mercredi 15 août 2012

Genèse des Ghajars selon Hamza Al-Asfahani

"Au moment venu, quand les hommes idiots auront fini de s'achever les uns les autres par leur force de brutes, les Enfants du Vent descendront des montagnes du Tibet pour devenir la source d'une nouvelle vie sur terre."
Dit ghajari

En Europe, jusqu'aux années 70 du siècle dernier, selon les pays où ils séjournent ou qu'ils traversent ils s'appelaient Gypsies(Grande Bretagne), Zigeuner (Allemagne), Tsigani (Russie), Gitans, Tsiganes, Manouches, entre autres, (France)...Puis dès le congrès mondial tzigane tenu à Londres en 71, c'est sous le nom de Roms que la communauté d'origines disparates a décidé de s'unifier.Dans le monde arabe, les Roms s'appellent Ghajars(1). On présume que le terme est d'origine turco-persane qui signifie "nomades" (Gocher). Mais compte tenu des découvertes linguistiques faites depuis Gibson, il paraît plus probable que ce mot dérive d'une étymologie hindie, vraisemblablement du gujarati (langue officielle du Gujarat).
Stylistiquement parlant, dans les emplois littéraires et artistiques arabes le mot est plutôt bien famé(2).
Ghajar غجر, substantif, et l'adjectif ghajari غجري sont exclusivement de connotation méliorative. Sous la plume des poètes, ils suggèrent souvent la beauté irrésistible, un charme exotique, en même temps que la liberté. Comme les termes maures, mauresques dans l'imaginaire des humanistes et des orientalistes d'une certaine époque, là où ils s'emploient c'est surtout pour valoriser l'image qui leur est associée et faire rêver(3).

Et cependant, en quelque lieu où qu'ils puissent se trouver, les Ghajars arabes revendiquent rarement ce joli nom
. Eux, quand on leur demande de décliner l'identité et d'éclairer leurs origines, ils puisent dans leur propre rhétorique pour se présenter à leur façon, plutôt sibyllins mais non sans fierté, malgré la précarité de leurs conditions sociales au fil des temps. Fils de la route, Témoins du Temps, Enfants du Vent: c'est sous de telles périphrases, entre autres, brodées au fil de la poésie et berçant l'imaginaire, que les Ghajars aiment à s'appeler.
Fait frappant que rapportent tous ceux qui ont tenté de reconstituer leurs origines parmi les chercheurs arabes, les Ghajars sont peu communicatifs quand ils sont abordés par des Gadjis. Leurs propos sont évasifs; ils n'aiment pas "collaborer"; l’entretien du mystère à leur sujet semble une règle d'usage commune. Si bien que tout ce qui se dit et s'écrit à propos de leur passé lointain, si rigoureux et objectif puisse-t-il être, reste constamment, à notre sens, en deçà de ce qui pourrait faire une histoire ghajarie. Écrite par les Gadjis, cette histoire serait à l'image des annales et chroniques colonialistes. Forcément partisane et suspecte quand bien même elle tente d'appréhender le colonisé dans sa réalité brute. Forcément instrumentalisée au profit d'une idéologie dominante, ou du moins portant le sceau d'une doxa qui renvoie incessamment au monde du colonisateur, et jamais à celui du colonisé.
Compte tenu de l'incessante mobilité d'une bonne partie de la communauté ghajarie, on ignore le nombre exact de Roms dans le monde arabe. Comme presque partout ailleurs. Mais ils se comptent par dizaines de milliers en Irak, en Syrie, en Jordanie et en Égypte surtout. On en trouve quelques milliers en Palestine aussi et dans les pays du Maghreb, quoique dans ces derniers, de par la sédentarisation généralisée, ils se soient intégrés aux populations autochtones bien avant l'indépendance.
Si beaucoup de Ghajars sont musulmans et certains ont contribué par les armes, depuis l'aube de l'islam, à la défense de leur religion(2), selon une étude faite par Mondher Hayek et Darem Tabaâ(3), cela ne concernerait que les sédentaires. Les nomades quant à eux, la plupart ne s'identifient à aucune religion. En même temps, nomades ou sédentaires, les Ghajars arabes n'auraient pas été que des ombres errantes dans l'histoire du monde arabe. Outre leur participation à la guerre contre Erredda (apostasie) qui a suivi la mort du Prophète, on leur impute une certaine part dans un bon nombre de dissensions politiques, notamment sous le califat abasside. Quoique la politique fût loin de leurs préoccupations majeures, dans la plupart des révoltes que connut le monde arabe antique on les soupçonnait d'être souvent dans le rang des rebelles. Que ce soit avec les Zinjs en Irak, les Karmates au Bahrein, ou les dissidents du califat abasside en Egypte, les Ghajars eurent à payer le tribut de leur opposition, réelle ou présumée, au pouvoir(4). Et ce facteur a dû contribuer à leur éparpillement historique, puisqu'ils devaient fuir autant la répression politique que l'oppression des sociétés sédentaires.

Mais quand au juste, et pourquoi, les Ghajars sont devenus Fils de la route, Témoins du Temps, Enfants du Vent? Voici la réponse de Hamza Al-Asfahani, historien musulman du Xe siècle.


Selon Hamza Al-Asfahani (893-962), les Ghajars sont d'origine hindoue, de Bihar plus précisément. D'après ce chroniqueur persan(5), c'est au 5e siècle de notre ère que commence l'histoire des Ghajars en tant que peuple nomade.
Aux origines de ce nomadisme atavique un contrat de travail à caractère festif qui aurait "débauché" singulièrement cette communauté
. En voici les détails.

Bahrâm Ghûr, roi des Perses, était
un souverain qui aimait la poésie courtoise, le vin et la musique. En cela, il ne se distinguait pas tellement de ses pairs en quelque temps et lieu soient-ils, souvent plus enclins à la vie de plaisirs qu'à la rigueur de la conduite et aux soucis de gouvernance. Néanmoins il faut rendre à Bahrâm Ghûr cette justice qu'il se voulait égalitaire dans le domaine des joies, ayant institué la fête comme mode de vie partagé par l'ensemble de ses sujets. Pour ce faire, il a décrété d'abord une loi qui limitait le temps de travail à la matinée. Le reste de la journée devait servir à la détente collective où la musique et les amusements tenaient une place privilégiée.
Mais pour que ce décret soit réellement suivi, il fallait donner au peuple les moyens pour l'appliquer. Un jour qu'il se promenait dans sa capitale pour faire en quelque sorte l'état des lieux, il a vu une assemblée où l'on buvait sans musique. S'étant enquis sur la raison pour laquelle on profanait ainsi le vin et la détente, on lui répondit que les musiciens étaient rares au royaume et qu'il fallait surtout les payer.
Bahrâm Ghûr écrivit alors à son beau-père, le roi de Bihar, demandant qu'on lui recrutât en Inde le plus grand nombre de musiciens. Et le beau-père lui envoya pas moins de douze mille, entre chanteurs et musiciens, accompagnés de leurs femmes et enfants.

"Vous allez divertir mes sujets, leur dit Bahrâm Ghûr, égayer les après-midi et nuits de mon royaume dans toute son étendue. En échange de quoi, vous obtenez pour chaque famille un lopin de terre, un bœuf et un âne, des victuailles couvrant les besoins d'une année et des semences suffisantes pour vos terres.
" Et le contrat fut ainsi conclu.

Chaque jour, dès la fin de la matinée, la Perse entière s'adonnait aux joies de la fête collective. Ces Hindous firent le bonheur des Persans. Et la musique, la chanson, la danse devinrent art de vivre commun. Néanmoins, les contractuels avaient manqué à une clause implicite dans leur pacte avec le souverain. Au lieu de consacrer une part de leur temps au travail de la terre, car les semences et les bœufs distribués les engageaient à travailler dans la matinée, ces Hindous s'étaient adonnés exclusivement à la fête. Et épuisant leurs victuailles, ils ont consommé leurs semences et les bœufs destinés au labourage. Si bien qu'au bout de l'année, ayant épuisé leurs vivres, ils sont allés réclamer d'autres bêtes et victuailles au roi.
Cette démarche, jugée incongrue par le souverain et contraire au pacte conclu, fut lourde de conséquences pour les artistes hindous.
Bahrâm Ghûr refusa de leur donner quoi que ce soit et les chassa sans ménagement de la Perse. Et c'est ainsi que va commencer pour ces milliers d'artistes et leurs familles une ère d'errance sans fin. Ils durent s'éparpiller en trois groupes. Le premier émigra vers la Syrie, l’Égypte et l'Afrique du Nord. Le deuxième s'est réparti entre l'actuelle Géorgie, l'Arménie et la Grèce. Alors que le troisième a rejoint la Turquie puis atteint le centre et l'ouest de l'Europe, pour se concentrer surtout au Portugal et en Espagne.

Telle serait la genèse du nomadisme des Ghajars selon
Hamza Al-Asfahani.

A.Amri
28.08.2011

1-Selon Lotfi Khourian, gypsologue irakien, le mot arabe غجر (ghajar) vient du mot turc Gocher, lui même issu du persan et qui signifie "nomades".

2- Le présupposé de cette expression n'échappe pas aux initiés, cela va de soit: à partir du moment où l'on souligne ce trait, on laisse entendre qu'en dehors du contexte littéraire la réalité pourrait être tout autre. Ce n'est pas notre propos et nous y reviendrons.

2- C'est notamment le cas des Zotts الزط qui se sont battus sous la bannière de l'Imam Ali Ibn Abu Talab (cousin et gendre du Prophète) contre le mouvement d'apostasie حركة الردة qui a eu lieu à la mort du Prophète.

3- Étude parue en Syrie sous le titre الغجر الرحالة الظرفاء المنبوذون (Roms, ou ces galants voyageurs parias).

4- C'est surtout dans la révolte spécifiquement ghajarie connue sous le nom de la révolte des Zotts (816-834) qu'ils sont directement entrés en conflit avec le pouvoir central de Bagdad.

