Permettez-moi de vous rappeler que c'est le peuple qui vous a permis d'accéder à la primature. Et ce peuple est encore capable de vous en congédier s'il vous juge indigne de la charge.
Vous êtes au poste de premier ministre pour une période de transition, un épisode éphémère. Et les conditions dans lesquelles vous avez été investi de cette fonction sont censées vous éclairer assez sur les tares reprochées à votre prédécesseur pour n'en être pas vous-même prévenu.
Il semble que ni vous ni votre ministre de l'intérieur n'avez assimilé les règles du jeu politique propre à la révolution. Quand le peuple vous somme d'en finir avec le système Ben Ali, qu'il crie:" RCD, dégage!", qu'il descend dans la rue et monte par deux fois à la Kasbah pour en chasser les imposteurs, vous êtes censé avoir reçu cinq sur cinq le message en vertu duquel vous êtes l'actuel premier ministre.
Or pour oser reconduire dans leurs fonctions des administrateurs de la dictature déchue, comme ce fut le cas récemment avec 117 délégués issus du RCD dissous, que la décision vous revienne directement ou soit du seul ressort de votre ministre de l'intérieur, vous donnez l'impression que vous n'avez tiré aucune leçon des deux sit-in de la Kasbah. Au peuple qui crie:" RCD, dégage!" vous rétorquez de manière pour le moins insultante: "Engageons des RCD!"
Le peuple qui a bouté hors du bureau que vous occupez votre prédécesseur l'a fait parce que ce dernier et une bonne partie de son équipe devaient impérativement suivre leur maître. Incarnant de facto les tentacules de la pieuvre benalyenne, la tête de cette pieuvre étant tranchée il serait absurde de soutenir que ces appendices sont sains, qu'ils peuvent s'adapter à la révolution ou que celle-ci puisse les résorber ou s'en accommoder dans cette phase transitoire.
Nonobstant vos déclarations et vos promesses, vous donnez l'impression que vous êtes incapable de rompre réellement avec l'époque révolue. Vous donnez aussi l'impression que vous êtes incapable de comprendre le sens réel de la révolution. Et ce déphasage par rapport au sens de l'histoire et à la volonté du peuple risque de vous emporter vous aussi dans le sillage de ceux qui ont grossièrement insulté le peuple.
Si vous êtes là pour tenter de nous jouer un autre tour de passe-passe, dites-vous que le peuple en a assez qu'on le méprise et qu'on se méprenne encore sur son compte. Dites-vous que ce peuple est prêt à remonter à la Kasbah pour faire valoir ses droits si besoin. Sinon, épargnez au pays et à vous-même cette agaçante tartuferie dont les Tunisiens ne veulent plus.
Le peuple qui a réalisé une révolution exemplaire jusqu'ici, qui a libéré d'autres peuples frères de la léthargie séculaire et incarne depuis le 14 janvier 2010 le porte-flambeau de l'émancipation, le peuple dont l'épopée héroïque est devenue référence dans le monde entier, le peuple qui a donné à la Tunisie ce rayonnement sans précédent ne peut plus vous autoriser ni vous ni vos successeurs à l'insulter!
S'il faut le souligner davantage, dites-vous que ce peuple qui a botté son cul à Ben Ali ne peut plus respirer de près ni de loin la charogne infecte léguée par la dictature. En d'autres termes, RCD et consort dehors! Les hommes de main et les laquais de Ben Ali n'ont plus aucune légitimité pour administrer les affaires du peuple.
Alors, au nom du peuple, faites le ménage comme il se doit dans les appareils administratifs publics ou partez! faites juger les criminels et leurs complices ou partez! Et que la Tunisie en finisse une fois pour toutes avec la carcasse en putréfaction de la pieuvre benalyenne!
Au nom du peuple, donnez un coup de balai à ce tas d'excreta qui étouffe le jasmin de notre Tunisie et profane la révolution!
Au nom du peuple, mettez-vous à la page de la révolution ou .. dégage!
A. Amri
12.03.11