mercredi 15 juin 2016

Au clair du grand jour, mon amie Hélène



Quand vous envoyez au TLF une requête au sujet de l'origine du mot "calame", voici ce que les Gardiens du Trésor vous disent: du latin "calamus" qui dérive lui-même du grec "kάλαμος" [kalamos]. Et l'histoire s'arrête là. Ou plutôt là commence l'histoire. Car au-delà de kalamos, il n'y a rien à part la nuit chtonienne dont est sorti le jour grec. Duquel est sorti ensuite l’œuf originel de l'univers.1

Calame

Au clair du soleil, mon amie Hélène
Feu grand-père a prêté son vert roseau
A ta feue mamie pour écrire un mot
Et son qalam depuis devint hellène

C'est que de haute Grèce feue mamie
Et sur les dos amis mangeant sa laine
En trempant le mirliton dans son encre
Le vit si baveux qu'elle en fit son ancre
Y mouillant de vie à très bas l'ami

Hélène de Troie feue sa légataire

Mordue de houkas et tout feu lascif
Du qalam fit calumet pour son kif
Et leur kief aux copains célibataires

Athéna à Roma abdicataire
Et païens aux chrétiens avec ferveur
De la phragmite
2 encor dans sa verdeur
Le roseau devint chaume des nattaires
3

Puis chaumière
4 au bonheur des cœurs qui s'aiment
Au Sang du Sauveur c'est son chalumeau
Le pape le tète comme un chameau
Et nul de ses ouailles ne l'en blâme

Du qalem dérivèrent calamide
Calamidon et puis calamité
Calmar et tant de kelmas usités

Se ramifiant kifkif les arabides

Dites haut khamsa dans l’œil du jaloux
Sinon le roseau n'aura plus de jus
Et mamma Romaine plus de verjus
Ni de mots pour nourrir ses morfaloux

Du sarrasin Qalam naquit Kalamos
Son fils Calamus donna à ma mère
Flopée utérine à Chaume et Chaumière
5
Tous baptisés couvée de l'Omphalos

Et pas un ne se souvient de Kadmos ?
6
Oubliés Alpha, Béta et leur maître
Qui  à l'écrit
initia le parlêtre ?
Pas chic ce novice ingrat jusqu'à l'os !

C'est que les Gardiens de notre Trésor
Plus fiers que le beau coq de leurs ancêtres
Ne souffrent pas que les murs de notre aître
Au dehors révèlent nos mines d'or




A. Amri
15.05.2016



===Notes===

1- Pourquoi ce nombrilisme qui se complait dans la fausseté et le mensonge ? On peut trouver une esquisse de réponse dans les propos de Pierre Rossi:"Une vision bornée de l'histoire nous a imposé d'en localiser les sources non loin de chez nous, dans l'aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athéniens et romains. C'est là une appréciation erronée; elle nous a été inspirée par des partis pris confessionnels et politiques. Il n'est guère douteux en effet que les historiens de l'Eglise catholique romaine, seuls maîtres durant plus de mille ans des archives de l'antiquité, en ont orienté l'interprétation pour la plus grande gloire de l'Occident européen." ( Pierre Rossi, La Cité d'Isis: histoire vraie des Arabes (Nouvelles Ed° Latines, 1976))

2- Alors que
le radical de ce mot, natte, proviendrait, selon toute vraisemblance, de mattarius qui a donné matelas (de l'arabe matrah مطرح), le TLF se complait comme toujours à user de ses "euphémismes" habituels afin de nous persuader qu'il n'y pas trop d'arabe en français ! Natte, nous dit-il en citant ses références d'autorité, c'est sémite, phénicien, hébreux. Tant mieux pour la France et le français ! 

3- Du grec ancien φραγμίτης, phragmites (« poussant sur le bord [de l’eau] »), dérivé de φράγμα, phrágma (« enceinte »). Remarquez que l'arabe horma signifie enceinte.                                                        
4- Contrairement aux connotations liées à "chaume", chaumière désignait au 19e des maisons luxueuses, comme en témoignent Balzac ( Modeste Mignon,1844, p. 13) et Hugo (Le Rhin,1842, p. 387).
 
5- Le corpus  que j'ai pu reconstituer comprend 40 dérivés de calamus. Il peut y avoir d'autres mots sur l'origine desquels j'ai des doutes: calamine et ses dérivés semblent venir de cadmea (et ceui-ci de Cadmus (grec Kadmos) évoqué dans ce texte). Voici la liste: calame, calamagrostidées, calamariées, calamédon, calamées, calamide, calamifère, calamiforme, calamule, calamistré, calamistrer, calamistrum, calamite, calamité, calamiteusement, calamiteux, calamophyles, calamar, calmar, calmaret, calemar, calumet, chalumeau, chalumer, chalumet,  chalumeur, chalumiste, chaume, chaumine, chaumière, chaumet, chaumier, chaumeret, chaumé, échaumer, chaumis, chaumis, échaumage, déchaumage, déchaumeuse, lapsus calami.
 
6- En vérité, ceux qui se souviennent de Cadmus sont surtout des historiens ou des philologues incapables de s'infliger cette blessure narcissique qui consiste à reconnaître à l'Orient un quelconque rôle civilisateur de l'Occident. Ainsi, Juan Bautista Erro et José Antonio Conde, à titre d'exemple, considèrent nulles et sans valeur ce que Hérodote, Diodore et Pline, entre autres, nous apprennent sur l'origine de l'alphabet grec. Selon ces deux auteurs espagnols, le grec tire ses origines non du phénicien mais du basque (voir
Alphabet de la langue primitive de l'Espagne (Madrid, 1806), p.18).

De toute évidence, la fin (in)avouée de cette hypothèse est de dire que l'espagnol primitif ne doit rien  au phénicien, alors que les travaux de Samuel Bochart d'abord, ceux de Victor Bérard et l'histoire d'Espagne écrite par Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire  (voir Histoire d'Espagne depuis les premiers temps historiques jusqu'à la mort de Ferdinand VII (14 volumes, 1844-1879), tome 1, p.451) donnent au phénicien une étendue qui dépasse les frontières respectives de la Grèce et de la péninsule ibérique.