4- Hamza el-Isfahanî (Ibn el-Hasan). - Chroniqueur persan, né, comme son nom l'indique, à Ispahân dans la première moitié du Xe siècle (IVe de l'hégire). Sa vie est peu connue. On sait qu'il séjourna dans plusieurs villes de l'Orient musulman, telles que Meragha, Hamadân, Bagdâd. Il écrivit en arabe plusieurs livres d'histoire, dont un seul nous est parvenu. Nous n'avons pas sa Vie des hommes illustres (Tarikh kibâr el-Bachar), ni son Livre d'Ispahân (Kitâb Isfahân), mais il nous reste ses Annales des Rois de la terre et des Prophètes (Kitâb Mouloûk el-Ard oua'l-Anbiyâ'). Cet ouvrage est le premier dans la littérature de langue arabe où l'auteur ait tenté d'écrire une histoire universelle basée sur un système de chronologie comparée. Les dix livres qu'il contient mentionnent les annales des Perses, des Ptolemées, des empires de Rome et de Byzance, des Grecs, de l'Egypte ancienne et moderne, du peuple d'Israël, de Hira, de Himyar et des Qoraichites, tribu à laquelle appartenait Mohammed et plusieurs califes. Le texte de cette histoire intéressante a été publié, avec une traduction et des notes en latin, par Gottwaldt sous ce titre : Hamzal Ispahanensis Annalium libri X (Petropoli Lipsiae MDCCCXLIV). (Arthur Guy). Source de la notice biographique



Jean Reinhardt (J'attendrai Swing- 1939)

Jean Reinhardt, plus connu sous le nom de Django Reinhardt (né le 23 janvier 1910 à Liberchies en Belgique et mort le 16 mai 1953 à Samois-sur-Seine en France) est un artiste manouche, virtuose de la guitare.
Dès sa prime enfance, alors même qu'il est analphabète et ne sait même pas écrire son nom, il se prend d'amour pour la musique et réussit à imposer son talent dans les salles de spectacle parisiennes.
A 18 ans, un incendie se déclare dans la roulotte qu'il occupe avec sa femme au moment où ceux-ci dorment. Le couple s'en sort vivant, mais Django est atteint de graves brûlures à la jambe et à la main gauche qui nécessitent son hospitalisation pour 18 mois. Il perd l'usage de 2 doigts, ce qui donne à croire que sa vie d'artiste est terminée.
Néanmoins, dès sa sortie de l'hôpital, Django s'impose de longs exercices de rééducation qui lui permettront de développer une technique guitariste nouvelle basée sur 2 doigts.
C'est une telle doigté qui permettra à Django de renouer avec le succès, en même temps qu'il donnera naissance à ce qui deviendra le jazz manouche




La musique manouche de l'Andalousie: interférences avec la musique arabe.




"Comment ça va là-haut?
-Mal! On nous chasse.
-Remontez plus vers le nord.
- C'est pareil; ils ont chassé les autres à coups de matraque. On ne sait plus où aller.
- On est des chiens!
- Non, moins que des chiens. Eux pour leurs chiens ils ont des cliniques, des soins de beauté, des concours d'élégance. On te met en prison si tu touches à un chien. Leur société a toujours l'air normal pour les bébés phoques. Mais pas quand nos femmes accouchent sur des tas d'ordures.
- Qu'est-ce qu'ils veulent?
- Qu'on oublie notre race, notre sang, nos coutumes. Qu'on disparaisse."
Le Gitan - Film de José Giovanni (1975), avec Alain Delon dans le rôle principal.
Elle est ghajarie (Rom) et son peuple n'a pas de petro-dollars, loin de là. Et elle nous donne une belle leçon de générosité!

Pendant 40 ans, elle a été artiste de grande renommée en Roumanie, paraît-il, puis femme d'affaires. Et un jour elle a eu un accident qui a failli lui coûter la vie. Elle s'est retirée alors de la scène artistique pour se consacrer depuis aux œuvres caritatives.
En dehors de son combat pour les Roms, elle ne s'intéresse pas à la politique. Mais elle a eu un coup de cœur pour la révolution tunisienne et le Printemps arabe. "Je suis née en Roumanie, je vis en Italie et je porte la Tunisie dans mon cœur" dit-elle lors de sa première visite en Tunisie, juin dernier, qui est aussi sa première visite dans un pays arabe et musulman. Au cours de cette visite, elle a décidé de lancer des projets humanitaires pour enfants et classes démunis. Elle s'est rendue aussi à Ras-Jedir pour offrir une aide humanitaire aux réfugiés libyens. Et elle est revenue deux fois par la suite chez nous. Au mois de juillet et c'était pour se faire couronner Reine de l’Église Orthodoxe de l'Europe (pour son travail humanitaire et bénévole), intronisation qui devait avoir lieu initialement soit en Roumanie soit en Italie. Et la dernière durant l'Aïd el-fitr (fin de ramadan) pour apporter son soutien à des associations d'aide aux enfants de familles démunies. La prochaine étape dans le programme de cette femme: les enfants de Gaza.

Elle s'appelle Lucia Tuodor. Et elle nous rappelle ces versets du Coran:
وَيُؤْثِرُونَ عَلَى أَنفُسِهِمْ وَلَوْ كَانَ بِهِمْ خَصَاصَةٌ وَمَن يُوقَ شُحَّ نَفْسِهِ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ
(Ils font primer les besoins des autres sur leurs propres besoins, alors même qu'ils vivent dans la nécessité. Ce sont ceux qui se prémunissent contre leur propre avarice qui réussissent [auprès de Dieu]).

Quand on consent une telle générosité alors qu'on est soi-même dans le besoin, qu'on tend la main aux autres alors qu'on est censé attendre soi-même la main secourable, ça ne peut que forcer l'admiration.

ذهب برهان وعبدالعزيز وبقيت حوزة التخوين


نزعة الإقصاء السياسي التي كانت سائدة في عهد بن علي والتي جعلت من بسيس والجريدي وغيرهما من أذيال النظام البائد أبواقا تروج لتكفير المعارضة الحقيقية وتخوين رموزها لم تسقط مع الرئيس المخلوع. وإنما أسقطت فقط لون القناع الذي تحمله لتحيين ما أمكن من الوجه المهترئ والقبيح في حين أبقت على ذات القناعات الإقصائية التي سادت في سنوات الجمر، مع قولبة هذه القناعات في إطار عقائدي راديكالي يذهب أبعد مما ألفناه في عشريتي الدكتاتورية المخلوعة. فهو يذكرنا على أكثر من صعيد بفاشية ما بين الحربين في أروبا الغربية وشمولية العهد الستاليني خلال الحرب الباردة، وكلاهما يجمع سمتين بارزتين في سياسة التعامل مع الآخر: من ناحية المنحى الدغمائي الذي يستند لأحادية الفكر ويؤسس شعاراته السياسية داخل سجن العقيدة رافضا جملة وتفصيلا لثقافة الإختلاف، ومن ناحية أخرى خطاب الدمغجة في أبسط أشكاله البدائية الذي يجيش عامة الشعب لتعبئته في اتجاه الإقصاء المنشود، بالتركيز على تخوين الرموز التي تمثل السياسة البديلة وتكفيرها والتشهير بأتباعها وتشويه صورتها بكل الوسائل بما فيها القدح في أخلاقها وسلخها من كل سمات الوطنية ونعتها بالعمالة للخارج ..أما المشكلة الإقتصادية والبطالة والفقر والحريات الفردية والحقوق المدنية والديمقراطية من ألفها ليائها فتصبح كلها في منظور أصحاب الحوزة الجدد مجرد سفسطة وسفاسف مادية لا تمت في شيء للسياسة ولا تعبر أصلا عن تطلعات الشعب..وهي نفس القناعات التي بررت في تاريخ الشعوب جرائم الإضطهاد وقمع الحريات ونفس الأساليب التي توخاها بن علي للتمترس ثلاثة وعشرين سنة كاملة دون منازع في الحكم
ذهب عبدالعزيز الجريدي وبرهان بسيس وبقيت حوزة التخوين..وهذا معناه أن الثورة التي أطاحت بالرئيس المخلوع ماتزال بعيدة عن وعي الفئة المتمسكة بالحوزة..ولن يكون للديمقراطية في تونس معنى ولا للثورة من شاطئ أمان طالما بقي لهذه الحوزة وجود وجنود

mercredi 4 juillet 2012

L'herbe de ramadan

Les herbes de ramadan se déclinent en plusieurs arômes, pour divers mets appétissants de l'iftar . Toutes se consomment, cela va de soi, après la rupture du jeûne. Mais il en est une qui échappe à cette loi, étant « immanence » et/ou «ordonnance» des abstinences et de leur rigueur. Elle se croque crue, en plein jour, au fort du jeûne. Quand son arôme, pénétrant, irrésistible, titille à la torture les neurones de ses kiffeurs, et donne à ceux-ci la rage aux dents.

Cette herbe « savoureuse » qui est l’apanage des jeûneurs, les Maghrébins l'appellent « hachichat ramadhan »: l'herbe de ramadan.




J'ai oublié bien des évènements qui, en leurs temps, me semblaient faire date. J'ai oublié, fastes et néfastes, bien des jours que je croyais à jamais mémorables. J'ai oublié tant et tant de choses depuis que le temps a fait son œuvre. Et curieusement, cette première journée de ramadan qui pourtant remonte à un bail, jamais je n'ai réussi à la faire tomber dans l'oubli.

