En 2013, le nuancier américain Pantone a fait du vert émeraude la couleur de l'année. Après le radian orchid sacré pour 2014, c'est le marsala qui lui succède pour 2015. Et pour l'année en cours, ce sont Rose Quartz et Serenity que le nuancier américain a choisis pour ce titre.
Pantone est propriétaire de pas moins de 800 teintes brevetées conçues à l'usage des imprimeurs, des designers, des fabricants de cosmétiques et des industriels des tissus.
Sans être ni actionnaire de cette firme ni branché sur la mode et ses couleurs, les consécrations de Pantone nous intéressent car elles honorent aussi d'une certaine façon la langue arabe. Emeraude1, marsala et rose2 dérivent de cette lange.
Le havre d'Allah
D'une teinte ambrée intense évoquant à la fois le sirop de grenadine et le vin sicilien dont il tire le nom, le marsala peut figurer à mi-nuance entre l'alizarine et le bordeaux, dans le champ chromatique du rouge.
L'étymologie de ce mot puise son histoire et son sens dans la Sicile arabo-musulmane du 9e siècle. En 830, les musulmans ont conquis Trapani, ville italienne la plus proche de l'Ifriqia. Ayant débarqué à Lilybée, port sicilien qui, pendant les guerres puniques, était une importante base navale des Carthaginois, les conquérants ont rebaptisé le lieu de leur débarquement: Marsa Allah مرسى الله (port/ havre de Dieu). Sous sa forme contractée Marsala, le nom arabe est resté à ce jour en Sicile. Comme tant d'autres toponymes3 et mots de même origine4.
Pantone est propriétaire de pas moins de 800 teintes brevetées conçues à l'usage des imprimeurs, des designers, des fabricants de cosmétiques et des industriels des tissus.
Sans être ni actionnaire de cette firme ni branché sur la mode et ses couleurs, les consécrations de Pantone nous intéressent car elles honorent aussi d'une certaine façon la langue arabe. Emeraude1, marsala et rose2 dérivent de cette lange.
Le havre d'Allah
D'une teinte ambrée intense évoquant à la fois le sirop de grenadine et le vin sicilien dont il tire le nom, le marsala peut figurer à mi-nuance entre l'alizarine et le bordeaux, dans le champ chromatique du rouge.
L'étymologie de ce mot puise son histoire et son sens dans la Sicile arabo-musulmane du 9e siècle. En 830, les musulmans ont conquis Trapani, ville italienne la plus proche de l'Ifriqia. Ayant débarqué à Lilybée, port sicilien qui, pendant les guerres puniques, était une importante base navale des Carthaginois, les conquérants ont rebaptisé le lieu de leur débarquement: Marsa Allah مرسى الله (port/ havre de Dieu). Sous sa forme contractée Marsala, le nom arabe est resté à ce jour en Sicile. Comme tant d'autres toponymes3 et mots de même origine4.
A
la fin du 18e, le
mot s'est internationalisé par le biais d'un label viticole crée par
John Woodhouse, un négociant en vins anglais établi en Sicile. Ce
négociant longeait la côte de Trapani à bord d'un navire marchand, en
1773, quand une forte tempête a contraint l'embarcation d'accoster à
Marsala
et d'y rester clouée plusieurs jours. C'est à la faveur de ce
contretemps, en réalité manne
insoupçonnée, que John Woodhouse découvre un vin local appelé Perpetum.
Le goût fortifié de ce vin est tellement savoureux qu'il ravit le
marchand. Et celui-ci en achète un lot de 52 pipes (près de 21 mille
litres) qu'il ramène à Liverpool. Le lot est écoulé en quelques jours,
ce qui décide Woodhouse à s'installer en Sicile, trois ans plus tard,
pour y créer sa propre entreprise de production. Et par gratitude à la
terre qui lui a permis de découvrir le précieux vin et qui fera sa
prospérité, il fait de Marsala son label commercial, l'appellation de
vin substituée à Perpetum.
