secoue je t'en supplie de la plus gracieuse paume sur terre la branche du temps afin que tombent du passé et du présent les feuilles fanées et naissent aussitôt deux jumeaux un ange et un poète nous apprendrons alors comment les cendres sous les aveux tacites des âmes sœurs redeviennent des flammes
ô ma pomme ! ô le plus exquis des péchés rémissible si la frange de tes cils résorbe ma distraction et mon silence je trouve curieux, moi que les vents se plaignent de l'inexorable loi qui m'assigne à l'ascendant de ton orbite alors que toi c'est le nectar qui immortalise ma voix et la saveur qui ambroisie dans ma bouche la terre et ses légendes toi entre mes bras à quoi bon une étoile voyagerait-elle sur une orange et boirait, boirait boirait à l'ivresse ?
un air à boire s'est effrité ainsi que l'incantation qui l'accompagne
pourquoi je t'aime ? pourquoi mes foudres tombent-elles prosternées à tes pieds ? pourquoi mon ouragan mes quatre vents s'essoufflent-ils sur tes lèvres et je découvre alors subitement que la nuit est un oreiller douillet que la lune est aussi belle que l'apparition d'une rose épanouie et que moi contre toi je suis chic comme un dandy ? resterais-tu ainsi soudée à mon bras une colombe se trempant le bec dans ma bouche tandis que de la paume de ta main marquant de son sceau mon front tu ratifies dans mon sang grisé la promesse de l'amour éternel resterais-tu la colombe soudée à mon bras? fais-toi alors des ailes que je m'envole et fais-moi des câlins divins que, volant, je dorme ! que ma colombe assigne à mon nom le pouls du parfum et fasse de ma maison un casier pour pigeons je te veux chez moi corps astral qui marche à pied et roc de réalité qui vole au doigt et à l'œil !
Deux ans après la publication d'un article consacré à la chanteuse sur ce blog1, Tunisie politique et culture a rencontré Amel Hamrouni pour l'interroger sur les grands moments de son parcours. Retour sur une vie marquée de combats, de résistances, de moments heureux et d'autres pénibles.
Enfance
TPC : Pour commencer, si vous voulez bien nous parler un peu de votre enfance ?
A.H: Je suis née à El Hamma, de Gabès, dont ma propre mère est originaire, mes parents y ont travaillé pendant un certain temps.
Ma mère était fonctionnaire des PTT, mon père infirmier. En fait, le jeune couple, marié en 1957, a travaillé au début de sa carrière au Kef, à Siliana et à Makhtar. Mes parents ont adoré cette région, ils en ont toujours parlé avec beaucoup d’affection. C’est là que mon frère ainé est né. Khaled est un « Ayari » par excellence !
Amel Hamrouni (2016)
TPC: Vous êtes donc Hamienne de naissance et de mère, mais c’est à Gabès que vous avez grandi ?
A.H: Oui, j’ai quitté El Hamma alors que j’avais à peine un an. Mes parents avaient demandé à être mutés à Gabès où ils avaient acquis un lot de terrain pour y construire une maison. Ma tendre enfance, de un à cinq ans, je l’ai passée à Ain Slem2, chez mes grands parents paternels. C’est là où mes parents s’étaient installés, tout en faisant construire leur petite maison tant rêvée d’EL Mansourah. »
TPC: En somme, en 1966, vous êtes « chassée » de l’éden Aïn slem ?
A.H: « Chassée », non, quand je pense aux « maîtres de l'éden » mes grands-parents. Eux auraient tout donné pour me garder à leurs côtés. N'empêche que lorsque je me suis installée avec mes parents dans notre nouvelle maison, les années Aïn Slem refusaient de se faire oublier. C'était mon âge d'or, mon paradis perdu. Comme dit Ferrat, nul ne guérit de son enfance. Et je crois que la véritable enfance est celle qui résiste à tout sevrage, à tout vaccin. Elle vous poursuit comme votre ombre et vous ne pourrez nulle part la semer.
Heureusement qu’une petite sœur, qui avait rejoint entretemps la fratrie, a réduit d'une certaine manière ce "premier exil". Et puis avec le début de l’école, un an après notre déménagement, la camaraderie scolaire m’a dédommagée un peu des petites amies laissées à Aïn Slem. »
Etudes
TPC : Vous avez commencé vos études primaires en 1966 ?
A.H: J’ai fait l’école primaire à Ben Attia3 à partir de 66. Ensuite, les trois années collège à Sidi Marzoug4. Et en 1972, j’ai commencé mon second cycle au Lycée Mixte de Gabès ».
TPC: Le Lycée Mixte de Gabès avant qu'il ne soit scindé en deux, les jeunes générations, évidemment, n’en savent rien.