Il y a de cela une bonne dizaine d'années, une chaleur d'enfer marquait le premier jour de ramadan. C'était une de ces canicules qui redonnent au mois de jeûne le sens originel de son nom, sens qui échappe de nos jours à la plupart des musulmans1. Et au lieu de rester terré chez moi au frais, à bâiller comme une moule pendant qu'on zappait autour de moi, chacun à sa guise, entre les fines gâchettes déchaînées de Hollywood et les fines recettes d'iftar qui s'enchaînent sur nos chaînes, je fus mal inspiré de fuir la fumée des gâchettes et le gâchis des fumets, pour me rendre l'après-midi au marché. Je croyais trouver le grand souk de Djara, à Gabès, vide et désolant comme le désert de l'Arabie Pétrée. Hélas, je m'étais trompé. Quand j'ai pu me garer et traverser la cité commerciale en direction du marché, c'est un spectacle pour le moins effarant que l'Arabie Pétrée m'a alors offert. Malgré l'enfer de la canicule, le marché donnait l'impression d'une Mecque en tawaf. Une fourmilière humaine en ébullition, partout bouillonnante, plus ardente que le ramdh du jour, à l'assaut des commerces et des étalages, errant en grappes dans tous les sens, s'affairant à s'approvisionner de toutes sortes de victuailles, et avec un zèle tel qu'on se serait cru à la veille d'une pénurie générale.

« Heureusement, me suis-je dit, que je n'ai pas grand chose à acheter». Et c'était vrai, au fond. Deux jours plus tôt, prévoyant l'affluence et l'encombrement marquant le début de ramadan, ma femme et moi avions fait dans des conditions beaucoup plus aisées les courses nécessaires. Mais il y a toujours quelque chose qui manque au saint ramadan, à ses gourmets surtout, un petit oubli dont on s'aperçoit au dernier moment, quand on se pose la grande question:" qu'est-ce qu'on va manger ce soir ?"

Ce premier jour de ramadan, les enfants voulaient pour soupe l'exquise harira de leur mère. Or leur mère s'était aperçue qu'il lui manquait de la coriandre verte, sans quoi sa soupe friande d'herbes aromatisées ne pourrait être réellement soupe ni le moindrement exquise. Il fallait donc lui chercher sans tarder cet ingrédient incontournable. L'enfant de courses au mois de ramadan étant le père des enfants, de bon cœur j'ai pris le couffin et suis parti à la recherche de la coriandre.

En vérité, j'aurais pu me procurer cette plante à deux pas de chez moi, dans l'un de ces petits commerces de proximité qui, malgré la crise et les lamentations des marchands, prospèrent dans tous les quartiers autour de nous. Néanmoins pour ce premier jour de jeûne, j'ai fait le déplacement au grand marché de la ville, espérant tuer une ou deux heures de la journée, éprouvante tant elle s'étirait sans fin.

Au souk de Djara toutefois, le temps se révéla moins propice à se faire tuer qu'à tuer lui-même. Sous un soleil de plomb, assommant, je m'étais senti d'abord comme enivré par cette immersion dans la foule. Se faire pendre en peloton est une plaisance, assure un adage tunisien. Je crois que la circonstance se prêtait parfaitement, ce jour-là, à une communion des âmes de tel ordre ! Accablé par la chaleur, les sensations de ma bouche déshydratée, de ma peau ébouillantée de sueur ou du sang grésillant dans ses veines, je m'étais laissé fondre dans la cohue vagabonde. Ombre de moi-même dissipée parmi les ombres, alangui et ne décidant presque plus de mes pas. Je ne m'étonnais pas d'en arriver à mimer les gestes de ceux que je côtoyais, m'agglutinant à eux où qu'ils pussent s'attrouper, faisant interminablement le tawaf entre les parties couvertes du marché et les étalages de rue, au point d'oublier que j'étais là essentiellement pour une botte de coriandre, et presque plus pour soi-disant tuer le temps.

En vérité, quiconque se trouve coincé dans une telle marée humaine aurait comme moi ses excuses s'il en venait à oublier pour quelles raisons au juste il se trouvait là ! Pour me frayer un passage dans la foule, je devais incessamment donner des coups de coude à droite ou à gauche. Autour de moi, on se ruait presque sur tous les étalages, on se bousculait devant chaque marchand, chaque criée suscitait un grouillement de cohue, une affluence qui grossissait davantage la foule. Et comme certains, beaucoup même, à cause de la maudite « hachicha de ramadan », avaient une humeur de chien, il n'était pas rare de voir dans chaque mêlée des gens qui s'engueulaient. Le plus simplement du monde, dirait-on, sans cérémonie ! Tantôt un marchand débordé et un client pressé, tantôt une dame prise en sandwich avec son couffin et les mufles qui ne voulaient pas la libérer, ou encore un agent de la police municipale, un contrôleur de prix ou un inspecteur du service de santé et un commerçant coupable d'une infraction à tel ou tel règlement. Sinon deux ou plusieurs individus dans la foule, pour une priorité indue, une bousculade malotrue, un oui ou un non jugés insultants.

C'est cela ce que les Tunisiens appellent « hachicha de ramadan » !

Généralement, c'est surtout aux premiers jours du jeûne que cette herbe-là, dans toute sa fraîcheur, embaume les airs, devient irrésistiblement titillante, et rajoute forcément à l'animation du souk ! Se ressentant chacun de sa drogue et sa privation: tabac, café, thé, alcools, on s'irrite pour le moindre prétexte de susceptibilité; et c'est au marché de Djara que la susceptibilité ramadanesque s'épanouit le mieux. Si bien que le souk, de vieille date réputé des plus animés, a fidélisé tout autant les incurables accros de la hachicha ramadanesque que les accros de son kif ! Les premiers viennent à Djara spécialement pour désengorger le venin là où tout s'y prête ! Les seconds quant à eux pour le kif que la télé ni le cinéma ne pourraient procurer ! des badauds qui s'offrent leur spectacle quotidien, réservant leurs places dès midi dans les lieux de grande affluence. Et plus ça gueule chez les premiers, cela va de soi, mieux on est gai du côté des seconds. Quelquefois, si les engueulades ne dégénèrent pas d'elles-mêmes en rixes, on se sent un peu frustré. Alors il se trouve toujours quelque bénévole, une bonne âme musulmane intercédant entre les bouches qui bavent et postillonnent, pour verser de l'huile sur le feu. Au lieu d'apaiser les humeurs exacerbées, on les incite du mieux qu'on peut à corser davantage la hachicha, à y mettre plus d'arôme titillant, plus d'ardeur et de virilité.

Ce jour-là, moi qui suis d'habitude de nature conciliante, moi qui n'éprouve aucun plaisir à voir des gens se disputer autour de moi, il m'est arrivé d'être en la circonstance l’instigateur d'une rixe peu commune, une échauffourée inoubliable !

Mais avant d'avoir à jouer ce rôle peu honorable, et que j'aurais été incapable de tenir -je dois l'avouer, sans le venin de la maudite hachicha qui m'a rendu méconnaissable, il m'a fallu d'abord mener au bout ma circumambulation.

Sans trop savoir comment, avant que je n'eusse pu croiser sur mon chemin la plante qui motivait mon saint tawaf, mon panier s'était mystérieusement alourdi au bout d'un petit quart d'heure, puis rempli à ras-bord. De petits achats qui s'étaient imposés d'eux-mêmes, au fur et à mesure des attroupements où je fus engagé, de façon impérieuse, souveraine ! Je devais probablement subir ce que Gustave Le Bon appelle «évanouissement de la personnalité consciente»2. Devenu soumis aux mêmes lois qui orientaient mes semblables, incapable de me soutirer au fluide magnétique guidant leur pieuse circumambulation, j'aurais été en tout semblable au hadj accomplissant le 5e pilier de l'islam, sauf qu'en lieu et place de la Mecque et sa Kaaba, c'est Djara et son souk qui me tinrent de lieux saints !

"Ramadan karim !"3 criaient de toutes parts les marchands.

Et chacun se voulant plus serviable que son voisin, dévoué à la générosité ramadanesque, devançant votre désir, au besoin vous faisant un prix à vous spécialement, prompt à peser pour Sid errajalla4 la bonne livre et le non moins bon kilo, avant même que Sid errajala ne puisse opiner de la tête pour accepter ou refuser, le marchand jette sur la balance ce qu'il faut au Seigneur, s'autorisant pour celui-ci, à chaque pesée, ramadan karim oblige, un petit excédent qui "ne ferait rien", minime et très pratique pour arrondir le compte. Et alors que le Seigneur des hommes tente de vérifier mentalement le prix qu'on lui crie, l'on happe en un tournemain son panier, par délicatesse d'âme, pour lui épargner la peine d'y ranger lui-même le paquet. Pendant que le marchand voisin, pas moins méritant ni moins serviable, esquisse déjà la pesée qu'il a entretemps jugée indispensable pour Sid errajala !

C'est que, qui n'en conviendra? Ramadan est très donnant, et ses abondantes offrandes ne se refusent pas !

Ne pouvant trimbaler longtemps mon couffin sous un soleil qui flambait ma cervelle, j'ai décidé de regagner ma voiture, garée à près de cinq cents mètres du marché, pour y déposer mes achats. J'ai dû m'arrêter à plusieurs reprises, chemin faisant, pour reprendre le souffle et changer de main. Et quand, hors d'haleine, j'ai pu ouvrir la malle et y vider le couffin, sans les bottes de coriandre qu'il me fallait encore acheter je ne serais pas revenu sur mes pas, fût-ce pour une circumambulation me lavant de tous mes péchés, un tawaf à la sainte Kaaba de la Mecque !

Seulement pour atteindre le bled de la coriandre, il faut traverser d'abord celui des poissonniers! Quelle rude épreuve pour moi que de passer devant tant d'étalages sans faire preuve de la moindre sensibilité aux mille et un ramadan karim me harcelant de toutes parts. Plus dure encore ma résistance à tant de branchies sanguinolentes que l'on écaillait pour moi, et autant de nageoires caudales qu'il me semblait voir presque frétiller au milieu des particules de glace. A un pas de la sortie du marché aux poissons, je m'étais dit que quelques spares dans mon couffin ne manqueraient pas de faire le bonheur de ma femme. Je songeais à la soupe du lendemain ou du jour dont conviendraient les enfants pour une chorba aux poissons; et bien que le prix fût exorbitant, je fis signe au marchand qui me demandait si un kilo m'allait bien qu'une petite livre, et j'articulai pe-ti-te, me suffirait amplement. "Un peu plus, ça ne fait rien?" entendis-je. Et mon panier fut happé à l'instant précis où je voulus dire:"non, juste une livre, s'il vous plaît !" De sorte que j'ai payé, sans plus discuter, ce qui avoisinait les trois livres, pendant que le même poissonnier tentait de m'offrir encore, à prix imbattable, les trois livres de crevettes qui lui restaient invendues !

