mardi 6 mars 2012

Le voile n'est pas une obligation islamique (Traduction)





L'auteur de ce texte, Cheikh Mustafa Mohamed Rached, était un éminent professeur de la charia et du droit islamique à l'Université d'Al-Azhar. Pas très conforme au rigorisme d'une certaine pensée islamique sclérosée, il ne tarde pas à se faire beaucoup d'ennemis dans les
milieux conservateurs égyptiens. Outre ses courageuses postions au sujet du hijab qu'on découvrira en lisant l'article ici traduit, sa contestation de l'interdit coranique frappant l'union d'une musulmane avec un non musulman, entre autres lectures dynamiques du Coran et de la Tradition, ne peuvent laisser indifférents les cerbères de la doxa obscurantiste. 

 En 2008, Cheikh Mustafa Mohamed Rached est invité à Chypre par des compatriotes coptes qui voulaient lui témoigner leur sympathie, tant l'originalité et d'ouverture d'esprit de ce cheikh pas comme les autres les subjuguaient. L'homme accepte avec plaisir cette invitation, alors que ses détracteurs, à l'affût, qui cabalent depuis longtemps pour lui rogner les ailes ne ratent pas le coche.  Pour avoir assisté aux fêtes du nouvel an organisées sur cette île sous l'égide de l'église égyptienne et "récidivé" en se rendant à une autre église chypriote, des journaux égyptiens annoncent la conversion du "mécréant" au christianisme. Pure calomnie, cela va de soi, mais apparemment bien orchestrée et bénéficiant de l'aval d'hommes haut placés. A son retour en Égypte, Cheikh Mustafa Mohamed Rached apprend que la Sûreté de l’État lui a retiré sa nationalité. Sans autre avis ni formalité. Sans qu'aucun tribunal n'ait enquêté ni statué sur l'affaire,  Dr Mustafa Mohamed Rached est cloué au pilori depuis 4 ans. La paranoïa puritaine des islamistes qui n'ont reculé devant rien pour briser la vie et la carrière de cet universitaire égyptien n'a d'égale que la lâcheté des politiques refusant de le réhabiliter.   Mustafa Mohamed Rached n'arrête pas pour autant de se battre pour dénoncer l'infâme cabale et recouvrer ses droits de citoyen égyptien.

Ci-dessous la traduction d'un article rédigé par ce cheikh, qui démontre de façon structurée et étoffée que le hijab n'a d'islamique que les "bonnes intentions" de ceux qui en prônent le port. En passant au crible les versets du Coran en rapport avec le voile, ainsi que l'unique citation de la Tradition supposée corroborer tels versets, soit le même corpus servant de support aux prédicateurs du hijab,  l'auteur nous convainc à bon droit que non seulement le voile n'est pas une obligation islamique, mais que la lecture du Coran faite par des abrutis n'engage que les abrutis!


Ces jours-ci, ce qu'on appelle voile islamique est en vogue et se propage à un rythme frénétique. Le port
du voile fonde son credo sur une présumée prescription de "couvrir la tête", alors que le Coran ne mentionne nulle part telle prescription. Il y a néanmoins une fratrie de cheiks qui a tenu à en faire une obligation et considérer celle-ci comme l'un des principaux piliers de l'islam. Ces cheikhs altèrent de la sorte les fins de la charia islamique et passent à côté de l'interprétation correcte des Textes. Refusant toute approche rationnelle de ceux-ci, ils s'attachent bien plus à une translation statique fondée sur la lecture littérale et non soumise à la raison. De surcroît, ils décontextualisnt les Textes et interprètent ceux-ci selon leurs caprices, imitant en cela quelques uns de nos anciens cheiks, comme si les avis de ces derniers étaient sacrés et n'admettaient aucune remise en question. Il y a là un écart par rapport à l'approche correcte fondée sur le raisonnement argumenté et l'interprétation. Les sourates sont censées s'interpréter en vertu de leur contexte historique et en rapport avec les raisons ayant motivé leur révélation. Or ces cheikhs s'arrêtent au niveau strictement littéral des sourates et omettent fâcheusement ce qui fut aux origines de leur révélation. Cette démarche s'explique soit par des raisons purement arbitraires, soit parce que les "bonnes intentions" de ces cheiks plaident pour ladite interprétation, leurs capacités analytiques, pour une débilité d'ordre cérébral ou psychologique, ne leur permettant pas d'aller au-delà!