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mardi 14 juin 2016

De deux mots le moindre


«Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit, comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient.» Pierre Rossi1


« Is Rose a semetic or an aryan word ? »  
 
Max Müller
Tel est le titre d’un article publié le 2 mai 1874 par la British Academy des Humanités et des Sciences sociales. Max Müller y répondait à un message très court -mais fort courtois- qui lui a été adressé par l'orientaliste britannique et professeur d'arabe à l'université de Cambridge, William Wright. Celui-ci ayant constaté que l’auteur allemand considérait à tort que le mot « ورد ward » est indo-européen, a jugé bon de signaler cette « légère erreur » et de rétablir l’origine correcte du mot. Voici la traduction du corps de sa lettre: « J'espère que le professeur Müller voudra bien m’excuser de corriger une légère erreur dans laquelle il est tombé. Verd, rose en turc, n'est pas persan, c'est-à-dire mot aryen, mais arabe, c'est-à-dire mot sémitique... » ."2

Auteur de plusieurs monographies sur les littératures arabe et syriaque, et de la célèbre Wright's Grammar3, WilliamWright parlait en connaissance de cause, et croyait rendre service à Max Müller en le corrigeant. Mais Müller ne l'entendait pas de cette oreille.  Une semaine à peine plus tard, il répondait à son contradicteur par une longue lettre qui commençait ainsi: "Il y a peu de mots, je crois, sur lesquels l'aryen, le sémitique, et même les érudits hamitiques se sont battus avec autant d'insistance que le nom de Rose. Mais si le professeur Wright est vraiment lui-même convaincu que le corps de Patrocle appartient à l'armée sémitique, et non pas à l'Aryen, je l'espère, il nous donnera ses raisons".4

Le grief formulé à demi-mot à l'encontre de Wright et le ton, mi-narquois mi-amer, sur lequel Müller le formulait, nous permettent de comprendre l'une des lois fondamentales qui régissent la «mythémologie». J'appelle de ce nom barbare5 une pseudo-philologie au service d'un orgueil doxique, ce «prestige du verbe» qui honore les coqs de la philologie, et déshonore la science. Si l'art étymologique, selon Falconet, "est celui de débrouiller ce qui déguise les mots, de les dépouiller de ce qui, pour ainsi dire, leur est étranger, et par ce moyen les amener à la simplicité qu'ils ont tous dans l'origine"6, l'art «mythémologique» est tout le contraire. Tissé de mensonges et de mythes, nourri de haine à l'endroit de l'Autre et de sa culture, cet art, sous un discours apparemment objectif, déguise de manière savante les mots, les affuble de ce qui ne leur appartient pas. Parce que les instincts racistes incoercibles y ont voix au chapitre,  la «mythémologie» ne s'embarrasse pas de latiniser, helléniser, romaniser le plus arabe des mots. Par «allergie aux thèses non indo-européennes» selon l'expression de Salah Guemriche.7

Comprendre la réaction de Müller dans ce contexte précis c'est saisir les fondements de cette allergie. Aux yeux de Max Müller, s'il ne convient pas à un Occidental, fût-ce pour un idéal scientifique des mieux fondé, de
«profaner» la mémoire de Patrocle8, c'est que la rose est imbriquée dans un système mythologique complexe qui innerve d'une certaine façon la doxa de l'Occident, ou ce que Pierre Rossi appelle «prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation ».

Comment admettre l'arabité de
ward sans brouiller l'hypertexte tissé autour de ses dérivés rhódon, wrodion, rose, etc.? Dès que le mot rose se détache du fond gréco-latin et se rattache à une racine arabe, tout ce qui s'est greffé dans l'inconscient culturel occidental sur ce mot à partir d'un nombre astronomique de récits, à commencer par ceux transmis du grec, s'en affecte fatalement. Chloris, Aphrodite,  Dionysos, Apollon, les Grâces, tous associés au mythe de la rose, risquent de devenir anémiques si le mot s'avère, ou plutôt s'avoue, arabe.

Ne nous a-t-on pas tant débité sur la rose redevable de sa naissance à Chloris, déesse des fleurs, qui l'a faite jaillir du corps inanimé d'une nymphe,  Aphrodite lui ayant donné la beauté, Dionysos ayant déposé entre ses pétales du nectar dont elle tire son parfum; les trois Grâces l'ayant comblée en lui donnant le charme, l'éclat et la joie; et Apollon, enfin, l'ayant couronnée Reine des Fleurs ?
9

Il y a aussi toute la littérature stratifiée dans l'inconscient de l'élite, aussi bien allemande qu'occidentale en général, au sujet du personnage homérique, ami et amant d'Achille. L’Iliade mais aussi, indirectement, Les Amours de Leucippé et Clitophon, roman d'Achille Tatius10, ont construit un large réseau de symboles s'articulant sur la rose, et associé à l'évocation de Patrocle. C'est un énorme édifice de mythes et de fantasmes construit là-dessus. Et le moindre doute jeté sur l'origine de l'étymon en question, ward, entrainerait fatalement des avaries pouvant mettre à faux les fondements dudit édifice. 

Comment défendre, à titre d'exemple, le très poétique vers
Warda et son ward
homérique évoquant la fille du matin, l'aurore aux doigts de rose11, ou Éos en robe de safran, si rose et safran s'avèrent arabes ? Comment interpréter les mythes de Crocus si crocus s'avère arabe ? Comment soutenir les fantasmes liés aux nymphes et à la nymphomanie si nénuphar s'avère arabe?12 Ces étymons auquel le grec est redevable des prémisses de ses mythes ne sont pas faciles à digérer.

Sans doute est-ce là la raison qui explique pourquoi Littré a honoré rose d'une
racine «sanskrite». Sa devise a dû être: des deux «mots» il faut choisir le moindre ! 
«Rose: bourguignon reuse ; wallon, rôz ; provençal, espagnol et italien rosa ; du latin rosa ; ancien persan, vrada, sanscrit vrad, se courber, être flexible.»13


Courbons-nous autant que faire se peut et soyons flexibles pour admettre le bon sens de Littré. Le vrad sanskrit qui signifie «se courber, être flexible» cadre mieux avec la rose et son parfum aryen que le «ward» arabe qui signifie simplement «rose» !

