jeudi 14 mars 2013

Pour les nez tournés à la friandise: samsa

C'est probablement en l'été 2009 que j'ai dû goûter pour la première fois aux friandises samsonales.

Difficile de dire,
pour un rescapé du vingtième siècle, ce qui donnait à cette samsa-là son bouquet, ce fumet divin qui, instantanément, m'y a fait tourner le nez. Sans doute la pâte d'amende épilée, verte fraiche émondée, en elle-même gracieuse et toute vertus pour le gourmand des verdeurs samsonales. Étalée, et pas talée du tout, sur sa couche veloutée de miel, de ses pignons blancs  hérissée, et pistaches pleines. Enlacée de la diaphane feuille de brick veloutée, robe légère et tout sensualité, comme ces ailes de demoiselles libellules, et tout autant diaprée, qui froufroutent pour l'émoi des sens et leur bonheur aux heures à souper des soirées estivales(1).

C'était à la faveur d'un plateau Nessma TV, été 2009, que je dois ce que les conteurs de romances appellent coup de cœur,
fatal, pour le duo SAMSA.

Mais quitte à exacerber l'appétence du lecteur que je soupçonne, dans tous ses états, papillotant des yeux -et des papilles et leur palais papillonnant- pour la friandise qui fleure bon la samsa mais tarde à se faire servir, je voudrais digresser un peu pour parler d'un texte, lu à peine une semaine avant ce plateau. Sans les mots et leur pouvoir, la facture de tel texte et le paratexte fracturant ma résistance à la télé, pour toutes les douceurs de la terre je ne me serais planté durant une heure trente, ni trente sans l'heure, devant aucune embaumée brise TV!(2)
Donc, à peine une semaine plus tôt, au hasard d'une prospection web de gisements littéraires pour pédagogue, alors que je cherchais un support sur la musique et ses vertus, je me fis accrocher par un titre des plus racoleur en la circonstance: Respirer un air de musique. Écrit par une Marocaine vivant à Paris, qui ne tarderait pas à me prendre elle aussi dans ses rets friands. Le texte m'avait travaillé, laminé pour être moins résistant à certaines télés. Et m'a donné l'avant-goût pour le moins alléchant de la samsa dont il parlait, louée pour ses bienfaits miraculeux, surtout, recommandée aux cardiaques!
Cardiaque je ne l'étais pas moi-même ni ne le suis, dieu merci, mais jouant souvent avec les mots et leur homonyme, et jouant plutôt cœur que trèfle ou carreau, il m'arrivait souvent de craindre que je n'en arrive, au bout du rouleau,  à ne pouvoir soutenir mes jeux de maux/mots qu'à la faveur d'une bouteille d'oxygène, abouchée à mon cœur! Oui, car aux dires de la Marocaine -plume sorcière- qui parlait de Skander Guetari et Sana Sassi sur tel ton, la samsa tunisienne retape presque les cœurs esquintés!

Je ne saurais trop recommander la lecture de cet article
(3) qui illustre mieux que mes propos décousus les vertus toubibables de Samsa.

En l'été 2009 si je ne me trompe, à l'exception de ceux qui vivent dans la sphère de la capitale ou celle de Sousse, et suivent

Alem Jdid, premier album de SAMSA

assidûment le calendrier de leurs manifestations culturelles respectives, le large public tunisien ne connaissait pas encore ce duo. Le bizertin Skander Guetari, résidant à Paris après avoir bivouaqué un certain temps aux USA,  et Sana Sassi sa coéquipière compagne d'art et d'exil originaire de Sousse mais née en France, pas plus que le pâtissé label SAMSA qui les unit, encore une fois si je ne me trompe pas- n'avaient pas, à proprement parler, pignon sur rue tunisienne.

Et pourtant, le tandem guitariste chanteur-chanteuse
poétesse, n'était pas né à la maternité Nessma TV. Cofondé en l'an 2005 à la ville de Sousse, à peine deux ans plus tard SAMSA conquiert un tronçon de chemin ensoleillé dans la cour des grands. Premier Prix des groupes au Festival de la musique tunisienne pour l'année 2007, et bien que méconnu par nos télévisions comme la plupart des talents qui osent se rebiffer contre la médiocrité, Samsa avait déjà fait depercées, et pas modestes, sur l'autre rive de la mer. Déjà chacun à son titre personnel dès le début des années 2000, ils avaient pu conquérir, tantôt auprès de dilettantes se comptant sur les doigts, tantôt d'un public plus large, des salles parisiennes et d'autres réparties dans plusieurs villes en France. Sana, mordue de poésie et cultivée, écrivait ses propres chansons ou reprenait des succès tunisiens et orientaux, Hédi Jouini et Oum Kalthoum entre autres. Et Skander, non moins cultivé bien que sa guitare soit autodidacte, a tant gratter si bien ses cordes avait réussi à sortir un premier album dès 2004. C'est dire que la méconnaissance de la mère patrie n'empêcherait pas le duo à sang pour sang tunisien  et pas avare de son amour pour la patrie de nous donner, bienfaits de la musique diplomate,  mieux que les ambassadeurs et consuls en titre, partout nommés(4). 

Je voyais et entendais donc pour la première fois, comme beaucoup de Tunisiens, ces deux jeunes voix. Et le tandem avait de quoi me ravir. Non seulement par ce qu'ils avaient pu chanter sur le plateau ce soir-là(5), à la fois novateur par ses airs, sa rythmiques, et sang pour sang pâtissé pour les nez tournés à la friandise. Mais aussi et surtout par ce qui a pu les faire croiser en France et chanter en tandem. Alors que l'un et l'autre préparaient chacun son doctorat, en littérature française du Moyen âge pour Sana, en génie informatique pour Skander. Concilier les voies estudiantines et artistiques, toutes deux ardues, répondre à leurs exigences respectives, en même temps qu'aux exigences professionnelles parallèles, Skander étant employé à temps plein comme ingénieur dans une société IBM, Sana devant  travailler elle aussi, ne serait-ce qu'à mi-temps afin d'assurer un minimum d'indépendance matérielle vis-à-vis des siens, c'est fantastique. Et pour soutenir une telle gageure et s'en sortir victorieux, ils ne pouvaient que forcer l'admiration.



Aujourd'hui docteure et
docteur dans leurs domaines respectifs, et chanteur et chanteuses dans leur tandem avec publics conquis de divers pays! Sana aujourd'hui mariée et peut-être mère ou mère projet, Skander pas encore (ni père ni marié -si ce n'est l'un et l'autre projet à ma connaissance) et la gageure toujours soutenue et soutenable!

Bref, on a tous les ingrédients faisant de SAMSA la friandise
tunisienne à chant pour chant sensas, et l'inédite samsa à cent pour cent pâtissée exclusivement pour ceux qui raffolent des friandises!

Pourquoi exclusivement? parce que le beau, bon, onctueux, intelligent en un. Et en chacun. Multiplié par deux pour faire ce tandem qui chante, défie, enchante et rend fière d'en être mère la Tunisie.. peut avoir aussi ses profanateurs,  ennemis jurés du Beau(6).







A. Amri
14.03.13


1-
Que l'on veuille pardonner à l'âme damnée de poésie ces incessants tours de derviche autour de Samsa. Sana Sassi et Skander Guetari qui ont trois "S" en commun, mais surtout, sans être casaniers ni chauvins, un enracinement culturel dans le socle samsonal, à travers SAMSA WORLD ils hissent haut la bannière identitaire qui est la leur et qui ne mérite pas qu'on disserte outre-mesure dessus. Mais pour le vertige du derviche, à part le gustatif de Samsa il y a aussi le sonore et ludique des noms propres: Sana Sassi/ Skander Guetari.  Le derviche tourneur y perçoit le sauna de Sana, où ça sue de Sassi! la source mythique, la bénite fontaine de jouvence dont sourd la douce part de pâtisserie! Sinon -sous les cornes dures- il percevrait aussi l'autre guitare que Guetari ne gratte pas et le scanner de Skander... Je dois stopper le derviche tourneur ici, sinon par ses folles pirouettes il risque de me ramener au sauna de jouvence et scanner toubibal à recommander aux cardiaques! On en parlera des cardiaques en leur temps.


2- Allusion à l'éponyme de Nessma TV dont la traduction est "Brise TV".

3- Sur le blog "Courant alternatif" (il n'y a pas de risque à se faire électrocuter par cet alternatif!!) de Sarra Grira. Ci-dessous l'image d'un extrait:

Cliquez sur la photo pour l'agrandir



4- Voici un petit exemple, mais combien éloquent et expressif, de ce que ces chanteurs, diplomates par excellence de la culture tunisienne, rapportent au pays. Les mots ci-dessous envoyés par Thierry Blanc, Français et ayant eu lui aussi un coup de cœur pour la samsa tunisienne. Certes pour remercier d'abord un traducteur, mais pour dire la joie, le bonheur que lui procure la facture de la chanson samsonale. Lisez plutôt!
 