A.H: Oui, le lycée mythique aux 4500 élèves ! Tout Gabès et sa petite banlieue: Tébelbou, Chéninni, Bouchemma, Oudhref, Métouia, Ghannouche n'avaient encore qu'un seul lycée. Ensuite, on a construit Echebbi puis divisé en deux établissements le lycée mixte.
Carrière artistique
TPC: Aujourd'hui lycées El Manara et Abou Loubaba. En 1979, vous décrochez le bac et en 1984, l'énarque que vous êtes est nommée dans les services du Ministère des Finances. Je voudrais revenir à l'année 1979, date où commence votre carrière d'artiste.
A.H: Plutôt notre carrière d'artistes, parce que nous étions tous fondus dans ce groupe qui a vu le jour grâce à la volonté commune de ses membres. Al Bahth c'était une famille au sens artistique du terme: nous étions tous sur la même longueur d'ondes, politiquement parlant, et nous avions une volonté farouche commune d'impliquer l'art dans les luttes sociales et politiques.
TPC: Mais, au départ, si je ne me trompe pas, vous étiez aussi presque une seule famille, au sens dénotatif de l'expression, à faire le noyau d'Al Bahth ?
A.H: Nous étions surtout 5 camarades bien au dessus des liens de sang : Khaled Hamrouni, Nebrass Chammam, Chokri Hamrouni, Tawhid Azouzi et moi-même. Khémaies Bahri a rejoint le groupe en 1982, après son bac. Dans le groupe, il y a bien trois Hamrouni: le frère, sa sœur et leur cousin...
TPC: Et votre futur mari Tawhid...
A.H: Oui, mais la vraie famille à laquelle l'ensemble s'identifiait c'est, sans fioriture aucune, celle qui partageait les idéaux politique et artistique. Al Bahth n'est pas un The Jackson Brothers à la mode des Hamrouni, si vous êtes tenté de faire une comparaison de cet ordre. Dès sa création, le groupe a œuvré pour faire de la chanson alternative un levier d'éveil de la conscience civique. Les reprises de Cheikh Limam -je pense que Limam était celui qui nous a le plus marqués, autant par ses chansons que par son authenticité, nos propres titres qui s'inscrivent dans l'école initiée par lui - il a aimé pas mal de nos titres mais beaucoup El Bssissa, n'avaient d'autre fin que servir cette conscience dont je parle. Et d'ailleurs, pour ne rien vous cacher, je n'ai pas aimé le titre de votre premier article5. L'arbre ne cache pas la forêt.
Amel Hamrouni
TPC: Le groupe Al Bahth a connu des hauts et des bas. Il y a eu les années 1980 marquées par votre présence sur les campus, dans les manifestations politiques ou culturelles de l'UGTT, de la LTDH et d'autres organisations et formations politiques de gauche. Il y a eu aussi la consécration, à travers votre personne, de la RFI qui vous a décerné en 1987 son prix Musiques du Monde. Il y a eu encore cette première télévisuelle dans la Tunisie de Ben Ali. Avant d'aborder "les bas", rappelez-nous dans quelles circonstances Najib Al-Khattab vous a invités à son émission Laou samahtom, en 1988 ?
A.H: Feu Najib Alkhattab m'a adressé une première invitation, en octobre 87, à titre personnel. Je le crois sincère quand il m'a dit que l'invitation ne faisant pas cas des autres membres n'émanait pas de lui. En tout cas, j'y ai opposé une fin de non recevoir, et fait savoir que le lauréat du prix RFI n'était pas moi, mais l'ensemble musical Al Bahth. Juste après l'accession de Ben Ali au pouvoir, l'animateur a dû renégocier avec la direction, ou des instances plus élevées, l'autorisation de passage pour le groupe, et dès qu'il a obtenu le feu vert, il nous a contactés une seconde fois, adressant l’invitation à tout le groupe.
TPC: C'est-à-direkhémaïes Bahri (à l'époque flûte), Nebras Chammam (luth), Khaled Hamrouni (darbouka), Chokri Azzouzi (castagnettes) et vous chanteuse-interprète.
Quand on revoit la vidéo de ce baptême de feu télé, on est frappé de constater quelque chose de pas commun sur ce plateau: le devant de la scène à l'orchestre, et la chanteuse est derrière. C'est bien vous qui avez fixé votre place derrière le groupe et pas devant ? Modestie ?
A.H: L'idéal pour moi aurait été d'être au milieu du groupe. Mais il y a deux rangées comme vous avez dû le constater. Et si je m'étais mise derrière, ce n'était pas tellement par souci de céder toute la lumière aux camarades. J'avais le cœur qui battait, et le bouclier que j'ai trouvé en mes camarades m'a permis de surmonter le trac.
