Selon le site "confrerieducassoulet", le mot cassole est typiquement occitan et vient de "cassolo" (du latin catinum [plat en terre creux] et du grec Kyathion [écuelle, assiette en terre creuse et épaisse]).
En vérité, "cassolo", ou plus exactement caçòla [kaˈsɔlo], est un diminutif de l'occitan caça, et ce terme n'a rien à voir avec l'étymologie latino-grecque évoquée.
En 1876, considérant que le français casse (poêlon, chaudron, grande cuiller, coupe (dans le Midi)), ne peut s'apparenter au mot "caisse", Marcel Devic soutient qu'il vient de l'arabe كأس kas (coupe à boire). Et rappelant l'analogie avec l'espagnol cazo, le portugais caço, l'italien cazza, le bas latin caza, cazia, l'auteur fait de l'occitan "caça" un dérivé du même " كاس kas" arabe.
Il faut remarquer que, 12 ans plus tôt, ce même casse figurait dans une liste de mots français tirés de l'arabe, dressée par Alexis Favrot. Toutefois, l'auteur ne fournissant pas le radical arabe, il ne serait pas aisé de deviner s'il s'agit de "كأس kas" ou d'un autre mot.
Quoiqu'il en soit, ce " كأس kas", s'il parait assez pertinent pour le sens de "coupe" évoqué, à mon avis ne pourrait assurément pas tenir devant un autre étymon arabe que Devic semble n'avoir pas connu. Soit que l'auteur n'ait pu lire Eugène Daumas (1837 puis 1851), Edmond Lambert (1848) ni Florian Pharaon (1855), soit que l'étymon arabe, mal servi par une translittération faite d'une forme dialectale, ait pu passer inaperçu sous ses yeux, Devic n'a probablement pas exploré la piste de l'arabe قَصْعةٌ qassâ.
Cet étymon qui me semble mieux cadrer avec à la fois l'occitan "caça" et le français "casse", c'est Luigi Rinaldi qui l'a donné en 1901 pour l'italien "cazza" (grande louche), ses dérivés cazzarola, cassarola (casserole), cazzola (cassole), et ses apparentés dans les autres langues romanes. Entre l'arabe "قَصْعةٌ qassâ", le latin catinum et le grec kyathion, est-il besoin d'user d'une loupe pour distinguer lequel cadre le mieux avec la racine du "caça" occitan ? Les affinités au double plan de sens et de prononciation sont telles qu'elles nous permettent même de comprendre tous les diminutifs marquant les dérivés de ce mot(1). Dont pas moins de 9, sauf omission, sont devenus vocables français. Auxquels il faut ajouter un dixième venu de l'italien: cassata.
Outre sa qualité de racine à cassole (attesté en Savoie dès le 15e s.),
cassolette(1529), casserole (1583), casserolée (1918), casse (1341), cassotte (1341) coussotte (?), casseron (sens casserole, 15e s.), cassata (1950) et cassoulet (1897), قَصْعةٌ qassâ, même si le dictionnaire français n'a pas intégré à son lexique, ni sous cette forme du mot ni sous toute autre, est attesté depuis 1837 (guessaa) dans les écrits français. "Guessâa" (variantes qeçâa (1879), guessââ, guessaâ(1855), guessaa(1837) est devenu tout aussi français que diffa, méchoui, tagine, entre autres termes introduits à la même époque par la littérature de la période coloniale.
A partir du milieu du 19e siècle, cet "immense plat en bois" devient presque une ritournelle chez des romanciers, des militaires, des explorateurs, des journalistes, chaque fois qu'une diffa (1845), une ziara (1881), une hédia (1885), un mariage, etc., en imposent l'évocation. C'est tantôt le guessâa du couscoussou présent en tel ou tel festin, avec un mouton entier rôti et disposé en pyramide, tantôt le guessâa mesure de blé ou d'orge, ou encore l'ustensile faisant partie d'une batterie de
cuisine, offert en cadeau de mariage ou acquis comme élément de trousseau (2).