"Merci, merci pour cette traduction... Chaque fois que j'écoutais j'étais ravi (mélodie, voix, instrument) et en même temps terriblement frustré: de quoi cela parle-t-il, ces sons qui rebondissent et dansent dans mon oreille et ma tête que sont-ils? Maintenant je sais... et pour moi l'obsédé du mot, l'assoiffé de poésie, ça me va!"

T
hierry Blanc, dimanche 4 décembre 2011.
5- Ils ont repris de vieux succès tunsiens, Hédi Jouini et Saliha, et chanté Fi-ramchet-aïn في رمشة عين(en un clin d’œil), qu'on peut (re)découvrir -avec traduction en sous-titrage- sur ce lien.




6- L'expression "ennemis jurés du Beau" n'a pas besoin qu'on la défende dans le contexte tunisien actuel. Mais puisque la note est là, pour l'honorer disons que depuis le 23 octobre 2011, voire quelques mois avant, l'art pâtit en Tunisie du mal islamiste: agressions perpétuelles contre des chanteurs, des groupes de musique, des artistes de tout genre, des poètes, intellectuels, journalistes, opposants politiques de toutes couleurs...dans une croissantade obscurantiste contre le Beau, l'Intelligent, le Libre. Les chevaliers à la Triste Barbe (7) de cette croissantade ouverte qui, le 6 février 2013, a coûté aux Tunisiens le Hachad de la révolution Chokri Belaid, ne sauraient saliver ni approcher du nez cette samsa païenne.


7- Les âmes damnées  de littérature classique ne me pardonneraient pas cette analogie sous-entendue par quoi j'aurais mis côte à côte l'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche et nos bourrues barbes en manche (et sauf respect des dames damnées des Belles lettres, sans le manche!). Pour prévenir tout contresens, il n'y a rien de commun entre l'enfant de plume racé de Cervantès et les décervelés bâtards de ma plume! 



Lien extérieur:

Pour en savoir plus sur la discographie de SAMSA

http://samsaworld.bandcamp.com/

mardi 12 mars 2013

A toi petit frère que l'enfer tente

Encore une hostie sur l'autel expiatoire et propitiatoire du feu. Encore un feu frère aux feus Bouazizi et ses frères de feu...

Ce matin comme tant d'autres baignés de tristesse et sentant le rossi, sorti des faits divers le temps d'un flash qui passe, avare de son temps précieux: un frêle corps a brûlé. En fin d'infos servi, diligemment à l'heure du déjeuner, comme pour nous titiller duvet de nuque et les narines.


Ce n'était ni à la tombée du jour. Ni au fort de la nuit. Ni, noir et par un soir raffolant d'encens qui moutonne, un chevreau. Ou toute autre hostie expiatoire ou propitiatoire pour notre salut.

Pouvant sortir le pays de ses tribulations. Exaucer les vœux dévots à ne plus susurrer aux saints Sidis et leurs séides thuriféraires, les uns comme les autres faisant la queue à la file des chômeurs, leurs cartes et marabouts étant brûlés. Embaucher les élus du chômage que leurs Élus n'entendent plus, fort à propos -il faut dire, car ne les retrouvant plus dans les dernières statistiques revues de près et corrigées. Résoudre les problèmes de l'économie en passe d'être toute résolue. Faire pleuvoir dru sur la Tunisie l'or qu'attendent en file indienne tuk-tuk importés depuis la Thaïlande pour le bonheur du tunisien eldorado.


Mais au grand jour, et tout aussi vert que le dernier, pas moins vert que le premier, un jeune brûlé par le pyromane et tunisien désespoir.


Sans être noire hostie chargée de nos péchés, il a déposé dans le vase des cendres victimaires ses peines et nos fautes. Sur le bûcher des dieux chthoniens qui raffolent de la tendre chair nôtre, il s'est offert corps et biens perdus méchoui accommodé aux essences pétrolières, grillade de foie salée et tête aux quatre épices avec le chou-fleur de la cervelle, propitiatoire et devant allécher la pluie qui boycotte printemps et sa terre. Et faire baisser d'un cran le prix des denrées qui nous flambent, et mangent toutefois crus.


Sans préjuger, à en juger toutefois par l'affluence vers les mosquées à l'heure où l'encens du corps moutonne, dans l'enchantement des dieux chthoniens. Et l'indifférence des minarets pressant vers la prière ses fidèles.


Frêle comme le feu dernier et tous les feus frères de feu, sur le bûcher de notre misère. Un autre frère à Bouzizi.

Un bout d'enfant comme tel, au bout du chemin et du rouleau, venant à bout de la vie qui, pour l'avoir trop supporté, n'en voulait plus de lui.

Dis-moi, petit frère, jusqu'à quand devrons-nous, sur l'autel de ces dieux humains qui insultent notre misère, immoler des Bouazizis? Jusqu'à quand permettre que soient grillés par le feu nos oisillons et leur duvet? Et la coque à peine éclose de nos œufs couvés?

Jusqu'à quand, petit frère, intenter contre la misère abstraite de ses orfèvres, contre seulement ses outils d'orfèvres, la charrette, le chariot des sandwichs ambulants, la mallette des parfums diplômés, le renommé carton à cigarettes bédouines qui sillonnent les rues, la citadine caisse à cirer bivouaquant dans les parages des cafés, aux cafés la chaise louée à l'année sans l'acquit et la quittance, la mendiante tzigane et les Gavroches des rues à arpenter d'impasse en impasse, sans y jamais capturer vif bout d'espoir, sans jamais vive bout d'espérance. Et le silence qui sirote à petites lampées et grandes nos vies, et la cadence des portes refermées sitôt on y frappe. Et les lettres jamais rendues par facteurs et PTT, mortes closes sitôt timbre aux PTT payé et tamponné?

Et ces procès que nous intentons contre l'indifférence, le silence, la mort, par nos corps devenus insupportables, invivables, sans la dignité qui les fasse tenir debout?

Jusqu'à quand, petit frère, intenter ces procès coûteux et sans verdict de justice contre les fourchettes et les couteaux des pyromanes. Et mythomanes. Et mégalos aux chaises trouées qui dans l'aisance rotent et nous découpent. Et sans Dieu pour déposer contre eux?
Sans Dieu à chaque fois, toujours absent, jamais convoqué pour comparaître à la barre des témoins et montrer du doigt ses pyromanes assassins.

Ils sont là, petit frère, assis à l'ombre de l'Absent, les superbes présents d'Allah qui nous comblent! Sans présents -ni le présent qui les voie- pour la bouche épouse de ramadan. Sans présents à part l'absolue prédication de Sa parole absolutoire. Qui ne permette à épouse de cocufier son ramadan!

Là, qui nous mènent à tous les abattoirs, tantôt à la prompte massue qui ne sait lire ni écrire(*), pour notre salut éternel -disent-ils,  tantôt à la douceur des maux qui nous laminent, à la divine piqûre de fatwas, toutes aussi promptes que la massue, qui "la" piquent et nous la massent!

Là, toujours diligents, petit frère, pour nous mener droit au paradis, et dans la camisole de force, à nos fers ferrés. Sinon l'enfer nous voyant fourvoyés sur le chemin, au dernier mangera ceux qui auront survécu aux bûchers terrestres!

Écoute le mufti qui roucoule, cravachant nos maux! Regarde-le nous montrant de la pointe du sceptre qui soulève ses bas côtés à l'ample robe des cieux, gracieuses à qui les brigue et mande au bout du chemin des méritants, au milieu du jardin mérité, de mille bassins et fontaines dorées entourées, les douceurs divines!

Regarde, petit frère, sous les basques qui s'évasent, ce que nous réservent les divines alcôves qui nous enchantent!

"Et hue! dia! croyants! Vous en voulez ou pas de ces douceurs divines?"

Les appas et l’appât que marchands d'illusions nous injectent dans leurs piqûres. Pour nous décapiter. C'est qu'ils nous veulent tous des Bouts à zizi, comme Mohamed Bouazizi mais sans la tête! Pas cogitant du tout, à la rigueur si cogiter nous tente, ne cogitant que par le tronçon de chair retranché de son bout!

