jeudi 24 mars 2016

Mythémologie: hanche et racines arabes à la pelle - 5

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Plutôt  tudesque  qu'arabe    

 

 

« Allez, oust! Là, le gourbi! Maaldinoummek! ... Croyez-vous que je parle bien arbi! ... »

                                                                         ( Henry Bataille )[1]

 « Les mots ont une âme, leur sens. Ils ont une histoire, une évolution, parfois une généalogie. Ceux que nous employons tous les jours ont parfois une origine lointaine. Malheureusement ils n’ont pas d’état civil. Leur naissance n’a pas été enregistrée, leur histoire n’a pas été écrite, sinon par bribes, et les renseignements sur leur généalogie restent anecdotiques. »

(René Distel et al.)[2]


Bien longtemps avant Diez, ce sont au moins trois gentils Français qui ont déroulé le tapis rouge pour la putative étymologie allemande de hanche. Le premier fut Pierre Daniel Huet. Cet évêque et membre de l'Académie française écrit en 1712:
« Hanche. Rabanus Maurus dans les Gloses latino-barbares: Ilia, Lancha. L. s'étant perdue, de Lancha, on a fait Hanche. Comme de Lazwrd, s'est fait Azur; et comme de Lynx on a fait Once. »[3]  

 
La concision de cet auteur, laquelle rappelle le style télégraphique, est admirable. Et la comparaison bien ficelée, qui fait appel à trois mots arabes, ne l'est pas moins. Mais pour comprendre, à la lumière des comparés, cette aphérèse plus ou moins alambiquée qui a fait perdre son l à Lancha, nous avouons que le génie de Huet dépasse notre entendement. Autant que l'on sache, c'est de once qu'on est passé à lynx, et non l'inverse[4]. Et pour lazward (on présume que c'est ainsi que s’orthographiait le radical dont dérivent lazuli et azur), l'élision du « l » était dictée en premier temps par la lourdeur de al-lazward, d'où lazulli, puis par la distinction à établir par la suite entre lazulli et azur. Mais le fond de la question est ailleurs: Rabanus Maurus parle d'un mot tudesque ou d'un mot latin? Et tudesque ou latin, le lancha de Rabanus signifie « l’os situé à l’arrière de la tête »[5]. Puis par dessus tout, comme nous allons le voir à travers le Glossaire germanique de Watcher, ce mot, nonobstant le sceau assimilateur,  dérive à son tour de l'arabe !  Et enfin pourquoi ce mot a-t-il attendu près de 11 siècles pour se faire redécouvrir ? Hapax? Mort-né ? Ou barbarismus de souche sarrasine rejeté on ne sait quand et ressuscitant au bon moment sous des oripeaux germaniques pour contrer  son double anqa  


En 1750, c'est au tour d'Augustin-François Jault qui, tout en citant sans le moindre commentaire Huet et sa référence, s'écrie: eurêka! et sans plus tarder nous révèle sa découverte:
« je dérive le français hanche, et  le Latin-barbare anca, de l'allemand anke, qui entre plusieurs significations a aussi celle-là. Voyez Wachter, Glossarium »…[6]                          

Suivons ce que Jault nous recommande! Voyons Watcher et son Glossarium Germanicum: "ANKE: os mobile inséré dans un autre. Arabe angk, onk, Français ancha, Latin-barbare anca, anche, hanca chez du Cange, anca en italien, anche et hanche en français. On trouve hail anca pour désigner l’occiput dans le dictionnaire de R. Maurus sur les parties du corps humain. Le terme de Maurus désigne proprement « l’os situé à l’arrière de la tête ». Et de fait, heili désigne la tête en islandais, comme l’atteste Verel. dans Ind. Mais cherchons de plus près ce que désigne le mot ancha. Dans ses Observations sur le dictionnaire de du Cange, Frischius dit que les trois grands os qui constituent une articulation au sein d’une alvéole sont appelés anke chez les Allemands. Le premier est celui sur lequel pivote le cou ; il est appelé encore de nos jours anke dans un dialecte haut-allemand, et nake, « nuque », par métathèse du nom. Autrefois, c’est ainsi qu’on désignait la partie antérieure de la poitrine ; par la suite, le terme hængel le remplaça dans l’usage pour désigner la partie de l’armure qui couvrait la poitrine. Le second était appelé coxendix, qui correspond au mot français hanche. Le troisième était la partie inférieure de la jambe, par laquelle celle-ci se joint au pied, et que l’on nomme encore aujourd’hui ankel dans certains dialectes (cf l’anglais ancle). Les termes hanche, qui correspond à notre verbe hinken, « boîter » et hængel (point d’attache, sur la poitrine, de la cuirasse au cou), nous mènent au verbe germanique hangen, « pendre ». En effet, ces « hanches » sont les jointures qui servent de points d’attache au corps. Autant d’explications doctes et réfléchies. Quant au h, je doute qu’il nous mène à une étymologie fiable. Car anke, semble-t-il, désigne tout os engagé dans un autre, et dérive de anken, « appliquer», « implanter », « engager de manière à fixer solidement », ce que montre bien Kilianus. Voyez plusieurs autres dérivés de ce mot aux articles angel et anker. Le mot se dit non seulement des jointures du cou, de la hanche et de la cheville, mais aussi du bras et de la jambe elle-même. Boxhorn, dans son lexique d’ancien anglais, donne à angell les sens d’ « épaule », d’ « avant-bras », de « bras » et de « jambe ». Dans les autres dialectes, enkel désigne la saillie du talon (se reporter à l’article). En grec, ἀγκών désigne le point où s’articulent les os du bras, sens qui s’accorde parfaitement avec tous les autres. »[7]  

Une première remarque concerne les mots que nous avons soulignés : arabe, angk, onk, nake/ nuque : qu'est-ce qui motive leur insertion dans cet article ? Wachter voulait-il insinuer que les mots onk [
عنق ] qui signifie cou,  et nuque, reconnu arabe depuis un bail, dérivent de ce anke supposé allemand ? Ou bien juste remarquer, sans arrière-pensée aucune, une simple similitude en l'occurrence due au hasard ? 
Deuxième remarque: comment expliquer que cou se dise onk en arabe, attesté dans les textes les plus vieux, dont
certains datent de 15 siècles au moins, et anke en allemand ? L'Arabie aurait-elle été jadis, à l'insu de l'histoire, une vieille colonie teutonique ?  


Troisième remarque: est-ce que la parenté phonétique entre nake et nuque est due seulement à cette métathèse évoquée au sujet de anke ? Si cette explication peut se valider encore de nos jours, il faudra alors corriger cette énorme méprise qui fait de nuque un mot arabe ! Il faudra mettre à jour aussi tout ce qui est attribué à Avicenne,
Abulcasis et Rhazès, entre autres, et rendre à l'allemand le nuqaâ [نخاع] longtemps supposé arabe ! Quatrième remarque: comment expliquer que le lancha de Rabanus Maurus, signifiant « l’os situé à l’arrière de la tête » ait des affinités avec le al-onk (par contraction: lonk) arabe qui signifie le cou, la nuque ?    

 
Cinquième remarque: puisque Du Cange est à bons endroit et droit rappelé par Watcher, pourquoi passer sous silence le personnage que cite Du Cange, en l'occurrence Constantin l'Africain, à l'appui de la définition latine de ancha ? Le texte de ce Constantin n'est-il pas la première attestation en latin du mot anca ?[8]   


En 1844, Friedrich Christian Diez, depuis sacré fondateur de la linguistique romane, sort le dernier des trois volumes de sa
Grammatik der romanischen Sprachen. Et dès 1843, sort en France, tiré de l’œuvre diezienne, un Dictionnaire étymologique de la langue française. A l'article hanche, on lit: « hüfte, ancien haut-allemand ancha, moyen haut-allemand hanca. »[9]   


L'allemand standard d'aujourd'hui dont un ou deux parents germaniques auraient prêté aux langues romanes hanche, cet allemand-là, pour dire hanche, utilise hüfte: mot qui n'a que l'h en commun avec hanca, et pas même un semblant de voyelle partagée avec ancha. Mais la mythémologie a ses raisons que la raison n'a pas ! En 1853, Albin d'Abel de Chevallet sort le premier des trois volumes composant son Histoire de l'origine et de la formation de la langue française. Lui ne peut que suivre Diez sur le tapis dont on parlait[10], l'étymon du vieux haut-allemand, devenu entretemps tantôt hanke tantôt anke, étant béni depuis le sacrement du fondateur de la linguistique romane. Mais De Chevallet a quand même le mérite de rappeler que, dans son article anca, Du Cange cite Constantin l'Africain[11].
  

La règle des systèmes

 Victor Bérard, à qui certains philhellénistes peuvent en vouloir encore d'avoir remis en cause, il y a près d'un siècle, certains dogmes en rapport avec l'histoire grecque, disait avec justesse que « la loi de toute recherche étymologique » repose sur un principe de base: « il ne faut jamais étudier un nom isolé ». Par conséquent, poursuit-il, « la première règle [dans cette recherche] doit être la règle des systèmes. »[12]

A-t-on quelque idée, abstraite des complexes doxiques qui aveuglent, du nombre approximatif d'arabismes greffés dans les langues romanes ? Rien qu'à nous en tenir aux mots reconnus en espagnol, en portugais, en français et en italien, c’est déjà un système : la règle de base que prône Bérard pour appuyer la recherche étymologique.
Mais à l'intérieur même de ce système déjà solide, il y en a un autre : tout un glossaire anatomique qui, dans sa part disparue et celle qui subsiste, constitue un plaidoyer pro domo, et non des moindre, en faveur du anqa arabe. Ci-dessous, classés dans l'ordre alphabétique, quelque 120 mots à l'appui de ce plaidoyer. Et l'on verra dans quelle mesure le « corps français » et gréco-romain, de pied en cap, en passant par les parties intimes, cause arbi.

 

Achib: de l’ar. عقب ‘aqib, «talon du pied» , est toujours en survie dans l'allemand sous la forme de alchibus.

Aine : Attesté fin 12e s., au sens de « pli entre la cuisse et le bas du ventre », ce mot dérive droit de l’ar. عانة âina « poil du pubis », d’où أعتون î’tawna « se raser le pubis ou en enlever le poil à l’aide d’un épilatoire »[13].

Albadara : ce mot[14], que Diderot et d'Alembert ne pouvaient définir sans nous dérider un peu (en raison de ce qu’en dit le Prophète cité ci-dessous), est tiré de l’ar. البذر al badhr « la semence », mot donné par métaphore à un os, le dernier du coccyx, que les Arabes appellent encore عَجَبُ الذَّنَبِ âjabo adh-dhanabi (littéral. curiosité de la queue), et les anatomistes arabes عَظْمُ الْعُصْعُصِي adm al-ôsôssi (os caudal, os résiduel, coccyx). Selon un hadith, « tout périra du Fils d’Adam, sauf le coccyx, duquel il fut créé et duquel il sera recomposé ». Commentant ce propos, les auteurs encyclopédistes nous disent : « Laissons ces contes, lit-on en guise de commentaire encyclopédique, à ceux qui les aiment »[15]. Remarquons néanmoins que les découvertes scientifiques de l'embryologie moderne semblent concorder avec les dits du Prophète. Chez les vertébrés, l’être se forme et croît à partir de l'ébauche du coccyx, ligne primitive que Hans Spemann a appelée « organisateur primaire ». Ce savant allemand, prix Nobel en physiologie de 1935, a réimplanté à deux reprises (la première après l’avoir moulé et la seconde après l’avoir fait bouillir) cet « organsitaeur », et à chacune des expériences un 2e embryon s’était formé.

Alchatim, entre autres mots rabelaisiens ayant marqué une page de l'histoire littérature française, est tiré de l’ar. القطن al-qatan qui désigne le périnée.

