"Ils ont la force, ils pourront nous asservir, mais on ne peut arrêter les mouvements sociaux ni par le crime, ni par la force. L'Histoire est nôtre, et ce sont les peuples qui la font." (Salvador Allende - Dernier discours au peuple chilien - 11.09.1973)
Sûrement pas une logique de postériorité historique qui ait rendu caduc le vieil 11-9 comme on serait tenté de le penser. Mais derrière cette amnésie, il y a, outre les lavage et bourrage de cerveaux répondant aux impératifs du nouvel ordre mondial, une logique de priorité stratégique, dictée par les intérêts du Pentagone et les guerres qui ont marqué la première décennie du nouveau siècle.
Pris dans le tourbillon de la communication non-stop où l'information et l'évènement qu'elle rapporte sont devenus presque simultanés, l'homme d'aujourd'hui a rarement le loisir de se déconnecter un petit instant du monde qui l'informe et désinforme tour à tour, pour prendre le recul nécessaire et objectiver l'évènement. C'est dans de telles conditions que nous avons reçu le 11-9 de ce début du siècle. Et nous avons cette impression que le retentissement qui s'ensuit depuis neuf ans est (à) la mesure de sa gravité réelle, indépendamment des rebondissements à venir. Alors que ce sont surtout ces rebondissements vus à l'avance, la tragédie grecque ouverte par ce prélude choc, mais anticipée de longue date, fantasmée, planifiée dans la politique américaine et son projet de nouvel ordre mondial qui, de façon rétrospective, ont fait l'évènement. Et donné à ce 9-11 son véritable poids: les guerres d'Afghanistan et d'Irak, entre autres épisodes noirs, décidées et préparées en coulisses. Les bonnes intentions de ceux qui instrumentalisent et l'information et l'évènement pour servir leurs agendas politiques ont fait du 11-9-2001 ce qu'il est pour nous: un micro-apocalypse qui n'a pas de précédent, un mythe au sens originel du terme, apodictique. Avant de l'être au sens courant au fur et à mesure des controverses qu'il suscitera.
Comment expliquer cette amnésie médiatique qui, depuis les attentats de New York, éclipse le 11-9 de l'an 1973 ?
Sûrement pas une logique de postériorité historique qui ait rendu caduc le vieil 11-9 comme on serait tenté de le penser. Mais derrière cette amnésie, il y a, outre les lavage et bourrage de cerveaux répondant aux impératifs du nouvel ordre mondial, une logique de priorité stratégique, dictée par les intérêts du Pentagone et les guerres qui ont marqué la première décennie du nouveau siècle.
Pris dans le tourbillon de la communication non-stop où l'information et l'évènement qu'elle rapporte sont devenus presque simultanés, l'homme d'aujourd'hui a rarement le loisir de se déconnecter un petit instant du monde qui l'informe et désinforme tour à tour, pour prendre le recul nécessaire et objectiver l'évènement. C'est dans de telles conditions que nous avons reçu le 11-9 de ce début du siècle. Et nous avons cette impression que le retentissement qui s'ensuit depuis neuf ans est (à) la mesure de sa gravité réelle, indépendamment des rebondissements à venir. Alors que ce sont surtout ces rebondissements vus à l'avance, la tragédie grecque ouverte par ce prélude choc, mais anticipée de longue date, fantasmée, planifiée dans la politique américaine et son projet de nouvel ordre mondial qui, de façon rétrospective, ont fait l'évènement. Et donné à ce 9-11 son véritable poids: les guerres d'Afghanistan et d'Irak, entre autres épisodes noirs, décidées et préparées en coulisses. Les bonnes intentions de ceux qui instrumentalisent et l'information et l'évènement pour servir leurs agendas politiques ont fait du 11-9-2001 ce qu'il est pour nous: un micro-apocalypse qui n'a pas de précédent, un mythe au sens originel du terme, apodictique. Avant de l'être au sens courant au fur et à mesure des controverses qu'il suscitera.
Cette illusion d'optique due à la redondance de l'information est aussi ce qui éclipse pour nous l'ampleur de ce vieil 11-9, laquelle, dans ses implications immédiates comme dans ses répercussions historiques, dépasse de beaucoup celle de 2001. Trente-sept ans plus tard, et sans le concours d'aucune fanfare de médias, pour des milliers et des millions d'hommes, au Chili comme ailleurs, la cicatrice est toujours ouverte et n’est pas près de se refermer.
Le 11 septembre 1973, avec le soutien logistique de la CIA et l'argent des Rockfeller, Pinochet renverse dans un bain de sang (et si ce n'était qu'un bain!) le régime socialiste de Salvador Allende. Le verdict des urnes et l'appui d'une majorité au Congrès, ce choix démocratique par lequel les Chiliens, trois ans plus tôt, ont jeté leur dévolu sur le candidat de l'Unité Populaire, est ainsi contesté et annulé. Si elle n'est pas taillée à la mesure des normes américaines, si elle ne reçoit pas la bénédiction du capital papal étasunien et des oligarchies compradores locales, la démocratie ne passe pas. La junte militaire qui s'est emparée du pouvoir en cet 11-9-73 et le conservera jusqu'en 1990, impose au pays une dictature de fer, et des plus sanglante, dont les crimes n'ont rien de comparable dans l'histoire de la seconde moitié du XXe.