C'est pourquoi, outre les bûchers sataniques de Bouazizi et ses frères de feu, ils ont inventé, sacrés, les bûchers de la haine divine. Des tonnes de Bouzizis s'y jettent au fil des jour, entre les ablutions de la prière matinale et la prière qui scelle le jour. Tandis que d'autres bienheureux attendent leur tour. Tous, dieu merci, rachetables à l'enfer promis pour autant qu'ils acceptent qu'on  leur retranche, à coups de piqûres endormant le cogito temporel et profane, à chaque Bouzizi le tronçon de bout qui pense. Tandis que l'autre, que la géhenne du mufti ne menace de ses braises ni tance, droit et tout ouïe à la coquetterie céleste, aux houris qui minaudent et l'appellent, panse ses maux et leur susurre à mufti le baume de ses dits.

"Va, petit frère, bondis, saute au paradis qui te hèle!" Et le coton céleste, son satin et ses fanfreluches, te tirent du nez. Jihad en Syrie! en série jihad partout! souris aux anges, petit frère, bout de chair martyre qu'on panse! danse autour du feu, le temps que là-haut les promises t'allument un bâton d'ambre! Panse ton machin le temps qu'elles préparent au sultan son bain ambré.

Puis.. au feu! et que ça saute!
Au suivant!...."


Ils sont là, petit frère, assis à l'ombre de l'Absent, les superbes présents d'Allah qui nous comblent! Les pyromanes qui brûlent et fument nos phénix. Et qui clappent et se pourlèchent, tout le temps que le doux fumet leur titille mèches de saints et les naseaux. Ils reniflent haut l'eau de notre sel, le zeste de notre citron et les senteurs zélés de l'estragon au jus de cumin. Ils renâclent fort les essences des hosties, l'eucharistie qu'exhale, toute vertu, nos bûchers. Et quand nos cendres sont servies après dessert aux agapes, à pailles et pincées dévotes se disputant la poudre noire d'Afghan, ils sniffent et crient: Allahou akbar! Dieu est grand!

Jusqu'à quand, petit frère brûlant vert pour les agapes de nos saigneurs, le théâtre de Beckett à vivre guichets fermés, à répéter jour et nuit, à la vie, au théâtre à ciel ouvert de la vie? A quand Fin de Partie sans le noir théâtre, petit frère, et l'absurde noir pour metteur en scène?

Quand enfin ces procès que réclame ayants-droits et les âmes de leurs damnés, qu'il faut engager ici et maintenant contre le désespoir, ses artisans et ses apôtres?

A.Amri
12.03.2013

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130312100511/

*- Expression empruntée à l'arabe لا تقرا لا تكتب, qui signifie:" impitoyable"

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lundi 11 mars 2013

Je t'aime et salue ta grandeur altière, Tunisienne!


Que tu sois Besma Belaid ou, anonyme, seulement tu souries de toutes tes dents -ou seulement des yeux- pour nous rappeler en tout lieu et bel aïd tel nom(*)..

Que tu aies pour couronne le martyre d'un camarade, et auréolé de ta dignité altière le deuil d'un peuple..
Et descendes dans la rue et marches fière, hissant au grand jour le V rituel, à la face des assassins déclarant victorieux l'assassiné et sa cause...

Que, sans être Besma Belaid mais du même sang combattant toutefois, tu montes d'un cran, avec le cran pour trône, et pour couronne civique ta résistance de citoyenne, et dises haut aux couillons vaincus :" couillons de mes deux, je vous emmerde!"

Que tu clames vif ton nom de femme sur une banderole flambant de ton feu, que rehausse comme pourpre des rubis la bannière au croissant étoilé..

Que bannière et banderole s'écrivent aux braises ardentes de l'amante à sa mère enlacée, ou sentent, non moins brûlant, le fard de l'amante et son rouge à lèvres..

Ou de rouges lèvres, sans le rouge ni fard aucun, sous la main en dôme tu roules, beaux, irrépressibles, assourdissants, les youyous fiers en salut au camarade monté au ciel, que le martyre apothéose..

Que -sœur de Besma Belaid, et délurée- tu montes au ciel et tances terre d'ordure et fumier pour que fumier et ordure sachent quelle femme tu es...

Ou non moins délurée pour qu'ordure et fumier sachent que tu t'en foutes comme de ta première serviette de jeune fille de la pourriture puritaine qui rêve de rogner ses ailes à la Tunisie, tu ouvres le bal printanier à ciel ouvert, à Sfax ou ailleurs, et danses, danses, danses, avec entrain, grâce, élégance, à ameuter par ta cadence ronde de badauds et danseurs en rond..que tu récidives sur toutes les places publiques..à mettre en transe la Tunisie et bientôt la Méditerranée..

Sous quelque visage tu émerges de la terre qu'ils veulent murer -mais taratata!..

Pour autant que tu sois toujours altière face au fumier, pour danser et résister,  résister et tancer, marcher et résister, résister et aimer, aimer et te battre sans répit, je t'aime et salue ta grandeur altière, Tunisienne!




A.Amri
11.03.13

Notes:

1- Une clé de stylistique que réclame le non arabophone ici: en arabe, le mot "besma" signifie "sourire" (substantif féminin), d'où l'éponyme de Besma (nom propre féminin).
De même, Belaid (nom de famille) résultant de la contraction de ben (fils)+aïd (fête), le calembour "bel aïd/ Belaid" et le jeu poétique "sourire/Besma" s'éclairent ici.

dimanche 10 mars 2013

Jamel Ksouda Et Mohamed Bhar: hommage à Belaid: le sang à étreindre

للشاعر الصديق جمال قصودة الذي يتأهب لدخول القفص الذهبي..أمنياتي ودعواتي بالمؤبد السعيد في رعاية أحلى ملهمة وسجانة، عشتار آلهة الصباح والمساء، والحب والجمال، والخصوبة وسعادة الشعراء الأزلية
Au poète et cher ami Jamel Ksouda qui s'apprête à faire son entrée dans la cage dorée, mes voeux d'une réclusion à perpétuité dans le bonheur conjugal, sous l’œil bienveillant et vigilant de sa tendre muse et geôlière Ishtar, déesse du matin et du soir, de l'amour et la beauté, de la fécondité et la béatitude des poètes


Quand la verve poétique honore le sang qu'elle réécrit, le sang à quoi l'encrier doit la substance fécondatrice du calame, qui pourrait s'étonner que telle verve ait ce mérite de nous enchanter et saisir, tant elle rend aux mots la puissance de tir qu'avait le sang de Belaid vivant parmi nous?
C'est le premier texte de Jamel Ksouda, que l'auteur de ce blog découvre et traduit. Et il en est redevable à l'ami chanteur Mohamed Bhar qui l'a fait écouter sa propre interprétation de ce texte. Magnifique à tous points de vue elle aussi, grâce au talent du luthiste et sa voix engagée, dont le grand répertoire atteste autant de sa valeur artistique incontestée que de sa longévité dans la chanson du combat.

Mohamed Bhar et Jamel Ksouda, la poésie et la chanson, la plume et le luth chanteur, quand ils s'allient à bon droit pour rendre à l'immortel Chokri Belaid ses droits, ne peuvent que nous émerveiller, nous ébahir. Non seulement pour la beauté artistique, non seulement  pour l'esthétique achevée, et sans clinquant de fioriture musicale ou poétique, mais pour la Tunisie dont nous sommes amants.

Jadis quand un guerrier mourait, ou que dix périssaient d'un seul coup dans une tribu arabe, eût-elle à peine le double de ce nombre pour membres, la tribu si elle ne s'astreignait par moments à un deuil pudique, étouffé, parce qu'elle ne devait à aucun prix faire la joie des tribus rivales et ennemies -en révélant de manière ostentatoire ses pertes et ses peines, elle confiait telle perte -et ses  inhibées ou refrénées peines- à son barde. Pour que ce dernier en fasse -quitte à enfreindre la réserve évoquée précédemment- un hymne qui se propage à l'intérieur de l'Arabie (1), puis qui traverse à la faveur des caravaniers marchands les frontières de la péninsule, un chant inouï, une épopée sans pareille à la gloire des héros. Seuls les bardes -parce qu'ayant l'alchimie du verbe, le verbe de l'alchimie, avaient cette prérogative d'exhiber en la circonstance, transmués en l'art altier et ennoblissant du chant qui les exalte, les pleurs et la fierté de la tribu. Ce qui se transformait immédiatement en manne, rétribution de la verve et du verbe coulés au creuset de l'alchimiste, ciselés aux outils de l'orfèvre, les bénéfices de consolation inespérés, voire plus, réinvestis dans la stratégie de mobilisation guerrière tribale.

