Elle était de tous les combats.
Fille d'une professeure d'arabe et d'un perspectiviste qui a
subi la prison et la torture sous Ben Ali, elle semble avoir bu avec le
lait maternel sa trempe de résistante tunisienne. Et son courage
à toute épreuve, inébranlable, sur tous les fronts.
De la lutte ardue
contre la dictature à celle, pas moins ardue, contre
la maladie(1), en
passant par les combats de chaque jour pour une Tunisie qui vaille plus
de considé-ration et de fierté, Lina est restée constamment fidèle à la résistante-née.
Lina Ben Mhenni |
Ci-dessous, en modeste hommage à celle que la mort nous a ravie, la
traduction d'un extrait de sa première page de blogueuse. Je crois que
c'est son baptême de feu en tant que cyberdissidente. Et Lina le dédiait
aux prisonniers politiques. Non sans en appeler, à travers le dit et le
non-dit du texte, à la conscience des Tunisiens soumis au bâillon de la terreur pour en prendre
acte.
"Que vous dire ? Une année s'est écoulée; une autre
commence. Et vous êtes derrière les barreaux. Que pourrais-je dire encore ?
L'histoire sublimera votre résistance mais citera avec mépris notre
lâcheté, notre soumission, notre résignation. Je transpire à grosses
gouttes d'amertume. La colère tourmente ma langue comme une orange
passée au pressoir.
Que vous dire de plus, sinon ce que Ghassan
Kanafani(2) a dit: "[...] Je ne peux pas m'assoir pour ravauder mes
blessures comme les hommes leurs chemises."
Hommes libres, la douleur étreint mon cœur quand je vois à quel niveau d'indifférence nous sommes arrivés.
Vous avez porté, vous portez et porterez ce rêve de leur mettre sous la
gorge la lame tranchante de la vérité. Et ils vous ont enchainés aux
fers. Mais vous avez opposé aux chaînes votre résistance, votre force et
votre foi en vos principes.
Puissiez-vous demeurer à jamais libres! Que chaque nouvel an célèbre votre résistance ! "
Source: http://atunisiangirl.blogspot.com/2009/
1- Souffrant d'une insuffisance rénale dès l'âge de 11 ans, elle a été soumise d'abord à l'hémodialyse pendant un certain temps, puis, l’insuffisance devenant plus aiguë, à la dialyse péritonéale. On peut imaginer ce que Lina a dû souffrir, quand on sait qu'une séance de ce second type de dialyse dure 10 heures, et que Lina devait en subir 6 par semaine. A quoi ajouter toutes les contraintes imposées par cet état de santé, les privations d'ordre alimentaire, la claustration, etc. Ce calvaire a dû durer je ne sais combien de temps. Son père, puis un oncle, l'un et l'autre voulant lui offrir un rein, ont été disqualifiés, le premier parce que souffrant de diabète, le second étant d'un groupe sanguin incompatible. Puis, en 1916, alors que Lina avait 32 ans, c'est un rein offert par sa maman qui va mettre fin à cette rude épreuve. Lina ressuscitait. Quoique pour quatre ans seulement. Elle pouvait désormais reprendre sa vie normale, travailler comme enseignante d'anglais à l'université, revenir à ses activités sportives, participer à des tournois internationaux au sein d'une équipe nationale de "ressucités" (équipe d'athlètes ayant subi des greffes d'organes) comme elle, et remporter même des médailles.
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