Cette rage d'acheter et racheter, le karim ramadan susurrant à chaque pas ses gourmandises, recommandant devant chaque étalage ses délices, me fit arrêter devant d'autres étalages, souvent les embouteillages ne permettant pas de fuir à temps les tentations pressantes ! Encore quelques fruits et légumes, les bottes de coriandre nécessaires à la harira, et mon panier était de nouveau rempli ! Finalement, je ne sais comment, j'ai réussi à m'extirper des grappes humaines, et de l'anneau magnétique de mon tawaf qui a exténué mon corps et ma poche. Et suant, essoufflé, courbatu, j'ai pu regagner enfin ma voiture, rouvrir ma malle, y déposer le panier et lâcher un grand "ouf!".

Grand ouf que j'aurais voulu ravaler presque aussitôt, s'étant révélé après coup hâtif, prématuré.

"Baba, n'oublie surtout pas la zlabia !"

Cette recommandation écrite au marqueur rouge sur un bout de carton blanc avait surgi de la malle au moment même où je croyais le moment venu de laisser la géhenne à ses damnés !

Du coup, j'ai grommelé en rachetant le ouf que je ne pouvais ravaler par deux à trois jurons presque impies. Du kufr baveux qui m'aurait assurément valu un zéro rond pour ce premier jour de carême ! Ah, je n'étais pas du tout content d'être interpellé ainsi par cet écriteau ! Non que j'ai déjà dépensé une fortune pour les achats faits ni que j'étais plus que exténué d'avoir fait tant de navettes dans tous les sens. Mais parce que la zlabia à Gabès, pour  ses fins gourmets ou ceux qui voudraient gâter les leurs, n'a que deux adresses, deux maîtres-zlabetiers dont la renommée a franchi les frontières de la région, sinon du pays. Sahar et Ouanane, les vrais cordons bleus de la spécialité. Tous deux sont dans les parages du souk. Néanmoins la notoriété imposant sa rançon, pour se faire servir chez l'un ou l'autre il faut, en toute heure, faire la queue et s'armer d'un courage à toute épreuve.

J'ai dû prendre mon mal en patience et me décider pour Ouanane. Et durant pas moins d'une trentaine de minutes, j'étais en file indienne devant Aux Délices de Ouanane, à cuire sous le soleil, avançant à pas de fourmis. Quand je pus franchir le seuil vers l'intérieur, la file, en épingle de cheveu, était encore assez longue et davantage serrée. Et quoiqu'on fût à l'ombre, du moins était-ce la première impression que j'ai eue, la chaleur n'en était pas moins éprouvante.

Encaqués par dizaines dans un espace à l'air raréfié, la vitrine inondée de soleil rajoutant au lieu un véritable effet de serre, le magasin communiquant de surcroît avec la cuisine en arrière-boutique, on en venait à haleter dans cette étuve de hammam suffocante. A chaque pas de fourmi, on trépignait d'impatience. Et on se bousculait quand la fourmi patinait sur place, tant la chaleur et la touffeur de la friture et des vapeurs âcres prenaient aux gorges et mettaient tout le monde aux supplices.

Pas étonnant dès lors que les nerfs de certains pussent être mis à rude épreuve. Au milieu de la file justement, à deux lacets devant moi, il y avait une dame qui n'arrêtait de grommeler depuis un certain temps. C'était une femme de carrure imposante, qui n'enviait rien aux catcheurs qu'on voit à la télé, et sa tenue débraillée ne pouvait que rajouter au gabarit impressionnant. Le virage dans lequel elle se trouvait, trop serré, l'indisposait, mettait trop à l'étroit ses formes généreuses, en la circonstance comprimées par devant comme par derrière. Surtout par derrière, il faut le souligner. Car il y avait un gars un peu trop agité, qui lui sciait carrément le dos. Et comme le gars avait lui-même le dos tassé sous un gros sac, ce fardeau apparemment pesant le faisait se balancer sans arrêt, à gauche et à droite. Sa petite taille le contrariait aussi, qui ne lui permettait pas de respirer à l'aise. Aussi n'arrêtait-il pas non plus de se dresser sur la pointe des pieds, faisant de son mieux pour se rengorger, tandis que son sac à dos l'engonçait chaque fois que son nez dépassait d'un millimètre l'épaule de la dame. Bref, le type qui voulait sans doute se donner l'air d'un boy-scout britannique, et en vacances au pays du jasmin, donnait plutôt l'air d'une trotteuse de montre déréglée, une montre qui bat la breloque. Comme il portait de surcroît un walkman -ou un baladeur du même ordre dont on voyait seulement les écouteurs branchés à ses oreilles, ses mouvements de scie et de ressort, plus ou moins cadencés, reléguaient au dernier plan tout ce qui était de nature à lui valoir quelque excuse. A mes yeux comme aux yeux de ceux qui pouvaient le voir se dandiner et se déhancher sur l'air de sa samba, c'était ni plus ni moins qu'un zoufri m'kattaâ ! un zoufri en lambeaux ! un fieffé ouvrier !5 Zoufri, et s'offrant le luxe de donner libre cours à son tarab ! Ce devait être, au sens étymologique du mot, une nouba6 soufie qui le mettait dans tel état ! A tant gigoter, se trémousser, se dandiner d'une jambe sur l'autre, il devenait franchement agaçant ! non seulement pour la dame qui subissait le contrecoup de ses incessants remous et ondulations. Mais pour tous ces « honnêtes jeûneurs » dont l'Abdoullah qui vous parle ici, devenus malgré eux témoins d'une scène d'exhibitionnisme, oh, oui ! et qui pis est, marquant le premier jour du saint ramadan ! Tolérer une telle coquinerie, une telle atteinte aux bonnes mœurs, c'était vouer son jeûne, son âme, sa piété, à Dieu ne plaise, au maudit Satan ! D'ailleurs, on voyait bien comment la pauvre dame, excédée par le pétrissage systématique auquel ses rondeurs étaient soumises, « sollicitait quelque feu vert », une bénédiction de la foule témoin de cette canaillerie pour remettre à sa place le satyre. Elle se tournait et se retournait, faisant les gros yeux et hochant la tête ! Et comme ses yeux, à ce moment-là précis, avaient croisé les miens, une voix s'était aussitôt levée, vive, outrée, pour rappeler à la dame la réaction appropriée. "Mê tebqach kharsa yehdik ! Ne restez pas muette s'il vous plait !" Alors la dame s'est éclatée, hurlant par deux fois si on voulait bien lui foutre la paix à la fin ! Et c'est seulement en l'entendant crier si fort, de sa voix de rogomme, que j'ai pu réaliser qui avait incitée la bonne dame à réagir de la sorte ! Ce fut l'Abdoullah qui vous parle ici !

L'importun a dû intercepter, couvrant l'air de sa nouba, la recommandation qui avait huilé le gosier et la voix de la dame. Il tenta de se retourner pour voir d'où avait pu venir ladite recommandation. Mais ce fut peine futile car le sac l'avait davantage engoncé, et en même temps, une autre voix derrière moi enchaîna: "Elle a raison de s'énerver, la miskina !" Et le pauvre bougre, tassé sous son sac à dos de boy-scout, ne sut s'il devait, pour se dégager un peu, limer le  derrière de la dame, horizontalement, ou, verticalement, lui scier le dos !

L'Abdoullah qui vous parle opina de la tête, à cent pour cent approbatif du monsieur qui venait de donner raison à la dame tout en approuvant l'Abdoullah qui avait incité celle-ci à réagir. Il était évident que je n'étais pas le seul à trouver honteux, scandaleux même, que ce gars apparemment cynique et pervers se conduisît en la circonstance comme un ours mal léché. Un coup d’œil furtif vers ceux qui étaient derrière moi m'a davantage conforté dans ma juste indignation
"Ah, malla mehrès !" fis-je. Quel mortier ! Et de vive voix. C'est que le gars, de plus en plus insolent, donnait l'impression de faire carrément des attouchements ! oh, oui ! sur les rondeurs de la dame qu'il tapotait du plat de la main, sans vergogne aucune, au vu de tout le monde !
Et du coup, tout le monde qui put voir une telle inconduite, et moi en premier, fîmes: "ah, malla waghd !" [quelle canaille !]

"Il se gêne pas , le meunier !" dit une voix derrière moi.
Meunier, traduction du tunisien tahan, n'a rien à voir avec la meunerie et ses respectables gens ! C'est une insulte qui ne se profère que lorsque la colère monte de sept crans ! et elle signifie, sauf votre respect : maquereau !
- Tahan et caoued ! renchéris-je moi-même, les papilles de la langue titillées par ces mots soukiens non tamisés !

La dame s'était retournée encore une fois, la face congestionnée. Et à l'expression terrifiante de ses yeux qui crevaient le verre des lunettes, je m'étais dit que ça allait faire du grabuge ! Je m'en frottais presque les mains tellement je brûlais de la voir tirer le meilleur parti de sa carrure de catcheuse !
- Tu vas me foutre la paix, oui ou non ? s'écria-t-elle encore.
Et comme elle en resta là et que plus d'un aurait aimé que l'ambiance fleurât bon la hashicha de ramadan, un peu dépité quelqu'un remarqua qu'une femme honnête ne se montrerait pas d'échine aussi souple en pareille circonstance !  Je ne pense pas que ce fût l'Abdoullah qui vous parle qui eût dit cela, quoique..!
- Moi à votre place, madame, criai-je à mon tour (là, je suis sûr que ce fut moi!), je lui frotterais bien les oreilles à ce mibli7 qui joue au bouquin !