Cependant, si par malheur la tribu perdait un poète, et son barde surtout, c'était comme si toutes les épées dont elle disposait étaient décimées. Et la tribu en l’occurrence observant le deuil que réclame une telle perte,
pleurait sans réserve
le chevalier des chevaliers, l'irremplaçable barde, la garde et le garde ravis par la traîtresse main de manoun (mort), inconsolables.
Parce que dans une époque où le discours  était le nerf de la guerre(2), ou les "guerres de discours" entretenaient constamment leur course à l'armement, entre tribus rivales, course qui n’envierait en rien celle engagée de nos jours pour la guerre des étoiles, une tribu sans barde, quel que soit le nombre de ses épées, ne pouvait gagner les batailles oratoires, prélude et son épilogue à tout affrontement pied à pied, sabot à sabot, des guerriers belligérants. 

C'est pourquoi jadis on ne reconnaissait à telle ou telle tribus -éparpillées à l'intérieur de la péninsule arabique- la superpuissance et le renom qui s'ensuive que si telle superpuissance locale comptait le ou les meilleurs bardes. Et les mouâllaqat معلقات (publications murales écrites littéralement en lettres d'or (3) et accrochées autour de la Kaaba) étaient en leur temps le Goncourt et le prix Nobel que les "Tribus Unies" décernaient à ceux qui, au delà de tout fanatisme partisan, les méritaient à juste titre.
Parce que le barde de la tribu aujourd'hui s'est subdivisé, donnant au parolier la poésie pure et au chanteur-compositeur l'art de la mettre en musique et l'interpréter, parce que la Tunisie a des poètes et des artistes, et nombreux, semblables à Jamel Ksouda et Mohamed Bhar, quand le peuple lit et entend ces poèmes, ces chansons de geste dédiées au combat de ses enfants, enfants prodigues de patriotisme juste et salutaire, il ne peut que s'en réjouir et applaudir. Belaid assassiné, ce sont mille poèmes, autant de chansons (audibles ou dont on parfait en sourdine les répartitions) -et bientôt deux mille épopées versifiées et chantées, lesquelles, à travers l'hommage au martyr, l'exaltation de ses offrandes à "sa tribu", insuffleraient aux bras se disputant la passation d'armes le sang et le cran de Belaid.  

L'avenir du peuple tunisien, pour une bonne part -si ce n'est la meilleure part, est entre les mains de ces bardes pour qui bloggistes et soldats de la résistance médiatique doivent rééditer les honneurs des
mouâllaqats (معلقات(4, et leur âge d'or. Honneurs et dévotes Kaabas, cela va de soi, et avec -leurs non moins dévots- sept tours de tawaf (circumambulation) s'il le faut, sans peur de ressusciter ce qui passerait pour "rite païen" chez les purificateurs de la Mecque!(5) Parce qu'ayant aujourd'hui le vent en poupe dans les pays du Printemps!  Et il n'y a pas à craindre que la culture de la conscience révolutionnaire et résistante chez les Tunisiens s'essouffle ou disparaisse. Le culte de la verve, poétique ou musicale, chez ce peuple est enraciné, plus fort que que l'obscurantisme qui tente désespérément de le tuer (6). Et dès qu'une plume ou une gorge émerge de "ce peuple d'aigles, rois des sommets, habitués aux sommets"(7), il n'y a pas à craindre que gorge ou plume taise l'amour dont elle vit.
A ce propos, ou presque, Sartre disait que l'écrivain"
une fois engagé dans l’univers du langage, il ne peut plus jamais feindre qu’il ne sache pas parler."(8) C'est pareil pour nos bardes tunisiens. Et par conséquent, il n'est pas à craindre que désertion ni objection de conscience, dans l'art et la poésie du combat, fassent le bonheur  des hordes béotiennes qui profanent l'islam et la Tunisie. (A. Amri, 10 mars 2013)

   
La Tunisie est hors de prix
Tu n'as pas de prix, ô mère patrie!
Du sang versé sur les sentiers lumineux
Chokri a éclairé nos sémaphores
Si tu vises haut, étreins son sang
versé pour ton honneur
sinon meurs, et honte sur le sang de navet
que tu auras dans les veines

La Tunisie n'a pas de prix
Fadhel(5), tu l'avais dit!
Quiconque répand le sang
par ce poison périra
C'est là, virile, la voie des intransigeants
C'est là leur voie à tes amants, mère patrie
C'est la voie du pays en nous
à ne pas laisser descendre aux enfers
tandis que nous aux sommets montant
grâce au sang de Chokri

La Tunisie n'a pas de prix
compagnons de Chokri, camarades!
Et au reste, ses places maintenant
c'est chokri qui les baptise de son nom
Chokri est des vôtres, Amants de la Patrie
et il n'est de rue qui ne le reconnaisse ni ne l'étreigne
dépositaire du testament de nos maquisards montagnards
et des soucis nôtres de la nation porteur

La Tunisie n'a pas de prix
et c'est dans le sang, l'instinct
la fierté de la Patrie pour nous
jamais n'épuise ses sens
Chokri c'est la balle du mot, de la pensée, et leurs boulets
Quant aux balles perfides des lâches
jamais Chokri  n'en faisait cas
Serment juré: par son mérite, son cran et sa mémoire au martyr
jamais Patrie ne baissera d'un cran sa fierté

La Tunisie n'a pas de prix, Chokri
et son peuple de Titans n'est pas sans cran
de tout temps la Tunisie n'a pas de prix
de tout temps nos camarades libres ont du sang dans les veines
Jamais jamais par nous ne sera trahi
ton sang qui au creuset de nos côtes bouillonne

Poésie Jamel Ksouda traduit par Ahmed Amri - 10 mars 2013
Musique et interprétation: Mohamed Bhar

Pour le partage sur les réseaux, la vidéo est publiée sur la chaine youtube webamri

Notes:

1- L'on dira à juste titre qu'il l'est toujours, néanmoins les enjeux étatisés et les vecteurs dominés par des visées politiques et économiques (d'hégémonie ou de lutte contre cette hégémonie) ôtent à ce nerf ce qui en faisait la spécificité, voire la noblesse chez les peuplades passées.

2- L'Arabie dans la péninsule qui en porte actuellement le nom était autrefois divisée en trois parties distinctes: au nord l'Arabie pétrée, à l'est l'Arabie déserte, au sud l'Arabie heureuse qui compose l'actuel Yémen.

3- Cela n'étonnerait que ceux qui ne savent plus aujourd'hui ce que vaut et valait la poésie pour ses chevaliers, mécènes et âmes damnées, quand cet art avait ses lettres et titres de noblesse, lesquels -fort heureusement- même ne bénéficiant plus de l'engouement des masses (qu'on dit indument lettrées parfois) ne sont pas encore tombés en déshérence!  Pour rappel le terme arabe de mouâllaqat  معلقات doit  son étymologie à ilq, pluriel alaq علق، جمع أعلاق، qui signifie "l'argent ou la manne inespérée" à ne pas jeter par la fenêtre, et par extension:"tout ce qui est précieux et qu'on ne souffre voir dilapidé ou pillé par l'ennemi". On ne s'étonnerait pas non plus que pour une terre aussi immense que l'Arabie pétrée, en tout et pour tout ne dépassaient pas les 17 mouâllaqats  معلقات consacrées par cette distinction en période préislamique.

4- Situations II, 1948.

5- Ceux que Chokri Belaid appelle à bon droit les ennemis jurés de l'intelligence, ceux-là mêmes qui ont détruit la stèle dédiée au lieu où il fut assassiné, qui ne se rendent à une galerie d'art, une foire du livre, un local de télévision, une salle de cinéma, qu'armés de la massue purificatrice qui rappelle, mais tristement, le vieux coup de balai débarrassant la Mecque de ses dieux païens, ces zélateurs du rigorisme wahabiste qui infectent le sol tunisien par leurs ravages et la pensée sclérosée dont ils sont porteurs et promoteurs, ces islamistes ressuscitant la triste gloire des vieux Béotiens ne verraient pas d'un bon oeil les Kaabas électroniques qui pullulent et contrarient leur projet. Mais ce n'est pas leurs masues qui nous empêcheraient d'ériger à nos bardes les temples qu'ils méritent.

6- A ce propos Chokri Belaid disait: "c'est une longue lutte historique qui continue, entre d'une part une force rétrograde, passéiste, armée de sa culture de la mort, avec sa violence, sa négation de l'autre, sa pensée unique, sa couleur unique, son souverain unique et sa lecture unique du texte sacré, et d'autre part la pensée qui plaide l'humain, qui évolue dans une perspective plutôt relativiste, laquelle voit dans la Tunisie un jardin à mille fleurs et autant de couleurs, qui autorise la divergence dans la diversité mais régie par les vertus civiques, pacifiques, démocratiques."
(Source en arabe avec traduction ici).

