lundi 13 novembre 2023

Nous n'allons pas décamper

 

Si lourde puisse être la rançon de leur résistance, les Gazaouis ne décamperont pas. Et c'est le message que transmet à qui de droit l'auteur de ce cri sur la vidéo ci-dessous: un officier de la Protection civile palestinien dont la femme, les enfants et les parents ont été décimés par une frappe israélienne ayant détruit son appartement et ceux des voisins, dans un habitat collectif au camp Jabalya, le plus surpeuplé de tout Gaza. 

"Hamdoullah malgré tout ! crie-t-il. Nous ne dirons pas "ouille"! Nous ne hisserons pas de drapeau blanc ! Nous resterons ici sur les décombres de nos maisons. Nous n'allons décamper nulle part, quitte à nous faire enterrer sous le dernier pan de mur qui nous servira d'abri !"





A. Amri
13. 11. 2023

vendredi 10 novembre 2023

Emily Callahan: "Je reviendrai au plus tôt à Gaza, là où j'ai laissé mon cœur"

Emily Cali Callahan est une infirmière américaine qui vient de rentrer aux USA après avoir été évacuée de Gaza. Au sein de Médecins Sans Frontières (MSF), elle a travaillé à l'Hôpital indonésien qui, à l'heure où la vidéo ci-dessous est mise en ligne, risque de subir (avec l'Hôpital Al-Shifa et l'Hôpital al-Rantissi entre autres) le même sort que l'Hôpital baptiste rasé, le 17 octobre dernier, par un missile israélien. Pour rappel, cette frappe a fait près de 500 personnes entre morts et blessés et soulevé des vagues d'indignation dans le monde entier. 

Interviewée par Anderson Cooper sur CNN, Emily Callahan nous fournit un poignant témoignage sur la situation catastrophique de l'ensemble de la population gazaouie et du personnel infirmier et médical des hôpitaux qu'elle a laissé derrière elle. A travers l'épreuve personnelle qu'elle a vécue avant de pouvoir quitter Gaza, ce ne sont pas seulement ses propres affres et celles de tout un peuple livré à l'intenable enfer de la guerre qu'elle a voulu nous transmettre. Mais aussi et surtout une image "revue et corrigée" du Palestinien que certains idiots tentent incessamment d'assimiler à un "animal humain"*. 

"Ceux que j'ai laissés derrière moi, dit-elle, ceux qui refusent de partir de Gaza, sont des héros. Et le peuple palestinien avec lequel j'ai travaillé, à la fois notre personnel gazaoui au bureau et mon personnel à l'hôpital indonésien, sont parmi les personnes les plus incroyables que j'ai jamais rencontrées dans ma vie." 

Ne nous étonnons pas que cette femme dise au journaliste qui lui demande à la fin de l'interview si elle compte revenir un jour à Gaza: "Le plus tôt possible. Mon cœur est à Gaza, et il restera à Gaza." 

 


 

A. Amri 

10. 11. 2023 

 

* Yoav Galant n'est pas le premier israélien à adopter cette vision sioniste du Palestinien et de l'Arabe en général. Rappelons qu'en 1982, Menahem Begin disait que “les Palestiniens sont des bêtes qui marchent sur deux pattes”. Et 18 ans plus tard, soit en 2000, Ehud Barak "affine" davantage cette image en affirmant que "les Palestiniens sont comme les crocodiles, plus vous leur donnez de viande, plus ils en veulent".

jeudi 9 novembre 2023

Gaza-Palestine, nous n’avons pas trahi nos poèmes (Abdellatif Laâbi)

 

« Ces extraits d’un poème que j’ai écrit il y a plus de vingt ans démontrent à mon avis que, de l’histoire dite humaine, c’est la barbarie qui se répète le plus. Ceux qui dissèquent le phénomène gardent les yeux secs. Moi, je ne le peux pas. Je dis plutôt ce qui me brise le cœur. » (A. Laâbi)

 