Amaluc, mot qui semble avoir survécu en provençal au sens de « hanche » ou « tête supérieure du fémur »[16], dérive de l’ar. عظم الحق adhm al hoq «omoplate».

Anatomie, du lat. anatomia « dissection », et bien avant du grec ancien ἀνατομή, anatomê, composé de ἀνά, aná (adverbe signifiant « en haut », « en avant ») et de τέμνω, témnô « couper », dérive pour son second composant de l'ar. طَمَّ  tamma « couper »

Aorte , que l'on fait venir du latin tardif aorta et dériver auparavant du grec ἀορτή « aortē» n'est en fait que la translittération du mot arabe orthi [أورطي ], issu de [ الوراط], signifiant « derrière, cul », introduit en latin par Constantin l'Africain puis Stéphane d'Antioche, quand ils ont traduit, respectivement en 1070 et 1127, Ali Abbas.

Aréole : latin areola « petite surface », de  area « aire », avec le suffixe -ula, et bien avant de l’ar. ar.عراء  âra « lieu spacieux et ouvert de tous côtés, plaine, désert »[17], dérivé de عراء ‘âra « nudité ».

Atrophie, dystrophie : Ces termes qui, en médecine, signifient respectivement « diminution, rétrécissement, échec de croissance » et « dégénérescence ou anomalie de développement d'une structure anatomique », dérivent via le grec τροφή trofí « action de nourrir, nourriture » ; « genre de vie », de l’ar.  ترفة torfa «bonne nourriture, bombance». Sous la plume de Kazimirski, le mot est traduit par « mets délicat et exquis, tel qu’on le prépare pour un ami. »[18] La racine ترف taraf signifie « jouissance du bien-être, vie marquée par l’aisance et les délices ».  Le dérivé مترف motref se dit de quelqu’un qui vit dans le bien-être et qui est gâté par les délices de la vie. La racine arabe a donné au français, outre ces deux mots, algotrophie et Ocnotrophique.

Azygos, ou veine azygos, qui désigne une veine du thorax formée à partir de deux veines issues de l'abdomen, via l’ancien grec ζυγόν, zugón « joug » + a privatif, est issu de l’ar. زوج  zawj « paire, couple », étymon qui, à travers l’arabe maghrébin zoùdj « deux », c'est-à-dire « deuxième élément du couple », a donné le français zouz, signifiant en argot « jolie fille », et par extension « amie de cœur » ; « concubine » ; « fiancée ». 

Banane : Sans doute parce que sa forme oblongue l’autorise à désigner vulgairement le pénis, la banane (le commun des Français ne le soupçonne pas) tire son nom de l’ar. بنان banan, plur. de بنانة banana « doigts »[19]. Cette étymologie est rejetée par certains auteurs, les uns l’assimilant à un simple produit d’imagination, tandis que d’autres n’en voient pas la pertinence au vu de l’origine géographique de la plante. Ainsi lit-on sous la plume de Sérgio Corrêa da Costa et Maurice Druon : « Comme il y a en Inde une figue qui a la forme d'un doigt, et puisque l'un des mots arabes pour doigt est banana, l'imagination si typique des étymologistes n'a pas résisté à la tentation de conclure que ce sont les Arabes qui auraient transporté le fruit et le nom en Afrique de l'Ouest[20]».  Et Ameenah Gurib-Fakim écrit à son tour : « comme la plante n'est pas originaire de l'Arabie, il est presque sûr que l'origine du mot n'est pas [...] Arabe. »[21]. Mais il y a aussi ceux qui considèrent probable que les vocables banema et banama, utilisés dans le golfe de Guinée, et dont les Portugais ont tiré banana, soient des formes altérées du بنان banan arabe. « Dans les langues d'Afrique occidentale, écrit André Lassoudière auteur d’une histoire de la banane, ces vocables sont peut-être issus de l'arabe banan signifiant doigt ou orteil. Cette hypothèse semblerait satisfaisante puisque l'on considère que ce sont les négociants arabes qui ont introduit cette plante en Afrique de l'Ouest »[22]. Mark Morton, auteur d'un « dictionnaire de curiosités culinaires », attribue le nom arabe supposé, non aux négociants arabes mais aux négociants espagnols et portugais. « Lorsque les commerçants espagnols et portugais ont voyagé au Congo en Afrique en 1563, écrit-il, ils ont confondu le nom africain du fruit avec un mot arabe non apparenté : banan, signifiant doigt. L’amalgame a été déclenché, sans aucun doute, par la ressemblance de la banane à un doigt humain »[23]. Quant à moi, je dirais que s’il n’y a aucun doute au sujet de l’introduction du bananier en Afrique par les Arabes dès le 5e siècle, puis au Maghreb et en Espagne à partir de 650, l’absence d’attestations arabes au sujet de l’étymon supposé ne permet pas de trancher en faveur de l’origine arabe du nom.  Par contre, il y a lieu de supposer que le langage des négociants ayant transporté le bananier à travers l’océan indien ait pu intervenir au niveau phonétique pour adapter le nom original de la banane à la prononciation commode aux Arabes. Cette thèse, assez plausible, est soutenue par Clifford Thurlow. « Les brahmanes de l'Inde ancienne, écrit cet auteur, appelaient pala le bananier et ariena son fruit. Lors de ses voyages à travers l'océan indien vers l'Afrique de l'Est, le nom de la plante fut transféré au fruit, et celui-ci devint palan »[24]. C’est de ce palan que les Arabes auraient fait bànan, à la fois par analogie avec le nom pluriel des doigts pour des commodités phonétiques, banan étant, selon l’auteur, « plus souple et plus romantique ». Il faut remarquer ici que l’arabe n’ayant pas de p, la substitution du b en l’occurrence se passe de commentaire. Quant aux effets de « souplesse » et de « romantisme » invoqués, justifiant le passage de balam à banan, ils ne paraissent pas dénués de sens non plus, quand on sait que le banan arabe signifie, outre les doigts, « odeur suave ». Reste à rappeler une vérité historique occultée, ou oubliée, par ceux qui disqualifient l’arabe en invoquant l’origine géographique de la plante : fut un temps où la partie sud de l’Arabie, qui correspond à l’actuel Yémen, était appelée « Arabie heureuse ».  Et cette Arabie puisait son bonheur dans le fameux barrage de Marib construit vers 750 à 700 av. J.-C. Les vestiges de ce barrage, le premier dans l’histoire de l’humanité, sont encore impressionnants de nos jours. Et durant près de 300 ans, le Yémen en entier était un éden (d’où le nom Adan), ce qui fut l’un des facteurs ayant fait la grandeur du royaume de Saba. Comment expliquer que l’ancien nom de المخا, al-Mûkha (port yéménite) d’où proviennent les noms français de la pâtisserie et du café moka) s’appelait jadis موزة Muza (banane) ? Si en 1847, Adolphe-Noël Desvergers souligne que « le plus grand nombre des fruitiers élevés dans nos jardins d'Europe sont indigènes en Arabie », et parmi ces plantes, l'auteur cite « le bananier, le mango, le papaya, le cocotier »[25], comment imaginer sans de tels arbres et bien d’autres encore le royaume de Saba à l’ère de sa grandeur ?

Basilique, qualifiant une veine du réseau veineux superficiel de la face interne du bras, qu’une étymologie purement fantaisiste voudrait rattacher au grec βασιλικός, vasilikós (royal), mot lui-même d’origine arabe (dérivant de فاصل fassil, var. فيصل  fayçal « juge équitable », « chef », gouverneur »), est purement fantaisiste. Le mot dérive, en fait, de l’ar. بَازِلِيٌ bazili (de sens id.), du verbe بَزَل bazala (fendre, percer) dont se tirent بَزْلٌ bazl (fente), تَبَزَّلَ tabazzala (se fendre), et (en parlant du sang) jaillir, مِبْزَلٌ mibzel (ce qui sert à filtrer le vin). De cette même racine dérive l’ar. dialec. بَزُّول bezzoul (sein), plur. بزَاِزل bzazel qui a donné le fr. De banlieue bzazel.

Bassin : On désigne de ce nom la grande cavité osseuse qui forme la base du tronc et sert de point d’attache aux membres inférieurs. Le mot dérive de l’an. fr. bacin que l’on rattache au latin baccia « vase ». Il semble que ce mot vient de l’ar. أبزن abzen « aiguière en cuivre dont on se verse l’eau sur les mains pour se laver » ; comparez aussi avec l’ar.  باسنة bacina, var. بسن basn, «corbeille», «sac»

Bedaine : En français familier, ce terme qui signifie panse, gros ventre, semble venir droit de l'ar. بدانة badana « obésité », du verbe بدن badana « devenir gras, corpulent », d’où l’adj. بدين badin « obèse », بادن baden « gros, grand »[26]. La racine بطن batn « ventre »[27], que défend Pihan, est également assez plausible.

Boari, par quoi les anciens professeurs et leurs étudiants, futurs échins, ou mires, désignaient l'ombilic, est un mot arabe qui, selon toute vraisemblance, dérive de بجر bajar « hernie ombilicale ».

Bouche : l'an. fr. boche, buce, issu du lat. bŭcca « joue » et « bouche », semble provenir de l’ar. égypt. بق boq «bouche»[28], probablement dérivé de la racine arabe بقبق baqbaqa «bavarder» ; elle-même de بق baqqa «être bavard» ; d’où بقباق baqbaq «bouche», بقبوق baqbouq «loquace, bavard»[29].

Caïb, de l'arabe كعب kaâb « talon» , a longtemps circulé en latin et langues romanes sous diverses formes: cahab, chahab, alcahab, alacahab[30]... pour désigner l’os du pied qui forme, avec le calcanéum, la rangée postérieure du tarse, l’astragale.

Caput, dont on tire plusieurs mots français, occitans, italiens et autres, et que l'on dit latin, n’est que la dérivation de l’ar. قب qab «tête, cap», et par extension « chef, prince, roi ». De ce même étymon dérive le français chef qui signifiait « tête » et signifie toujours entre autres « leader », « point principal », « motif ». Et de ce dérivé viennent cape, capet, capote, capot, chape, chapeau, chapelle, décapiter, entre autres. 

Calibre : Issu de De l’arabe قَالَبٌ (qâlab) (« moule ») moule de métallurgie, forme de cordonnier, ce mot -souvent associé à l’adjectif « gros », est, dans le jargon sexuel, synonyme de pénis.

Cassale, qui, dans le jargon médical médiéval, désigne une plaie à la poitrine, dérive à travers le latin cassum[31] de l’ar. قص qass «poitrine, os de la poitrine»[32].

Chatte : Le bas latin catta « chatte » dont dérive ce mot signifiant dans le registre vulgaire « vulve » vient droit de l’arabe قطة qitta « chatte », féminin de قط qitt « chat ». Hérodote (II, 66-67) nous apprend que le berceau de domestication du chat est la vieille Egypte où l’animal était vénéré. Quant à l’historique de son nom dans le monde gréco-romain, Ferdinand Justi nous en dit que « le mot catus n'apparaît que chez Palladius, écrivain du 3e siècle »[33]. Et à son tour, Adolphe Pictet « a établi que les noms du chat dans toutes les langues européennes n'appartiennent pas au vieux fond du langage aryen »[34]. Selon cet érudit, « ce qui est certain, c'est que le principal nom du chat se rattache partout en Europe au latin catus, cattus, inconnu au grec ancien (κάτος est byzantin). Or catus se lie à l'arabe kitt, plur. kitât, syriaque kâto, kaïtôtô »[35].

Cheville et clavicule , du lat. pop. *cavĭcŭla, altération du lat. clas. clavĭcŭla « petite clé », de clavus « clé », dérivent de la racine arabe كلب kelb « fer tordu, ou crochu, par lequel le voyageur pend à la selle de sa monture ses provisions de voyage », « tout instrument avec lequel une chose est rendue ferme, ou est liée » ; « clou » ; « ferrure de la meule où s'emboîte la barre qui fait aller le moulin à bras »; d’où كلبة kilba et كلاب kolleb  « tenailles », « crochet », « agrafe », « forceps », « grappin » ; « outil avec lequel le forgeron saisit le fer chaud », كلب kalaba « fermer à clé [une porte] »[36]. Tous ces sens cadrent parfaitement avec ceux du latin clavus.