Les années de braise
TPC: L'état de grâce qui a suivi le putsch de Ben Ali n'a pas duré. Et vous avez eu votre part des persécutions qui ont marqué les années de braise.
A.H: Bien avant Ben Ali, en 86, Tawhid [NTPC: mari de la chanteuse] a été arrêté et incarcéré une première fois. Nous étions jeune couple tout heureux, sans enfants encore. Mais résolument engagés dans la lutte politique.
TPC: Vous étiez alors militants du PCOT (Parti Communiste des Ouvriers Tunisiens) qui n'était pas reconnu6.
A.H: Oui, et la clandestinité à laquelle nous étions contraints nous exposait aux harcèlements constants de la police. En 92, Tawhid a été incarcéré une deuxième fois, lui et Khémaïes Bahri ainsi que d'autres camarades. Et c'est d'ailleurs pour cette raison-là que le groupe musical s'est trouvé dans l'incapacité de poursuivre ses activités. TPC: Votre mari et Khémaïes en prison, et vous à cette époque jeune mère allaitant encore votre premier bébé, on imagine votre calvaire mais aussi votre courage, le soutien que vous avez apporté à ceux qui étaient sous les verrous. Finalement, la dictature de fer qui espérait vous briser en tant que Bahth et communistes n'a réussi qu'à vous rendre plus solidaires si j'ai bien compris ?
A.H: Absolument. au bout du calvaire, malgré ces longues années difficiles, en 99, nous avons pu remonter en scène. Nous avons même tenté un retour dès 95, après la sortie de Khémaiès et Tawhid de prison. Nous avons donné quatre concerts, dans une lecture musicale de nos chansons de Ridha Chmek, avec un orchestre de 40 instrumentistes qu'il a dirigés lui-même. Mais cette première tentative de retour n'est pas allée plus loin."
TPC: En 2005, Khémaiës Bahri et vous, vous avez créé Oyoun Al Kalam. Derrière ce nouveau-né, il y avait des dissensions intestines qui ont scindé Al Bahth.
Je ne vous demanderais pas de laver le linge sale de la famille Al-Bhath en public, sachant que vous n'êtes pas du genre à faire cela.
Je voudrais juste rappeler, en vous citant7 pour conclure cette interview, ce que représente pour vous Oyoun Al Kalam:
"Pour ce qui est de notre expérience actuelle, c'est l'histoire d'un
duo, d'une tendre amitié, de chemins parcourus ensemble, parfois
péniblement, qui me fait avancer main dans la main avec
Khmaies. Honnêtement, sans lui je ne sais pas si j'aurais été capable
de revenir sur scène. Je voudrais tellement, par honnêteté
intellectuelle, que l'on sache que Oyoun Al-Kalam est la troupe d'un duo
qui espère avoir le temps de réaliser plein de belles chansons
encore ..."
"Après 9 heures de marche, 1200 m de dénivelé, et des températures avoisinant moins 50 degrés, nous avons atteint le sommet. Je dis "nous", parce que vous êtes tous dans mon cœur quand je grimpe".
Il a 26 ans. Il est tunisien. Et c'est par ces mots poignants adressés à son pays depuis le sommet de l'Aconcagua (6962m), la plus haute montagne d'Amérique du Sud, que Tahar Manai nous a offert, le 17 décembre dernier, un nouvel exploit qui fait notre fierté. Certes, l'actualité politique nationale et les batailles électorales qui ont accaparé, durant deux mois, l'intérêt des médias ont quelque peu éclipsé cet évènement, passé inaperçu pour la plupart des Tunisiens. Néanmoins la belle bataille de Tahar Manai pour "l'ascension d'une nation" (nom de son projet visant à atteindre en mai 2015 le sommet de l’Everest: 8848m) et sa récente conquête de l'Aconcagua, la plus haute montagne d'Amérique du Sud, qui s'est couronnée par cette éloquente photo sur le sommet dédiée à la patrie, n'en perdent rien ni de leur mérite ni de l'euphorie qu'elles nous procurent en ce temps de grâce. Pour le pays sorti victorieux de sa première épreuve d'alternance démocratique, le défi "ascension d'une nation" tombe fort à propos, qui acquiert un sens bien plus qu'emblématique. Au delà de la réponse littérale à Abou Alkacem Echebbi interpellant dans les années 1920 ses compatriotes: ومن لم يرم صعود الجبال يعش أبد الدهر بين الحفر (Qui n'aime point escalader les monts / Traine à jamais dans les crevasses). c'est l'expression d'une volonté patriotique nôtre aspirant à faire de ce pays géographiquement petit un pays grand par ses hommes, qui se traduit à travers cette performance alpiniste. Le jeune Tahar Manai qui se prépare à attaquer l'ultime phase de "ascension d'une nation" pour réaliser son rêve, à savoir être le premier Tunisien à vaincre le sommet de l'Everest, est d'ores et déjà un grand. Son courage, sa ténacité, sa persévérance nous rappellent, dans un contexte de défi différent mais non moins tunisien, l'antécédent carthaginois devenu légendaire: la traversée des Alpes par Hannibal. Dans quatre mois, nos yeux seront braqués sur le sommet de l'Himalaya. Et nous verrons, inch'Allah, l'emblème tunisien flotter sur le mont d'Everest, le point montagnard le plus élevé au monde, à plus de 8000 d'altitude.