7- Ce n'est pas une emphase sortie d'un chauvinisme tunisien ou de son prurit, mais, parmi tant et tant d'attestations d'amour en même temps que distinctions d'intellectuels et artistes du monde entier pour la Tunisie et son peuple, ce que disait sur une chaine libanaise, au lendemain de l'assassinat de Chokri Belaid, Majida Al-Roumi:
" La Tunisie surplombe l'univers, à partir de sa baie vitrée avancée dans les domaines culturel et artistique, de par ses valeurs universelles, qui en révèlent la richesse tout autant que l'importance. Il sera très difficile, et c'est peu dire, pour ceux qui tentent d'assombrir cette vitrine, de parvenir à leurs fins[...] Le peuple tunisien est un génie titanesque: il ne reviendra pas à la bouteille dont il s'est libéré. Ils ne pourront pas mettre à la basse-cour un tel génie
[...]
Les Tunisiens, tels que j'ai connus, sont difficile, trop difficile à remettre en fiole, et faire accepter qu'on remette dessus le bouchon[...] Quelles que soient l'épreuve, l'adversité, ces tribulations et leur durée, la longueur du tunnel et sa noirceur qu'il lui faudra traverser, le peuple tunisien, peuple artiste, instruit, pour qui le ticket de théâtre prime sur le pain à manger, ce peuple d'aigles, rois des sommets, habitués aux sommets, ils ne pourront pas l'apprivoiser! Ils ne pourront pas lui rogner les ailes, faire de lui une volaille de basse-cour. Jamais ils n'y parviendront. C'est dans sa nature à ce peuple, il n'est pas du tout domesticable! "

(L'intégralité de cette lettre d'amour aux Tunisiens, en arabe et traduite en français, sur ce lien)



8- Né le 8 décembre 1956 dans un quartier populaire de Tunis, Fadhel Sassi s'est engagé presque enfant dans les luttes socio-politiques du pays. Certes, il devait à son père, militant coriace de l'UGTT, les germes de cette conscience révolutionnaire précoce, mais c'est surtout dans les combats estudiantins des années 70 et parallèlement les luttes clandestines du MOUPAD (Mouvement des Patriotes Démocrates) auquel il a adhéré depuis qu'il était lycéen qu'il a fait valoir son véritable parcours de combattant.
Professeur d'enseignement secondaire et poète inédit, quand la révolte du pain a éclaté au sud tunisien le 27 décembre 83, Fadhel Sassi -qui avait juste 25 ans- fut de ceux qui ont transmis l'embrasement, une semaine plus tard, à Tunis et sa banlieue. Mais non sans avoir payé de sa vie le tribut d'un tel combat.
Le 3 janvier 1984, alors qu'il participait à une manifestation au cœur de la capitale, Fadhel est tombé en martyr, criblé par les balles des Brigades de l'ordre public.

Son nom est inscrit depuis au panthéon de l'histoire des luttes en Tunisie.

Ci-dessous le lien d'une chanson écrite et chantée d'abord par Lazhar Dhaoui au lendemain de la révolte du pain en 84; cette chanson-hommage, dédiée d'abord à Fadhel Sassi, a acquis au fil des temps une notoriété telle qu'elle est devenue l'oraison artistique consacrée à tous les martyrs de la répression politique en Tunisie.

Ya Chahid "Martyr" (Oyoun Al-Kalam) يا شهيد - عيون الكلام

Pour le même auteur sur ce blog:

Ishtar, qu'il est bon de te prier!


samedi 9 mars 2013

Quand les cheïkhs prédicateurs appellent à l'asservissement des femmes - Par Tounès Thabet


Tounès Thabet, déjà publiée sur ce blog(1), est une plume de combat et d'amour dont les boulets comme l'archer font toujours mouche. Parce que visant juste, et avec panache, les questions qui hantent le Tunisien, et pas que le Tunisien en vérité, en rapport avec ce Printemps arabe aux fleurs et primeurs viciés par les pirates de la révolution. Si l'ampleur de cette infection virale est à juste titre  bien plus qu'alarmante, et le monde entier a pu s'en rendre compte, et bien avant les assassinats politiques de Lotfi Nagdh puis Chokri Bellaïd, à travers mille et une atteintes aux droits et libertés -lesquelles, quand elles n'impliquent pas directement des ministres et des leaders nahdhaouis jouissent constamment de la complaisance des islamistes au pouvoir, si les témoignages qui se compilent jour après jour, dont l'écrit ci-dessous, renforcent davantage cette impression qui n'a rien de rassurant pour l'avenir du pays,  il ne faudra pas pour autant sous-estimer la résistance citoyenne, les luttes au quotidien d'un peuple décidé à reprendre en main sa révolution confisquée. C'est dans un tel combat où, malgré les justes hantises qu'il ne faut pas taire, l'état d'alerte qui ne doit pas baisser d'un cran, il nous faudra dire aussi, à nous comme au monde extérieur, que les Tunisiens ne se contentent pas d'encaisser. D'ailleurs, et le peuple le dit partout et haut, et les funérailles de Chokri Belaïd retentissent encore de cette vérité éclatante: l’islamisme est en train de se faire laminer jour après jour non seulement par son propre zèle, mais aussi et surtout à la faveur de cette résistance qui ne se relâche pas.
D'où l'intérêt des boulets et de l'archer des résistants tunisiens, dont Tounès Thabet entre autres bien nombreux, et qui acquièrent leur sens exact ici. Car tant qu'il restera des femmes et des hommes debout dans ce pays, tant que la démocratie, la justice, la liberté, le progrès auront leur bastion imprenable et leurs
irréductibles défenseurs, quelle que soit la rançon qu'il nous faudra payer dans ces moments difficiles, nous dirons toujours: force est pour le destin de répondre!(2) Chaque révolutionnaire tunisien digne de ce nom devra le dire, le répéter, y croire, faire sien ce que Samih Al-Qassim dit: "le désespoir est un luxe dont je ne peux pas payer la facture."(3)
Merci Tounès de nous avoir autorisé à rafler avec ta complicité (pour l'acte de résistance et d'amour qui nous attache à notre peuple) ce texte à Dar Assabah et son journal Le Temps! (A. Amri -9 mars 2013)



