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lundi 16 mars 2020

Rachel Corrie ne se battait pas contre des moulins à vent

"Je suis en Palestine depuis deux semaines et une heure, et les mots me manquent encore pour décrire ce que je vois. [...] Je ne sais pas si beaucoup d'enfants ici ont jamais vécu sans voir des trous d'obus dans leurs murs et les miradors d'une armée d'occupation les surveillant constamment depuis les proches alentours.[...] Personne ne peut imaginer ce qu'il se passe avant de l'avoir vu – et même alors, on a toujours conscience que notre expérience ne reflète pas la réalité : du fait des difficultés auxquelles l'armée israélienne serait confrontée si elle tuait un citoyen américain non-armé ; du fait que j'ai, moi, les moyens d'acheter de l'eau quand l'armée détruit des puits et surtout parce que j'ai la possibilité de partir " (Rachel Corrie, citée par Hélène Sallon [1])
 
Au rétroviseur, ce sont tes mots, Rachel Corrie, qui courent après nous. Comme un panache de flammes et de fumée, de part et d'autre s'évasant, au fur et à mesure de l'ascension céleste, autour d'une gerbe d'étincelles dorées. C'est l'auréole de ta couronne, au rétroviseur, qui nous poursuit.

Rachel Corrie
Tes mots et leurs lots de maux trempés dans l'encre de tes affres, indélébiles malgré les tourbillons des ans, les vents et la fumée qui monte, fumée des incendies et des bûchers embrasant le lit de Jésus, ne nous lâcheront pas de si tôt. Et nous voudrions qu'ils nous escortent plutôt que de nous poursuivre, tes mots, pour nous éclairer sur le chemin que tu avais choisi, la foi qui a fait de toi l'une des nôtres, ton combat à mains nues, qui n'était pas contre des moulins à vent [2], mais contre des colons et leurs moulins à café [3] ciblant la résistance légitime d'un  peuple livré à sa solitude, et qui se défend quand même sans répit.

Nous voudrions que tes mots nous escortent après toi, pour le combat tien à ne pas cesser, afin que l'épi de blé redevable à ta foi, à jamais succède au grain mort. A jamais honore ta mémoire.



C'est la 17e chandelle qui nous le redit. Ce sont 17 ans qui suent après nous dans ce long marathon contre l'oubli. Et à chaque relai, la chandelle éteinte et celle qui la suit nous sermonnent de leurs dits: pas de rémission, pas d'oubli. Interdit de tourner leur page aux monstres et leur crime. 

Ce sont, au rétroviseur, 17 ans qui huent la justice à deux poids deux mesures. 17 ans d'appels, de cris, d'indignations contre la honteuse complaisance du soi-disant monde libre, la complicité criminelle de l'Occident avec les assassins.

Mais, sauf respect de ta couronne, petite sœur, leur justice [4]
péripatéticienne et patronne de fieffées putains, ne sait que s’enorgueillir de ses coucheries et faire aux justes causes outrage et injure.
Rachel face au bulldozer assassin


Petite fleur écrabouillée sous le fer de la barbarie, petite sœur qui as répudié le duvet de l'insouciance, la douceur du foyer, les confort moral et matériel, pour t'impliquer dans une cause interpellant ta conscience incorruptible, tous les 16 mars ton sang fleurit. Comme un immense rosier plus fort que les chenilles des bulldozers et les chars de la haine, il nous tend, depuis la terre de ton martyre, chargées de tes fragrances paradisiaques, ses branches fleuries.  

Tous les 16 mars, c'est dans le bain de ton incorruptible parfum que la mémoire des hommes libres devrait se ressourcer.
 
A. Amri
16.03.2020


2- La fin inavouée de ce meurtre au clair du jour et en présence de témoins était de passer, à mon sens, un message faisant de Rachel Corrie une sorte d'avatar de Don Quichotte.

3- Dans l'argot militaire, "moulin à café" désigne la mitraillette.

4- La justice dont il est question ici dépasse le cadre juridique, restreint, des Sionistes: ceux-ci ont déjà débouté les parents de Rachel Corrie dans le procès qu'ils avaient intenté contre l’État d'Israël. Par conséquent, ce sont les instances juridiques internationales, les États et les ONG qui prêchent le "droit d'ingérence" en tel ou tel pays, tout en se l'interdisant dès qu'on leur rappelle d'appliquer ce droit aussi en Israël, qui sont concernés par cette interpellation.




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