En très peu de temps, le vin de
Marsala a acquis une renommée internationale et fut partout prisé, y compris
en Amérique et en Australie.
Le français en couleurs arabes
Voici, puisés dans le lexique français d'origine arabe, près de 90 mots qui désignent des couleurs:
abricot, alezan, alizarine, ambre, anil, anis, arzel, aubère, aubergine, auburn, azur, azuré, azurin, balais, banane, basane, cachou, café, capucine5, caramel, carmin, carminé, cassis, cerise, chamarré, poil de chameau, chamois6, châtain, chaudron, cinabre, cinabarin, cinabrin, citrin et citron, corail et corallin, corbeau, cramoisi, ébène, écarlate, électrique, émeraude, fané, garance, guède, gueules, hyacinthe, indigo, isabelle, jaune7, lapis-lazulli, lilas, vert lime, malachite8, mandarin, marsala, mastic, mauve, mordoré, moreau, nacarat, nacré, jaune de cadmium, rouge de cadmium, rouge naphtol, orangé, orange, orangeâtre, pistache, pourpre, pourpré, empourprer, réglisse, rosacé, rosâtre, rose, rosé, rosi, safran, safrané, safre, sapin, sauge, sombre, assombrir, assombrissement, smaragdin, tabac, topaze, vert9, zain, zinzolin.
Ahmed Amri
27 mars 2016
==== Notes ====
1- De l'arabe zomorrod, lui-même forme adoucie de zabarjad زبرجد , de zabar زبر: pierre + jad جد: grandeur, chance, bonheur, richesse.
2- Voir sur ce blog De deux mots il faut choisir le moindre.
3- Dont Alcamo, Calatafimi, Regaleali, Mongibello, Favara, Palais de la Zisa, etc.
4- Pour les mots arabes en langue italienne, voir:
- Luigi Rinaldi, Le parole italiane derivate dall' arabo, Napoli, 1906.
- Enrico Naeducci, Saggio di voci italiane derivate dall'arabo, Rome, 1858
5- Capucine, capucin, capuche, capuchon, cappucino, du latin tardif capa, de l'arabe cobbaâ قبعة [coiffe, calotte, béret] : le mot latin caput est une translittération de l'arabe qafa قفا. Le français cap /chef est issu de l'arabe القب qui signifie la même chose: chef, seigneur, roi et tête.
6- Voir aussi Charles de Pougens, Trésor des origines et dictionnaire grammatical raisonné de la langue française (Paris, 1819), p.219
7- D'après le TLFi, du lat. galbinus « vert pâle ». L'arabe جَوْنٌ jawn, fém. جَوْنةٌ jawna, qui désigne plusieurs nuances de couleurs dont le doré crépusculaire du soleil, le blanc, la verdeur foncée, la noirceur rougeâtre, tiré de "جَوْنةٌ jawna" qui désigne le disque solaire, me semble plus pertinent que le mot latin.
8- D'après l'encyclopédie Universalis, "l'étymologie de la malachite est incertaine, elle peut venir de sa faible dureté (du grec malakos, « mou ») ou de sa couleur qui rappelle celle des feuilles de la mauve (du grec malakhê, « mauve »).
La racine arabe trilitère mlk a donné mouloukhia. De ce mot s'est tiré le malakhê grec qui a donné le "mauve" français. Malachite est tiré de la même racine.
Le grec malakos, « mou » est lui-même tiré de malak: ange et symbole de douceur.
9- Du verbe arabe ورس waraça (verdir), de وُرُوس worous (verdeur) de وَرْسٌ wers (plante d'origine yéménite dont on tirait une substance safranée, autrefois usitée comme cosmétique chez les Arabes. Le " wو" du mot arabe se permute souvent par "v" (vizir[wazir وزير], varan [waral ورل], vakil [wakil وكيل], valet [walad ولد]... La désinence finale, en supposant que le français ait été tiré du latin viridis, et celui-ci de vireo, s'expliquerait par un rhotacisme, fréquent en latin, à l'exemple de "honos" devenu "honor".