Je ne sais quelle mouche m'a piqué pour devenir subitement si vulgaire. La hashicha de ramadan, sans doute ! Quand il entendit mes propos, le gars se retourna, cherchant des yeux celui qui l'avait traité de tel nom. "De quoi j'me mêle, pauv'mec à la noix?" lança-t-il. En français, je vous jure ! et sans le moindre accent !
Pauv'mec à la noix
, moi ? Je sentis mon sang bouillir et grésiller comme l'huile dans la poêle à frire la zlabia! Et je sentais fumer et moutonner tout autour de moi, âcre, la chienne d'herbe de ramadan, huchant les démons de ma colère ! Je me sentais d'humeur à dévorer d'une bouchée cet effronté. Mais à l'instant précis où, sortant du rang, j'esquissai un geste que je crois mesuré à la situation (je bandais mes biceps et serrais mes poings !) je vis, soulevé de terre, à bras-le-corps étrillé en l'air par la dame qu'il importunait tantôt, le boy-scout fanfaron, lui et son sac ! Et alors que tout le monde retenait son souffle, ébahi par une telle démonstration de force supra-féminine, que le boy-scout se tortillait comme un lièvre étranglé par un ours à lunettes, je ne cessai de crier: "bien fait, madame, bravo ! yarham oummek !"8.

Vraisemblablement, la brave dame n'attendait qu'un tel signe d’enthousiasme et de soutien pour parfaire la correction du louveteau mal éduqué ! Ayant remis sur ses pattes le lièvre qui, un instant plus tôt, pirouettait  en l'air, avant de le relâcher définitivement elle lui flanqua encore deux belles gifles. Paf ! et baf ! din oummek9 caoued ! et va-t-en pour le camp, castor !  macache zlabia ce soir ! qu'elle lui cria en fin de leçon !

Le castor ne fit que s'exécuter, sortant tête basse de la zlabetterie Aux Délices de Ouanane. Et la brave dame le suivit sans tarder, apparemment comme pour lui offrir encore un supplément de correction ! sans doute en dédommagement de la zlabia que ni elle ni lui,  nonobstant générosité de ramadan, ne mangeraient ce soir-là !

Pendant les 30 minutes que je dus mettre encore pour atteindre le comptoir, je ne fis que répéter intérieurement "yarham oummek madame !" Et même en face du zlabetier qui me servait, je ne pus que m'exclamer de vive voix, jugeant que je ne dirais jamais assez les hommages que méritait cette grande dame, ce monument en tout digne d'admiration ! "Yarham oumha !"10 , lançai-je une dernière fois alors que le zlabetier me rendait la monnaie.

- Mais non! dit-il. Comment peut-on approuver une telle inconduite ?
- Inconduite ? fis-je. Vous parlez sans doute du mauvais gars ?
- Non, voyons ! il n'a rien fait de méchant le pauvre mari. Je parle de son chameau de femme !
- Sa femme ? je ne comprends pas..vous voulez dire...?

C'était il y a juste une bonne dizaine de ramadans.

Depuis, je n'ai jamais remis les pieds ni Aux Délices de Ouanane ni Aux Enchantements de Sahar. Et chaque fois que les enfants ou leur mère me demandent de leur acheter des zlabias, je sursaute et crie:"ah, non ! non ! et non ! Pas de zlabia ce soir, les castors !"

A. Amri
04.07.12


Version arabe

Notes:



1- Ramadan tire son nom de ramdh رَمْض , forte chaleur, canicule. Selon Ibn Duraid que cite Lisan al-Arab d'Ibn Manzur, «quand [les Arabes] ont repris de l'ancienne langue les noms des mois, ils  ont désigné ceux-ci par les temps qui les marquaient aux origines. Ramadan étant tombé pendant une période de chaleur ramdh [caniculaire], il fut appelé de son nom.» 

2- Gustave Le Bon, Psychologie des foules, FV Editions, 2013, p. ? (édition gratuite ici ), p.22.

3- Expression arabe qui signifie Ramadan est généreux.

4- De l'arabe tunisien sid (de sayed سيد (monsieur, seigneur) qui a donné "Cid" en espagnol et en français (Le Cid de Corneille), séide aussi, quoique le sens français ait été "corrompu" par Voltaire) + errajala (pluriel de rajol: homme), le tout signifiant: seigneur des hommes.

5- Zoufri, mot emprunté par le parler tunisien au français ouvrier, est employé en arabe dans le sens exclusif de l'argot français voleur (voir entrée correspondante dans le dictionnaire en ligne du TLF), et par extension: type non fréquentable ou excentrique. 

6- Le premier sens dénotatif de nouba (de l'arabe naouba نًوْبَة ), est «crise » [ex.: naouba kalbia: crise cardiaque]. Par extension, le mot a signifié "transe" puis l'air  et le rythme musicaux qui incitent quelqu'un à danser. 

7- Ar. Littéralement "éprouvé"    ce miboun

7- Pour simplifier la définition de cette notion littéraire, disons que le palimpseste de bilingue  peut prendre la forme d'un calembour faisant appel appel à une homophonie entre deux mots appartenant chacune à une langue. Dans le cas qui nous intéresse ici, l'arabophone n'a pas besoin de comprendre ce que signifie "ire" en arabe. Le non arabophone par contre doit savoir que le mot arabe signifie "pénis".
Pour en savoir plus sur ce type de palimpsestes, voir Mémoire des langues, Jocelyne Dakhlia, La pensée de midi, 2000/3 (N° 3),  Actes sud.

8- Ar.: expression laudative qui signifie:" Que la grâce [de Dieu] comble votre/ta mère !"; cette expression traduit l'admiration et/ou le remerciement.

9- Littéralement: religion de ta mère, sous-entendu: que la religion de ta mère soit maudite !

10- Forme déclinée à la 3e personne du singulier féminin de l'expression expliquée sous la note 8: " Que la grâce [de Dieu] comble sa mère !"


mardi 6 mars 2012

Le voile n'est pas une obligation islamique (Traduction)





L'auteur de ce texte, Cheikh Mustafa Mohamed Rached, était un éminent professeur de la charia et du droit islamique à l'Université d'Al-Azhar. Pas très conforme au rigorisme d'une certaine pensée islamique sclérosée, il ne tarde pas à se faire beaucoup d'ennemis dans les
milieux conservateurs égyptiens. Outre ses courageuses postions au sujet du hijab qu'on découvrira en lisant l'article ici traduit, sa contestation de l'interdit coranique frappant l'union d'une musulmane avec un non musulman, entre autres lectures dynamiques du Coran et de la Tradition, ne peuvent laisser indifférents les cerbères de la doxa obscurantiste. 

 En 2008, Cheikh Mustafa Mohamed Rached est invité à Chypre par des compatriotes coptes qui voulaient lui témoigner leur sympathie, tant l'originalité et d'ouverture d'esprit de ce cheikh pas comme les autres les subjuguaient. L'homme accepte avec plaisir cette invitation, alors que ses détracteurs, à l'affût, qui cabalent depuis longtemps pour lui rogner les ailes ne ratent pas le coche.  Pour avoir assisté aux fêtes du nouvel an organisées sur cette île sous l'égide de l'église égyptienne et "récidivé" en se rendant à une autre église chypriote, des journaux égyptiens annoncent la conversion du "mécréant" au christianisme. Pure calomnie, cela va de soi, mais apparemment bien orchestrée et bénéficiant de l'aval d'hommes haut placés. A son retour en Égypte, Cheikh Mustafa Mohamed Rached apprend que la Sûreté de l’État lui a retiré sa nationalité. Sans autre avis ni formalité. Sans qu'aucun tribunal n'ait enquêté ni statué sur l'affaire,  Dr Mustafa Mohamed Rached est cloué au pilori depuis 4 ans. La paranoïa puritaine des islamistes qui n'ont reculé devant rien pour briser la vie et la carrière de cet universitaire égyptien n'a d'égale que la lâcheté des politiques refusant de le réhabiliter.   Mustafa Mohamed Rached n'arrête pas pour autant de se battre pour dénoncer l'infâme cabale et recouvrer ses droits de citoyen égyptien.

Ci-dessous la traduction d'un article rédigé par ce cheikh, qui démontre de façon structurée et étoffée que le hijab n'a d'islamique que les "bonnes intentions" de ceux qui en prônent le port. En passant au crible les versets du Coran en rapport avec le voile, ainsi que l'unique citation de la Tradition supposée corroborer tels versets, soit le même corpus servant de support aux prédicateurs du hijab,  l'auteur nous convainc à bon droit que non seulement le voile n'est pas une obligation islamique, mais que la lecture du Coran faite par des abrutis n'engage que les abrutis!


Ces jours-ci, ce qu'on appelle voile islamique est en vogue et se propage à un rythme frénétique. Le port
du voile fonde son credo sur une présumée prescription de "couvrir la tête", alors que le Coran ne mentionne nulle part telle prescription. Il y a néanmoins une fratrie de cheiks qui a tenu à en faire une obligation et considérer celle-ci comme l'un des principaux piliers de l'islam. Ces cheikhs altèrent de la sorte les fins de la charia islamique et passent à côté de l'interprétation correcte des Textes. Refusant toute approche rationnelle de ceux-ci, ils s'attachent bien plus à une translation statique fondée sur la lecture littérale et non soumise à la raison. De surcroît, ils décontextualisnt les Textes et interprètent ceux-ci selon leurs caprices, imitant en cela quelques uns de nos anciens cheiks, comme si les avis de ces derniers étaient sacrés et n'admettaient aucune remise en question. Il y a là un écart par rapport à l'approche correcte fondée sur le raisonnement argumenté et l'interprétation. Les sourates sont censées s'interpréter en vertu de leur contexte historique et en rapport avec les raisons ayant motivé leur révélation. Or ces cheikhs s'arrêtent au niveau strictement littéral des sourates et omettent fâcheusement ce qui fut aux origines de leur révélation. Cette démarche s'explique soit par des raisons purement arbitraires, soit parce que les "bonnes intentions" de ces cheiks plaident pour ladite interprétation, leurs capacités analytiques, pour une débilité d'ordre cérébral ou psychologique, ne leur permettant pas d'aller au-delà!


