Calame |
Au clair du soleil, mon amie Hélène
Feu grand-père a prêté son vert roseau
A ta feue mamie pour écrire un mot
Et son qalam depuis devint hellène
C'est que de haute Grèce feue mamie
Et sur les dos amis mangeant sa laine
En trempant le mirliton dans son encre
Le vit si baveux qu'elle en fit son ancre
Y mouillant de vie à très bas l'ami
Hélène de Troie feue sa légataire
Mordue de houkas et tout feu lascif
Du qalam fit calumet pour son kif
Et leur kief aux copains célibataires
Athéna à Roma abdicataire
Et païens aux chrétiens avec ferveur
De la phragmite2 encor dans sa verdeur
Le roseau devint chaume des nattaires3
Puis chaumière4 au bonheur des cœurs qui s'aiment
Au Sang du Sauveur c'est son chalumeau
Le pape le tète comme un chameau
Et nul de ses ouailles ne l'en blâme
Du qalem dérivèrent calamide
Calamidon et puis calamité
Calmar et tant de kelmas usités
Se ramifiant kifkif les arabides
Dites haut khamsa dans l’œil du jaloux
Sinon le roseau n'aura plus de jus
Et mamma Romaine plus de verjus
Ni de mots pour nourrir ses morfaloux
Du sarrasin Qalam naquit Kalamos
Son fils Calamus donna à ma mère
Flopée utérine à Chaume et Chaumière5
Tous baptisés couvée de l'Omphalos
Et pas un ne se souvient de Kadmos ?6
Oubliés Alpha, Béta et leur maître
Qui à l'écrit initia le parlêtre ?
Pas chic ce novice ingrat jusqu'à l'os !
C'est que les Gardiens de notre Trésor
Plus fiers que le beau coq de leurs ancêtres
Ne souffrent pas que les murs de notre aître
Au dehors révèlent nos mines d'or
A. Amri
15.05.2016
===Notes===
1- Pourquoi ce nombrilisme qui se complait dans la fausseté et le mensonge ? On peut trouver une esquisse de réponse dans les propos de Pierre Rossi:"Une vision bornée de l'histoire nous a imposé d'en localiser les sources non loin de chez nous, dans l'aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athéniens et romains. C'est là une appréciation erronée; elle nous a été inspirée par des partis pris confessionnels et politiques. Il n'est guère douteux en effet que les historiens de l'Eglise catholique romaine, seuls maîtres durant plus de mille ans des archives de l'antiquité, en ont orienté l'interprétation pour la plus grande gloire de l'Occident européen." ( Pierre Rossi, La Cité d'Isis: histoire vraie des Arabes (Nouvelles Ed° Latines, 1976))
2- Alors que le radical de ce mot, natte, proviendrait, selon toute vraisemblance, de mattarius qui a donné matelas (de l'arabe matrah مطرح), le TLF se complait comme toujours à user de ses "euphémismes" habituels afin de nous persuader qu'il n'y pas trop d'arabe en français ! Natte, nous dit-il en citant ses références d'autorité, c'est sémite, phénicien, hébreux. Tant mieux pour la France et le français !
3- Du grec ancien φραγμίτης, phragmites (« poussant sur le bord [de l’eau] »), dérivé de φράγμα, phrágma (« enceinte »). Remarquez que l'arabe horma signifie enceinte.
4- Contrairement aux connotations liées à "chaume", chaumière désignait au 19e des maisons luxueuses, comme en témoignent Balzac ( Modeste Mignon,1844, p. 13) et Hugo (Le Rhin,1842, p. 387).
5- Le corpus que j'ai pu reconstituer comprend 40 dérivés de calamus. Il peut y avoir d'autres mots sur l'origine desquels j'ai des doutes: calamine et ses dérivés semblent venir de cadmea (et ceui-ci de Cadmus (grec Kadmos) évoqué dans ce texte). Voici la liste: calame, calamagrostidées, calamariées, calamédon, calamées, calamide, calamifère, calamiforme, calamule, calamistré, calamistrer, calamistrum, calamite, calamité, calamiteusement, calamiteux, calamophyles, calamar, calmar, calmaret, calemar, calumet, chalumeau, chalumer, chalumet, chalumeur, chalumiste, chaume, chaumine, chaumière, chaumet, chaumier, chaumeret, chaumé, échaumer, chaumis, chaumis, échaumage, déchaumage, déchaumeuse, lapsus calami.
6- En vérité, ceux qui se souviennent de Cadmus sont surtout des historiens ou des philologues incapables de s'infliger cette blessure narcissique qui consiste à reconnaître à l'Orient un quelconque rôle civilisateur de l'Occident. Ainsi, Juan Bautista Erro et José Antonio Conde, à titre d'exemple, considèrent nulles et sans valeur ce que Hérodote, Diodore et Pline, entre autres, nous apprennent sur l'origine de l'alphabet grec. Selon ces deux auteurs espagnols, le grec tire ses origines non du phénicien mais du basque (voir Alphabet de la langue primitive de l'Espagne (Madrid, 1806), p.18).