Si nous consultons le dictionnaire en ligne du TLF pour voir quelle racine il nous propose en la matière, nous constatons qu'il nous gave de citations documentant la partie historique. Mais il n'y a presque rien à se mettre sous la dent sur l'étymologie, à part ceci:
«Emprunté au latin rosa « rose (fleur), rosier ».
Nous pouvons nous demander pourquoi le TLF opère un
«recul» par rapport à Littré et se borne au latin. Ce n'est pas nécessairement parce que le passage du grec rhódon au latin rosa puisse poser quelque problème, les métaplasmes ayant toujours marqué la plupart des emprunts. Mais parce que les linguistes ont acquis la certitude que le rhódon grec n'est ni sanskrit ni persan. Michel Masson qui a consacré une minutieuse étude à cette question, s'il n'a pas explicitement désigné l'arabe comme source du nom grec de rose a néanmoins attribué celui-ci à "une langue sémitique".14 

Pour conclure, rappelons que d'autres noms de fleurs, soit directement empruntés à l'arabe soit dérivés de racines arabes, sont également affublés de fausses étymologies15. Il y a aussi un grand nombre de plantes dont les noms, d'origine arabe, sont attribués en français et d'autres langues romanes au grec ou au latin16





A. Amri
17 mai 2016


=== Notes ===

1-  Pierre Rossi, La Cité d’Isis, Histoire vraie des Arabes, Nouvelles Editions Latines, 1976, p.9/10

2- The Academy, Janury - June, Volume 5 (London, 1874); p. 488
 
3- Grammaire d'arabe destinée aux étudiants arabisants: A Grammar of the Arabic Language, Londres, 1875.

4- The Academy, Janury - June, Volume 5 (London, 1874); p. 488 

5-  Voir mon article sur ce blog Mythémologie: hanche et racines arabes à la pelle.

6- Cité in Dictionnaire étymologique de la langue française, Volume 1, Par Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort,  Paris 1820, p.13 

7- Vous avez dit "Pas d'amalgame" ? par Salah Guemriche

8- Personnage de l’Iliade, l'un des guerriers grecs de la guerre de Troie, cousin et ami intime d'Achille. Les deux personnages sont devenus un symbole des relations pédérastiques. Et sans aller jusqu'à prêter à Müller une "sensibilité" à ce côté précis du personnage, je crois que s'il n'admet pas que "le corps de Patrocle appartienne à l'armée sémitique", c'est qu'il n'est pas indifférent à cet aspect du mythe. Cela ne doit pas occulter, bien sûr, tout le côté mythologique associé à la rose, notamment dans les évocations homériques de l'aurore.

9- Pour se faire une idée sur les liens dans la littérature occidentale avec cet hypertexte mythologique, voir La rose: son histoire, sa culture, sa poésie, Jean-Louis-Auguste Loiseleur-Deslongchamps, Paris, 1844.
Pour les clichés d'épithétisme en rapport avec les doigts de roses, voir Anne-Marie Perrin-Naffakh, Le cliché de style en français moderne: nature linguistique et rhétorique, fonction littéraire, Presses Universitaires de Bordeaux, 1985, p.169/170

10- Voir Le roman d'Achille Tatios: "discours panégyrique" et imaginaire romanesque, Par Marcelle Laplace, Editions Scientifiques Internationales, Berne, 2007, p.194/195/196.

11- Voir Les métamorphoses d'Ovide, traduction nouvelle avec texte latin, Mathieu-Guillaume-Thérèse Villenave, Paris, 1806, p. 217

12- Sur le rapport entre nénuphar, nymphe, nymphette... voir l'article de Fred Renn: nénufar.

13- Dictionnaire Littré, dictionnaire en ligne avec recherche dans le texte intégral du Littré.

14- Michel Masson, Le nom de la rose: problème d'étymologie grecque, Kentron, 1986, p.61 à 67

15- Il faut saluer la mémoire d'Alexandre de Théis qui a restitué une centaine de ces mots à leur source arabe, et ce à travers son Glossaire de Botanique ou Dictionnaire Etymologique, Paris, 1810.

16-Dont anémone, muguet, nénuphar ( pour le TLF, l'arabe n'est qu'une courroie de transmission: l'arabe nainūfar, nīnūfar, nīlūfar, du persan nīlūfar, lui-même emprunté au sanskrit nīlōtpala), suzanne, camélia (la fleur a été introduite en Europe par le botaniste Jiří Josef Camel. Après la mort de ce botaniste,  le naturaliste suédois Carl von Linné a donné à la fleur le nom qu'elle porte à ce jour. Camel (en latin Camellus) du grec ancien κάμηλος, kámêlos, emprunté à l'arabe jamêlجمل [chameau]), capucine (capucin, capuche, capuchon, cappucino, du latin tardif capa, de l'arabe cobbaâ  قبعة [coiffe, calotte, béret] : le mot latin caput est une translittération de l'arabe qafa قفا. Le français cap /chef est issu de l'arabe القب qui signifie la même chose: chef, seigneur, roi et tête), crocus, géranium (de l'arabe gurnûqi غرنوقي géranium, de gurnûq غرنوق grue), guimauve (du radical latin classique malva « mauve », du grec ancien μαλάχη, malakhê, de l'arabe ملوخية mloukhiya. Mauve est l'un de 80 mots empruntés à l'arabe, qui désignent des couleurs), hysope, hibiscus (forme corrompue de l'arabe khubiz خبيز qui signifie la même chose), jacinthe, marguerite (de l'arabe مرجان morjen [corail]), œillet (diminutif de œil, de l'arabe عين ayn qui a donné le celtique eyne, l'anglais eye, les toponymes français Aïn)rhododendron (de l'arabe ward dont le pluriel woroudon a donné le grec ancien rhódon et l'éolique wrodion)...