Ceci ne concerne pas uniquement la question de ce qu'on appelle voile mais touche aussi à des centaines de questions importantes.Si nous nous intéressons aujourd'hui exclusivement à la question du hijab c'est parce
que d'une part le champ de notre propos ne permet pas d'évoquer les autres questions, et d'autre part parce que la question du hijab interpelle présentement la raison du musulman comme du non musulman. D'autant qu'elle est devenue, aux yeux des non musulmans, un critère en fonction de quoi le sens, l'objectif et la nature de l'islam sont (mal) discernés.
Il n'est que de réfléchir sur l'attitude de certains Etats de pays non musulmans pour lesquels le voile islamique s'assimile à un mot d'ordre politique, lequel mot d'ordre conduit à diviser les citoyens et instaurer entre eux une forme de ségrégation. En témoignent les heurts qui s'en sont suivis et la révocation de certaines employées attachées à ce qu'on appelle voile.

Quelle est donc la vérité à propos du hijab? Quelles en sont les significations? Et quels arguments religieux invoquent  ceux qui prétendent que le voile est une obligation islamique?

Nous allons passer au crible les allégations érigées en dogmes à ce propos, en faisant appel à la raison, la logique et l'argument. Parce qu'il nous faudra débarrasser l'islam de ce dont on l'affuble à tort.
En vérité les allégations de ces cheikhs se révèlent tordues et incohérentes. A commencer par le jargon qui emploie tantôt "hijabالحجاب" tantôt "khimar الخمار " et  quelquefois aussi "jalabib الجلابيب ". La confusion à ce niveau précis démontre qu'ils passent à côté du sens exact qu'ils visent, en l'occurence la couverture de la tête. Ce qui signifie que ces messieurs veulent à tout prix accréditer leur dogme, et de façon arbitraire.

Primo: le terme "hijab" signifie au sens dénotatif du terme:" cloison ou mur". Le "hajb" de quelque chose signifie sa couverture. Une femme "mahjouba" est une femme cachée par une cloison.
Quant à la sourate révélée au sujet du hijab, elle concerne exclusivement les épouses du Prophète. Et elle appelait à séparer celles-ci des compagnons du Prophète par une cloison. A ce propos, ni les oulémas ni les cheiks n'ont la moindre  divergence d'opinions. Et la sourate les Partis (Al-Ahzab), dit au verset 53:" O vous qui croyez [en Dieu], n’entrez pas dans la maison du prophète à moins qu’il vous soit donné la permission de manger, et vous ne devrez forcer en aucune manière une telle invitation. Quand vous finissez de manger, vous devrez partir; n’engagez pas avec lui de longues conversations. Ceci incommodait le Prophète, et il s'embarrassait pour vous le dire. Mais DIEU ne s'embarrasse pas de vous révéler la vérité. Si vous devez demander à ses femmes quelque chose, demandez-le-leur derrière une cloison.
Ceci est plus pur pour vos cœurs et pour les leurs. Vous ne devez pas outrager dans son honneur le Messager de Dieu. Vous ne devrez pas épouser ses femmes après lui, car ce serait une grave offense à la vue de Dieu."
Ce verset comporte trois préceptes: le premier concerne la conduite des compagnons quand ils sont invités à manger chez le Prophète (SWS); le deuxième concerne la cloison ou la paroi qui doit séparer ces compagnons des épouses du Prophètes et le dernier l'interdit qui empêche ces compagnons de prendre pour épouse l'une des femmes du Prophète (SWS) après la mort de celui-ci.
Ainsi le mot "hijab" remis dans son contexte nous permet-il de comprendre qu'il avait pour objectif de mettre une barrière entre les femmes du Prophète (SWS) et ses compagnons. Il en ressort aussi que cette disposition  concernait uniquement les épouses du Prophète (SWS). Elle ne s'étend ni à ce qu'il "a pu avoir comme odalisques" ni à ses filles  ni au reste des musulmanes. Autrement, le verset l'aurait dit explicitement et généralisé la disposition pour toutes les croyantes musulmanes.

Deuxio: comme la citation de ce verset pour étayer l'obligation du port de voile  entendu comme "couverture de la tête" n'est pas pertinente, ces mêmes cheikhs se rabattent sur le verset 31 de la sourate de la Lumière (Ennour): " Invite les croyantes à baisser pudiquement une partie de leurs regards, à préserver leur vertu, à ne faire paraître de leurs charmes que ceux qui ne peuvent être cachés, à rabattre leurs voiles sur leurs poitrines."
Ce verset a été révélé parce qu'à l'époque du Prophète et bien avant encore, les femmes portaient des coiffes qui couvraient leurs têtes et laissaient pendre la traine de ces coiffes sur le dos. En même temps, ces femmes étaient décolletées, qui laissaient nus le cou et le haut de la poitrine.
D'ailleurs, une autre thèse assimile "al-khimar" à une abaya. Par conséquent, ce verset demande  aux femmes de rabattre la couverture de la tête sur l'encolure, autrement dit leur recommande de cacher ce qu'un décolleté peut révéler. Le verset ne visait donc, à sa révélation, que l'amendement d'un usage courant. Parce que l'islam n'autorise pas la femme à s'exhiber dans un décolleté découvrant de façon voyante la poitrine. C'est dire que le verset n'entend pas imposer tel ou tel vêtement ni surtout le port du voile. Mais il recommande seulement la couverture de la poitrine! Et c'était pour permettre aux musulmanes de se faire distinguer au milieu des non musulmanes portant éventuellemnt un décolleté.

Tertio: remettons dans son contexte le verset 59 et l'évocation des "jalabib", sourate les Partis (Al-Ahzab): "O prophète, dis à tes femmes, tes filles, et les femmes des croyants qu’elles devront rallonger leurs
vêtements. Ainsi, elles seront reconnues [en tant que femmes justes] et éviteront d’être insultées."
Ce verset a été révélé dans la circonstance qui suit: à l'époque de la révélation, il était de coutume  que les femmes, toutes conditions confondues, aient le visage découvert, quand en rase campagne et faute de selles dans les habitations, elles devaient déféquer ou uriner. Et il y avait incessamment quelque fieffé coquin qui regardait en cachette ces femmes dans une telle posture. Quand le Prophète (SWS) en a été prévenu, ledit verset lui a été révélé pour établir un signe de reconnaissance, une distinction, permettant de ne pas confondre dans la foule des croyantes femmes libres, esclaves et odalisques. Et cela afin que les femmes libres ne soient pas lésées dans leur honneur.
C'est dans cet esprit-là qu'Omar Ibn Al-Khattab, quand il voyait une esclave ou une odalisque masquée, c'est-à-dire complètement couverte ou rabattant sur son visage son abaya, il lui donnait un coup de fouet. Par tel châtiment,  le compagnon du Prophète voulait préserver le port distinctif des femmes libres (Cf Ibn Taymiya - Le hijab et le port de la femme pour la prière).

Quarto: la citation du propos attribué au Prophète (SWS): selon Abou Daoud citant Aicha, celle-ci citant à son tour Asma Bent Abou Bakr qui s'étant introduite un jour chez le Prophète (SWS) et rapportant ce qui suit: le Prophète (SWS) lui avait dit:" Asma, sache qu'il ne sied à aucune femme ayant atteint la puberté de montrer d'elle-même autre chose que ceci et cecla." Et le Prophète aurait montré son visage et la paume de ses mains.
En vérité ceux qui s'appuient sur cette citation pour soutenir que le hijab fait de la couverture de la tête une obligation invoquent un texte à source unique, et non un texte sur quoi concordent plusieurs références de source sûre, qui bénéficie de la tradition et du consensus. Le texte ne peut donc être doté d'autorité autre que "consultative". Il ne peut servir ni à fonder une disposition législative légitime ni à l'annuler.

C'est à Dieu de juger de notre bonne foi. Et à part Sa voix nous ne suivons d'autre chemin.

Cheikh Mustafa Mohamed Rached

Traduit par A. Amri
06.03.2012

Texte original:
http://nowearhijab.blogspot.com/2010/07/blog-post_703.html


dimanche 5 février 2012

Tunisie: spectre du fascisme islamiste


Fascisme islamiste?
Certes, l'expression a de quoi offenser l'hypersensibilité de nos puritains locaux. Et pour cause! Néanmoins ce n'est pas parce que le fascisme a fait son triste renom ailleurs, et plus exactement en Europe, qu'il nous serait interdit ou obscène de l'associer à l'extrémisme religieux chez nous. Sur la rive sud de la Méditerranée et plus précisément en Tunisie.

Le salafisme dont la montée alarme à bon droit les composantes de la société civile et les défenseurs de la démocratie en général est de plus en plus désigné du doigt en Tunisie. Il est décrié comme l'avatar islamiste de la vieille peste brune européenne, avatar dont les menaces pèsent sérieusement sur notre pays. Entre autres touchés par les révolutions du Printemps arabe.
Mais ce qui inquiète davantage les Tunisiens, parce que plus pernicieux, c'est la collusion d'intérêts fondamentalistes factuelle et la connivence politique probable entre les élus islamistes et ce fascisme du même qualificatif, tel qu'incarnent les radicaux du salafisme qui pullulent à l'ombre d'Ennahdha. Même s'il est trop tôt pour le dire sur un ton incisif, même si les élus d'Ennahdha ne sont pas tous à l'image de Chourou, il y a lieu de croire que la complaisance de ceux qui nous gouvernent à l'égard de ce fascisme local naissant, nonobstant discours officiel et vulgaires oripeaux de démocratie, ne sont pas seulement dus aux difficultés inhérentes à la transition.

Alors que la Tunisie ne cesse d'être adulée pour sa révolution somme toute exemplaire et son engagement en bonne et due forme sur la voie de la transition démocratique, jour après jour l'euphorie qui a succédé au départ de Ben Ali cède la place au scepticisme et à l'angoisse. L'islamisme, qui n'était ni au programme de Bouazizi et des martyrs tombés derrière lui ni dans les objectifs du peuple qui a acculé à la fuite le dictateur, a cueilli les primeurs du Printemps tunisien. Pour les perdants aux élections du 23 octobre dernier, majoritaires en masse électorale mais pénalisés par la rançon de leur division, cette déroute est d'autant plus lourde de conséquences qu'elle menace la démocratie naissante. 
 