«Seul, l’esprit de lutte est immortel»
«Femmes, c’est vous qui tenez, entre vos mains, l’avenir du monde»
                                                                                                    Léon Tolstoï
La Journée de la Femme, célébrée mondialement le 8 Mai, nous rappelle l’évènement fondateur bien tragique : une grève féminine réprimée par la violence, devenue symbole de résistance et de lutte pour les droits et les libertés. En Tunisie, jusque là, ce fut fête fade et cérémonies fastidieuses, sans âme, avec discours pompeux, mots ronflants et creux.
Journée mondiale de la femme
Quand les cheïkhs prédicateurs appellent à l'asservissement des femmes
«Seul, l’esprit de lutte est immortel»
«Femmes, c’est vous qui tenez, entre vos mains, l’avenir du monde»
Léon Tolstoï
La Journée de la Femme, célébrée mondialement le 8 Mai, nous rappelle l’évènement fondateur bien tragique : une grève féminine réprimée par la violence, devenue symbole de résistance et de lutte pour les droits et les libertés. En Tunisie, jusque là, ce fut fête fade et cérémonies fastidieuses, sans âme, avec discours pompeux, mots ronflants et creux. Mais, depuis deux ans, les femmes sont la cible d’attaques véhémentes : intellectuelles, responsables politiques, journalistes, artistes, militantes voient leurs libertés remises en causes et nous constatons, tous, une régression grave de la situation féminine. Les acquis sont menacés, alors qu’on voulait que le Code du Statut Personnel réalise de réelles avancées. Le discours sexiste et discriminatoire se fait entendre, des prêcheurs ignares sont invités pour tenir des propos ignobles sur l’excision, la polygamie, l’éducation des petites-filles soumises et esclaves d’idéologie de la honte. Certains pseudo cheikhs font le tour des maternelles pour conditionner des esprits juvéniles et exhibent leurs sourires béats en tenant dans les bras des poupées grimées en « bonnes musulmanes », touchées par la « baraka » de prédicateurs inondées d’argent sale, en mal d’ouailles adoratrices.
Nous ne comptons plus les nombreux cas de femmes violentées par certains qui défendent les causes perdues : atteintes à l’intégrité physique, insultes, injures... L’intimidation est devenue l’arme des fossoyeurs des libertés. L’école est le lieu de l’embrigadement idéologique : apprentissage de la soumission en tuant tout esprit critique et fanatisation des jeunes victimes, enrôlement des futurs djihadistes qui prennent la route hasardeuse du combat, persuadés de libérer des pays qui ne sont point les leurs, convaincus de mourir en héros, alors qu’ils sont destinés à périr, abandonnés, inconnus, sur les champs de batailles fratricides, ignorant qu’ils ne sont que de la chair à canons au service d’intérêts politico-stratégiques des grands de ce monde et de leurs acolytes. Les femmes ne sont pas épargnées, victimes de fatwas pernicieuses, elles sont destinées à assouvir les pulsions sexuelles des combattants d’un islam dévoyé. Les familles et surtout les mères des martyrs vivent l’enfer, lacérées par la disparition d’enfants sacrifiés pour satisfaire la voracité des assoiffés d’argent et de pouvoir.
Nos intellectuelles sont sous le collimateur d’une censure implacable, surveillées, épiées. Leurs réflexions, leurs déclarations, leurs critiques font l’objet d’indignation, d’attaques virulentes de la part de nos gouvernants qui ne tolèrent aucune remise en question. La justice est, sans cesse, sollicitée pour faire taire ces voix discordantes. Nos représentantes à Varsovie, à Stockholm, à Athènes, à Helsinki ont été révoquées abusivement pour des raisons fallacieuses. Les militantes sont inquiétées et poursuivies.
Le malaise grandit, surtout chez ces femmes rurales, si nombreuses, le cœur battant de la Tunisie, qui ont trimé, leur vie durant, main d’œuvre exploitée, soumises chez elles, dans les champs, dans les usines, dans les ateliers. Levées aux aurores, les dernières couchées, parcourant des kilomètres à pied, qu’il vente, qu’il pleuve ou neige, elles sont bien mal loties. Leurs maigres revenus offerts aux maris, souvent chômeurs, nourrissent une famille nombreuse, elles rêvent de sauver les enfants de la précarité et du dur labeur, sacrifient leur jeunesse et leur santé pour scolariser les petits. Quand arrive le jour des résultats du bac, les youyous fusent à la gloire du lauréat qu’on fête comme il se doit. La réussite est suprême récompense pour les jours d’épuisement et de privation. Mais, la joie va faner, car un nouveau combat commence : accompagner l’élu dans ses études supérieures avec des privations encore plus douloureuses. Le bout du tunnel semble proche, quand le diplôme arrive, enfin. Mais, elles déchantent, tellement les lendemains des fêtes sont amers : le chômage fait irruption dans ce qui devait être la délivrance. Les mères courage, épuisées et déçues, doivent se battre, encore et toujours. Elles reprennent leur fardeau pour assouvir les besoins du chômeur, désormais, bien exigeant car réclamant plus d’argent pour cigarettes et autres besoins. Les dépenses sont énormes, surtout quand le groupement du développement agricole n’assure plus l’eau et le transport, quand elles doivent se débrouiller pour survivre.
Misère et rancœur, la vie de ces femmes se réduit à cela. Elles deviennent victimes faciles des opportunistes de tout bord qui les séduisent avec des aides, même dérisoires, les attirent entre les griffes des prédicateurs et les prédateurs. Leurs filles sont mariées bien tôt pour les sauver de la pauvreté, mais, elles se retrouvent piégées par des maris et non des compagnons et le chemin de croix reprend avec son lot de divorces et de séparations, d’enfants déchirés et de douleurs.
Une double fracture d’injustice sociale : la pauvreté vécue comme malédiction. La marginalisation économique et sociale crée une faille, un fossé qui ne cesse de s’aggraver, entrainant des milliers de victimes dans sa chute. Un sentiment de ressentiment à l’égard d’un système qui a montré son échec et ses limites et a précipité la société dans la misère et, bientôt, le chaos. Seules et abandonnées, ces femmes luttent, pourtant, avec la force des pourvoyeuses de vie, s’agrippent à la fatalité, à l’espoir pour continuer ce chemin torturé qui est le leur. Certaines nous étonnent par leur prise de conscience des enjeux et de l’avenir. Les défis affirment leur volonté de lutte et cimentent leur solidarité. Elles retrouvent, chaque matin, le désir de recommencer. Longtemps, elles ont été rejetées par certaines mentalités rétrogrades les considérant comme inférieures. Ce sentiment tend à disparaître car on se rend compte qu’elles partagent ce rêve commun pour une Tunisie, réconciliée avec elle-même, menant ce combat recommencé pour la justice et la liberté car, de lui seul, jaillit ce que communément, nous appelons la vie. Cette lutte est âpre, pénible et incessante et comme l’a écrit Sénèque : « … On s’aguerrit dans l’épreuve, on résiste à n’importe quels maux et si l’on trébuche, on lutte à genoux. »
                     Tounès THABET
                

Vendredi 08 mars 2013, aux publications du quotidien:
     

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1- Pour la même auteure sur ce blog:

- Ami, si tu tombes...
-Fatah Thabet in memoriam
2- Hémistiche d'un vers de l'hymne national tunisien que nous devons en partie à Aboulkacem Echebbi.
3- Samih Al-Qassim, poète palestinien.

vendredi 8 mars 2013

Pour son bouquet de mars VIII



en ce frisquet huit mars
pour prix à mon bouquet
savamment composé
de senteurs diverses
de lys roses et d’œillets
que frileux sans cache-nez
à son seuil j'ai offert
à ma belle sorcière
de niqab défroquée

que pensez-vous l'ingrate
l'apostate dévoilée
sans le froc ni dévote
qu'elle ait pu me donner?

sorcière au musc baignée
belle oh oui et rebelle
aux sales, ah fi! frocs
vlan puis vlan et vlan encore
le tout aux narines émues
elle leur a jeté au nez
sans l'agrafe ou ficelle
ni fichu ni lacet
de saints tartuffes et versets
et fatwas à sales, ah fi! frocs
défaite émancipée


cruelle oh oui rebelle
aux quatre vents épars
et pour m’éparpiller
entre sens épars
et l'encens qui moutonne
fouets! le parfum d'enfer
de ses cheveux coquets
défaits! ô ma défaite!
comme pour m'étouffer
bouquets et gerbes noires
toison de fée
à damner



sa chevelure aux vents tsiganes
gerbes et parfum dédiés
et le drapeau rouge
que voici
tunisien
sans chauvinisme aucun
au rubis ardent
de ses lèvres affidé
croissant et l'étoile
de jasmin enlacés
bannière de libres
rebelles insoumis
qui lui tient de tout indétrônable
sien froc tunisien
froc vénérable jamais qu'elle baisse
comme aux wahabisme
ses lustres resplendissants
et saintes vendues

il lui tient de coiffe et voile
et sa cuirasse de satin
à gratin de tunisiennes

corsage d'amantes à Liberté délacé
dessous doux et leurs lacets
jupon décent
sous la tunique de sultane

et quelquefois
rouge d'impénitent
que tartuffes des yeux baisotent
mais n'en verraient ourlets à baiser
ample robe de Maryline

au saint poète
à la bouteille qui titube, aux quatre vents et la tempête, à la haute mer qui respire,
aux abysses qui l'aspirent et exhalent
le tissu aux sens ailés
quand il hisse voiles et ne les amarre
de vapeurs de mers étourdies
qu'au bollard  qui les emballe
veuille saint ou sa boussole
ou pas boussole à tartuffe!
bollard de quai qui se lève
gentleman vous comprenez
pour Maryline et sa robe
d'écume de mer émergeant
quand simoun et le sirocco
de leurs feux torrides sanctifient
coque de bateau et quai d'amarrage
dont ils ardent pour l'ivresse des sens
et des vagues qui déferlent
corps
et biens perdus

voilage
bois vert
et bûches
mousse de sel
algues marines
anguille vive
bénitier
pompier jeté au feu
pompe et casque perdus
qui fume et arrose
tout zèle ardu
à rose de mer
et l'écume
sans faille dévolu





A.Amri
08.03.2013

jeudi 7 mars 2013

Hasta Siempre, Hugo Chavez!



Qu’importe où nous surprendra la mort ; qu’elle soit la bienvenue pourvu que notre cri de guerre soit entendu, qu’une autre main se tende pour empoigner nos armes. (Guevara)


Quand j'ai vu ce cortège mercredi(1), Monsieur le Président, quand j'ai vu Caracas et ces épaisses marées humaines, tout le pays de Bolivar et peut-être même, déplacés d'avance pour aujourd'hui(2),  de nombreux frères d'Amérique latine, quand j'ai vu ces mines éplorées, les foules endeuillées, les enfants qui n'étaient pas là -on voyait cela dans leurs yeux, pour la gloire de passer à la télé, les pancartes qu'on tenait, avec des messages  qu'il n'est pas besoin de soumettre à un traducteur pour les soupçonner poignants et savoir de quel amour le Vénézuélien, ou tout autre soudé à la même foule, honore à travers sa dépouille Chavez, j'ai dit, non sans tristesse de ne pouvoir être plus près pour mieux vivre cet instant de communion humaine par excellence ce que je reproduis ici, et sans besoin de fioriture aucune -je pense:" voilà un homme, un président que son peuple ni ses amis n'enterreraient de si tôt."