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Sur l'étymologie arabe de Rose:

Jean-Claude ROLLAND, Dix études de lexicologie arabe, autoédité, 2010 , p.35-41


Antoine Laurent Apollinaire Fée, Flore de Virgile: composée pour la collection des Classiques Latins, Nicolaus Eligius Lemaire,‎ , p.252 

The Academy, A weekly review of litterature, science and art, Janury-June, Volume 5, Londres, 1874, p.517-518

Michel Masson, Mirages étymologiques: Du sémitique ou de l'iranien au grec, La Linguistique, Vol. 25, Fasc. 2 (1989)

Michel Masson Le nom de la rose: problème d'étymologie grecque, Kentron, 1986


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 Au même sujet sur ce blog:

Etymologies, mythémologies et prestige du verbe


Mythémologie: hanche et racines arabes à la pelle

 Un brin de muguet pour toi

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Le français en couleurs arabes





samedi 11 juin 2016

Chanson pour le citoyen Mokhtar - Taieb Bouallegue

Mokhtar, de l'arabe اختار ikhtara (choisir), de خير khayr (bienfait), est un prénom masculin qui signifie littéralement "élu / choisi"1.  Il s'apparente au turc muchtar (qui signifie "maire/ élu"), mot que les relations des voyageurs ont introduit en français dans la 2e moitié du 17e s., attesté une première fois sous l'orthographe de "muctar"(1680), qui signifie "l'«élu allumeur de lampes » engagé au service d'une mosquée", d'où muctariat (1680), (office, charge de ces "falotiers"), puis sous les variantes "muktar"(1830), "muchtar"(1857),  et dès 1930 "mokhtar", au sens de maire.

En règle générale, le destin d'un «élu » ne peut qu'être enviable. Mais ce n'est pas le cas du « Mokhtar/ Elu » qu'interpelle à travers son «  poème oral » Taieb Bouallegue. Ce Mokhtar ne fait penser ni à l’Élu de Dieu ni à quelque Elu de Nation. Aux antipodes de l'un et de l'autre, il est le Mokhtar d'une histoire badine, coquine, qui se joue de lui et de sa bonne foi. Il est le dindon que cette coquine farcit à chaque jour, et de balles, cela va de soi, pour convertir son « sang halal » en argent liquide, et sa chair en charbon de bois entretenant l'ardeur des bûchers printaniers. Bref, ce Mokhtar est l'hostie humaine d'une grande débauche sacrificielle à laquelle se livrent les rentiers de tout bord du Printemps arabe.



Et ils te donnent le choix
Ils te persuadent de leurs bonnes intentions
A la croisée des chemins
Et de mille sentiers
Et si les pas se perdent dans l'obscurité
Ils te troquent la sécurité contre la liberté
Et tu te trouves Mokhtar
En décembre et janvier
Dans la nécessité de choisir
Entre la glace et l'eau
Tu t'es noyé Mokhtar
Dans l'excès de bonne foi
Et ils te donnent le choix
Entre sept vipères qui rampent
Et des fauves noctambules affamés
Le vendeur et l'acheteur logent à la même enseigne
Et le bourreau endosse l'habit de la victime
Alors que la victime expiatoire c'est toi
Toi que terrasse l'amour d'une patrie verte et pucelle
Et tu te trouves Mokhtar
Dans cet univers saugrenu désemparé
Comment l'alliance a-t-elle pu se faire
Pour qu'ils nagent ensemble à la surface de l'eau ?
Tu t'es noyé Mokhtar
A force de bonne foi
Et ils te donnent le choix
Sunna et Turcs frères ?
Ou bien l'Iran: chiisme et persanisme ?
Sinon l'abattoir des axes russe et américain
Et toi leur hostie,
Et tu leur paies en-sus un tribut
Toi des peines sur des montagnes de peines
N'ayant ni terre libre ni bouchée digne
Et tu te trouves Mokhtar
Jour et nuit dans les supplices
Couché sur le bûcher
et sur le bûcher rouvrant les yeux
Tu es brûlé Mokhtar
A force de bonne foi
Pauvre de toi, de quelle mort tu meurs ?
Égorgé d'un couteau l'autre
Ton sang coule halal au nom de la religion
Et viré en mandats, renfloue des comptes bancaires
Au lieu d'une marée vers la Palestine
C'est le raz-de-marée siono-barbaro-naphtien
Et tu passes Mokhtar
Un nom dans un journal télévisé
Et une scène pas assez claire
Dans une problématique fiqhienne
Et tu t'es noyé Mokhtar
A force de bonne foi
Et tu capitules, tu te résignes,
Comme si c'était le mektoub
Tu apostasies ces révolutions
Tu en fais pénitence
Et tu te mets à faire le procès de leur cœur en panne
A cause du tohu-bohu de situations et d'instances
Ainsi pour faire repentir un jeteur de toubs2

Il lui faut une prison et une maison de correction
A ce point Mokhtar
L'honneur et le déshonneur sont devenus synonymes
Le parcours s'est allongé, a viré
Puis s'est embobiné comme un serpent
3
Et il a sangloté
Son rêve s'est envolé
Se sont volatilisées la sécurité et la liberté
Ah, que n'aurais-tu, Mokhtar,
Entouré de clôture ce parcours
Pour prévenir le vent, les pluies
Et choisi une autre voie !
Les révolutions, Mokhtar,
Ne se font pas toutes sur de bonnes intentions


Taieb Bouallegue
Traduit par A. Amri
11.06.2016



Qui est Taieb Bouallegue ?


«Je suis un poète de ce pays, originaire de Tébourba, ville à une
trentaine de kilomètres à l'ouest de Tunis. Je n'ai d'autre bien en ce monde que la poésie.

J'écris la qasida dans la langue parlée, imitant en cela mes prédécesseurs: Belgacem Yakoubi, Kamel Ghali, Abdeljabbar Eleuch, Adem Fethi, Ali Saïdane et bien d'autres dont l'expérience a épousé le projet de l'art alternatif. Aussi ne pourrais-je me voir que de la même lignée et sur la même ligne.


J'ai entamé cette expérience avec le groupe Oyoun Al-Kalam, le duo Amel Hamrouni et Khémaïes Bahri, et je la reconduis avec ce même duo. Cela a donné de nombreuses œuvres dont Al-Bahia [l'Exquise], Anfas [Souffles], Wattan wa in ken [Patrie, même si...], Nesj Khayal [Trame d'imaginaire], Ward qbilna [Des roses, on en a reçu], Ya souta [Ô sa voix], Baâth al-kalam [Quelques propos].


En gardant le même esprit, je tente de vivre d'autres expériences comme ma rencontre avec le professeur de luth l'artiste Isan Laribi autour de certaines créations: Fi-essijn min barra [En prison de l'extra-muros], texte écrit en 2008 et dédié aux prisonniers du Bassin minier, Sektat ellil [Silence de la nuit] et d'autres textes, ou encore ce qui va paraître bientôt avec Mohamed Bhar.