 Le gouvernement et le mouvement Ennahdha dont est issue la majorité ministérielle ont beau se défendre d'être des instances islamistes, beau se dire défenseurs de la démocratie, aux yeux d'une large tranche du peuple, ils font preuve d'une dangereuse incurie face aux extrémistes religieux. Les salafistes qui émergent de l'ombre depuis la chute de Ben Ali, multipliant les démonstrations de force et les actions spectaculaires sur le terrain, comme tout un chacun le sait, n'entendent pas se plier au jeu démocratique. D'ailleurs, la plupart des groupes salafistes locaux, issus du wahabisme saoudien puritain et des plus réactionnaire, prêchent une ligne rigoriste ouvertement obscurantiste, et qui pis est, rejette en bloc la démocratie.

D'où ce sentiment de plus en plus partagé que Haj Moussa et Moussa Haj ne font en réalité qu'une seule personne(1). Derrière chaque projet fasciste, il y a des milices d'avant-garde à qui incombent la terreur, les tâches ardues, les basses besognes. Les salafistes tunisiens et leurs activistes zélés surtout sont-ils les poulains de chargement d'un fascisme nahdhaoui non déclaré?

Sans vouloir pérorer sur l'origine du mot fascisme ni sur son sens, dans les contextes mussolinien et hitlérien surtout, je voudrais faire une petite analogie à la volée. Quand Mussolini a pris le pouvoir en Italie en 1922, il a puisé l'essentiel de son soutien sur le terrain dans les groupes de choc, les Chemises noires (camicie nere ou squadristi). Idem pour Hitler en Allemagne avec ses Chemises brunes (les SA). Point commun entre ces deux fascismes et leurs chemises respectives la célèbre devise mussolinienne: « Tout par l'État, rien hors de l'État, rien contre l'État ! ». Et sa réplique hitlérienne:" Un seul peuple, un seul Etat, un seul chef"(2) Est-il besoin de rappeler que conformément à cet idéal totalitaire, le fascisme s'est défini d'abord comme ennemi de la démocratie, ennemi des valeurs de l'humanisme démocratique du siècle des Lumières? Il ne reconnait ni droits de l'homme, libertés individuelles, libéralisme ni communisme. La laïcité et la gauche sont ses principaux ennemis. Et le pouvoir dans sa totalité est aux mains du commandant suprême politique (Guide, Führer, Chef...)
A présent, pour compléter l'analogie, venons-en aux fractions salafistes les plus pacifistes chez nous, nos "Chemises blanches"! et demandons-leur un projet, une devise, un idéal: selon la tendance, peu ou prou rigoriste , le mot central sera soit islam soit califat, mais l'un ou l'autre mot ne changera rien au sens global de la devise: « Tout par l'islam, rien hors de l'islam, rien contre l'islam! »

Demandons à ces salafistes de situer pour nous leurs principaux ennemis à l'intérieur du pays, ils diront: gauche, laïques. Et si les mots en eux-mêmes ne sont pas assez puants ou nauséabonds, ils y rajouteront ce qu'il faut pour les rendre assez persuasifs: mécréants, francs-maçons, sionistes ou pro-, orphelins de Ben Ali et parti de la France(3), entre autres éléments de la phraséologie servant à diaboliser les opposants tunisiens d'aujourd'hui.

Sur le terrain, le fascisme islamiste évolue selon une ligne ascendante qu'on pourrait schématiser comme suit: takbir, takfir, tafjir(4). Depuis l'été dernier, voire dès le lendemain de la fuite de Ben Ali, la Tunisie n'a cessé de vivre au rythme du tawhid et takbir annonçant ici ou là une bataille salafiste. Cela a commencé d'abord à Tunis la capitale, où il a fallu l'intervention de l'armée pour empêcher des jihadistes résolus de mettre le feu au quartier réservé Abdallah Guech. Peu de temps après, les mêmes jihadistes s'en sont pris à la synagogue de cette même ville qu'ils voulaient détruire. Et comme il était de bon ton à l'époque d'accuser les contre-révolutionnaires d'être derrière ces actes criminels, dès qu'une barbe assez voyante se faisait repérer quelque part dans une manifestation ou un sit-in on y soupçonnait immédiatement des ornements postiches, l'ercédiste travesti en islamiste qui tentait de faire jeter le discrédit sur le mouvement Ennahdha et ses partisans. D'ailleurs, suite à une campagne anti-bikini menée sur certaines plages du Sahel, les nahdhaouis, alors à la veille de la campagne électorale, ont crié aux "barbes postiches", dénonçant à travers ce coup monté des manœuvres de sape menées par leurs adversaires politiques en vue de salir Ennahdha.

Mais c'est surtout depuis le début de l'été dernier que les actes de violence davantage systématisés et se réclamant de la charia islamique ont commencé à prendre une tournure de plus en plus alarmante. Au mois de mai, un bar et une boîte de nuit sont brûlés à Bizerte. A Jendouba des débits de boissons alcoolisées clandestins et des restaurants ouverts au mois de ramadan seront pillés et incendiés à leur tour. Les lieux de débauche
Entretemps l'attaque de Cinémafricart le 26 juin 2011 et, deux mois plus tôt, l'agression contre le cinéaste Nouri Bouzid marquent le début d'un terrorisme salafiste ciblant les artistes (5) et les intellectuels se réclamant de la laïcité. Les médias et les journalistes ne seront pas épargnés. Le 9 octobre 2011, une attaque contre les locaux de Nessma TV a été avortée par les forces de l'ordre. Une autre contre la maison de Nabil Karoui directeur de cette chaîne (fort heureusement ce directeur et sa famille étaient absents lors de l'attaque) s'est soldée par l'incendie de la maison et la destruction de deux voitures garées à l'intérieur. Et comme si les détracteurs de Karoui et sa chaîne, qu'on voulait corriger ainsi pour avoir diffusé le film iranien Persepolis(6), n'étaient pas assez rétribués, de surcroit une poursuite judiciaire a été engagée par une légion d'avocats (7) contre ce directeur et deux employés de Nessma TV pour «atteinte aux bonnes mœurs et aux valeurs du sacré». Et alors que le tribunal ne s'est pas encore prononcé à ce sujet, la violence salafiste continue de plus belle, ciblant d'autres journalistes et intellectuels. Le 23 janvier 2012, Zied Krichen(8) et Hamadi Redissi(9), ont failli se faire lyncher par une foule de fanatiques, et ce à leur sortie du tribunal qui jugeait Nessma TV et son directeur. Après avoir essuyé les huées et les insultes, ils se font agresser simultanément par le même individu qui assène à l'un un coup de de poing, à l'autre un coup de tête. Au même lieu et le jour même, un autre journaliste, Abdelhalim Messaoudi(10), et deux avocats, Chokri Belaïd(11) et Saïda Grach(12), sont agressés en marge dudit procès.



Dans tous ces faits et bien d'autres imputés aux salafistes tunisiens, Ennahdha et ses partisans ne seraient que des colombes blanches, dira-t-on. La faute des actions ici énumérées ne pouvant incomber qu'à la situation sécuritaire de transition et le gouvernement à majorité nahdhaouie ne pouvant assumer la responsabilité de tant de dérives antérieures pour la plupart à sa prise de pouvoir.
Mais que dire de la non ingérence gouvernementale dans la violence qui s'abat sur les institutions universitaires? Que dire de l'absence de réaction officielle face à la confiscation de l'imamat des mosquées par les salafistes (13)? Que dire de l'incurie gouvernementale face à la tragédie de Sejnane?(14)



Que dire encore des élus nahdhaouis qui prônent la crucifixion, l'amputation d'une jambe ou d'une main aux contestataires "empêchant le gouvernement de faire son travail"?



A. Amri
08.01.2012


Notes:



1- Historiquement, la mouvance islamiste tunisienne est issue du même noyau: Mouvement de la tendance islamique (MTI) fondé le 6 juin 1981 et dont les thèses sont, grosso modo, celles des Frères musulmans d'Egypte. Persécutés sous le règne de Bourguiba, avec l'arrivée au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali le 7 novembre 1987 ils bénéficient d'une trêve, les membres emprisonnés sont graciés et une certaine liberté d'action est accordée au mouvement. Le 7 novembre 1988, pour prouver leur insertion dans le jeu démocratique ils signent le Pacte National, sorte de contrat rassemblant les différentes formations politiques et sociales du pays autour d'un code de conduite démocratique: respect de l’égalité des citoyens des deux sexes, des acquis du Code du statut personnel (CSP), des principes républicains et refus d’utiliser l’Islam à des fins politiques.
C'est au lendemain de la signature de ce pacte par Rached Ghannouchi que le MTI va se scinder en deux ailes: les modérés représentés notamment par Rached Ghannouchi et Abdelfettah Mourou; les radicaux dont certains rejoindront, à sa création en 1983 par Mohamed Fadhel Chtara, le parti Attahrir, tandis que d'autres comme Sadok Chourou continueront de militer au sein d'Ennahdha (la Renaissance), nom par lequel la partie impliquée dans le Pacte National a rebaptisé le MTI pour gommer toute référence explicite à l'islam.
Aujourd'hui, si les dirigeants d'Ennahdha se déclarent en public davantage proches des modèles islamiques à succès comme les modèles turc, malaisien et indonésien ; des modèles qui combinent islam et modernité (Rached Ghannouchi) les salafistes radicaux quant à eux sont plus proches du modèle taliban et des thèses d'Al-Qaîda.

2- «Ein Volk, Ein Reich, Ein Führer» est le slogan d'une affiche politique conçue pour l’annexion de l’Autriche par l'Allemagne nazie en 1938.