Chibre : L’étymologie communément répandue au sujet de ce mot voudrait qu’il soit dérivé de l’an. fr. guivre « serpent », celui-ci du latin latin vipera (« vipère »). Mais que diraient les philologues raisonnés s’ils savaient que l’arabe شبر chibre qui, au propre, signifie « empan, mesure correspondant à la dimension entre l'extrémité du pouce et celle de l'auriculaire », signifie aussi au figuré verge, pénis, sens attesté depuis la période antéislamique dans la poésie d'al-Khansa[37], de même qu'il signifie serpent[38]? En fait, aussi bien pour le sens vulgaire de « pénis »[39] que pour celui de guivre « serpent », le latin me semble moins plausible que son concurrent arabe..

Choroïde : en ophtalmologie, ce mot désigne la membrane de l’œil, située entre la rétine et la sclérotique.  Issu du grec ancien χοροειδής, khoroeidês « fœtal », dérivé de χόριον, khórion « membrane entourant le fœtus », le mot vient de l’arabe صرم sarm « cuir tanné», et bien avant du persan جرم jarm. C’est la même racine qui a donné scrotum, corium (voir ces mots).

Clitoris : Ce mot dérive du grec ancien ancien κλειτορίς, kleitorís, dont le sens communément répandu en français, en l’occurrence « petite colline », ne satisfait pas nombre d’étymologistes dont Pierre Chantraine[40] et Jean-Victor Vernhes[41]; l’un et l’autre préférant dériver le mot de κλείειν kleíein « fermer ». A mon sens, le grec doit ce terme, de même que κλειδί kleidí « clé », aux racines arabes كلب kalaba et قلد qalada. La première a fourni au latin « clavus » et tant de dérivés au français (voir ci-haut cheville et clavicule). La seconde, en arabe yéménite, a fourni إقليد iqlid « clé », et j’estime que le mot qui nous intéresse ici, κλείειν kleíein « fermer », est apparenté à l’une ou l’autre racines arabes. Je rappelle que le verbe arabe كلب kalaba signifie « fermer à clé [une porte] »[42].

Coccyx : le mot latin désignant ce petit os des hominoïdes, attesté en 1541, n’est autre que l’altération de l’ar. عصعص ‘ôs’ôs de sens identique. S’il existe bien un coccyx latin antérieur aux traductions latines des textes de médecins arabes médiévaux, c’est celui attesté sous la plume de Pline au sens de l’oiseau « coucou ». Et ce que j’appelle « art mythémologique » voudrait nous persuader que ledit os a pris le nom du coucou par analogie entre la forme de l’os et le bec de cet oiseau. Comparez ce bec à ceux d’autres oiseaux, et vous verrez en quoi n’importe quel bec pourrait aisément se prêter à la prétendue analogie évoquée.

Cœur : En latin comme en ancien français, ce mot désignait à la fois le cœur et l’estomac. Ainsi, du premier siècle av. J. C., et jusqu’au 5e siècle de notre ère, le latin cor, cordis, désignait surtout l’estomac. Cardiacus, sous la plume de Cicéron, signifie « maladie de l’estomac ».  Ce sens s’est maintenu non seulement en ancien français, mais en provençal et dans divers patois méridionaux. Si le Roman de Renart (composé vers 1174) nous dit « Il avoit a son cuer grant fein », Trévoux ( 1704) nous rappelle que les expressions « jeter du cœur, crier du cœur » signifient vomir.  Le normand coeurial (sur lequel le français semble avoir calqué cordial) signifie « appétissant ». Dans les patois de Reims et de Lyon, « décœurer » signifie vomir. Le locuteur moyen du français ne le soupçonne pas, mais ce sens étroitement lié à l’estomac s’est conservé même en français moderne. En témoignent ces extraits cités par Littré: - « Avoir le cœur noyé, noyé d'eau, être incommodé pour avoir bu trop d'eau ». – « Ce vin va au cœur, il fait plaisir. » - « Mal de cœur, envie de vomir ». - Avoir le cœur bon, avoir l'appétit bon, se dit d'un malade qui conserve de l'appétit. – « Cet homme a bon cœur, il ne rend rien, se dit d'un homme dont l'estomac ne rejette pas ce qu'il mange ; et, figurément, de celui qui ne rend pas ce qu'on lui prête ». – « Avoir le cœur sur le bord des lèvres, et, simplement, sur les lèvres, être prêt à vomir ». –« Populairement. N'être pas malade de cœur, conserver un bon appétit ».... Compte tenu de ces considérations, je suis persuadé que le mot cœur doit sa racine à l’arabe كرش kerch, var. كرش kirch, plur. كروش korouch, qui signifie « estomac, ventre, ventricule ». Par ailleurs, fait assez frappant, la forme nunnée arabe كَرُشٌ kerchon est quasiment identique à corazón. Et cette même analogie se constate à travers les vieilles formes du français : quors, cuer, quers.

Col, cou : Le latin collum « nuque, cou » dont ces mots sont issus est probablement tiré de l’ar. قلة qolla « sommet, colline », « tête », étymon qui a donné aussi au latin collis « colline », et columen « colonne ».

Colonne vertébrale: Issu du latin columen et apparenté à collis « colline », le premier composant de ce nom dérive de l’ar. قلة qolla «sommet, colline» , « tête ». Quant au second, de vertèbre, latin vertebra, que l’on rattache au verbe vertere « tourner », je me demande s’il ne dérive pas plutôt de l’ar. فرائد faraïd, plur. de فريدة farida, que Kazimirski traduit en ces termes : « chacune des six vertèbres du milieu du dos entre les six qui aboutissent à l'os sacrum et les six qui finissent au cou »[43].

Coma : Il y a deux coma en français, dont le premier n’a pas de sens réellement anatomique en (signifiant en astronomie la  chevelure d’une comète), mais en latin comme en grec ancien (κόμη, kómê), il signifie « chevelure ». Et il dérive de l’arabe جمة jomma « chevelure abondante qui retombe sur les épaules », « toupet », du verbe جم jemma « être abondant ». Le changement du ج j initial en « c » ou « ch » est assez fréquent dans les emprunts à l’arabe : جمل jamel è latin « camelus » ; grec « κάμηλος », kámêlos) , جلبة, jelbaè fr. « chaloupe », بردج, bardaj è fr. « bardache », جوكان joucan èesp. choca ; جب job è esp. chibo… Le second coma, même s’il relève de la médecine et pas de l’anatomie, mérite également un mot. Issu du grec ancien κῶμα, kôma (« sommeil profond »), le mot tire sa racine de l’arabe غَمًى ghama « évanouissement, défaillance », « état d’une personne que l’on croirait morte»[44].

Con : Ce mot, issus du latin cunnus (« gaine, fourreau, par analogie la vulve »), dérive, avec chute de la consonne finale, de l’arabe قنب qonb « clitoris », « fourreau du membre de la génération (surtout en parlant des animaux) »[45]. « Con » a fourni à l’ancien français conil et connin de sens identique.

Conjonctive : en ophtalmologie, ce mot désigne la membrane muqueuse transparente qui tapisse l’intérieur des paupières et les unit au globe oculaire sur lequel elle se poursuit jusqu’à la cornée. Cette membrane produit le mucus qui tapisse et lubrifie la surface de l’œil. D’où vient son nom ? Du latin conjunctivus, de conjuctio « conjonction », de conjungo, de jungo, + préfixe con, de jugum, du grec ancien ζυγόν, zugon « joug », et bien avant de l’arabe زوج zawj « couple, paire ». Ce mot se rattache donc à la même racine qui a donné jugalaire, azygos, zygoma, zygote, etc.

Cornée : c’est la translittération de l’ar. قرنية qarniya, de sens identique, de قرن qarn «corne». Le mot s’est latinisé à travers cornea tunica, composé de cornea « cornée » et tunica « tunique », 2 composants dérivés respectivement de قرن qarn « corne » et كتان kettan « chiton », et empruntés également par le grec ancien κέρατο kérato « corne » et   χιτών chitóy « chiton ».

Corps : Ce mot et sa racine latine corpus dérivent, à mon sens, de l’arabe قرافص qorafis « corpulent », « gros, épais et robuste »[46]. Les apparentés قرفصاء qorfoça’ et قرفاص qirfas signifient respectivement « position agenouillée-accroupie », et « étalon qui féconde la femelle dès la première monte »[47]. Il faut rappeler que le mot latin a de nombreux dérivés mais, de l’avis de plus d’un latiniste, sa racine est obscure[48].

Costae verae : Costae verae [ الأضلع الصادقة][49], costae false [الأضلع الكاذبة], funis brachii [حبل الذراع], pia mater [أم الدماغ], dura mater [أم الدماغ], domesticus [الإنسي] silvestris [الوحشي]... respectivement traduits en français par vraies côtes, fausses côtes, cordon brachial, pie-mère, dure-mère, domestique, sauvage (et ce ne sont que quelques échantillons), sont des emprunts par calque, ou emprunts structuraux et sémantiques venus de la nomenclature anatomique arabe.

Coude : Ce mot dérive à travers le moyen français coude, coute, de l’ancien français cute (1121-35), cote, bien avant du latin cŭbĭtus (« coude, coudée »), et celui-ci du grec ancien κύβος, kúbos. Le grec doit son mot à l’ar. كعب caâb « osselet du talon, articulation du pied et de la jambe », « toute articulation semblable »[50]. A propos de la présumée racine cubo « être couché » dont Isidore de Séville tire « cubitus », Panckoucke remarque que « cette idée est bizarre et même absurde », l’auteur estimant que cubare, contre l’avis de Vossius, vient de cubis, d’où cubae, nom donné aux lits militaires en langue sabine [51]. Mais à supposer que Vossius et Isidore ne se soient pas trompés, ce latin « cubare » est lui-même issu de l’arabe كب kebba  « culbuter », « (se) pencher, (s’)incliner », « (se) pelotonner », appuyer le corps sur quelque chose »[52].

Couille et le latin colea, coleus, culeus, culio, ainsi que le grec κολεός, kouleós, sont les dérivés de l'arabe كلية koléa (outre, sac de cuir), racine qui a donné aussi l'argotique claoui et coléocèle qui désigne en médecine la hernie vaginale. Selon toute apparence, testicule, dont la charpente consonantique a des affinités avec couille, serait issu du même étymon. Mais il se peut bien que ce soit un dérivé du latin testis, ce qui n’en dérabise pas l’origine : voir testicule.

Crâne : Selon la chaîne étymologique de ce mot (de l’ancien français cran, du latin crānium « crâne » qui a supplanté calva « crâne », du grec ancien κρανίον, kraníon « boite crânienne, tête », le grec serait apparenté à κέρας, kéras « corne ». Or celui-ci et le latin cornua se rattachent à la racine arabique qarn, hébreu biblique קרן, keren « corne », arabe قرن qarn « corne »[53], étymon qui a donné aussi le grec ancien χρόνος, khrónos « temps », sens que l’on trouve dans la racine arabe[54].

Cristallin : en ophtalmologie, cet adjectif est associé à deux noms : humeur cristalline et corps cristallin (voir corps et humeur). Il va sans dire que, sous le mot grec qui a donné le français cristal, en l’occurrence κρύσταλλος, krústallos « glace », dérivé de κρύος, krúos « gel », peu de Français soupçonneraient le sens premier du radical grec, à savoir « froid glacial », et encore moins la dérivation de ce grec d’une racine arabe. Cette racine est قرس qars qui signifie « froid intense », d’où l’adj. قارس qaris et قريس qaris (avec un i long)  « glacial, rigoureux, réfrigérant »[55].