Pour les publications, mon recueil Nesj Khayal [Trame d'Imaginaire]en est à ses touches finales. J'attends seulement l'opportunité de le publier. Enfin, ma hantise de l'alternatif: poésie, musique, mot, phrase, est une forme de rêve d'une alternative nationale juste. »



A. Amri
11.06.2016



==== Notes ====


1- Il faut remarquer que ce prénom est l'un des quelque 200 noms-attributs du Prophète. Il a le même sens que Mustapha.

 


2- Ce mot, défini par Charles Brosselard (Les inscriptions arabes de Tlemcen, in Revue africaine, Alger, octobre 1859, p. 196) comme « grosse brique cuite au soleil », est attesté en français 9 ans plus tôt que le mot adobe (de mêmes racine et sens), emprunté à l'arabe الطوب attoub (par la voie de l'espagnol) en 1868, et n'en serait pas moins digne de figurer au dictionnaire français. On le rencontre dans de nombreux auteurs comme Louis Piesse (1862), Jean Chalon (1877), Mathéa Gaudry (1921), Jean Despois (1940), Madeleine Rouvillois-Brigol (1975), Joëlle Deluz-La Bruyère (1988)... Sous la plume d'Isabelle Eberhardt (1908), "toub" revient quasiment comme un leitmotiv. 
D'autres variantes du même mot sont attestés en français, comme "tôb" (1862), "tolb" (1877), "thôb" (1881), "tob" (1922).

3- Serpent : (1100 « reptile à corps cylindrique, très allongé, dépourvu de membres ») n.m. du lat. serpentem, de serpens « serpent », participe présent du verbe serpĕre (« ramper, se traîner par terre »). Comparez le verbe latin ainsi que les substantifs catalan serp, corse sarpe, maltais serp, occitan sèrp,  roumain șarpe (signifiant tous serpent) avec l'arabe سَرَبَ saraba, verbe qui signifie à la fois « courir », « avancer », « marcher », « glisser, se mouvoir », « couler », « pénétrer dans son gite » [en parlant d’une bête sauvage]. De la racine arabe dérivent مسرب « mesrab » (sentier), مسارب « meçarab » [du serpent] (traces laissées par ce reptile), « sarab »(mirage, "ainsi appelé", précise Al Khalil, "parce qu'il donne l'impression de courir", سرب « serb » (eau qui coule + repaire, antre de bête sauvage), insaraba [en parlant d'une bête sauvage] (s'engouffrer dans une tanière)... Hermann Möller, qui a remarqué l'analogie des racines trilitères latine [s-r-p] et arabe [s-r-b] (sans toutefois explorer la large gamme des dérivés arabes), rattache le latin serpère à un substrat pré-indo-européen.

======== Pour le même poète sur youtube webamri =========



Une erreur de frappe a altéré l'orthographe de "néanmoins" une première fois, le copier-coller trois fois de suite juste après. Merci de votre indulgence.





mercredi 8 juin 2016

Dis à la belle vêtue de voile noir - Rabiâ ibn Ameur Attamimi

Rabiâ ibn Ameur Attamimi, alias Meskin ad-Drami, est un poète arabe mort en 709. Il n'est pas assez connu, et surtout beaucoup moins que son « Dis à la Belle vêtue de khimar noir ». Alors que ce poème  écrit vers la fin du VIIe est célèbre dans tout le monde arabe, que des millions -pas nécessairement lettrés- devraient savoir par cœur l'essentiel de sa version chantée1, son auteur, lui, est pour le moins méconnu. Surtout loin de la sphère des littéraires.  

Né à Koufa en Irak, Rabiâ ibn Ameur Attamimi a vécu sous le califat des Omeyyades. Il faut remarquer qu'en son temps non plus, le poète ne fut pas assez connu sous son véritable nom. Il était souvent désigné par un surnom, un sobriquet pas assez flatteur: Meskin ad-Drami
Pourquoi ce sobriquet ? Selon Al-Asmai2, le poète est tombé amoureux de l'une de ses cousines, et quand il a demandé la main de celle-ci à ses parents, la fille  a dit non. Elle le trouvait très noiraud et peu argenté. Dès que cette sèche éconduite se fut répandue, Rabiâ ibn Ameur Attamimi s'appela malgré lui Meskin ad-Drami: le « mesquin » des Drami3. Il dut porter ce surnom comme une nouvelle flétrissure. Et cela ne l'a pas laissé indifférent, qui le fit réagir en maintes circonstances par des vers bien tournés, vers où l'amertume le dispute à la fierté, voire la révolte.4
 


« Dis à la Belle vêtue de khimar noir » est le chant de cygne, à
mon sens,  de Meskin ad-Drami. Quand le poète a composé ce poème devenu vite célèbre, cela faisait longtemps qu'il s'était retiré du monde, ayant quitté la cour de l'émir d'Azerbaïdjan5 pour se faire anachorète et ne s'intéressant plus à la poésie. L'un de ses amis, qui était commerçant de tissus, le fit toutefois renouer avec la poésie pour une raison fort singulière. Le marchand, en mauvaise passe, songeait à mettre la clé sous la porte en raison de la mévente qui frappait sa marchandise. Il avait un stock considérable de voiles noirs, importés d'Irak, et il ne réussissait pas à en vendre un seul, les femmes du pays les boudant pour des voiles à couleurs chaudes qu'il n'avait pas. 

Meskin ad-Drami a alors ôté sa burda d'ermite et pris son calame. Il a composé pour le secours de son ami un poème à vocation publicitaire avant la lettre, et l'a confié à un chanteur, un de ces achougs6 de l'Azerbaïdjan dont l'art survit à ce jour, qui se chargea de le mettre en musique, avant d'en faire une large diffusion par le biais de sa voix ambulante. A travers des vers écrits à la 2e personne,
Meskin ad-Drami donne l'impression d'interpeller une femme réelle qui l'a soumis à l'imparable magie de sa fitna, et dévoyé le chaste ermite qu'il était. Et quand on cherche où réside au juste ce pouvoir redoutable et fatidique, on s'aperçoit que le poète l'attribue implicitement au voile noir. Celui-ci n'est plus une simple pièce vestimentaire qui couvre la tête; il devient le signe distinctif d'un port qui charme, d'une coquetterie qui désarme, et n'épargne même pas ceux qui se vouent à Dieu ! Bref, on voit que le poète arabe, au 7e siècle, savait parfaitement fourbir les armes aujourd'hui en vogue chez les publicitaires.