Dessin de Naji al-Ali
 

 
Le tunnel, le revoici
long, long
sur une autre terre
où l’on ne peut même pas enterrer ses morts
Je t’ai nommée : Palestine !
Je pense à vous
mes amis de là-bas
dont j’ai traduit les poèmes
« Je vous appelle
et serre vos mains* »
puis je me sens tout bête
Qu’ai-je à dire que vous ne diriez
non pas mieux, mais avec une autre matière des mots :
le blanc insondable de la terreur
le noir indélébile du sang
le pourpre du rêve violé
le gris vénéneux des décombres
le jaune dément de la chair brûlée
le vert du torrent injuste des larmes
le bleu ivre des malédictions ?
Le tunnel, que voici
long, long !
Quelle est cette époque
qui nous broie dans son camion à ordures
Quelle est cette planète
qui nous ferme au nez toutes ses portes
et ne nous laisse comme voie de sortie
que celle où il faut apporter la preuve
du désespoir absolu ?
Ô nuit !
toi de nouveau
rare refuge pour les désemparés
Et pour l’œil
pâturage unique
Peut-être y a-t-il sur une de tes étoiles
un esprit pur, un témoin juste
qui nous regarde et souffre de ne pas pouvoir
lever son petit doigt
Peut-être n’y a-t-il rien
et que ce silence sidéral obéit lui aussi
à l’abjecte loi de l’indifférence
Comment en être sûr ?
Ô nuit !
donne quelque chose
ne serait-ce qu’un brin d’illusion
ce succédané de l’espoir
ne serait-ce qu’un rai
identifiable à une promesse
même la plus vague
ne serait-ce qu’un souffle
même le plus ténu
qui ranime un peu les cendres de l’âme
Mais de grâce, épargne-nous la pitié
Tout, sauf cela !
Je pense à vous
mes amis de là-bas
et brusquement, je ne sais plus ce que penser veut dire
ce qu’écrire veut dire
La douleur a pris les rênes et fouette à mort
la monture du corps
Les parois du tunnel se rapprochent
J’étouffe de votre étouffement
Je me protège la tête comme j’ai vu tant de fois
le faire vos enfants
Je crie pour ne pas nous voir enterrés vivants
Je tremble comme tout être intègre
au moment de la vérité
Je crois un instant et apostasie au suivant
Je crache sur la table des Lois
et appelle à mon secours
l’apocalypse
Je rampe à l’aveuglette sous les décombres
de la défunte humanité
et parfois, ô délice
je doute ferme de mon existence
D’un battement de paupières
j’annule tout
D’abord ma condition de ver de terre
ensuite la Genèse, le jour des Comptes
en passant par le purgatoire
Sans état d’âme, j’efface cette caricature
et sur le métier remets l’ouvrage
Je sens monter en moi la parole sans égale
et je ne suis l’émissaire de personne
Je ne dis pas à la lumière : soit !
mais s’il te plaît
Je ne dis pas à la justice : frappe !
mais sois juste
Je ne dis pas à la beauté: couche-toi !
mais rayonne tel un soleil libre
de toute obligation
Je ne m’adresse pas à des tribus ou à des peuples
mais à ceux-là seuls
qui souffrent de la souffrance des autres
et ne s’en vantent pas
Je délire de votre délire
ô mes amis
pardonnez-moi
Le tunnel est encore là
long, long !
J’y suis tant que vous y serez
car moi non plus
je n’ai pas « trahi mes poèmes »
« Je vous appelle
et serre vos mains »
 
Abdellatif Laâbi (poète marocain)

 



Du même auteur: version arabe
غزّة-فلسطين
لا، لم نَخُنْ أشْعارَنا
النفَق
ها هوذا من جديد
طويلٌ، طويل
في أرض أخرى
لا يستطيع فيها الناسُ
حتى أن يدفنوا موْتاهم
أسْميْتُكِ يا فلسطين!
أفكر بكم
يا أصدقائي هناك
الذين تَرجمْتُ قصائدَهم
"أناديكم
أشدُّ على أياديكم"
ثم أشعر بالغباء
ماذا لديّ لأقوله
ممّا قد تقولونه أنتم
ليس بطريقة أفضل
بل بمادَّةٍ مختلفة من الكلمات:
بياضُ الرّعْب، الذي يتعذَّر سَبُره
سوادُ الدم، الذي يتعذّر مَحْوُه
أرجوانيُّ الحلم المغتَصَب
رماديُّ الأنقاض المسمومُ
الأصفرُ المعتوهُ للَّحمِ المحروقِ
أخضرُ السيْلِ الظالمِ للدموع
أزرقُ اللعَنات الثمِلُ؟
هذا النفق
طويلٌ... طويلٌ
ما هذا العصر
الذي يطْحنُنا في شاحنةِ قمامته
ما هذا الكوكب
الذي يغلق في وجوهنا كلَّ أبوابه
ولا يترك لنا من مَخرجٍ
سوى المسلَك الذي يجب فيه تقديمُ الدليل
على اليأس المطلق؟
يا ليلُ
أنتَ من جديد
أيّها الملاذُ النادر للْحَيارى
والمَرْعى الوحيد
للعَين
ربما توجدُ فوق إحدى نجماتكَ
روحٌ نقيّةٌ، شاهِدٌ منصِفٌ
ينظر إلينا ويتألم من عجزه
على رفْعِ إصبعه الصغير
ربما لا يوجد شيء
وهذا الصمت النجْميّ يمتثل هو أيضا
لقانون اللّامبالاة الوَضيع
كيف لنا أن نعرف؟
يا ليلُ
اِعطِ شيئاً ما
ولو ذرة وهْمٍ
هذا البديلُ البخْس للأمل
ولو شُعاعا يمكن تمييزه من وعدٍ
وإن كان أشدّ الوعود ضبابيةً
ولو نفْحةً وإن كانت في غاية الخفّة
تُحْيي رَمادَ الروح قليلاً
ولكن رجاءً، جنِّبْنا الشفقة
كلُّه، إلاّ هذا!
أفكّر بكم
يا أصدقائي هناك
وفجأةً لا أعودُ أعرف ما معنى تفكير
ما معنى كِتابَة
لقد أمسكَ الألمُ بالزمام
وراح يسوطُ حتى الموت مطيَّةَ الجسد
تتقاربُ جدران النفق الداخلية
أختنقُ من اختناقكم
أحْمي رأسي
مثلما رأيتُ أولادكم مرّات كثيرة
يفعلون
أصرخُ كي لا أرانا نُدفَنُ أحياء
أرتجف مثل أيِّ كائنٍ
ساعةَ الحقيقة
أؤمن في لحظة وأكفُر في التالية
أبصق على لوح الوصايا
وأستنجدُ بالفَناء
أزْحفُ على غير هدىً تحت أنقاضِ
البشريةِ المُتوفّاة
وأحياناً، يا للنعيم!
أشكُّ بشدةٍ بوجودي
بِرَفَّةِ جفنٍ
أُلغي كلَّ شيء
أولاً ظَرفي كدُودةِ أرض
وبَعدَهُ سِفر التكوين
يوم الحساب
مروراً بالمَطهر
بدون تردّد
أمحو هذا الكاريكاتير
وفوق النَّوْلِ أضع من جديدٍ عملي
أشعر بالكلام الفريد من نوعه يصعد بداخلي
ولستُ رسولَ أحد
لا أقول للضّوءِ
كُنْ!
بل من فضلك
لا أقول للعدالةِ
اضرِبي!
بل كوني عادلةً
لا أقول للجمال
استلْقِ!
بل اِسْطَعْ
مثل شمسٍ حُرّةٍ من كل إكراه
لا أتوجَّهُ إلى قبائل أو شعوب
وإنما فقط إلى أولئك
الذين يتألّمون لألم الآخرين
ولا يتباهون بذلك
أهذي لهذيانكم
يا أصدقائي
سامحوني
النفق ما يزال هنا
طويل، طويل
سأبقى فيه طالما بَقيتُمْ
لأنني أنا أيضاً
لم "أخُنْ أشْعاري"
"أناديكم
أشدُّ على أياديكم"
 