Ceci ne concerne pas uniquement la question de ce qu'on appelle voile mais touche aussi à des centaines de questions importantes.Si nous nous intéressons aujourd'hui exclusivement à la question du hijab c'est parce
que d'une part le champ de notre propos ne permet pas d'évoquer les autres questions, et d'autre part parce que la question du hijab interpelle présentement la raison du musulman comme du non musulman. D'autant qu'elle est devenue, aux yeux des non musulmans, un critère en fonction de quoi le sens, l'objectif et la nature de l'islam sont (mal) discernés.
Il n'est que de réfléchir sur l'attitude de certains Etats de pays non musulmans pour lesquels le voile islamique s'assimile à un mot d'ordre politique, lequel mot d'ordre conduit à diviser les citoyens et instaurer entre eux une forme de ségrégation. En témoignent les heurts qui s'en sont suivis et la révocation de certaines employées attachées à ce qu'on appelle voile.

Quelle est donc la vérité à propos du hijab? Quelles en sont les significations? Et quels arguments religieux invoquent  ceux qui prétendent que le voile est une obligation islamique?

Nous allons passer au crible les allégations érigées en dogmes à ce propos, en faisant appel à la raison, la logique et l'argument. Parce qu'il nous faudra débarrasser l'islam de ce dont on l'affuble à tort.
En vérité les allégations de ces cheikhs se révèlent tordues et incohérentes. A commencer par le jargon qui emploie tantôt "hijabالحجاب" tantôt "khimar الخمار " et  quelquefois aussi "jalabib الجلابيب ". La confusion à ce niveau précis démontre qu'ils passent à côté du sens exact qu'ils visent, en l'occurence la couverture de la tête. Ce qui signifie que ces messieurs veulent à tout prix accréditer leur dogme, et de façon arbitraire.

Primo: le terme "hijab" signifie au sens dénotatif du terme:" cloison ou mur". Le "hajb" de quelque chose signifie sa couverture. Une femme "mahjouba" est une femme cachée par une cloison.
Quant à la sourate révélée au sujet du hijab, elle concerne exclusivement les épouses du Prophète. Et elle appelait à séparer celles-ci des compagnons du Prophète par une cloison. A ce propos, ni les oulémas ni les cheiks n'ont la moindre  divergence d'opinions. Et la sourate les Partis (Al-Ahzab), dit au verset 53:" O vous qui croyez [en Dieu], n’entrez pas dans la maison du prophète à moins qu’il vous soit donné la permission de manger, et vous ne devrez forcer en aucune manière une telle invitation. Quand vous finissez de manger, vous devrez partir; n’engagez pas avec lui de longues conversations. Ceci incommodait le Prophète, et il s'embarrassait pour vous le dire. Mais DIEU ne s'embarrasse pas de vous révéler la vérité. Si vous devez demander à ses femmes quelque chose, demandez-le-leur derrière une cloison.
Ceci est plus pur pour vos cœurs et pour les leurs. Vous ne devez pas outrager dans son honneur le Messager de Dieu. Vous ne devrez pas épouser ses femmes après lui, car ce serait une grave offense à la vue de Dieu."
Ce verset comporte trois préceptes: le premier concerne la conduite des compagnons quand ils sont invités à manger chez le Prophète (SWS); le deuxième concerne la cloison ou la paroi qui doit séparer ces compagnons des épouses du Prophètes et le dernier l'interdit qui empêche ces compagnons de prendre pour épouse l'une des femmes du Prophète (SWS) après la mort de celui-ci.
Ainsi le mot "hijab" remis dans son contexte nous permet-il de comprendre qu'il avait pour objectif de mettre une barrière entre les femmes du Prophète (SWS) et ses compagnons. Il en ressort aussi que cette disposition  concernait uniquement les épouses du Prophète (SWS). Elle ne s'étend ni à ce qu'il "a pu avoir comme odalisques" ni à ses filles  ni au reste des musulmanes. Autrement, le verset l'aurait dit explicitement et généralisé la disposition pour toutes les croyantes musulmanes.