Selon Kitab Al-Aghani
7, quand ce poème s'est répandu, la légende qu'il véhiculait faisant croire que
Meskin ad-Drami a apostasié l'ermitage pour l'amour de « la Belle au khimar noir » a vite produit l'effet escompté. En peu de temps, le marchand d'Azerbaïdjan est devenu la qibla des « femmes à la page ». Il a liquidé toute la marchandise invendue. Et il a commandé à ses fournisseurs en Irak une nouvelle cargaison. Tandis que le voile noir, du jour au lendemain, est devenu le fétiche de toute femme, toute femme soucieuse de se faire voir et valoir.

Dis à la Beauté vêtue d'un khimar noir
Qu'as-tu fait d'un ermite en dévotion confit ?
Il retroussait pour la prière ses habits
Quand  à la porte de la mosquée il t'a vue
Tu lui as subtilisé certitude et  foi
Le livrant à la déroute désemparé
Belle, redonne-lui sa prière et son jeûne

Ne le tue pas pour l'amour de Jésus et de Mohamed



Sabah Fakhri interprétant le poème




Traduction A.Amri
08.06.16
 

=== Notes ===


1- Composée de 8 vers, 4 en arabe; le vers arabe classique étant constitué de deux hémistiches égaux, la traduction de ceux-ci donne 8 vers en français.

2- Meskin ad-Drami, Mustapha Chikh Mustapha.


3- Drami est le nom de sa tribu.

4-  Quelques exemples traduits par moi-même:

Je suis Meskin pour celui qui m'a méconnu
Celui qui me connait reconnait l'éloquent

أنا مسكين لمن أنكرني 
 ولمن يعرفني جدّ نطق

- Que je sois surnommé Meskin ne m'ôte pas l'honneur 
d'être de haute naissance et bouclier des miens
إن أدع مسكينا فإني ابن معشر
من الناس أحمي عنهم وأذودُ

- Je fus appelé Meskin, quelle impertinence !
Quoique je veuille bien être mesquin * d'Allah
 سميت مسكينا وكانت لجاجة
 وإني لمسكين إلى الله راغب

(* - Mesquin, emprunté à l'arabe مسكين meskin [pauvre], est à prendre ici au sens déconnoté de pauvre, démuni, humble. Mesquin d'Allah est ici synonyme de pauvre de Dieu, faqir d'Allah.

5- Ayant participé à la révolte qui a soulevé Koufa contre Al-Mokhtar Athaqafi, quand ce dernier a réussi à mater le soulèvement, Meskin ad-Drami a pris la fuite et rejoint la cour de Mohamed ben Omar ben Ottard ad-Drami, émir d'Azerbaïdjan.

6- Les achougs, en Turquie, en Russie, en Azerbaïdjan, sont ce que furent les troubadours en Occident chrétien médiéval.  

7- Volume 20, p.227, cité par Chikh Mustapha Chikh.



Au même sujet sur ce blog:

Le voile n'est pas une obligation islamique (Traduction)


mercredi 1 juin 2016

Circoncision - Poème traduit de Ahmed Matar


pour sa grâce opérante
au jour de circoncision
je fus harnaché
d'une burda transparente
et de chéchia empanaché
puis s'amorça une pantomime
ouvrant l'ère de ma honte
 
Ahmed Matar


on fendit ma burda
sur mes parties intimes
et l'on égorgea

mes parties intimes
le sang gicla dans mon giron

et de toutes parts exubérante
la joie cria
bénissant la fontaine de sang
mabrouk !

mille mabrouks !
et que la grâce demain 

comble de même la langue !

 
 
 
Ahmed Matar
Trad. A. Amri
22.05.2016



Poèmes traduits du même auteur:

jeudi 19 mai 2016

رسالة مفتوحة لــــ« مشعوذي الثورة السورية » بقلم برونو ڨـيـڨ


برونو ڨـيـڨ (Bruno Guigue) هو أحد الأقلام التي تعتبرها اسرائيل عن حق "فدائية" وتخشاها أكثر مما كانت تخشى في السابق فدائيي المقاومة المسلحة1. ولا غرابة أن يكون هذا القلم بهذا الحجم لمن قرأه وعرفه وتابع كتاباته منذ صنفته الصهيونية عدوا لها وعملت على فصله من الإدارة، إذ كان موظفا ساميا بالداخلية الفرنسية، ونجحت في ذلك عام 2008.. وهي لليوم تشهر به وتعتبره "خرقة" متسخة بكراهية السامية2.
لا يمكن لعربي عرف
برونو ڨـيـڨ ونضاله الا أن ينحني تقديرا له، سيما وأن الرجل، كاتبا وفيلسوفا وأستاذا، لم يعرف شحا ولا كللا في مساندة القضايا الجوهرية للشعوب العربية وعلى رأسها قضية فلسطين.
النص الذي نقدمه هنا مترجما هو رسالة مفتوحة موجهة لليسار والمثقفين في الغرب.. لكن الرسالة تهمنا أيضا كعرب لا فقط لأنها تكشف حقائق عن الشق المعني مباشرة بالرسالة ولكن لأن لائحة الإتهام هذه صالحة في بلادنا أيضا إذ هي تهم بنفس الشرعية كل عربي أعطى للثورة السورية صكا على بياض واعتبر فرضية نجاحها انجازا للعرب ومفتاحا لمستقبل فلسطين.
أ. العامري - 2016.05.19

21 فيفري 2016 : تفجيران في دمشق والحصيلة 120 قتيل

في الوقت الذي يستشهد فيه أحد القادة التاريخيين للمقاومة العربية اللبنانية برصاص الغدر الصهيوني في سوريا، أتوجه بهذه الرسالة المفتوحة للمثقفين ومناضلي "اليسار" الذين اصطفوا وراء المتمردين في سوريا ويتصورون أن حلمهم بسقوط دمشق هو مناصرة للقضية الفلسطينية.

