Les enjeux sont énormes pour la région comme pour le pays. C'est la première fois depuis l'indépendance que le peuple, en quête de havre de salut pour sa révolution, est appelé à élire ses représentants de façon démocratique et transparente. Espérons que la démocratie que nous appelons de tous nos vœux, sans quoi la période de transition sera longue et pénible, sortira victorieuse de ce scrutin. Nous voulons une Tunisie pluraliste et engagée sur la voie de la prospérité et du progrès. Une Tunisie où la justice, les droits de l'homme et les libertés civiles soient souverains. Une Tunisie où l'identité arabo-musulmane ne soit soumise ni à la négation soi-disant laïque ni aux enchères et tutelles des partis politiques. Une Tunisie où cohabitent toutes les croyances, d'où soit bannie toute forme d'exclusion, religieuse, politique ou sociale.
Mais nous savons que les ennemis de la révolution ne désarment pas. Nous savons aussi que les ennemis du progrès sont à l'affût de l'opportunité qui ferait basculer le pays sous leur houlette. Notre "utopie", notre rêve, le monde meilleur, vivable, pour lequel les martyrs sont tombés ne nous sera pas offert sur un plateau d'or. Il ne nous sera pas concédé par les urnes si nous ne le méritons pas. D'où la nécessité pour les défenseurs de ce projet, les partisans de ce rêve, les progressistes où qu'ils soient d'être vigilants.
Si certains observateurs internationaux considèrent qu'en Tunisie « le curseur de la révolution est au centre gauche »(2), la plupart des Tunisiens, quant à eux, semblent complètement déboussolés face à tant de prétendants au pouvoir. Compte tenu du grand nombre de listes candidates, du désarroi des électeurs dont 74%, à en croire un sondage datant de juillet dernier(3), ne savent pas encore pour qui voter et plus de 50% ne savent rien sur les partis politiques en compétition, personne ne peut prévoir le taux approximatif de participation dans ces élections, ni quelles couleurs seraient plus distinctes dans le futur panorama politique national.
Il n'est caché pour personne qu'un taux élevé d'abstentions sera fatal à la démocratie. D'autre part, celle-ci risque de pâtir davantage de la division des forces progressistes et des luttes intestines au sein de la gauche. Situation qui, indiscutablement, ne peut que conforter leurs adversaires. Ceux-ci étant plus disciplinés et polarisés tablent à la fois sur la mobilisation de leurs partisans et sur l'éparpillement de la gauche pour récolter une majorité relative ou absolue. L'émiettement prévisible de la masse électorale de gauche, voire du centre, et nous ne le dirions jamais assez, donnera aux urnes plus de voix inutiles qu'utiles.
Dans des élections à un seul tour (à deux tours, ça serait différent) cet émiettement ne profitera qu'aux ennemis de la démocratie. Et il est de notre devoir de mettre en garde contre ce danger aux incalculables retombées. Étant réel et pas fantasmé, il devrait hanter à bon droit tout citoyen conscient et responsable. Pour le conjurer, deux imprudences à ne pas commettre:
- Un: l'abstention parce qu'elle sera synonyme de vote sanction contre les représentants des forces progressistes; dans l'autre camp, sans préjuger, il n'y aura pas d'abstentionnistes.
- Deux: la voix "blanche" donnée à une liste ne bénéficiant d'aucune assise populaire, synonyme elle aussi de vote indirect en faveur de la réaction.
En conséquence, le mot d'ordre qui doit être le nôtre: vote utile, vote utile, vote utile.
La moindre voix accordée sans ce principe risque d'être fatale aux défenseurs des valeurs républicaines et progressistes.
A bon entendeur.. !
A.Amri
01.10.2011
1- A l'échelle nationale, plus d'une centaine de partis -pour la plupart inconnus ou ercédistes reconstitués sous de nouveaux labels- sont engagés dans ces élections. On dénombre 63 listes candidates à Bizerte, à majorité "indépendantes".
2- C'est l'avis de Nicolas Dot-Pouillard, chercheur à l’International Crisis Group, lequel a publié plusieurs rapports sur la Tunisie. (D'après Le Monde Diplomatique - Octobre 2011)
3- Sondage réalisé par Sigma Conseil le 24 juillet dernier.