Croupe, croupion : Ces mots sont issus de l’arabe غرابان ghouraban, duel de غُرابُ  ghorâb, qu’Edward William Lane définit comme suit : « Les deux extrémités inférieures des hanches, ou hanches, qui sont à côté des parties supérieures des cuisses […] ; chez un cheval et chez un chameau, les deux extrémités des hanches, à savoir leurs deux bords, à gauche et à droite, qui sont au-dessus de la queue, à la jonction des têtes de jarrets »[56]. Cet étymon bénéficie de l’appui d’Enrico Narducci qui l’adopte pour définir l’origine de l’italien « groppa »[57] ; et c’est aussi ce que soutient Lammens pour le français « croupe »[58], citant à l’appui la définition que donne Freytag du mot arabe[59]. Si le vieux-francique *kruppa pouvait avoir quelque prétention dans l’étymologie, ce serait à titre de voie de transfert, et rien de plus.

Crural : Cet adjectif qui, en anatomie, désigne ce qui est relatif à la cuisse, est issu du latin cruralis, de crus « jambe », mot au sujet duquel on s’accorde à dire qu’il est d’origine obscure. En vérité, si l’on consulte l’historique latin du mot, on constate que la première attestation, datant de 2 siècles av. J. C., est associée à l’auteur carthaginois Apulée : asceam cruribus meis inlidere[60] : formule proverbiale qui signifie : « me faire du tort à moi-même », à peu près l’équivalent de « me tirer une balle dans le pied ». Pour autant que l’on veuille reconnaître que cet Apulée est sinon arabe, du moins cousin des Arabes, il serait assez aisé de dénicher la racine de « crus » : c’est l’arabe كراع coraâ, plur. كوارع cawari’, اكروع acrou’ et أكارع acari’, que Kazimirski traduit par « la partie la plus mince de la jambe entre le pied et le genou chez l'espèce ovine et bovine »; « l'os du tibia »; « le pied »[61]. En arabe maghrébin, كراع cra’â signifie « jambe », « pied », sans distinction pour l’espèce.

 

Cubitus : dans l’ancienne nomenclature anatomique, ce mot désigne l’ulna. Et dans son sens courant, c’est le plus long des deux os de l’avant-bras, au côté du petit doigt, dont l’extrémité supérieure forme le coude. Sa racine est la même que coude : voir ce mot. Que cette racine soit issue du grec κύβος kubos « cube »[62] (< ar. كعب caâb « dé », « cube », « jointure, articulation des os », « os saillant à l’empeigne », « talon »[63]), ou qu’elle dérive de cubare  (comme le veut Isidore de Séville), c’est toujours à l’arabe qu’elle se rattache.

Cul : pour ce mot issu du latin culus, il peut y avoir plusieurs candidats lexicaux arabes. Le premier serait كَفَلkefl, pluriel كفول kofoul, signifiant « fesse », « croup[64]. Le deuxième serait خلف khalf « derrière, postérieur de toute chose ». Il y a aussi خرق qharq « postérieur, cul ».  Enfin خَلَل  khalal qui désigne soit une fente, soit un trou, et qui se passe de commentaires en l’occurrence[65]. Il va de soi que l’on pourrait disqualifier tous ces candidats pour non correspondance phonétique exacte avec le mot latin. Mais il faut prendre en compte cette vérité qu’à l’intérieur même de la France, de l’Espagne, de l’Italie, ou n’importe quel autre pays, le même mot peut se décliner sous de nombreuses variantes. Et quand ils viennent de si loin comme l’arabe, kefl, khalf ou khalal, à côté du « cul » ou « culus » où l’un d’eux se serait fait assimiler de vieille date, les variations de forme seraient, à mon avis, moins importantes que le sens.

Dos : Issu du latin vulgaire dossum, celui-ci du latin classique dorsum, et bien avant du grec ancien δειρή, deirê, δέρη, derê, « cou » avec extension métonymique du sens, le grec doit sa racine à l’arabe ظهر dhahr « dos ».

Echine : (1100 eschine « colonne vertébrale », eskine 1256) dérive de l'arabe السَّكِنة es-sékina que le Lisan définit comme suit: السَّكِنة: مقرّ الرأْس من العنق «logement de la tête sur le cou». Kazimirski[66] traduit la définition arabe en ces termes « Base de la tête; cette partie par laquelle elle est attachée au cou ». Handhala ben Cherqi alias Abou Attahan parlait de ضَرْبٍ يُزِيلُ الهامَ عن سَكِناتِه « frappes qui ôtent les têtes à leur es-sékina ». En passant aux langues romanes (provenç. esquina, esquena; espagn. esquena; ital. schiena), le mot a conservé l’article arabe es (forme contractée de al avant un nom commençant par un «  س / s ». Il n’est que de méditer sur la variante eskine attestée sous la plume d’Aldebrandin de Sienne, pour se rendre à l’évidence que le vieux-francique *skīna « baguette de bois » (fourni comme étymon par le TLFi) ne peut disputer à l’arabe la parenté de ce mot[67]. 

Encéphale : issu du grec κεφαλή, kephalế (« tête »), ce mot dérive de l'arabe قفلة qafla qui signifie « occiput, derrière de la tête ». De cette racine dérivent une bonne vingtaine de mots français dont acéphale, céphalée, cépalique...

Epaule : L’étymologie communément admise dérive ce mot, via l’ancien français espaule et espale, du bas latin spathula (« petite épée large », « spatule », « omoplate »), du latin spatha « feuille de palmier ». Or ce latin lui-même est issu de l’ar. égypt. سُباطَةٌ  sobata «régime de dattes chargé de ses fruits», étymon qui a donné au grec ancien σπάθη, spáthê (« épée », « plat de la rame ». La  même racine a fourni aussi au français spathe et spathaire. Mais je pense que le français pourrait bien dériver de l’arabe وابلة wabila qui signifie entre autres « le haut de l’épaule »[68].

Fesse : C’est de l’ar. بُوصُ bos et بَوْصُ baous, de sens identique, que dérive ce mot. C’est plus pertinent que la présumée dérivation du latin vulgaire « fissa » qui signifie « fendue ». Et à supposer que ce « fissa » ait pu exister dans ledit sens, il conviendrait de le restituer au même étymon arabe qui se défend aisément mieux. Et puis le latin findere « fendre, ouvrir, crever », à mon sens, dérive de la racine arabe فند fend « partie, part, portion », « faiblesse d’esprit ou de corps d’une personne sénile », d'où فند find « section humaine », « catégorie », « bloc de montagne qui se fissure », فنداوة findawa et فنداية findaya « hache » (ainsi appelée parce qu'elle fend), فندير findir « grand rocher détaché de la masse de la montagne et qui menace de rouler en bas ». D’autre part, il faut remarquer qu’à l’exception du wallon, et seulement du wallon (probablement dérivé du français), « fesse » n’a aucun apparenté dans les langues occidentales. Par contre, l’ar. بُوصُ bos et بَوْصُ baous semble quasiment identique au grec ancien « πυγή » pugế, et au roumain « bucă », l’un et l’autre de sens identique. Soulignos aussi que le dérivé arabe بوصاء  baoussa, qui se dit d’une femme fessue, a des affinités assez évidentes avec son équivalent français. Enfin, il est assez curieux de constater que le synonyme grec de « πυγή » pugế, à savoir ὄπισθα opistha, a pour l’essentiel la même charpente consonantique que le mot arabe. Der(nier mot : en ce qui concerne la différence des initiales, rappelons que la conversion du ب b en « f » ou « v » est fréquente dans les emprunts latino-romans à l’arabe : ابن سينا Ibn Sina è Avicenne ; ابن رشد Ibn Rochd è Averroès ; فطر fitr è potiron ; فستق fostouq è pistache…

Focile : ce mot, introduit en français sous la Plume de Rabelais en 1534, dérive de l'arabe مفاسل mafacil, terme  qui désigne chez les médecins arabes comme chez le commun, les articulations.

Foie : Le bas latin ficátum qui a donné ce mot signifie « foie d’une oie engraissée aux figues », devenu par extension le sens du foie humain. Or ficátum, de ficus « figue » + suffixe -atum dérive à son tour de l’arabe فَجٌّ fej, phénicien pagh (id.), hébr. פַּגָּה paggâ, ancien syriaque ܦܓܐ paggā, qui signifie « fruit pas encore mûr ». Le sens de « figue précoce », on le trouve dans l’arabe dialectal فَجْ fajj, var. فِجّ fijj, d’où le vieux toponyme palestinien بيت فاجي Bethphagé, signifiant littéralement « maison des figues »)[69].

Genou : Comparez l'an. fr. genoil, issu du bas-latin genuc(u)lum « genou », avec l’ar. خنب khinb «dessous du genou» (étymon qui pourrait prétendre aussi à la racine de jambe (voir ce mot)) et l’akkadien kananu «genou» [70]. Sous le radical ĝenu, Julius Pokorny rattache le latin à l’indo-européen *ĝenu qui donne aussi le grec ancien γόνυ, góny (« genou »), γωνία, gônía (« angle »), knee en anglais[71]. Or le grec γωνία, gônía (« angle »), le fr. « coin », le latin cuneus (à quoi rajouter leurs dérivés « cognés », « cogner », « coincer », « encoignure », « recoin », « rencogner ») viennent de soit de la racine arabe كُنَّةُ cona « auvent », toit en saillie qui sert à protéger une fenêtre ou une porte de la pluie ou du vent, généralement de forme triangulaire,  soit de خصم khosm « angle », soit encore de ركن rokn, plur. اركان arkan « coin, angle » ; ce dernier a fourni au latin arcanus (« caché, secret, mystérieux »). كُنَّةُ cona dérive de كن kenna, var. جن jenna «cacher», «couvrir», « tenir caché », sens souvent associé à « coin »

Giron : que l'on dit tiré de l'an. bas francique *gêro « pan coupé en pointe », n'est autre que le dérivé par apocope de l'arabe حِجْرٌ hajron (nunnation de hajr) qui signifie « giron », « partie du corps humain qui s’étend de la ceinture aux genoux d’une personne assise ». Comparez avec la définition qu'en donne le TLFi: « Partie du corps comprise entre la ceinture et les genoux, chez une personne assise. » 

Gorge : Selon le TLFi, ce mot est emprunté au lat. pop. gurga, du lat. class. gurges « tourbillon d'eau, gouffre, abîme ». Il me semble plus pertinent que ce moi soit issu ou de l’arabe maghrébin قرجومة garjouma « gorge, gosier »[72], ou du berbère تاقرجومت taguerjumt, de sens identique.

Gueule : L'arabo-persan gueule, couleur héraldique et terme anatomique, subsiste toujours en français. La thèse d'une racine exclusivement arabe (de جلد jild « cuir ») n'est pas à exclure.

Hélix : ce mot qui désigne le grand bord replié de l’oreille externe, dérivé du latin qui le doit à son tour au grecancien ἕλιξ, hélix (« spirale, vrille »), puise sa racine dans l'arabe حلق halaqa « entourer », « ceindre », d’où le déverbal حلقة halqa « anneau, cercle », حلق hilq « bague », تحليق  tahliq « tournoiement dans les airs »,         « réunion en cercle ». A partir de cette racine, le grec a fait son  εἴλω eílô « tourner», et de là le dérivé anatomique.

Humeur aqueuse : en ophtalmologie, cette expression désigne un liquide biologique transparent à faible viscosité sécrété par le corps ciliaire dans la chambre postérieure de l'œil. Le terme humeur, issu du latin humor « liquide, fait d’être « mouillé », dérive de la racine ar. همر hamara « répandre, verser [de l’eau, des larmes, etc.] », « couler », d’où همرة hamra « ondée, averse », هامر  hamir et همار hammar « qui répand une grande quantité d’eau », مهمار mihmar, adj. synonyme de « bavard, loquace, qui répand des torrents de paroles »[73].