Pendant 17 ans, Augusto Pinochet et son armée font du Chili la plus vaste prison qu'on puisse imaginer, en même temps qu'un exécutoir qui ne désemplit jamais. Les chiffres et les témoignages des survivants sont éloquents. Un million d'exilés dont 40 000 des politiques, entre 2500 et 3000 morts et disparus (1), sans compter les prisonniers, les détenus des camps de concentration, la vie brisée de millions de familles qui, à ce jour, ne sont pas près d'oublier ces années dont on ne guérit pas. Jamais dans l’histoire des dictatures un pays n’a été si martyrisé. Même les espaces de fêtes et de loisirs ont été transformés en lieux de supplices. Le stade national de Santiago, devenu pour la circonstance camp de prisonniers à ciel ouvert, a accueilli pas moins de 40 000 femmes et hommes qui, durant trois mois, ont été interrogés, torturés, affamés, humiliés au gré des bourreaux. Les uns ont été exécutés de façon sommaire, d’autres, pas nécessairement tous plus chanceux, déportés un peu partout à travers le pays pour subir chacun son sort. Même ceux qui ont tenté de trouver le salut à l'étranger n'ont pas été épargnés. En Amérique latine, aux USA et en Europe, avec ou sans la complicité des services secrets de ces pays (2), ces fugitifs seront pourchassés sans merci, assassinés sur place ou kidnappés pour disparaître ailleurs.
Parallèlement à ces crimes ciblant la gauche autant que tout sympathisant de circonstance (3), tout ce qui est institution démocratique dans le pays est dissout: Congrès national, syndicats, conseils municipaux, partis politiques. Le couvre-feu qui s'instaure le jour même du coup d’état et qu’on croit de courte durée s'éternise, la liberté d'expression est interdite, la presse est muselée. Et des centaines de millions de livres, les publications de gauche où qu'elles soient saisies, tout ce qui sent le rouge, sont brûlés.
Cela s'est passé un 11-9, il y a de cela 37 ans.
Malgré les allégations des premières enquêtes américaines qui prétendent qu'il n'y a aucune preuve de l'implication directe des USA dans le putsch du 11 septembre 1973, au lendemain même de l'élection de Salvador Allende, Henry Kissinger, à l'époque Secrétaire d'État de Richard Nixon, déclare:« Je ne vois pas pourquoi il faudrait s'arrêter et regarder un pays devenir communiste à cause de l'irresponsabilité de son peuple. » Cette phrase est en réalité la première déclaration de guerre (4) à la démocratie naissante chilienne. Plus tard d’autres enquêtes confirmeront le rôle primordial joué par les Américains dans la chute d’Allende. Même si les documents qui accablent les USA dans ce crime sont aussi divers que nombreux (5), on citera en particulier le livre de Christopher Hitchens, écrivain et journaliste américain d'origine britannique, Les Crimes de M. Kissinger. L'auteur y répertorie et détaille non seulement les guerres secrètes de Kissinger en Amérique latine et au Chili, mais aussi ses implications dans la prolongation de la guerre au Vietnam, l'extension de cette guerre au Cambodge et au Laos, les assassinats et les actes de subversion en Grèce et en Chypre, de même que sa responsabilité dans le génocide du Timor-Oriental (6). Un autre livre, écrit par celui qui fut à l'origine de l'éclatement du scandale du Watergate, Bob Woodward, éclaire des périodes plus récentes des crimes de la CIA: CIA : Guerres secrètes 1981-1987..
A. Amri
25.08.2010
Notes:
1- Le Rapport Rettig (Rapport de la Commission nationale Vérité et Réconciliation: résultat d'une enquête sur les violations des droits de l'homme commis sous la dictature de Pinochet) datant de 1991 donne un chiffre plus élevé: il y aurait 3200 morts ou disparus au Chili entre 1973 et 1990.
2- Christopher Hitchens et Eduardo Galeano, respectivement journalistes américain et uruguayen soutiennent la complicité des USA dans la campagne d'assassinats organisée conjointement par les dictatures militaires de l'Amérique latine au milieu des années 1970 et connue sous le nom de L'Opération Condor . D'autre part, dans son livre Escadrons de la mort, l'école française, Marie-Monique Robin, journaliste, réalisatrice et écrivaine française, montre comment, par voie de coopération militaire et coordination entre services de renseignements, les méthodes employées par l'armée française pendant la guerre d'Algérie, en particulier pendant la bataille d'Alger, ont été exportés à la fois vers les USA et les pays gouvernés par les dictatures militaires de l'Amérique latine.
3- Le cas le plus retentissant est sans doute celui de Sheila Cassidy, médecin britannique, qui a été arrêtée au Chili en 1975 et torturée pour avoir soigné un opposant au régime.
4- En vérité la guerre américaine contre Allende a commencé bien avant son élection : la campagne électorale de son adversaire conservateur Jorge Alessandri a été financée par la compagnie américaine ITT(International Telephone and Telegraph).
5- Une liste minima comporterait: Les années Condor par John Dinges, La Mort lente des disparus au Chili par Antonia García, L'Afrique australe, de Kissinger à Carter par Barry Cohen et Howard Schissel, Les années Condor : Comment Pinochet et ses alliés ont propagé le terrorisme sur trois continents par John Dinges, William Bourdon, et Isabelle Taudiere pour la traduction.
Quelques films aussi:
- La Spirale, film sur le coup d'état au Chili par Armand Mattelart.
- Torture made in USA + Escadrons de la mort, l'école française, documentaires français de Marie-Monique Robin
- Salvador Allende, Film de De Patricio Guzmán
6- Concernant la CIA elle-même, il y a toute une Histoire noire qui n'a pas encore de fin mais on peut en citer de façon succincte quelques épisodes saillants associés à des personnages comme Mossadagh en Iran, Jacobo Arbenz Guzmán au Guatemala, Patrice Lumumba au Congo. Sans oublier les multiples tentatives de renversement de Castro à Cuba et les manœuvres subversives contre Chávez au Venezuela.