L'orthographe "guessâa" est la translittération plus ou moins réussie de l'arabe dialectal maghrébin: ڤَصْعَة , celui-ci venant de l'arabe قَصْعَة qassâ (de même sens), du verbe قَصَعَ qaçaâ signifiant, entre autres, avaler.
En vérité, "cassolo", ou plus exactement caçòla [kaˈsɔlo], est un diminutif de l'occitan caça, et ce terme n'a rien à voir avec l'étymologie latino-grecque évoquée.
En 1876, considérant que le français casse (poêlon, chaudron, grande cuiller, coupe (dans le Midi)), ne peut s'apparenter au mot "caisse", Marcel Devic soutient qu'il vient de l'arabe كأس kas (coupe à boire). Et rappelant l'analogie avec l'espagnol cazo, le portugais caço, l'italien cazza, le bas latin caza, cazia, l'auteur fait de l'occitan "caça" un dérivé du même " كاس kas" arabe.
Il faut remarquer que, 12 ans plus tôt, ce même casse figurait dans une liste de mots français tirés de l'arabe, dressée par Alexis Favrot. Toutefois, l'auteur ne fournissant pas le radical arabe, il ne serait pas aisé de deviner s'il s'agit de "كأس kas" ou d'un autre mot.
Quoiqu'il en soit, ce " كأس kas", s'il parait assez pertinent pour le sens de "coupe" évoqué, à mon avis ne pourrait assurément pas tenir devant un autre étymon arabe que Devic semble n'avoir pas connu. Soit que l'auteur n'ait pu lire Eugène Daumas (1837 puis 1851), Edmond Lambert (1848) ni Florian Pharaon (1855), soit que l'étymon arabe, mal servi par une translittération faite d'une forme dialectale, ait pu passer inaperçu sous ses yeux, Devic n'a probablement pas exploré la piste de l'arabe قَصْعةٌ qassâ.
Cet étymon qui me semble mieux cadrer avec à la fois l'occitan "caça" et le français "casse", c'est Luigi Rinaldi qui l'a donné en 1901 pour l'italien "cazza" (grande louche), ses dérivés cazzarola, cassarola (casserole), cazzola (cassole), et ses apparentés dans les autres langues romanes. Entre l'arabe "قَصْعةٌ qassâ", le latin catinum et le grec kyathion, est-il besoin d'user d'une loupe pour distinguer lequel cadre le mieux avec la racine du "caça" occitan ? Les affinités au double plan de sens et de prononciation sont telles qu'elles nous permettent même de comprendre tous les diminutifs marquant les dérivés de ce mot(1). Dont pas moins de 9, sauf omission, sont devenus vocables français. Auxquels il faut ajouter un dixième venu de l'italien: cassata.
Outre sa qualité de racine à cassole (attesté en Savoie dès le 15e s.),
Monument en forme de qassâ au centre-ville de Nabeul |
"Le
guessaa, écrivent, en 1837, Eugène Daumas et Ausone Chancel, est un grand plat à kouskuessou qui peut contenir une vingtaine de jointées de blé. Ces plats sont généralement faits d'une seule rondelle de tronc d'arbre. On en fait au Soudan avec des peaux de buffle."
Cassole |
Quassâ |
L'orthographe "guessâa" est la translittération plus ou moins réussie de l'arabe dialectal maghrébin: ڤَصْعَة , celui-ci venant de l'arabe قَصْعَة qassâ (de même sens), du verbe قَصَعَ qaçaâ signifiant, entre autres, avaler.
Et pour conclure, un petit mot dédié à ceux qui ont le nez tourné à la friandise. La cassata, succulent gâteau italien originaire de la Sicile, doit aussi son nom au même étymon.