Intestin : Comparez la racine latine intus, « à l’intérieur » (composé de -in + tus) dont est issu intestinum « entrailles », à l’arabe دس dessa « cacher », اندس indessa « se cacher ». دس dessa signifie aussi «ourdir», «intriguer » , « tramer quelque chose en secret contre quelqu’un ». Ses dérivés مندس mondess, دسوس dessouss et دسيس dessis signifient « espion », « taupe ». Au double plan de la charpente consonantique et du sens, « dessa » et « tus » semblent analogues.

Iris : c'est de l'arabe عير îr, de sens identique, que le mot français dérive. Le latin iris n'a jamais eu de sens associé à l'oeil.

Jambe : ce mot dérive, via l’an. fr. jambe et gambe, du latin gamba (« jarret (des quadrupèdes) »), lui-même, selon l’étymologie communément admise, du grec ancien καμπή, kampế (« courbure, flexion, articulation d’un membre »). Plutôt que ce grec présumé, je soutiens soit l’ar. خنب khinb « dessous du genou»[74] (voir ce mot), soit les racines arabes كَنَبُ kanab et جنب janb qui signifient « partie latérale de l’abdomen ».

Joue : Ce mot que les philologues s'ingénient à rattacher à une base prélatine, en l'occurrence gaba « jabot, gosier », est en vérité dérivé de l’ ar.خد  khad, plur. خدود khodoud (de sens identique), qui a donné en ancien français « jode », en berry « jotte », en italien « gota », en provençal « gauta », en catalan « galta », en danois « kind ». L’initiale ar. خ kh nayant pas d’équivalent en français, il n’est pas rare de la voir rendue par « c », « k », « g », « r », et quelquefois aussi, quoique plus rarement, comme à travers le jota espagnol, par « j »  dans les emprunts à l’arabe :  لَخْرَوَاتْ lakhrawat è lahryat ; المخدة al-mikhadda è almohada ; مخزن makhzen è magasin ; مخير, mukhayar è moire ; خَافَ khafa è raf, rhaf ; فخ fakh è piège.

Jugulaire : Ce mot est apparenté à azygos (voir ci-haut), issu via le grec de la même racine arabe qui a donné « joug » : زوج zawj « paire », « couple ». Les veines jugulaires sont situées de chaque côté des parties latérales du cou. Rappelons que la racine arabe a fourni au français une foule de mots dont « conjuguer », « juguler », « conjugal », « junte », « joindre », « jument » ... Citons encore zygoma qui désigne un os de la pommette de la joue. Sans oublier zygapophyse, synonyme de processus articulaire, zygote. qui, en biologie, désigne une cellule diploïde résultant de la réunion de deux gamètes haploïdes par le processus de fécondation, zygotène qualifiant, toujours en biologie, la deuxième étape de la prophase I de la méiose, marquée par le début de l'appariement des chromosomes homologues.

Lentille : On s’accorde à dire que la lentille optique est une invention d’Ibn al-Haytham, plus connu sous le nom d'Alhazen, considéré comme le « père de l’optique ». Si le mot français qui dérive du lat. pop. lentīcula, dans son acception optique, est incontestablement un calque de l’arabe عدسة âdaça « lentille », il n’est pas exclu que, dans son sens botanique, le lat. lens soit une altération de l’arabe علس‘els, forme nunnée عَلْسٌ ‘elsen « lentille ». En botanique, l’arabe a tellement donné au latin que cette hypothèse ne devrait pas nous étonner : plutôt que d’apparenter lens au grec ancien λάθυρος, lathuros, il me semble plus pertinent de l’apparenter à l’arabe qui partage avec lui l’essentiel de la charpente consonantique.

Lèvre : Lèvre, labial, lippe, que l'on dit tirés du latin labra, sont issus, en fait, du radical arabo-persan lob' لب , mot que Abdelhaq Fadhel estime issu de l'arabe لب, « noix , essence, pulpe»[75].

Luette : Le latin uva, qui signifie « grain de raisin » et qui a donné luette, ou uvule, n'est autre que l’altération de l'arabe عنبية ‘inbya qui signifie « uvée», de عنب ‘ineb « raisin ». Le b médian originel a été adouci en v comme c'est le cas, en espagnol et portugais, pour alvanega (albanega), alvayalde (albayalde). Le ح n'ayant pas d'équivalent en latin comme en roman, il a été retranché au profit de la voyelle u. On a fait de même pour حب الرأس hab-arras, حب المسك hab-al-misc,حافظ  hafiz, devenus respectivement abarraz, abelmosque, afiz. Soulignons encore que l’arabe médical désigne l’uvée aussi par حَبَّةٌ habba (graine, baie), apocope de حَبّةُ الْعَيْنِ (baie de l’œil), qui désigne le globe oculaire, et qui a des affinités évidentes avec le mot latin. 

Macula : Ce mot signifiant «petite dépression de la rétine», que l'on dit « emprunté par l’ophtalmoscopie à l'anatomie » alors que c'est plutôt l'inverse qui serait plus juste, c'est encore un emprunt au jargon anatomique arabe: مُقْلَةٌ moqla que le commun appelle سواد العين sawad al-ayn «le noir de l’oeil», désignant la pupille, et Kazimirski traduit par « le blanc de l’œil et la prunelle». Les affinités entre l'arabe moqla (noirceur) et le latin macula (tâche), au double niveau du son et du sens, ne laissent subsister aucun doute à ce propos.

Main :  Ce mot, attesté pour la première fois fin 10e s., sous la forme «  man » au sens de «partie du corps humain, située à l'extrémité du bras», est probablement dérivé  via le latin manus de l’ar. يمين yamin, variante يمنى yomna «main droite»[76].

Mirach, qui désigna pour une bonne durée l'abdomen, est dérivé de l’ar. miraq [مرق]. Et le nom est également à ce jour présent dans le lexique roman pour désigner une, ou un groupe d'étoiles.

Moelle : tiré du latin medulla, est un dérivé de la racine ar. مَدْيةُ  mediat qui signifie milieu, partie centrale, étymon auquel se rattachent une foule de mots français comme médium, média, mitan, midi, Méditerranée

Mucosité, muqueuse, mucus, : Issus respectivement au 14e s., en 1520 et 1750 du latin mucus, ces mots dérivent à la racine de l’ar. مخاط mokhat « morve, mucus », celui-ci de مخط makht « écoulement », du verbe مخط makhata « tirer, extraire », « secréter, laisser sorti la glaire, la mucosité ». Dans ce même réseau qui se rattache à l’arabe, s’ajoutent « moucher » (mouchouer : 1460-66) et « mouchoir » (mouscoir : fin du 14e s.).

Narine : via le latin naris, est dérivé de l'ar. نخرة nakhira, plur. نخر nokhar «pointe du museau» , « narine » .

Nez, naze : issus du latin nasus par rhotacisme de naris (narine), dérivent à leur tour de la même racine arabe نخرة nakhira, plur. نخر nokhar «pointe du museau» , « narine ».

Nocra, nucrati, nucrat, alnocrati, variantes du même mot issu de l’ar. nuqrah [نقرة] (qui signifiait creux de la nuque), attestés dans les vieux textes latins et aujourd'hui inusités, ont été longtemps rattachés à tel ou tel étymon des langues occidentales avant d’être reconnus arabes.

Nuque, de nûqaâ [نخاع], que Ménage tirait du latin nucula, Diez du hollandais nocke, d'autres tantôt de l'allemand ou du suédois, tantôt de l'anglais, a dû attendre le génie de Marcel Devic pour s’avérer mot arabe. Son dérivé nucal / nuchal est en usage dans bien des langues dont le français.

Occiput : Comparez le latin caput « tête », dont dérive occiput , avec l'ar. قب qob «tête», «partie élevée du corps», d’où قبة qobba « coupole », « tourelle » (qui a donné le français coupole[77] ; et sa forme définie القبة alqobba a donné  à la même langue alcôve). On a beau apparenter le latin à cupa (qui n’est autre que l’arabe كوب koub « coupe »), et au grec κεφαλή, kephalế « tête »[78] (qui n’est autre que  l'arabe قفلة qafla « occiput, derrière de la tête » (voir encéphale)), la pertinence de la racine قب qob  me semble ici indiscutable. Cap et chef, soit via le latin soit directement de l’arabe, ne peuvent qu’appuyer davantage la racine arabe.

 Odorat : Ce terme qui désigne à la fois le sens qui perçoit les odeurs et l’organe de ce sens dérive de la racine latine odor « odeur ». Or celle-ci, selon toute vraisemblance, est issue de l’ar. عطور ôtour[79], plur. de عطر îtr , « parfums », « odeurs agréables », du verbe عطر  âtira « exhaler de bonnes odeurs », « sentir bon », « s’imprégner d’une bonne odeur ». 

Œil, que l'on disait venir du latin ocellus, ensuite du latin oculis, lui-même du grec ops, est en fait issu de la même racine qui a donné l'anglais eye, et son obsolète pluriel eyne : les aveugles ne voient pas dans l'homonymie aïn/ayn/eyne [عين ] ce qui pourrait corroborer la pertinence de l'origine arabe. Par contre, sans homonymie ni paronymie, les ops grec et oculis latin deviennent plus pertinents, aux yeux des philologies raisonnées, pour s'adjuger l'étymologie de eye et  oeil.
Pourtant, il y a de cela deux cents ans, l'orientaliste britannique Stephen Weston a mis en évidence la filiation directe du mot anglais avec son équivalent arabe. Et ce même orientaliste a bien vu aussi la filiation du mot  
pupille avec l'arabe bubu [بؤبؤ].

Œsophage : Issu du latin oesophagus, lui-même du grec ancien οἰσοφάγος, oisophágos, composé de οἴσω, oísô « je porterai », et φάγομαι, phágomai « manger», ce mot dérive, à mon sens, de l'arabe فغم faghm, var. فغم foghm «bouche», «bouche et menton». Par dérivation métonymique, la racine arabe a évolué en grec pour signifier « manger ». Le même rapport a engendré en français « bouchée », de « bouche ». Remarquons que le verbe arabe فغم faghama signifie « embrasser », et que le dérivé فغم faghm signifie « nourriture qui s’introduit entre les intersections des dents »[80], alors que فغم faghim, racine qui a donné le grec φάγος fágos « glouton », signifie « avide ». Il faut remarquer que le français compte quelque 130 mots apparentés au préfixe « -phage »[81], dont acridophage, kératophage, ampélophage, arsénicophage, botanophage, buphage, chronophage

Oreille, via le latin *ausis (vieille forme devenue par rhotacisme auris), et son dérivé auricule, remontent à l'ar. أذن odhon (ar. égyptien ozon; hébreu אוֹזֶן ózen), étymon amputé de sa finale "n", qui a donné aussi au grec ancien son οὖς, oús « oreille » et au latin son audio « entendre, ouïe ».

Os, via sa racine latine ossum, n'est autre que la forme adoucie de l'ar. عظم 'âzm, pluriel عظام 'ézam, de même sens, qui a donné aussi le grec ancien de même sens ὀστέον, ostéon.

Pachole : En marseillais, ce mot désigne vulgairement le vagin, le sexe de la femme. Il dérive de l’occitan pachola de sens identique. On le suppose dérivé par métaphore d’un mot apparenté signifiant « filet de pêche ». Le même mot signifie aussi « cagole », « jeune fille séduisante ». Je voudrais juste remarquer qu’en arabe magrébin, بشالة bachchala signifie dans le langage enfantin « pénis ». Une dérivation de cette racine avec changement de sens n’est pas exclue.