في ربيع 2011، كنتم تقولون لنا أن الثورات العربية تمثل أملا لا سابق له للشعوب التي ترزح تحت نير الإستبداد الدموي. وفي غمرة التفاؤل استمعنا لكم ونحن مقدرين لدفاعكم عن هذه الديمقراطية-المعجزة الوليدة، ولخطبكم بخصوص كونية حقوق الإنسان. لقد كدتم تنجحون في إقناعنا بأن هذا الإحتجاج الشعبي الذي أسقط دكتاتوري تونس ومصر سيطيح يالإستبداد في كل مكان آخر بالعالم العربي، في ليبيا كما في سوريا، في اليمن كما في البحرين، و من يدري،
ربما في مكان آخر.
 
لكن شدوكم الشجي هذا سرعان ما كشف البعض من المستور. وكان أول العيوب بدا  كأجلى ما يكون في ليبيا. فقرار
الأمم المتحدة تحول لصك على بياض لخلع رئيس دولة بالقوة العسكرية لأن هذا الرئيس أصبح يشكل عبئا على شركائه الغربيين. وعملية "صرف النظام" هذه التي تليق بأسوء اللحظات في العهد الجديد للمحافظين والتي أنجزت لحساب الولايات المتحدة من طرف قوتين أروبيتين في حاجة لتأكيد امبرياليتهما الجديدة كان حصادها كارثة ما تزال ليبيا المسكينة تدفع لليوم ثمنها. فانهيار هذه الدولة التي كانت موحدة أوقع البلاد في براثن طموحات لا حد لها لقبائل وفصائل تقف وراءها بدراية تامة الأطماع النفطية لحيوانات القمامة في الغرب.
ومع هذا كانت فيكم أنفس طيبة لتشفع لهذه العملية بظروف التخفيف وهي أنفس زاد عددها للمطالبة بتطبيق نفس المعاملة تجاه النظام في سوريا لأن ريح الثورة التي كانت تهب حينئذ على سوريا بدت لكم وكأنها تزكي تفسيركم للأحداث وتعطي تبريرا لاحقا  للمروجين  لحرب إنسانية بلا هوادة ضد صاحب السلطة الأوحد في ليبيا.
لكن البعض من المحللين، بعيدا عن وسائل الإعلام "التيار" لاحظ بأن الشعب السوري كان بعيدا عن الإجماع وأن الإحتجاجات المناهضة للحكومة نظمت بصورة رئيسية في المدن والمعاقل التقليدية للمعارضة الاسلامية وأن الحمى الإجتماعية للطبقات التي تفاقم فقرها بسبب الأزمة لن تؤدي بالضرورة لإسقاط النظام.
هذه التحذيرات النابعة من حس سليم تجاهلتموها . ولأن الأحداث كانت لا تتطابق مع سردكم لها، فقد قمتم بفرزها كما طاب لكم. وحيث شهد المراقبون المحايدون استقطابا في المجتمع السوري، حلا لكم أن تروا طاغية متعطشا للدماء يقتل شعبه.
وحيث كانت النظرة المتزنة تسمح برؤية نقاط الضعف ولكن أيضا نقاط القوة للدولة السورية ، حلا لكم أن تسيؤوا استعمال البلاغة بتوضيفها في الوعظ الأخلاقي قصد شحن الرأي المضاد لمقاضاة حكومة كانت أبعد ما تكون عن تحمل المسؤولية لوحدها في أعمال العنف.
قرأتم الكثير من المظاهرات المضادة لبشار لكنكم لم تشاهدوا مسيرات الدعم الضخمة للحكومة والإصلاحات التي ملأت شوارع دمشق وحلب وطرطوس. رسمتم بيانات المحاسبة المروعة لضحايا الحكومة لكنكم نسيتم البيانات التي تهم ضحايا المعارضة المسلحة.
حسب رأيكم، كان هناك ضحايا طيبون وآخرون سيؤون، ضحايا يستحقون أن نتحدث عنهم وضحايا لا نريد أن نسمع عنهم شيئا. عن عمد رأيتم الشق الأول من الضحايا وأصبحتم عميانا كلما تعلق الأمر بالشق الثاني.
 