 
عبد اللطيف اللعبي ، شاعر مغربي



mardi 7 novembre 2023

Ahed Tamimi: nouvelle arrestation

En arabe, son prénom " عهد [âhd]" signifie "serment, promesse solennelle, engagement". C'est à croire qu'à travers ce tout premier élément identitaire, sitôt nommée par ses parents la nouvelle-née des Al-Tamimi était déjà vouée à la cause politique du peuple auquel elle appartient. 

 Dès sa prime enfance, ses amis et proches l'appellent "la Lionne". En Israël, on la surnomme « Shirley Temper » -en référence à l'actrice des années 1930-40 Shirley Temple, enfant star de renommée internationale[1]. Certains même, comme le quotidien israélien Haaretz, ne s'embarrassent pas de la comparer à Jeanne d'Arc, héroïne de l'histoire de France surnommée posthumément « la Pucelle d’Orléans »[2]. Pour Amnesty International, cette icône du combat pacifiste arabe est la « Rosa Parks palestinienne", en référence à la figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, surnommée « mère du mouvement des droits civiques » par le Congrès américain. 


Telle est Ahed Tamimi, la militante palestinienne que l'occupant sioniste vient d'arrêter hier (dans la nuit du 5 novembre 2023) pour sa soi-disant incitation au terrorisme. Aujourd'hui âgée de 22 ans, Ahed Tamimi est née dans une grande famille de militants palestiniens de Bir Salah. Son père a été arrêté 12 fois, torturé et emprisonné à multiples reprises. Beaucoup de ses proches de la famille al-Tamimi ont été tués par les forces d'occupation israéliennes lors de la première et seconde intifada. Ahed a fait son baptême de feu contre l'occupant sioniste alors qu'elle est à peine âgée de 4 ans. A 16 ans, pour avoir bousculé, frappé et giflé un militaire israélien appuyé sur un mur de la maison des al Tamimi, Ahed est arrêtée le 19 décembre 2017 par les militaires de l'armée sioniste et condamnée à huit mois d’emprisonnement. A sa libération en juillet 2018, elle entame une tournée internationale au cours de laquelle elle se fait l'ambassadrice de la cause palestinienne.

La nouvelle arrestation de cette militante s'inscrit dans le contexte de répression massive du peuple Palestinien en Cisjordanie, laquelle va de pair avec le génocide perpétré contre les Gazaouis : du 7 octobre au 6 novembre 2023, ce sont plus de 2100 personnes qui ont été arrêtées dans la rive occidentale du Jourdain. Et alors que les raids sur Gaza ont fait plus de 11 000 martyrs, 151 supplémentaires sont tombés sur cette rive.

A. Amri

7. 11. 2023

 

Notes :



[1] Ruth Eglash, « Israelis call her ‘Shirley Temper.’ Palestinians call her a hero. » (The Washington Post, 19 décembre 2017).

[2] Uri Avnery, « Opinion Joan of Arc in a West Bank Village », Haaretz, 2 janvier 2018 https://www.haaretz.com/opinion/2018-01-02/ty-article/.premium/joan-of-arc-in-a-west-bank-village/0000017f-f668-d044-adff-f7f968210000

 


 

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...