Paume : Si vous interrogez le TLFi à propos de ce mot, l’on vous dira « du latin palma » : « creux de la main ». Et si vous interrogez la même source sur « palme » et « palmier », l’on vous dira que ce sont deux dérivés du mot précédent. S’il semble vrai que les 3 sens de « palma », historiquement parlant, sont attestés au 1er siècle av. J. C., c’est un mensonge, et des plus grossier que d’occulter de la sorte la véritable racine de « palmier » et « palme » qui, de l’avis de plus d’un philologue respectable, viennent de Palmyre. Mais, pour le prestige du verbe, le TLFi ne s’embarrasse pas de nous prendre pour des idiots. Comme pour le mot « datte » qui n’a de latin ni grec que la forme translittérée de l’ar. دقل dakal[82], (hellénisé δάκτυλος, dáktylos, et latinisé dactylus), « palma » et ses dérivés n’ont rien de latin, si ce n’est le même habillage dérivé du nom de Palmyre. Cette vieille cité de la Syrie, s’appelle en arabe comme en araméen تدمر Tadmor. Le grec a corrompu le nom pour en faire Παλμύρα / Palmúra[83]. Mais ce que le grec n’a pas réussi à cacher, c’est que le sens original de Tadmor signifie « pays des dattes », nom dont l’arabe a fait تمر tamr qui signifie justement « datte ». Et de cette dernière racine le grec a tiré son ταμαρίνδος tamaríndos, le latin son tamarindus, le son tamarin. Par conséquent, la même racine qui a fourni au latin « palma » au sens de palmier et palme, lui a encore fourni « palma » au sens de paume.

Peau : (1100 pel), du latin pellis « peau, fourrure, peau tannée, cuir », n'est autre que l'arabe بَلاسُ balas (pelisse) qui a donné son nom à la fourrure ainsi appelée.

Peau : (1100 pel), du latin pellis « peau, fourrure, peau tannée, cuir », n'est autre que l'arabe بَلاسُ balas (pelisse) qui a donné son nom à la fourrure ainsi appelée[84].

Pénis : Ce mot, à mon sens, est une métathèse de l’ar. زب zib « zob », passé en indo-européen sous la forme de « pes », d’où le grec ancien πέος, péos. Lisez ce grec à l’envers, et vous verrez le mécanisme qui a régi la mutation du radical arabe.

Phalange : Ce mot qui signifie à la fois « bataillon » et « os des doigts » dérive du grec ancien φάλαγξ, phalagx « bâton, bataillon en rangs serrés ». Le latin semble avoir servi de voie de transfert uniquement pour le premier sens. Mais d’où vient le grec ? De l’arabe فيلق faylaq, plur. فيالق fayaliq « corps d'infanterie, bataillon », racine qui a donné l’ar. maghrébin فلاقة fellaga, pluriel de فلاق fellag, qui désigne les maquisards tunisiens et algériens qui s’étaient soulevés contre l’occupation française. Le français a donné deux dérivés : phalangette et phalangine.

Pied : Le latin pĕdem dont le français tire « pied » est probablement issu  de l'ar.   فَدَعُ fed’ «doigt du pied qui en croise un autre», « difformité du pied ou de la main», et bien avant de l’ar. قدم qadam «pied». Le « ق /q » n'a pas d'équivalent en latin, d'où la réfection en p de l'initiale. Quoiqu’il en soit, abstraction faite de l’initiale, les affinités entre les deux mots ne relèvent pas d’un pur hasard.

Poil et probablement pubis, tous deux à travers le latin pilus, sont tirés de l'ar. فليلة falila (poil). Le changement de l’initiale «ف f » en « p » est une mutation fréquente dans les emprunts latino-romans à l’arabe : فطر fitr (forme nunnée fitron) è potiron, فتى fêta è petit ; فستق foustouq  è pistache…

Pupille : C’est de l’arabe بؤبؤ bo’bo’ que ce mot, probablement sans la voie latine,  s’est introduit en français. Attesté pour la première fois en 1314 sous la plume de Henri de Mondeville, il y a lieu de croire que c’est aux textes de la médecine arabe médiévaux, transmis à l’Université de Montpellier depuis l’Espagne musulmane, que le médecin normand doit ce mot. Le second sens du latin « pupilla » (enfant mineure) ne s’est introduit en français que 20 ans plus tard.

Râble : Le TLFi nous dit que ce mot, attesté pour la première fois en 1539 au sens de « partie du corps de certains quadrupèdes qui s'étend du bas des côtes à la naissance de la queue », est  issu par métaphore de son homonyme râble qui signifie râteau. La même source justifie cette dérivation en nous disant que « certains râbles étant munis de dents fixées dans la barre comme les côtes sont fixées sur la colonne vertébrale ». Remarquons d’abord que le définition mentionnée par le TLFi n’est pas exactement fidèle à celle que nous donne la source, en l’occurrence Robert Estienne et son dictionnaire français-latin : « rable : - « lumbis leporis »è « reins de lièvres » ; - « aprungnus lumbus »è « taille serrée ». Quant à l’étymologie, il suffit de consulter la racine arabe ربل rabl et ses nombreux dérivés dans Kazimirski pour se rendre compte que la thèse du TLFi, si ingénieuse puisse-t-elle paraître, vole véritablement assez bas à côté de ce que l’arabe propose et qui est plus plausible. A mon sens, il faut chercher la racine de ce mot dans l’ar. ربل rabbala «être charnu, avoir beaucoup de chair» ; d’où l’adj. ربل rabil «être gras, charnu» ; le déverbal ربلة rabla, plur. ربلات rablat «embonpoint» ; ريبل raybil «chamelle grasse, chargée de chairs» ; ربيلة rabila «obésité», «abondance des choses nécessaires à la vie» ; متربل moutarabbil «charnu, couvert de chairs»[85].

Raquette, que Ménage et Diez tiraient du latin reticum, et Antoine Oudin du latin arcus, s'est avéré arabe, dérivé de rahat [راحة, paume de la main], aux origines employé exclusivement dans ce sens anatomique. Rascette, rachette, rachete, rachat, vieilles variantes du même mot, n'ont recouvré leur véritable origine qu'une fois raquette fut reconnue arabe.

Respiratoire : Cet adjectif qualifiant divers noms de la nomenclature anatomique (organe, mouvement, appareil, voies, système, etc.) est issu du verbe respirer, avec le suffixe -atoire. Son radical latin respirare, de respiro, de spiro (« souffler, respirer, exhaler une odeur »), avec le préfixe re-, selon toute vraisemblance dérive de l’arabe  زفر zafara « soupirer », « respirer après avoir longtemps aspiré l’air », d’où زفير zaphir « soupir », racine en quoi Stephen Weston[86] et Jaroslav Stetkevych[87] voient l’étymon du grec Ζέφυρος, Zéphuros (« Zéphyr »). Soulignons que le latin a également beaucoup d’affinités avec l’arabe صفر saffara « siffler ».

Salvatelle, adjectif qui désigne une veine située sur la face dorsale de la main, que l'on attribue généreusement au latin salvare, n'est que la parfaite assimilation du terme arabe oceylim [الأسيلم ], introduit au latin par le biais des traductions de Rhazès et d'Avicennes.

Saphène, qu'on disait tantôt grec et dérivé de saphena, tantôt latin et dérivé de saphaenus (alors que celui-ci est né des traductions latines des médecins arabes), s'est avéré pure translittération de safin [صافن], terme d'Avicenne latinisé, en 1187, par Gérard de Crémone. Quant au grec invoqué, en l’occurrence, σαφηνής, saphēnḗs « visible », c’est un dérivé de l’arabe صافي safi «pur, clair, limpide»

Sclère, sclérotique : en ophtalmologie, ces mots désignent la membrane blanche et opaque, résistante, de nature conjonctive, qui forme le blanc de l’œil. Ils viennt du latin sclera dérivé du grec σκληρός, sklêrós (« dur »), et bien avant de l'arabe  شُّكْلة chekla’  qui désigne une rougeur affectant le blanc de l’œil, d’où l’adj. اشكل achkel qualifiant l’œil affecté de cette rougeur. La nomenclature médicale arabe oppose celle-ci à شهلة chohla « rougeur se constituant dans le noir de l’œil ». La même racine a fourni au fr. d’autres dérivés tels que sclérose, athérosclérose, artériosclérose, eurosclérose, phacosclérose.

Scrotum, corium et chorion : Ces trois termes, issus du latin et du grec, dérivent de la même racine arabo-persane صرم sarm « cuir ». Le premier désigne en l’enveloppe cutanée des deux testicules faisant partie des bourses testiculaires. Le deuxième est synonyme de derme. Et le dernier désigne l'enveloppe extérieure du fœtus et le tissu conjonctif sous-jacent dans une muqueuse.

Sein, n'est autre que l'assimilatin française du  persan سينه sineh « sein », probablement dérivé de l'ar. سن  sinn, var. سنسن sinsin et سنسنة sinsina «tête des os de la poitrine et extrémité de la côte dans la poitrine »[88], racine qui a donné le latin sinus    signifiant d’abord « courbure, sinuosité, pli », puis « sein, poitrine ».

Sens : Issu du latin sensus « percevoir par les sens, ressentir », ce mot dérive probablement de l'ar. شم chemma « sentir (par l'odorat) », d’où شامة chemma « odorat, nez », شمامة chemmama « odeur, senteur, parfum », شموم chamoum « parfumé, qui sent bon »[89].

Sésamoïdes, de l’ar. العظام السمسمانية al-îdham es-somsomia, qui désigne de petits os dans l'épaisseur de tendons, n'est ni grec ni latin. Le radical سمسم simsim « sésame » est bien arabe[90], et ce n'est pas parce que le grec l'a emprunté et passé au latin, comme tant d'autres noms de plantes et d'épices, que la mythémologie19 peut s'autoriser l'usurpation de ce mot.

Sexe : Ce mot, à travers le lat. sexus, var. secus, de seco « déchirer, écorcher, entamer, amputer, couper, découper, mettre en tranches, fendre, castrer, châtrer»[91], dérive à sa source de l'ar. شق chaqqa «couper», «fendre», «pourfendre», «déchirer», «percer». De cette racine l’ar. tire انشق incgaqqa « se séparer, faire scission, se fendre » ; شق chaqq « fente, fissure », « orifice du vagin », chiqq « partie, moitié, section », « fesse » ; شقيق chaqiq « frère utérin », شفاق chouqaq « crevasse, gerçure »...

Sifac, qui désignait longtemps le péritoire, chez Guy de Chauliac, père de la chirurgie médicale en Occident chrétien (1298-1368), comme chez d'autres médecins médiévaux, est un mot arabe. Et puisque nous évoquons De Chauliac, rappelons que pour ce chirurgien ventre est un mot arabe. Comme pour Pihan bedaine et bedon.

Sous-clavier, subclavier : ces deux variantes d’adjectif qualifient des organes situés sous la clavicule : tronc, artère, veine, muscle, etc. Le mot clavier et tant d’autres passés en français à travers le latin clavus dérivent de l’arabeكلب  kelb (voir Cheville et clavicule).

Taboun, taboune : ce mot, dérivé de l’ar. marocain طبون, ṭabbūn, désigne en langage vulgaire « vagin ». Selon toute apparence, son emploi ne se restreint pas à ce qu’on appelle « français de banlieue » : on le trouve attesté sous diverses plumes dont Tahar Ben Jelloun, Ania Francos, Silvia Roberts.

Tarma, terma : attesté en 1879  au sens de « fesse »[92], ce mot vient de l’ar. dialectal ترمة  tirma et terma, pluriel أترام atram (croupe, fesse). En arabe féminin, le mot a subi les lois de l’interférence par analogie avec ses synonymes de même sens en français (« cul », « postérieur », « derrière »), pour devenir masculin dans la langue de Voltaire. Comme tant d’autres mots d’origine maghrébine, c’est à travers les soldats ou les anciens colons français de l’Afrique du Nord que le mot s’est introduit en français.