Deuxio: comme la citation de ce verset pour étayer l'obligation du port de voile  entendu comme "couverture de la tête" n'est pas pertinente, ces mêmes cheikhs se rabattent sur le verset 31 de la sourate de la Lumière (Ennour): " Invite les croyantes à baisser pudiquement une partie de leurs regards, à préserver leur vertu, à ne faire paraître de leurs charmes que ceux qui ne peuvent être cachés, à rabattre leurs voiles sur leurs poitrines."
Ce verset a été révélé parce qu'à l'époque du Prophète et bien avant encore, les femmes portaient des coiffes qui couvraient leurs têtes et laissaient pendre la traine de ces coiffes sur le dos. En même temps, ces femmes étaient décolletées, qui laissaient nus le cou et le haut de la poitrine.
D'ailleurs, une autre thèse assimile "al-khimar" à une abaya. Par conséquent, ce verset demande  aux femmes de rabattre la couverture de la tête sur l'encolure, autrement dit leur recommande de cacher ce qu'un décolleté peut révéler. Le verset ne visait donc, à sa révélation, que l'amendement d'un usage courant. Parce que l'islam n'autorise pas la femme à s'exhiber dans un décolleté découvrant de façon voyante la poitrine. C'est dire que le verset n'entend pas imposer tel ou tel vêtement ni surtout le port du voile. Mais il recommande seulement la couverture de la poitrine! Et c'était pour permettre aux musulmanes de se faire distinguer au milieu des non musulmanes portant éventuellemnt un décolleté.

Tertio: remettons dans son contexte le verset 59 et l'évocation des "jalabib", sourate les Partis (Al-Ahzab): "O prophète, dis à tes femmes, tes filles, et les femmes des croyants qu’elles devront rallonger leurs
vêtements. Ainsi, elles seront reconnues [en tant que femmes justes] et éviteront d’être insultées."
Ce verset a été révélé dans la circonstance qui suit: à l'époque de la révélation, il était de coutume  que les femmes, toutes conditions confondues, aient le visage découvert, quand en rase campagne et faute de selles dans les habitations, elles devaient déféquer ou uriner. Et il y avait incessamment quelque fieffé coquin qui regardait en cachette ces femmes dans une telle posture. Quand le Prophète (SWS) en a été prévenu, ledit verset lui a été révélé pour établir un signe de reconnaissance, une distinction, permettant de ne pas confondre dans la foule des croyantes femmes libres, esclaves et odalisques. Et cela afin que les femmes libres ne soient pas lésées dans leur honneur.
C'est dans cet esprit-là qu'Omar Ibn Al-Khattab, quand il voyait une esclave ou une odalisque masquée, c'est-à-dire complètement couverte ou rabattant sur son visage son abaya, il lui donnait un coup de fouet. Par tel châtiment,  le compagnon du Prophète voulait préserver le port distinctif des femmes libres (Cf Ibn Taymiya - Le hijab et le port de la femme pour la prière).

Quarto: la citation du propos attribué au Prophète (SWS): selon Abou Daoud citant Aicha, celle-ci citant à son tour Asma Bent Abou Bakr qui s'étant introduite un jour chez le Prophète (SWS) et rapportant ce qui suit: le Prophète (SWS) lui avait dit:" Asma, sache qu'il ne sied à aucune femme ayant atteint la puberté de montrer d'elle-même autre chose que ceci et cecla." Et le Prophète aurait montré son visage et la paume de ses mains.
En vérité ceux qui s'appuient sur cette citation pour soutenir que le hijab fait de la couverture de la tête une obligation invoquent un texte à source unique, et non un texte sur quoi concordent plusieurs références de source sûre, qui bénéficie de la tradition et du consensus. Le texte ne peut donc être doté d'autorité autre que "consultative". Il ne peut servir ni à fonder une disposition législative légitime ni à l'annuler.

C'est à Dieu de juger de notre bonne foi. Et à part Sa voix nous ne suivons d'autre chemin.

Cheikh Mustafa Mohamed Rached

Traduit par A. Amri
06.03.2012

Texte original:
http://nowearhijab.blogspot.com/2010/07/blog-post_703.html


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