Non, pas de sitôt, Monsieur le Président.
A l'instant où je vous écris ces lignes -je souligne
"vous écrit", Caracas et des centaines de millions derrière leurs télés dans le monde s'apprêtent à vous rendre les honneurs qui sont les vôtres. J'ai vu -nous avons été des millions à voir, d'autres cortèges par le passé, d'autres marées humaines. Le dernier, si ma mémoire ne me trompe pas, remonte aux funérailles de Diana en 97. Ce n'était pas pour la même communion ni une communion de saints arabes, mais je n'avais pu résister quand même au désir de la suivre à la télé. Sans doute bien plus pour le côté romantique et romanesque -cette histoire d'amour tragique sur laquelle, à l'époque, les médias s'étaient focalisés pour un bon bout de temps, entre d'une part une princesse, la princesse de Galles, et d'autre part ce bel Arabe jusque-là inconnu(3). Bien que ce dernier soit fils de milliardaire et naturalisé cousin germain de Yankees, cette romance sentimentale qui, à mon sens, sortait du commun rapporté par les échotiers des médias, et jusque dans sa fin qui intrigue encore et passionne beaucoup de gens, ne s'était pas imposée fortuitement -ni du seul effet médiatique, à l'intérêt de ceux qui l'avaient suivie. Mais parce qu'elle ressuscitait de l'inconscient collectif, et essentiellement pour cette raison-là, ce que nous recevons de nos contes d'enfants, lus ou racontés. Je veux dire l'incarnation vivante d'un amour impossible, parce que les barrières que dresse la doxa des uns et des autres le rendent tel, mais qui s'était réalisé quand même. Chose qui n'arrive que dans les contes de fées, à la faveur d'une baguette magique et d'une bonne sorcière -à quoi ajouter les talents du conteur et les attentes du lecteur ou de l'auditeur. J'ajouterais, concernant ces attentes, que si la mort (accidentelle ou criminelle comme le supposent certains) de ces deux héros de conte à fée ne correspond pas nécessairement aux normes consacrés par le conte, du fait de cette union des deux corps tués dans l'accident, elle concorde quand même avec ces normes, puisqu'elle consacre dans la mort le triomphe final de l'amour.

J'ai vu aussi, et nous avions été des millions à suivre ces Actualités que le cinéma nous servait à l'époque, d'autres cortèges funèbres.
 
Au Caire surtout, il y a un bail: Nasser, Oum Kalthoum, Abdelhalim. Les séquences enregistrées dans ma tête, je crois -en noir et blanc pour Nasser, en couleurs pour les chanteurs, sont à ce jour  indélébiles. Pour ce que j'appellerais la grandeur ineffable des dieux vénérés par leurs dévots, et j'en étais un, dont on ne pouvait se défaire, tant les images crevaient l'écran.
Oh, je sais, Monsieur le Président, comme peut-être le saviez vous-mêmes qui aviez beaucoup d'amour pour les peuples arabes, que c'est dans la nature de l'homme, et des humbles dans notre monde surtout, de s'attacher à tels dieux, d'y aller parfois sans la moindre réserve d'excès, de façon trop impulsive, instinctive, irréfléchie(4). Nos peuples, faute de bonheur dans la prospérité matérielle et politique dont ils rêvent au fil des générations sans jamais y parvenir, trouvent un peu -voire beaucoup- de consolation dans cette vénération pour telle ou telle icône élue, ce culte viscéral -je crois commun aux peuples déshérités- qui comble d'une certaine manière le vide affectif et, plus important encore, le vide dans les tripes. C'est ce qui donnerait son plein sens à "culte viscéral".

Néanmoins, et ce serait vrai pour Nasser comme pour les deux icônes artistiques -à mon sens, sans toutes les qualités extraordinaires de ces trois personnages, sans leur implication chacun à
son niveau propre dans la vie d'une nation, le culte n'aurait pas été si grand(5). Nasser, certes mal servi par l'amère déconvenue historique résultant de la défaite de juin 67, défaite qui nous a marqués à ce jour,  mais ayant quand même son inaltérable aura charismatique, son auréole de caïd chouchouté par les masses, qui, comme vous Monsieur le Président, ne s'était pas incliné devant les Yankees de merde(6), nous l'avions aimé pour cette résistance-là, mais aussi, parce que colonne vertébrale de la résistance, pour le socialisme qui nous tenait -et tient toujours- à cœur. Le panarabisme en soi, même si nous nous y étions investis derrière la stature de celui qui le prônait, sincère et pas seulement qu'à des fins militaires stratégiques -la guerre contre Israël, ne comptait pour nous ni n'avait de credo que dans la mesure où il nous paraissait pièce charnière, incontournable dans le rêve socialiste. Le modèle égyptien, nationalisation du canal de Suez et la révolution agraire, nous permettait d'escompter de futurs acquis socialistes, au fur et à mesure que la charnière soit mise en place, que notre union arabe soit réalisée. Le pétrole surtout, entre les mains de ce "personnel auxiliaire étasunien", ces caniches courbés, aplatis et castrés au service de l'impérialiste yankee et son protégé sioniste dans la région, ne pourrait être écarté de nos rêves. La manne du bonheur commun y résidait. Saisie et ajoutée aux acquis réalisés en Égypte, cette manne ne pourrait que consolider le projet nassériste, le socialisme arabe, et dans le sillage de tel acquis le socialisme à construire et étendre au reste du monde.

C'était cela notre rêve arabe, à travers des frontières rayées, dynamitées sur la carte du monde arabe, condition primordiale sans quoi le triomphe du socialisme resterait pour nous utopie, qui nous attachait au panarabisme de Nasser.

Aujourd'hui, si à son prélude depuis la mort de Bouazizi en Tunisie à la révolution yéménite,  le
Printemps arabe nous avait offert de magnifiques instants que personne ne contesterait, la suite, et vous en saviez quelque chose, Monsieur le Président, laisse bien plus à (en) déchanter qu'à chanter la révolution. En Egypte post-nassérienne,  si les deux chanteurs égyptiens, 40 ans après leur mort, seraient toujours au top des ventes, cassettes et CD confondus, Nasser, je crois, ne se vend plus beaucoup au rayon Politique. Oh, je sais qu'il faut faire la part des choses, ne pas mettre au même panier les vendus et ceux qui résistent encore; néanmoins, je ne me fais plus beaucoup d'illusions pour l'avenir du panarabisme. Je dirais que les millions marchant dans le cortège du Raies ne sont pas, ou plus, aussi romantiques que leurs fans à Abdelhalim et Oum Kalthoum. Je dirais même que s'ils ne sont plus aujourd'hui de ce monde -pour la plupart du moins, seraient - ou sont passés de vieille date dans le rang des parjures

Vous avez vu, Monsieur le Président, ce que les Arabes ont fait de votre frère Saddam? puis de Kaddafi? Vous avez vu ce qu'ils ont fait à la Syrie? Vous avez vu cette haine de chameaux vouée à Bashar? Tout un pays détruit et à détruire jusqu'à la dernière pierre, à transformer en poussière, et c'est ce vers quoi ils espèrent arriver par leur zèle de chameaux, à grand renfort de pétrorials et de sorcellerie noire (qu'ils appellent islamisme) . Et pourquoi, Monsieur le Président? Sauf votre respect, pour la merde de leur Califat et la gloire de leurs barbes! Pour des chimères pourries qui font branler les eunuques! Et vous devinez, Monsieur le Président, comment ces dégénérés vautrés dans toutes les turpitudes du wahabisme s'y prennent pour se branler! Alors qu'Israël est beaucoup plus à portée de leurs frontières s'ils n'étaient dégénérés, que les balles, les canons, les rials, les âmes par-dessus tout envoyées à l'enfer, auraient été plus payants pour la cause palestinienne et le salut arabe, ils ne s'embarrassent pas, même pas, au clair du jour et pour la honte de l'histoire, de donner le derrière à Israël pour l'aider à sortir du pied l'épine syrienne.  Ils collaborent avec l'ennemi des peuples et de la nation, et l'ennemi les tire et jubile!Et il a raison de jubiler. Un à un depuis Nasser à la moitié de Bashar -jusqu'à preuve du contraire, en attendant Nasrallah et Ahmadinejad (qui juste à l'instant, me dit-on, est arrivé à Caracas pour vous rendre ce que lui et son peuple vous doivent) les cartes maîtresses, les atouts que l'ennemi sioniste voulait nous ôter de la main, sont tombés, pour son grand bonheur, ou en passe de tomber actuellement.