Tempe : Le latin tempus dont dérive ce mot a signifié tour à tour « région entre l'œil et le haut de l'oreille »[93] et « joues »[94]. Son rattachement à tempus (« temps, durée, époque ») procède, à mon sens, d’une étymologie populaire. Si, au plan de la forme, les deux mots se confondent, il n’y a rien de commun dans le fond entre tempus/ « temps » et tempus / « tempe » : ce sont en l’occurrence des faux-frères. Selon toute vraisemblance, c’est dans l’arabe طنب tomb,  « veine », « tendon », « ligament » qu’il faut chercher la véritable racine de ce mot.

Testicule : On dérive ce mot du latin testa « vase », avec le suffixe -culus diminutif. La même racine a donné testament et témoin, entre autres dérivés, car le testament était déposé dans un vase (testa), et la sentence des juges et des témoins, si je ne me trompe pas, devait être déposée elle aussi dans l’un des deux vases (pour ou contre) devant appuyer un jugement. C’était l’usage en vigueur dans les anciennes coutumes juridiques romaines. A présent, il est temps de voir d’où vient le nom assigné à ces vases, ou testae. Il s’agit ni plus ni moins que l’arabe طس tass « écuelle, tasse, soucoupe » qui a donné le français tasse et tête. Certains étymologistes rattachent à tort le mot arabe au persan طست tast, ce qui est inexact comme l'a démontré Lammens. Les dérivés تشت tašt et طست tast, respectivement persan et arabe, sont du même radical « de haute antiquité » arabe : طس tas[95].

Tête : Comme cela a été indiqué au mot précédent, c’est de l’arabe طس tass ou de son dérivé طست tast « écuelle, tasse, soucoupe »  que vient, via le moyen français teste, l’ancien français teste, et le latin testa (« pot en terre cuite, brique, tuile ») le mot tête.

Tibia :  Issu du latin tibia qui signifiait d'abord « flûte », tibia est un mot de l’ancien lybyen désignant, vraisemblablement par la  flûte, des honneurs rendus autrefois à la « Mère des des dieux »[96]. Selon l’érudit libyen Ali Fehmi Kchim, le mot en question désigne une flûte et serait طبقة tibga, correspondant à l’ ar. ثقبة thoqba, forme féminine de ثقب  thoqb «trou »[97].

Thorax : Ce mot, , via le grec θώραξ, thốrax qui signifie « torse » et « cuirasse », n'est autre qu'un vieux dérivé de l'arabe ترس tors qui signifie « bouclier ». Et il me semble assez probable que le mot même « torse », que l'on rattache au latin thyrsus « tige », soit plutôt issu de cette même racine. 

Thyroïde : Cet adjectif qui désigne ce qui se rapporte à la glande thyroïde, emprunté par Ambroise Paré au grec ancien θυρεοειδής, thyreoeidês « semblable à un bouclier long, scutiforme », vient de la même racine que le mot précdent : l'arabe ترس tors qui signifie « bouclier ».

 Tripes : Ce mot qui désigne généralement les intestins des animaux, mais aussi les entrailles de l'homme, dérive de l'arabe تريبة tariba, que  Kazimirski traduit par « partie supérieure de la poitrine entre les mamelles et la clavicule ». En fait, son pluriel ترائب  taraïb désigne l'omentum[98]. Le mot s'est introduit de veille date dans le jargon médical occidental sous sa forme altérée zirbe, zirbus.  

Tympan, via le latin tympanum, est dérivé soit de l’arabe  طنبار tinbar, var. طنبور ṭunbūr (« lyre formée d'un corps creux sur lequel est tendue une peau »), soit de l’arabe طبل, ṭabl, forme nunnée طبل tablon (« tambour ») dont le pluriel fait طبول ṭubūl. Il a donné au catala tabal, « tambour » et il est apparenté à timbale. Même les sens secondaires du latin et du grec (anse, orillon), on les trouve à la racine de cet étymon arabe.   

Tube digestif : ce conduit qui assure l'alimentation, la digestion et l'élimination des aliments transformés est composé de deux mots issus à leurs racines de l’arabe. Le premier, via le lat. tubus « tuyau », « conduit », est tiré soit de l'ar.   ثقبthoqb qui signifie entre autres «canal, conduit, tube»[99], soit de l’ar. أنبوب anboub «tuyau», «conduit» dont le latin tire son ambubaia qui a donné au fr. ambubaïe. Le second, du verbe digérer, est issu à travers le latin digerere, composé de gero + préfixe dis-, de l’ar. جر jarra « ruminer », d’où جرة jarra « aliment en rumination », مجتر moujtar « ruminant », اجترار ijtirar « rumination ». Il convient de souligner par ailleurs que le latin rumen, « panse », qui a donné le fr. « ruminer » est tiré de l’ar. رُمَّانَة romana qui signifie « ventricule des animaux »[100].

Veine : Issu du latin vena « veine » (vaisseau sanguin et veine poétique), « membre viril », « rangée, file d'arbres », ce mot dérive de l’ar. فنن fanen qui signifie « tige bien droite » (de là probablement le sens de membre viril en latin), « branche d’arbre », « ramifications d’une branche d’arbre ».

Veine cave : l’adjectif cave, issu du lat. cavus « creux » se prête à divers étymons virtuels arabe. J’en en cite قبو qabw « galerie, cachot souterrain, cul-de-basse-fosse» , كهْف cahf (grotte, caverne)[101] , du verbe كَهَف kahafa (creuser une grotte), out encore ar. خافٍ khaf (caché, dissimulé, invisible). Cet étymon soutenu par Abraham Hinckelmann[102] me semble bien cadrer avec le sens de lieu souterrain, d’autant plus que le dérivé arabe خفية khafiyya signifie « vieux puits profond non apparent, qui a été creusé puis délaissé par la suite ». Il y a enfin خاو khawé qui « signifie vide, creux »                      

Verge : Il n’est pas exclu que ce mot attesté pour la première fois vers 1195-1200 dans le Roman de Renart « verge pelée » soit issu de l’ar. فرج farj qui désigne l’organe sexuel de l’homme et de la femme. A mon sens, toutes les bonnes raisons plaident en faveur de l’arabe. Au lieu d’une dérivation métaphorique d’un descendant du latin virga « baguette », c’est l’organe sexuel au sens propre que l’arabe fournit.  Ce même arabe, par ailleurs, offre une seconde alternative qui mérité d’être citée : ورد werd, apocope de أبو الورد abou al-werd qui signifie « verge, pénis »[103] .

Vestibule : ce mot entre dans la composition de plusieurs noms anatomiques tels que « vestibule de l'oreille interne », « vestibule osseux », « vestibule du larynx » , « vestibule de la bouche, de la cavité buccale », « vestibule du vagin », « vestibule membraneux »… Avant de révéler la racine « insoupçonnable » de ce mot issu du  lat. vestibulum, soulignons que son adoption dans le jargon anatomique procède d’un calque de l’ar. دهليز dihliz (vestibule), à travers les traductions médiévales des médecins arabes. Le latin ne comporte aucune acception d’ordre anatomique dans l’historique de son mot. Lexicalement parlant, vestibulum est issu de sto, avec le suffixe -bulum. Or ce sto dérive, à mon sens, de l'ar. سَدى sada, var. سَدادٌ sadad et سَداةٌ sadat (fils verticaux ou fils de chaîne, du métier à tisser, par opposition aux fils horizontaux ou fils de trame ou de remplissage), du verbe سَدى sada, var.  سَتَى sata, d’où le سَتْيٌ sety, var. سَدْيٌ sedy pour désigner le tramage. Afin de voir plus clair dans ce labyrinthe philologique, comparons quelques dérivés arabes avec leurs équivalents latins ou français. Le latin a stamen « fil », et l'arabe ستي sety, سدي sedy « trame ». En latin, le même stamen signifie « ourdissoir, chaîne (du métier vertical des tisserands anciens) », et c’est ce même sens que l’on trouve dans l’arabe سَداةٌ sadat. Le radical latin a fourni au français étamine (terme botanique attesté en 1690 sous l'orthographe estamine), et l’arabe سَدَاة sadat signifie à la fois « étamine », tissu fin et trame. Par ailleurs, il convient de souligner que les mêmes affinités se retrouvent entre la racine arabe سدى sada et le latin sedo. En fait, ce dernier dérive incontestablement du premier.

Vulve : : Le mot dérive du lat. vulva « matrice », de volvo « enrouler ». Comparez avec l’ar. ولب walaba signifant à la fois « pénétrer à l’intérieur d’un espace », et (en parlant d’une femelle) « se faire couvrir par le mâle ». Le verbe signifie aussi « naître, pousser », en parlant des rejetons et pousses issus d’une plante. Le dérivé والب walib signifie « qui pénètre à fond » ; et والبة waliba « progéniture (d’hommes ou d’animaux) ». Le remplacement de l’initiale originale  « و w » par « v » et « ب b » par « v » est assez fréquent dans les emprunts latino-romans à l’arabe : ولد walad è valet ; وزير wazir è vizir ; البنيقة alvanega ; البطانة albitana è alvitana.

Xiphoïde : Cet adjectif qualifiant l’appendice cartilagineux qui termine l’extrémité inférieure du sternum est issu du grec ancien ξιφοειδής, xiphoeides (« en forme d'épée »), composé de ξίφος, xíphos (« épée »), et de εἴδω, éidô « paraître ». Le premier composant est dérivé de l’ar, سيف seyf « épée », et je soupçonne que le second serait issu à son tour de l’ar. بدا bada « paraître, avoir l’air ».

Zirbe, zirbus, zirbal : Le terme zirbe signifiait en ancien français l’épiploon. Il s’agit d’une altération de l’ar. تريبة tariba qui a donné aussi tripes[104].

Zob, zboub, zboubi : Issu de l’arabe زب zibb « pénis », ce mot s’est introduit en français à travers l’argot des zouaves, vers 1870. Il a donné de multiples formes apparentées : zeub, zebi, zebie, zébi, zeubi, zobbi, zobbie, zobi, zobbie. Et ce qui est frappant dans tous ces emprunts, c’est la prédominance du « o », voyelle dont le degré d’aperture est plus grand que le « i » original, ce qui me semble donner à « zob » un calibrage plus marqué que celui de « zib ».

 

 

 
 
 
 
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A. Amri
27.02.16

 

Notes

 


[1] Maman Colibri, L'Illustration, 1904, p. 23.

[3] Dissertations sur diverses matières de religion (F. Fournier Libraire, 1712- 1714); p.132

[4] En 1660, le polonais Johannes Hevelius donne le nom Lyncis à la constellation qu'il a créée, composée d'étoiles si petites qu'il "faut avoir des yeux de lynx pour les distinguer" (selon les dires mêmes de l'astronome). Lyncis (latinisation de l'arabo-persan al-once) à donné plus tard l'abréviation lyn puis le français lynx.

[5] Voici ce que Johann Georg Wachter nous dit au juste dans le texte latin: « Vox Mauri proprie designat os posticum cerebrie » ( Glossarium germanicum (Leipzig, 1827); p. 61 ; lignes 3 et 4)

[6] Ménage, Jault: Dictionnaire étymologique ou origine de la langue française, Paris, 1750; art. hanche.

[7] Nous remercions infiniment Jacques Vaissier, enseignant latiniste et administrateur du Forum Etudes Littéraires, qui a bien voulu traduire pour nous du latin cet extrait. L'article original de Watcher est aux pages 60 et 61 de Glossarium germanicum (Lipsi ,1727)

[8] Voir Charles Singer, A Prelude to Modern Science (University Press Cambridge, 1946) p. 35

[9] Ernst Innocenz Hauschild, Dictionnaire étymologique de la langue française (Leipzig, 1727); p. 70

[10] Ce philologue, linguiste et traducteur français sous-estimait énormément l'influence de l'arabe sur la langue française, et ne semblait pas voir d'un bon œil ce que Antoine Paulin Pihan avait réalisé pour rendre justice à l'arabe. Ainsi peut-on lire dans sa préface de Origine et formation de la langue française, Volume 1, "pour compléter la liste des sources auxquelles notre idiome naissant puisa les mots de son vocabulaire, je dois dire qu'il en emprunta quelques uns à la langue des Arabes [...] On peut citer parmi ces mots amiral, algèbre, alcôve, alcali, chiffre, chiffon, cramoisi, sirop et quelques autres en petit nombre[...] M. Pihan est loin de faire aussi bon marché de l'influence des idiomes orientaux sur la formation de notre vocabulaire. Voir son Glossaire des mots français tirés de l'arabe, du persan et du turc.