"Refuser": un verbe qui refuse l'incertitude de Littré et l'ingéniosité de Diez
Le français en couleurs arabes
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abricot, alezan, alizarine, ambre, anil, anis, arzel, aubère, aubergine, auburn, azur, azuré, azurin, balais, banane, basane, cachou, café, capucine5, caramel, carmin, carminé, cassis, cerise, chamarré, poil de chameau, chamois6, châtain, chaudron, cinabre, cinabarin, cinabrin, citrin et citron, corail et corallin, corbeau, cramoisi, ébène, écarlate, électrique, émeraude, fané, garance, guède, gueules, hyacinthe, indigo, isabelle, jaune7, lapis-lazulli, lilas, vert lime, malachite8, mandarin, marsala, mastic, mauve, mordoré, moreau, nacarat, nacré, jaune de cadmium, rouge de cadmium, rouge naphtol, orangé, orange, orangeâtre, pistache, pourpre, pourpré, empourprer, réglisse, rosacé, rosâtre, rose, rosé, rosi, safran, safrané, safre, sapin, sauge, sombre, assombrir, assombrissement, smaragdin, tabac, topaze, vert9, zain, zinzolin.
Ahmed Amri
27 mars 2016
==== Notes ====
1- De l'arabe zomorrod, lui-même forme adoucie de zabarjad زبرجد , de zabar زبر: pierre + jad جد: grandeur, chance, bonheur, richesse.
2- Voir sur ce blog De deux mots il faut choisir le moindre.
3- Dont Alcamo, Calatafimi, Regaleali, Mongibello, Favara, Palais de la Zisa, etc.
4- Pour les mots arabes en langue italienne, voir:
- Luigi Rinaldi, Le parole italiane derivate dall' arabo, Napoli, 1906.
- Enrico Naeducci, Saggio di voci italiane derivate dall'arabo, Rome, 1858
5- Capucine, capucin, capuche, capuchon, cappucino, du latin tardif capa, de l'arabe cobbaâ قبعة [coiffe, calotte, béret] : le mot latin caput est une translittération de l'arabe qafa قفا. Le français cap /chef est issu de l'arabe القب qui signifie la même chose: chef, seigneur, roi et tête.
6- Voir aussi Charles de Pougens, Trésor des origines et dictionnaire grammatical raisonné de la langue française (Paris, 1819), p.219
7- D'après le TLFi, du lat. galbinus « vert pâle ». L'arabe جَوْنٌ jawn, fém. جَوْنةٌ jawna, qui désigne plusieurs nuances de couleurs dont le doré crépusculaire du soleil, le blanc, la verdeur foncée, la noirceur rougeâtre, tiré de "جَوْنةٌ jawna" qui désigne le disque solaire, me semble plus pertinent que le mot latin.
8- D'après l'encyclopédie Universalis, "l'étymologie de la malachite est incertaine, elle peut venir de sa faible dureté (du grec malakos, « mou ») ou de sa couleur qui rappelle celle des feuilles de la mauve (du grec malakhê, « mauve »).
La racine arabe trilitère mlk a donné mouloukhia. De ce mot s'est tiré le malakhê grec qui a donné le "mauve" français. Malachite est tiré de la même racine.
Le grec malakos, « mou » est lui-même tiré de malak: ange et symbole de douceur.
9- Du verbe arabe ورس waraça (verdir), de وُرُوس worous (verdeur) de وَرْسٌ wers (plante d'origine yéménite dont on tirait une substance safranée, autrefois usitée comme cosmétique chez les Arabes. Le " wو" du mot arabe se permute souvent par "v" (vizir[wazir وزير], varan [waral ورل], vakil [wakil وكيل], valet [walad ولد]... La désinence finale, en supposant que le français ait été tiré du latin viridis, et celui-ci de vireo, s'expliquerait par un rhotacisme, fréquent en latin, à l'exemple de "honos" devenu "honor".
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