وفي الوقت نفسه، فإن هذه الحكومة الفرنسية التي تنتقدون سياستها الداخلية للإبقاء على الوهم بأنكم مستقلين، قد منحتكم الحق على كامل الخط. والغريب أن سردكم للدراما السورية كان مطابقا للسياسة الخارجية للسيد فابيوس، وهي  تحفة من الخنوع  امتزج فيها الدعم اللامشروط للحرب الإسرائيلية على الفلسطينيين بالإنحياز البافلوفي للقيادة الأمريكية والعداء المعاد طبخه للمقاومة العربية.
لكن زواجكم الغير خاف بوزارة الخارجية لم يقلقكم فيما بدا. في الساحة الخلفية انتم أنصار للفلسطينيين وتجلسون قبالة الحديقة جنبا لجنب مع قتلة الفلسطينيين. لا بل حدث أنكم رافقتم القادة الفرنسيين في زيارة دولة رسمية لإسرائيل. ها أنتم على نفس السفينة، متواطئين لحظور عرض لرئيس يصرح  بأنه "سيحب دوما القادة الإسرائليين" وكأن هذا ما كان ليكفيكم عارا فركبتم مجددا الطائرة مع الرئيس ككل أنيس له.
كنتم أدنتم بحق التدخل العسكري الأمريكي ضد العراق في عام 2003 ، إذ لم يكن للقنابل المنشطة للديمقراطية تأثير عليكم وكنتم تشكون في المزايا البيداغوجية للضربات الجراحية لكن سخطكم فيما يتعلق بهذا الإصدار من دبلوماسية البوارج ذات التقنية العالية أثبت لاحقا أنه انتقائي وذي مكيالين. لأنكم بالعويل والصراخ طالبتم في 2013 بأن يطبق ضد سوريا ما كنتم تعتبرونه غير مسموح ضد بغداد قبل عشر سنوات. عقد من الزمان فقط كان كافيا ليجعلكم مرنين لدرجة بدا لكم فيها أن خلاص الشعب السوري يتوقف اليوم على غيث من الصواريخ الجوالة يتهاطل على هذا البلد الذي لم يقترف في حقكم ذنبا.
بين عشية وضحاها تنكرتم لقناعاتكم المعادية للإمبريالية وتبنيتم بحماس أجندة واشنطن، ودون حياء لم تكتفوا بالتصفيق لقاذفات القنابل بي-52 ولكنكم جعلتم من حناجركم أبواقا لنشر الدعاية الأمريكية الأكثر بشاعة ، في حين كان يفترض أن تحصل لكم مناعة من سابقة العراق وأكاذيب بوش التي لا تنسى .
بينما كنتم تغرقون الصحافة الفرنسية بهرائكم كشف صحافي أمريكي وهو استقصائي لا مثيل له زيف التهمة الموجهة ضد بشارالأسد لتلصق به مسؤولية لا صحة لها في هجوم كيمياوي وهي تهمة لم تصدر عن أي جهة دولية ونسبت لاحقا  فحوصات  معهد ماساتشوستس للتكنولوجيا ومنظمة حظر الأسلحة الكيميائية مسؤولية الهجوم للطرف الخصم.
تجاهلتم الحقائق حينئذ وتشويه الحقيقة كلما اقتضى الأمر، وأديتم بالمناسبة تقاسيمكم البائسة  في هذه القطعة الموسيقية. والأدهى والأمر أنكم مازلتم تؤدون التقاسيم. مازلتم مصرين على ترديد الهراء في حين أن أوباما نفسه يوحي في تصريحاته بأنه لم يصدق ما راج بهذا الخصوص. أنتم ككلاب الحراسة لا ينقطع نباحكم حتى وإن اختفى الشبح الذي أثار حفيظتكم. ولأي سبب يا ترى ؟ لتمنحوا تبريرا تقصف بمقتضاه حكومتكم دولة صغيرة ذات سيادة  ذنبها الأساسي أنها ترفض الخنوع للنظام الإمبراطوري ويتسنى لكم مساعدة تمرد سوري تعمدتم إخفاء وجهه الحقيقي وأضفيتم
مصداقية على اسطورة معارضته الديمقراطية والعلمانية التي لا وجود لها إلا في صالونات الفنادق الضخمة بالدوحة وباريس وأنقرة.
هذه "الثورة السورية" قمتم بتمجديها ولكنكم صرفتم أبصاركم بحياء عن ممارساتها المافوية وعن ايديولوجيتها الطائفية وتمويلها المثير للشك. أخفيتم بعناية كبيرة الكراهية الطائفية التي تستلهم منها "نضالها" ونفورها المرضي من المعتقد الديني المخالف ومصدر عقيدتها النابع من الوهابية وهو الإسمنت الإديولوجي الذي ترتكز عليه.
كنتم تعرفون جيدا أن النظام البعثي باعتباره علمانيا وغير طائفي يشكل الدرع الواقي للأقليات وبوليصة التأمين على حياتها، ولكنم لم تكترثوا لهذا الشأن، لا بل ذهبتم لحد وصف الذين دافعوا عن المسيحيين المضطهدين بأنهم "بلداء". ليس هذا فقط، بل حين دقت ساعة الحساب، أبقيتم على هذا العارالذي لا عار بعده: أيدتم دونا تحفظ سياسة لوران فابيوس الذي يرى أن جبهة النصرة وهي الفرع السوري لتنظيم القاعدة "تقوم بعمل جيد". لا حرج أن تنتشر في شوارع حمص أشلاء المارين أو في الزهرة أشلاء العلويين . فهذه الأشلاء في رأيكم يرقات صيد لا غير.
 بين 2012 و 2016 سقطت الأقنعة. تدعون أنكم مع القانون الدولي ولكنكم تصفقون لخرق هذا القانون ضد دولة ذات سيادة. تزعمون أنكم تريدون تعزيز الديمقراطية في سوريا ولكنكم أصبحتم ضباط الإمدادات والتموين للإرهاب الذي يكتوي منه السوريون.
  تقولون أنكم تدافعون عن الفلسطينيين ولكنكم في نفس المعسكر مع اسرائيل. كونوا عل طمأنينة: حين يسقط صاروخ اسرائيلي على سوريا لن يقع على أصدقائكم. فبضل اسرائيل وبفضل السي أي أي وبفضلكم أنتم، هؤلاء الثوار الشجعان سيواصلون تمهيد  المستقبل الزاهر لسوريا تحت شعار التكفير. في حين سيقتل الصاروخ الصهيوني أحد قادة المقاومة العربية التي خنتوها.

  برونو ڨـيـڨ Bruno Guigue
13. 05. 2016
تعريب أحمد العامري
19. 05. 2016
2- راجع مقال الكاتب الذي انتقد فيه الصهيونية وهو بتاريخ ديسمبر 2006 وكان القطرة التي أفاضت كأس الحقد الإسرائيلي عليه: La conférence de Téhéran et les Faurisson pro-israéliens



برونو ڨـيـڨ Bruno Guigue
  برونو ڨـيـڨ من مواليد 1962 بتولوز (فرنسا) هو مفكر ومحلل سياسي فرنسي وأستاذ فلسفة جامعي محاضر في العلاقات الدولية . شغل خطة موظف دولة سام في عهد ساركوزي وأقيل من منصبه لعدم تأييده للانحياز السركوزي لاسرائيل وعدائه للصهيونية. يكتب باستمرار في موقع أمة كوم oumma.com ويناصر بلا هوادة القضايا العادلة للعرب والمسلمين وعلى رأسها قضية فلسطين ونضالات المقاومة في لبنان وسوريا.

له العديد من المؤلفات نذكر منها:
في جذور الصراع الإسرائيلي العربي:الندم الغير مرئي للغرب

Aux origines du conflit Israélo-arabe: l’invisible remords de l’Occident (L’Harmattan, 2002)

الشرق الأوسط وحرب الكلمات
Proche-Orient : la guerre des mots, L'Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », Paris, Budapest et Turin, 2003

أسباب العبودية
Les raisons de l'esclavage, L'Harmattan, coll. « Économie et innovation. Krisis », Paris, Budapest et Turin, 2002

هل يتوجب حرق لينين ؟
Faut-il brûler Lénine ?, L'Harmattan, Paris, Montréal et Budapest, 2001
اقتصاد التضامن: بديل أو حل مؤقت؟
Économie solidaire : alternative ou palliatif ?, L'Harmattan, coll. « Économie et innovation », Paris et Montréal, 2002



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