[12] Les Phéniciens et l'Odyssée (Paris, 1902); p.46

[13] Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 414.

[14] Joseph Hyrti, Das arabische und hebräische in der Anatomie, Vienne, 1879, p. 24/25.

[15] Balthazar Julliot , Dictionnaire interprète de matière médicale, Paris, 1768, p. 56.

[16] Marcel Devic, Quelques mots d'origine orientales, in Mémoires de la Société de linguistique de Paris, V. 5, Paris, 1884, pp. 39/40 ; Otto Keller, Lateinische Volksetymologie und Verwandtes, Leipzig, 1891, p. 225-226

[17] Cf. Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, T. 2, Paris, 1860, p. 239 ; علي فهمي خشيم، اللاتينية العربية، مركز الحضارة العربية، 2002 ص.49..

[18] Dict. Ar.-Fr., V. 1, Paris, 1846, p. 197.

[19] Clifford Thurlow, The Amazingly Simple Banana Diet, Alma House, 1995, p. 11; Anastase-Marie de Saint-Élie: أنستاس ماري الكرملي، نشوء اللغة العربية ونموها واكتهالها، مؤسسة هنداوي لنشر المعرفة والثقافة، 2020، ص. 52

[20] Mots sans frontières, Éditions du Rocher, 1999, p. 122

[21] Maurice à travers ses plantes médicinales, Éd. le Printemps, 2002, p. 95.

[22] L'histoire du bananier, Ed° Quae, 2010, p. 21

[23] Cupboard Love 2: A Dictionary of Culinary Curiosities, Toronto, Insomniac Press, 2004, p. 36

[24] The Amazingly Simple Banana Diet, Alma House, 1995, p. 11

[25] Arabie, Paris, 1847, p. 43.

[26] Henri Lammens, Remarques sur les mots français dérivés de l'arabe, Beyrouth, 1890, p. 87 ; cf. aussi sous la racine بدن Kazimirski, T. 1, Paris, 1860, p. 98.

[27] Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe, Paris, 1866, p. 61.

[28] Ali Fehmi Kchim : علي فهمي خشيم، اللاتينية العربية، مركز الحضارة العربية، 2002 ص. 60.

[29] Cf. بق et ses apparentés dans Kazimirski, I, Paris, 1846, p. 148.

[30] Joseph Hyrtl, Das Arabische und Hebräische in der Anatomie, Vienne, 1879, p. 82-83.

[31] Opt. cit. p. 88.

[32] Kazimirski, II, Beyrouth, 1860, p. 745.

[33] Les noms d'animaux en Kurde, Paris, 1878, p.5.

[34] F. Lenormant, Zoologie historique: Note sur l'histoire du chat dans l'antiquité, in Comptes Rendus Hebdomadaires des Séances de l'Académie des sciences, V. 71, Paris, 1870, p. 741-742.

[35] Les origines indo-européennes, ou Les Aryas primitifs, T. 1, Paris, 1859, p. 381.

[36] Dozy, Supplément aux dictionnaires Arabes, V. 2, Leyde, 1881, p. 481.

[37]... قصير الــشبر من جشم بن بكر معاذ الله ينكحني حبركي، «Que je sois mariée à [ou baisée par], à Dieu ne plaise, l’un des Banu Jusham ben Bakr, au dos long, aux jambes trapues et d’un « chibre » court ».

[38] Kazimirski, I, Paris, 1846, p. 1183

[39] Bouziane Daoudi, Hadj Miliani, Beurs' mélodies, Séguier, 2003, p. 151.

[40] Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, 1984.

[41] Jean-Victor Vernhes défend une étymologie dissidente pour clitoris, in ETYMOLOGIE GRECQUE (ὁ λύχνος n° 138, juillet 2014, article 8). Article mis en ligne sur ce lien :

https://ch.hypotheses.org/tag/etymologie-de-clitoris

[42] Dozy, opt. cit.

[43] II, Paris, 1860, p. 566.

[44] ابن عباد الطالقاني، المحيط في اللغة، ج. 2، دار الكتب العلمية، 2010، ص. 143

[45] Cf. Kazimirski, II, Beyrouth, 1860, p. 818.

[48] Alfred Ernout et Alfred Meillet, Dictionnaire étymologique se la langue latine, Paris, 2001, p. 144.

[49] Al-Rāzī, Alī ibn al-Abbās, Avicenne, Trois traités d'anatomie arabes ( E.J. Brill, 1903); p.491
      Edition bilingue sur ce
lien.

[50] Charles-Louis-Fleury Panckoucke, Description de l'Egypte, T. 7, Paris, 1822, p. 495.

[51] Opt. cit. p. 494.

[52] Cf. Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 850.

[53] Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe, Paris, 1866, p. 124-125 ; Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique de la langue française, V. 1, Paris, 1750, p. 420 ; Stephen Weston, A Specimen of the Conformity of the European Languages, Londres, 1802, p. 128.

[54] Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 726-728.

[55] Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 710-711.

[56] Edward William Lane, An Arabic-English Lexicon, V. 1, Partie 6, Londres, 1877.

[57] Enrico Narducci, Saggio di voci italiane derivate dall'arabo, Rome, 1858-63, p. 23.

[58] Remarques sur les mots français dérivés de l'arabe, Beyrouth, 1890, p. 92.

[59] Raffaele Iorio, Quando sbarcavano i Saraceni : da Otranto a Vieste, Schena, 2003, p. 88.

[60] Métamorphoses, Livre III 22.

[61] Dict. ar.-fr., II, Paris, 1850, p. 887.

[62] Charles-Louis-Fleury Panckoucke, Description de l'Egypte, T. 7, Paris, 1822, p. 495.

[63] Cf. Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 907.

[64] Kazimirski, Dict. ar.-fr., V. 2, Paris, 1860, p. 916 ; Dozy, Supplément aux Dict. arabes, V. 2, Pais, 1927, p. 478.

[65] Sauf peut-être que je ne fais pas mieux ici que les philologues français qui ne se sont pas interdit de dériver « fesse » de « fissure » (voir fesse ci-haut).

[66] « Base de la tête ; cette partie par laquelle elle est attachée au cou » (Dict. ar.-fr., V. 1, Paris, 1860, p. 1115).

[67] Voir sur mon blog l’article consacré à ce mot : « Point n'est besoin de s'échiner pour y reconnaître un mot arbi »  

https://www.blogger.com/blog/post/edit/6834850578903276532/4343948041376645692

[68] Cf. Kazimirski, II, Paris, 1850, p. 1478.

[70] Ali Fehmi Kchim : علي فهمي خشيم، اللاتينية العربية، مركز الحضارة العربية، 2002 ص.125

[71] https://fr.wiktionary.org/wiki/genu#la l

[72] Cf. Léon Helot, Dictionnaire de poche fr.-ar. et ar.-fr., Paris, 1850, p. 529.

[73] Cf. Kazimirski, II, Paris, 1860, p. 1444-1445.

[74] Cf. Kazimirski, I, Beyrouth, 1860, p. 636.

[75] عبد الحق فاضل، دخيل أم أثيل دراسات في التأثيل اللغوي، مركز الكتاب الاكاديمي، 2020، ص. 323 

[76] Ali Fehmi Kchim, علي فهمي خشيم، اللاتينية العربية، مركز الحضارة العربية، 2002 ص. 152.

[77] Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe,..., Paris, 1866, p. 127-128 ; Gustave Le Bon, La civilisation des Arabes, Paris, 1884, p. 572.

[78] Voir l’étymologie proposée sur https://fr.wiktionary.org/wiki/caput#la

[79] Stephen Weston, A specimen of the conformity of the european languages, Londres, 1802, p. 118-119 ; Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 292-293

[80] Cf. Kazimirski, II, Beyrouth, 1860, p. 616.

[81] https://fr.wiktionary.org/wiki/-phage

[82] Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, T. 1, Paris, 1968, p. 250 ; Prosper Alpin, De plantis Aegyptiis observationes & notae, (éd. Paulo Frambotto, Padoue, 1638), p. 11 ; Muwaffaq al-Dīn ʻAbd al-Laṭīf al-Baghdādī (trad. Silvestre de Sacy), Relation de l’Égypte, Paris, 1810, p. 74 ; Louis Thomasson, La méthode d’étudier et d’enseigner la grammaire et les langues, Tome 2, Paris, 1693, p. 487 ; Walter William Skeat, A Concise Etymological Dictionary of the English Language, New York, Cosimo Classics, 2005, p. 129.

[83] Otto Keller, opt. cit. p. 251-252.

[84] Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 304.

[85] Kazimirski, I, Paris, 1846, pp. 812-813.

[86] A specimen of the conformity of the european languages, Londres, 1802, p. 88.

[87] The Zephyrs of Najd : The Poetics of Nostalgia in The Classical Arabic Nasib, University of Chicago Press, 1993.

[88] Edward William Lane, An Arabic-English Lexicon, Book I, Part 4, Londres, 1872, p. 1430

[89] Cf. Kazimirski, I, Paris, 1846, p. 1264-1265.

[90] Alexandre de Théis, Glossaire de botanique, Paris, 1810, p. 429.

[91] https://www.dicolatin.com/Latin/Lemme/0/SECO/index.html

[92] Émile Masqueray, Comparaison du vocabulaire des Zenaga avec les vocabulaires correspondants des dialectes des Chawia et des Beni Mzab, in Archives des missions scientifiques et littéraires, Paris, 1879, p. 503, note 2.

[93] https://www.dicolatin.com/Latin/Lemme/0/tempus

[94] Opt. cit.

[95] Henri Lammens, Remarques sur les mots français dérivés de l'arabe, Beyrouth, 1890, p. 238

[96] Douris de Samos, Inscriptiones latinae selectae, cité in Oric Bates, The Eastern Libyans, Londres, 1914, p. 203.

[97] علي فهمي خشيم، اللاتينية العربية، مركز الحضارة العربية، 2002 ص. 215

[98] Georg Wilhelm Friedrich, Lexicon Arabico-latinum, V. 3, Halis Saxonum, p. 266.

[99] Cf. Kazimirski, Dict. ar.-fr., T.1, Paris, 1860, p. 228.

[100] Cf. Kazimirski, II, Caire, 1875, p. 340

[101] Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, pp. 103-104.

[102] Al-Coranus sive Lex Islamitica Muhammedis..., Hambourg 1694. Muhammedis, Filii Abdallae, Pseudoprophetae, ad optimorum Codd. Fidem edita ex museo Abr. Hincckelm. D. (árabe e latim) Schultz-Schiller, Hamburg 1694, n.p.

[103] Cf. Kazimirski, II, Beyrouth, 1860, p. 1518

[104] Raffaele Iorio, Quando sbarcavano i Saraceni : da Otranto a Vieste, Schena, 2003, p. 88.

 

 

 

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3 commentaires:

carolus augustus lusitanus a dit…

Merci bien pour cette leçon d'érudition, écrite 'cum grano salis qs'!.
(La superficialité, malgré l'effort de certains intellectuels, c'est vraiment un caractère enraciné, depuis longtemps, dans la 'mentalité' du monde moderne occidental).

Ahmed Amri a dit…

Merci Augusto pour votre petit mot et pour l'intérêt.

Moment of Great Enthusiasm a dit…

Thanks for postinng this

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