Pourrais-je, Monsieur le Président, avant de finir et dans ce que j'ai voulu comme un lot de consolation, compensation morale à celui qui ne peut conter sur une baguette magique, un conte de fées, pour être à ce moment précis au cimetière accueillant votre dépouille, puis-je, abusant et désabusant de la politesse stylistique(6)  me permettre de décharger une mince goutte de la bile qui me monte au gosier?
Ces enculés! ces eunuques tenus en laisse par les Yankees de merde, et les foules par millions qui les encensent et oublient, au delà de tout ce qu'on pourrait leur reprocher- Nasser, Saddam, Kadhafi, Bashar, Nasrallah, et bien d'autres, pour leur infaillible insoumission au diktat sioniste et yankee, cette merde déferlante qui sort des chiottes wahabistes, et pour profaner, prostituer notre révolution et étouffer notre printemps, pourrais-je lui dire, sans manquer à la solennité du moment: "tfouh! pouah, valets du sionisme et des Yankees de merde!"

M
ais qu'importe!
Qu'importe tant qu'il y aura des révolutionnaires, et des vrais, pour rendre au Printemps les roses fanées, au jasmin sa fraicheur immaculée, à la révolution le credo pour lequel elle es née!

Qu'importe tant
qu'il y aura des révolutionnaires, et des vrais, pour la passation d'armes! En Amérique latine comme ici, en Europe comme ailleurs, pour le même combat qui unit, au dessus des bannières raciales, confessionnelles, chauvines -à quelque titre soient-elles, les peuples des cinq continents, le même idéal de bonheur commun loin des haines entretenues par les ennemis du genre humain, tant qu'il y aura des Chavez pour le relai de Hugo, que les peuples diront non aux croisés et croissantés coalisés contre le progrès, la justice, de la fraternité entre les nations, cette merde ne souillera que ses chieurs, porteurs et promoteurs.

Et le moment venu, Monsieur le Président, serment de frère, si ce n'est pas moi qui l'écrirais pour vous sur une feuille comme celle-ci, ce sera mon fils, mon petit-fils, mon arrière petit-fils!

Avant de vous quitter, Monsieur le Président, non pas pour  un moment de dévotion devant ma télé, non pour la grandeur ineffable du frère, ami, camarade, mais pour cette communion humaine évoquée au début de ce texte, je voudrais vous dire, ou lire plutôt ceci, extrait d'un vieux discours
de Castro(8), en fait l'oraison funèbre dédiée au Che, préfaçant le livre posthume de ce dernier, Journal de Bolivie(9). Vous l'avez sûrement lu et aimé ce bel hommage du président cubain à celui qui est devenu depuis l'enfant du monde entier. C'est le passage précédant de peu la fin de l'oraison:


"
Si nous devons dire comment nous voulons que soient nos combattants révolutionnaires, nos militants, nos hommes, nous dirons sans aucune hésitation : qu’ils soient comme le Ché ! Si nous voulons exprimer comment nous voulons que soient les hommes des prochaines générations, nous disons : comme le Ché ! Si nous voulons dire comment nous désirons que nos fils soient éduqués, nuous devons dire sans hésitation : nous voulons qu’ils s’éduquent dans l’esprit du Ché ! Si nous voulons un modèle d’homme qui n’appartienne pas à ce temps mais à l’avenir, en vérité, je vous dis que ce modèle sans tache dans sa conduite, dans ses attitudes, dans sa manière d’agir, ce modèle est le Ché ! Et de tout notre cœur d’enthousiastes révolutionnaires, nous souhaitons que nos fils soient comme le Ché !
"

Je ne pense pas qu'il faille demander à Castro -pour ne pas avoir à léser ses droits d'auteur ou d'orateur, à supposer que le cas s'y prête, l'autorisation de faire mien cet extrait. Et de toutes façons, autorisée ou pas, je vous la dédie à vous, Monsieur le Président, cette citation. A vous Hugo Chavez, avec votre nom en lettres d'or à inscrire à côté du Che.

Pour l'amour qui attache les
peuples d'Amérique latine et vos frères des cinq continents à votre personne.
Pour le charisme qui fait de vous un des nôtres, éclipsant d'un côté le statut présidentiel et ce qui relève de ses prérogatives et privilèges, et d'autre part tout ce qui fait la condition de l'humble, sa  petitesse, sa pauvreté, son anonymat. Il y a un bail que nous voyons autour de nous le populisme vomitif des "nôtres", l'opportunisme savant et bouffon qu'on cultive pour ses bienfaits à la politique politicienne.  Mais seuls les abrutis pourraient soupçonner chez vous une tare du même ordre. L'or et le fer ne sont pas comparables. 
Pour la stature et l'auréole vôtres dues au révolutionnaire juste et irréductible, plus fort que "les Yankees de merde". Et vos coups de gueule, célèbres au monde entier, contre les impérialistes étasuniens, contre Israël, contre le FMI, contre les vampires de ce monde où qu'ils nous saignent, entre tant d'actes de courage vôtres, que nous n'oublierons pas de si tôt.

Pour tant de qualités qui ne peuvent que forcer
l'estime des hommes libres sur cette  terre, je voudrais vous dire, Hugo Chavez:
vous n'êtes pas -pas plus que ne l'était le Che avant vous- d'un seul pays ni d'un seul temps.



Hasta Siempre(10), Hugo Chavez!
 A. Amri
07 et 8.03.13

                                         Commandanté, ces deux vidéos sont à vous:
                                              
                                               Nathalie Cardone: Hasta Siempre

                                        Chavez: Allez au diable, yankees de merde! (*)


*-
Nous sommes le 12 septembre 2008.
Comme il l'a fait par le passé avec Israël, en soutien aux peuples arabes en lutte, le Commandanté donne une claque aux USA:"Allez au diable, Yankees de merde!"

Hugo Rafael Chávez, fidèle à lui-même, payant ric-à-rac les Américains qui viennent d'annoncer l'expulsion de l'ambassadeur bolivien aux USA.
En soutien au peuple frère de Bolivie, le Commandanté ordonne à l'ambassadeur des yankees de quitter le territoire vénézuélien dans les 72h, à compter de ce discours!

Enfant de Bolivar, de Guaicaipuro, de Tupac Amaru, je vous tire mon chapeau!




Notes:

1- 6 mars 2013.

2- 8 mars 2013.
3- Dodi Fayed
4- Exemple de ce culte aliénant, la mort par suicide de nombreuses jeunes filles en Egypte, après l'annonce du décès de leur idole Abdelhlim Hafez.

5- Concernant les deux vedettes de la chanson citées, rappelons que Oum Kalthoum consacrait la plus grosse part des recettes de ses galas pour financer les préparatifs à la guerre de juin 67. A cet égard, même si ses chansons ne sont pas engagés, ses concerts et son abnégation pour les intérêts patriotiques et nationalistes faisaient d'elle, à part entière, une chanteuse engagée. Abdelhalim, quant à lui, il était le chanteur de la Révolution des Officiers Libres. Son soutien à Nasser faisait de lui également, au même titre que Oum Kalthoum, un chanteur engagé.
6- Yankees de merde n'est pas seulement une insulte chère à Chavez (voir vidéo correspondante) mais elle serait aux révolutionnaires de l'Amérique latine ce que pourrait être, pour conjuer le Diable, la meilleure formule d'exorcisme chez les croyants!

7- Par politesse stylistique, c'est surtout à la prétérition que je fais ici allusion.
8- Huit jours après la mort de Che Guvera en Bolivie, les Cubains qui espéraient que les annonces par Les Américains de la capture et l'exécution du Che ne seraient que de l'intox, ayant la certitude là-dessus, organisent à la Havane une veillée funèbre rassemblant une foule monstre, en hommage au héros mort en martyr. A cette occasion, Fidel Castro prononce une oraison funèbre, très bel hommage, qui sera publiée en préface au Journal posthume du Che.

9- Journal de Bolivie, Ernesto Che Guevara, Editions Maspero (c'est la maison à quoi je dois mon vieux exemplaire, sinon ledit Journal a été réédité par plusieurs maisons).
10- Hasta Siempre, en espagnol à l'éternité, jusqu'à toujours, traduit un sermon, une promesse de fidélité.

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...