Rappelons en quelques mots le parcours de ce combattant des hauteurs, qui s'apprête à conquérir le toit du monde.
Au début des années 1990, Tahar devait avoir deux ou trois ans tout au plus, quand son père, premier opposant déclaré à Ben Ali, a été arrêté pour subir, pendant 15 jours, les pires tortures dans les cachots du ministère de l'intérieur. A sa libération, ce père a pu s'envoler vers Paris mais le régime l'a empêché de se faire accompagner par sa famille. Celle-ci sera contrainte de fuir clandestinement la Tunisie quelques mois plus tard, en grande partie à pied, à travers les frontières algériennes, avant de pouvoir rejoindre à son tour la France. Bien que pourchassés et harcelés jusque sur le sol de leur pays d'exil, les petits Manai (Badis, Bochra, Tahar, Amira) ont brillé chacun dans son domaine, honorant par leur réussite aussi bien leurs parents que leur pays.
C'est à 12 ans que Tahar devient mordu d'alpinisme, à la faveur d'une découverte en colonie de vacances du Mont-Blanc. La montagne la plus élevée d'Europe le rappellera, dix ans plus tard, pour en faire l'ascension. C'était en 2010, au moment précis où commence la révolution tunisienne. Et Tahar a dédié cette première conquête alpiniste à sa patrie, en plantant le drapeau tunisien au sommet du Mont-Blanc. En août dernier, dans le cadre de ses préparations pour
"l'ascension d'une nation", il est reparti gravir une deuxième fois, solitaire et sans guide, le Mont-Blanc. Ni le vent soufflant à plus de 90 km/h ni la température de -25° ne l'ont empêché de réussir sa montée et de planter, comme à l'accoutumé, le drapeau pour lequel il se bat depuis 5 ans.
A travers ce modeste hommage au jeune Tahar, je tiens à saluer le lion à qui nous devons ce lionceau: Dr Ahmed Manai. Tel père tel fils; et l'un et l'autre font à bon droit notre fierté. Je tiens à saluer aussi Bochra, la sœur du champion, qui, il y a un an, m'écrivait ces mots: "
Si Ahmed, je viens de sécher des larmes à la lecture de ce texte... je
ne l'avais jamais vu. Merci. (Rectification, je termine mon doctorat!)" Bochra venait de découvrir alors un modeste hommage que je lui rendais en 2012 à travers le billet ci-dessous publié sur Facebook:
"Pour certains, l'exil est une longue errance dans une sorte de no man's
land qui touche aux confins de la mort. Une rude épreuve qui conduit
tôt ou tard à la perte de ses repères, de son identité, de sa peau. Pour
ceux-là l'exil est synonyme pour le moins de déracinement. Pour
d'autres, même s'il y a déchirures, souffrances, quelles que soient les
embûches semées sur le chemin et la terre d'exil, il n'est pas permis de
mourir ni de faiblir le moindrement ni surtout de troquer sa face et
son épiderme pour le seul confort d'assurer sa survie. Bochra Manaï est de cette race-là.
Elle était tout juste fillette quand, dans les années 90, au plus fort
des années de braise, elle a quitté la Tunisie pour se réfugier en
France, suivant avec le reste de la famille son père, Dr Ahmed Manai, contraint de fuir l'oppression de Ben Ali.
Alors même que la hargne dictatoriale et les brigades de la terreur (de
la mort plutôt) poursuivaient son père jusque sur le sol français,
Bochra a su affronter tous les défis pour faire valoir ses mérites de
combattante tunisienne en exil. Après de brillantes études en
France, elle franchit l'Atlantique, visant plus haut, prépare et obtient
au Québec un doctorat en études urbaines. Et la brillante académicienne
qu'elle est, en cela comme au reste pas moins méritante que son père,
n'a jamais été ni en France ni au Québec au dessus de la mêlée qui
concerne l'avenir de son pays."