A. Amri
09.02.2020
Notes:
1- Le lexicographe arabe Al-Kisa'i (737-805) définit la قصعة qassâ (féminin en arabe) comme suit: القصعة ما تشبع عشرة al qassâ est le plat qui nourrit 10 personnes. On comprend ainsi ce qui motive les diminutifs "cassole" par rapport à "caça", ainsi que "casserole" et "cassolette" par rapport à "cassole". Quant au mot "cassoulet", il a été ainsi appelé parce que, suivant les traditions culinaires occitanes transmises en France, le plat se fait cuire dans une cassole.
2- Ci-dessous quelques exemples, et les références sur Gallica, Google ou archive.org ne manquent pas pour allonger la liste:
- Edmond Lambert, A travers l'Algérie, histoire, mœurs et légendes des Arabes, Paris, 1884, p. 361
- Marius Bernard, L'Algérie qui s'en va, Paris, 1887, p. 142
- Albert Racine, Le costume historique, Paris, 1888, p. 46
- Henri Bissuel, Les Touareg de l'Ouest, Alger, 1888, p. 85
- Eugène Daumas, Les chevaux du Sahara, Paris, 1851, p. 344
- Edouard Cat, A travers le désert, Paris, 1892, p. 71
- Fernand Hue, Les cavaliers de Lakhdar, Paris, 1895, p. 70
- Hugues Le Roux, Au Sahara, Paris, 1891, p. 139
- Henri Poisson de La Martinière & Napoléon Lacroix, Documents pour servir à l'étude du Nord-Ouest africain. T. 3 , Alger, 1894, p. 380
- Florian Pharaon, Le fusil sur l'épaule, Paris, 1882, p. 60
- H. Lavion, L'Algérie musulmane dans le passé, le présent et l'avenir, Paris, 1914, p. 98
- Camille de Renesse, Deux mois en yacht : voyage aux côtes de l'Espagne, du Portugal et du Maroc, Nice, 1899, p. 275
Articles associés:
A. Amri
09.02.2020
Notes:
1- Le lexicographe arabe Al-Kisa'i (737-805) définit la قصعة qassâ (féminin en arabe) comme suit: القصعة ما تشبع عشرة al qassâ est le plat qui nourrit 10 personnes. On comprend ainsi ce qui motive les diminutifs "cassole" par rapport à "caça", ainsi que "casserole" et "cassolette" par rapport à "cassole". Quant au mot "cassoulet", il a été ainsi appelé parce que, suivant les traditions culinaires occitanes transmises en France, le plat se fait cuire dans une cassole.
2- Ci-dessous quelques exemples, et les références sur Gallica, Google ou archive.org ne manquent pas pour allonger la liste:
- Edmond Lambert, A travers l'Algérie, histoire, mœurs et légendes des Arabes, Paris, 1884, p. 361
- Marius Bernard, L'Algérie qui s'en va, Paris, 1887, p. 142
- Albert Racine, Le costume historique, Paris, 1888, p. 46
- Henri Bissuel, Les Touareg de l'Ouest, Alger, 1888, p. 85
- Eugène Daumas, Les chevaux du Sahara, Paris, 1851, p. 344
- Edouard Cat, A travers le désert, Paris, 1892, p. 71
- Fernand Hue, Les cavaliers de Lakhdar, Paris, 1895, p. 70
- Hugues Le Roux, Au Sahara, Paris, 1891, p. 139
- Henri Poisson de La Martinière & Napoléon Lacroix, Documents pour servir à l'étude du Nord-Ouest africain. T. 3 , Alger, 1894, p. 380
- Florian Pharaon, Le fusil sur l'épaule, Paris, 1882, p. 60
- H. Lavion, L'Algérie musulmane dans le passé, le présent et l'avenir, Paris, 1914, p. 98
- Camille de Renesse, Deux mois en yacht : voyage aux côtes de l'Espagne, du Portugal et du Maroc, Nice, 1899, p. 275
Articles associés: