et le grec kyathion, est-il besoin d'user d'une loupe pour distinguer lequel cadre le mieux avec la racine du "caça" occitan ? Les affinités au double plan de sens et de prononciation sont telles qu'elles nous permettent même de comprendre tous les diminutifs marquant les dérivés de ce mot(1). Dont pas moins de 9, sauf omission, sont devenus vocables français. Auxquels il faut ajouter un dixième venu de l'italien: cassata.
Outre sa qualité de racine à cassole (attesté en Savoie dès le 15e s.),
Monument en forme de qassâ au centre-ville de Nabeul
cassolette(1529), casserole (1583), casserolée (1918), casse (1341), cassotte (1341) coussotte (?), casseron (sens casserole, 15e s.), cassata (1950) et cassoulet (1897), قَصْعةٌ qassâ, même si le dictionnaire français n'a pas intégré à son lexique, ni sous cette forme du mot ni sous toute autre, est attesté depuis 1837 (guessaa) dans les écrits français."Guessâa" (variantes qeçâa (1879), guessââ, guessaâ(1855), guessaa(1837) est devenu tout aussi français que diffa, méchoui, tagine, entre autres termes introduits à la même époque par la littérature de la période coloniale.
"Le
guessaa, écrivent, en 1837, Eugène Daumas et Ausone Chancel, est un grand plat à kouskuessou qui peut contenir une vingtaine de jointées de blé. Ces plats sont généralement faits d'une seule rondelle de tronc d'arbre. On en fait au Soudan avec des peaux de buffle."
Cassole
A partir du milieu du 19e siècle, cet "immense plat en bois" devient presque une ritournelle chez des romanciers, des militaires, des explorateurs, des journalistes, chaque fois qu'une diffa (1845), une ziara (1881), une hédia (1885), un mariage, etc., en imposent l'évocation. C'est tantôt le guessâa du couscoussou présent en tel ou tel festin, avec un mouton entier rôti et disposé en pyramide, tantôt le guessâa mesure de blé ou d'orge, ou encore l'ustensile faisant partie d'une batterie de
Quassâ
cuisine, offert en cadeau de mariage ou acquis comme élément de trousseau (2).
L'orthographe "guessâa" est la translittération plus ou moins réussie de l'arabe dialectal maghrébin: ڤَصْعَة , celui-ci venant de l'arabe قَصْعَة qassâ (de même sens), du verbe قَصَعَ qaçaâ signifiant, entre autres, avaler.
Et pour conclure, un petit mot dédié à ceux qui ont le nez tourné à la friandise. La cassata, succulent gâteau italien originaire de la Sicile, doit aussi son nom au même étymon.