3- L'expression injurieuse Parti de la France ne date pas d'aujourd'hui. Elle semble ancrée jusque dans la doctrine des islamistes, sans doute par aversion pour Bourguiba en qui les islamistes tunisiens voient un défenseur de la laïcité et de la francophonie. Que Rafik Bouchlaka, gendre de Rached Ghannouchi et ministre des affaires étrangères dans l'actuel gouvernement de Jebali, soit anglophone et ne sache pas le moindrement s'exprimer en français, que Rached Ghannouchi, leader d'Ennahda, fustige en octobre 2011 "la pollution linguistique" de la langue arabe par le français, ce sont là deux exemples qui illustrent le parti pris islamiste à l'encontre de la France et de sa culture laïque. Rappelons par ailleurs que ce rejet de la francophonie fut l'un des thèmes de prédilection du FIS (Front islamique du salut) algérien au début des années quatre-vingt-dix. Belhadj déclarait à ce propos:«Si mon père et ses frères (en religion) ont expulsé, physiquement, la France oppressive de l'Algérie, moi je me consacre, avec mes frères, avec les armes de la foi, à la bannir intellectuellement et idéologiquement et en finir avec ses partisans qui en ont tété le lait vénéneux», (in Gilles Kepel, A l'Ouest d'Allah, p. 2

4- Le takbir conssite à dire Allahou akbar (Dieu est plus grand). Alors que cette expression n'avait aux origines d'autre sens que la glorification de la toute-puissance de Dieu (plus grand que tout le reste), scandée en foule à la faveur des conquêtes islamiques, l'expression devient peu à peu le cri de guerre annonçant l'assaut contre l'ennemi. Les salafistes qui usent et abusent de ce cri en ont fait une formule incantatoire pour endormir leurs disciples.
Le takfir est une fatwa de déchéance du statut de musulman émise à l'encontre de celui que l'auteur de la fatwa juge mécréant.
Le tafjir qui signifie en arabe dynamitage est, à mon sens, la prochaine étape du fascisme islamiste en Tunisie. Il y a tant de bourrage de cerveaux, tant de violence entretenue par les prêches et les discours politiques que, tôt ou tard, les fascistes salafistes passeront à la vitesse supérieure dans l'usage de la violence. Si je me trompe, et je le souhaite de tout mon cœur, alors tant mieux!



5- Le 17 décembre 2011, alors que les Tunisiens commémorent le premier anniversaire du martyr de Bouazizi qui a déclenché la révolution, c'est dans la région même de Bouazizi que les salafistes s'en prennent à la troupe musicale Ouled Al-manajem, détruisant leur matériel estimé à 8 000 dinars et tabassant de nombreux musiciens dont l'un a dû se faire hospitaliser.

6- Il est curieux que ce long métrage d’animation réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud et qui a fait son entrée en Tunisie au lendemain de sa sortie en France, soit en 2007, se soit diffusé dans les salles de cinéma sans susciter la moindre réaction négative. La hargne des islamistes contre Nessma TV est, en vérité, motivée par des raisons purement politiques

7- 140 avocats qu'on présume pour la plupart nahdhaouis.

8- Directeur et rédacteur en chef de l'édition arabe du magazine hebdomadaire Le Maghreb.

9- Juriste, écrivain et professeur de sciences politiques à l'Université de Tunis.

10- Professeur à l'Institut des Beaux Arts de Sousse, Abdelhalim Messaoudi est producteur-animateur d'une émission culturelle de Nessma TV, intitulée Notre Maghreb dans l'émancipation et les lumières مغربنا في التحرير والتنوير

11- Chokri Belaïd est également leader du Mouvement des Patriotes Démocrates (MPD, Al Watad) et membre de l'Assemblée Constituante.

12- Cette dame est également membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

13- Selon des estimations datant du mois d'août 2011, près de 400 mosquées seraient sous contrôle salafiste.

14- Au début de janvier 2012, alors que des journalistes tunisiens et étrangers dénoncent la terreur qui s'abat sur Sejnane, localité qui se trouve au nord de la Tunisie (Gouvernorat de Bizerte), que des témoignages recueillis sur place par les représentants de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) font état d'une talibanisation de la localité, devenue émirat salafiste, à part l'envoi de renforts policiers à Sejnane ni le ministre de l'intérieur ni le chef du gouvernement n'ont pipé mot sur la gravité de la situation. Les partisans d'Ennahdha quant à eux ont accusé sur les réseaux sociaux les orphelins de Ben Ali de divulguer de fausses informations afin de déstabiliser le pays.


jeudi 17 novembre 2011

Yosri Trigui: exécution ou lâche assassinat?

En ce mercredi 16 novembre 2011, il est 6h du matin (heure de Baghdad) quand M.Fakher Trigui, résidant à Sfax (Tunisie), reçoit un premier appel téléphonique de la prison de Khadhimya à Baghdad. Ce sont des détenus tunisiens incarcérés à la même prison que son fils Yosri qui le préviennent que ce dernier a été sorti depuis peu de sa cellule et que selon toute vraisemblance on l'emmenait à l'échafaud.

Il n'est pas aisé de recevoir une telle information ni surtout de la digérer!
D'autant que quelques heures seulement plus tôt, dans la nuit, le père et le fils chattaient ensemble(1), que l'un et l'autre étaient plus confiants depuis une dizaine de jours, sachant que suite à l'intervention de M. Rached Ghannouchi(2), le premier ministre irakien en personne s'était engagé à faire réviser le procès de Yosri au lendemain de l'Aïd.
Cette promesse inespérée tombant à la veille de la fête a ressuscité un immense espoir chez la
famille du condamné et ses amis. Enfin, et après de rudes années de souffrances, il était permis d'espérer à bon droit que la révision promise conduirait à un non-lieu dans les deux crimes incessamment contestées par l'accusé. Et cet optimisme était d'autant plus légitime que le président par intérim M. Fouad Mbazaâ a adressé à son tour à son homologue irakien une demande d'amnistie en faveur de Yosri, que certains élus de la constituante, dont Me Mohamed Abbou, probable futur ministre dans le nouveau gouvernement de coalition, ont promis de se battre pour faire rapatrier Yosri et les autres détenus dans les prisons irakiennes.

M. Nouri Al Maliki, chef du gouvernement irakien, peut-il se permettre de manquer à sa parole, et dans une circonstance aussi grave que celle-ci? C'est vraisemblablement la question que M. Fakher Trigui a dû se poser quand, en ce jour fatidique, il a reçu ce premier coup de téléphone.

Une heure et demi plus tard, M.Fakher Trigui reçoit un deuxième appel venant d'un autre groupe de détenus et, cette fois-ci, on lui confirme l'exécution de son fils. Le père téléphone immédiatement à l'ambassadeur de la Tunisie en Irak pour vérifier. Ce dernier dément alors l'information et tente de rassurer le père en lui disant que si Yosri devait être exécuté, on l'aurait prévenu personnellement en sa qualité de représentant des intérêts tunisiens en Irak. Il ne s'agirait, dit-il, et il insiste là-dessus, que d'une fausse alarme. Le père demande alors au diplomate de contacter les autorités irakiennes pour
s'enquérir de source sûre à ce sujet et le prévenir dès que possible. Et l'ambassadeur lui promet de faire le nécessaire et l'appeler dès qu'il en saura plus.

Vers midi, le mouvement Ennahdha réussit à entrer en contact avec le ministère de la justice irakien et la sinistre nouvelle est alors confirmée.

Sans doute toujours incrédule, et il y a de quoi l'être, contactant de nouveau l'ambassadeur de la Tunisie en Irak, le père entend encore une fois ce dernier démentir catégoriquement la nouvelle et soutenir que c'était juste une rumeur.

Vers 16h45', c'est le ministère tunisien des Affaires étrangères qui téléphone au père pour confirmer l'exécution.

Le récit de M. Fakher Trigui apprenant la triste nouvelle


Pour les amis de Yosri Trigui comme pour sa famille, cette exécution en traître, et contre la parole donnée, est un lâche assassinat. Gloire au martyr et honte sur ses bourreaux!
Mes condoléances personnelles à tous les Trigui, et en premier lieu les parents et les trois frères du disparu, aux milliers d'amis sur internet qui ont soutenu cette famille éprouvée, cru ferme à l'innocence de Yosri et, à défaut d'avoir pu le sauver, réussi quand même à le réhabiliter aux yeux d'une bonne partie de l'opinion publique.

A. Amri
17.11.11


1- Je ne sais pas s'il s'agit de faveur accordée au condamné à mort ou si ce dernier a joui d'une certaine complaisance de la part de ses gardiens, néanmoins il semble que Yosri pouvait chatter aisément avec sa famille depuis plusieurs mois.

2- Selon un communiqué rendu public par un porte-parole du mouvement Ennahdha, vendredi 4 novembre 2011 le Premier ministre irakien a promis, suite à un entretien téléphonique avec Ghannouchi, de reporter l’exécution de Yosri Trigui le temps qu’il faut pour une entière révision de l’affaire.


Pour en savoir plus sur Yosri Trigui:
http://yosri.trigui.voila.net/

vendredi 7 octobre 2011

توكل كرمان والحجاب وما وراء الحجاب

توكل كرمان، صديقي نورالدين(*)، مثلما تفضلت بالقول نالت الجائزة تكريما لنضالها وليس لأنها محجبة. وفي الواقع هي ليست "محجبة" بالمفهوم التقليدي للكلمة وسأعود للحديث لاحقا بهذا الخصوص لوضع حجاب توكل كرمان في سياقه الصحيح ومهما يكن نحن نفخر بهذه المناضلة التي كرمها المجتمع الدولي لأنها عربية ومسلمة اخترقت جدار السواد المسلح إقليميا، وأعني هنا دول الجزيرة والخليج لتفرض صورة غير تلك التي يروج لها من يدعي دونية المرأة ولا يسمح لها بالمشاركة في الحياة العامة والإضطلاع بدورها كاملا على الساحة السياسية. الصورة النمطية التي أشرت إليها موجودة وسائدة ولكنها ليست بالضرورة وليدة عقل معاد للحجاب بقدر ما هي نتاج ذهنية لا تقبل الخروج من سجن الفكر العقائدي والإنحراف عن أحادية القطب، سواء كان هذا الفكر يساريا أو يمينيا، ذا اتجاه إسلامي أو غير إسلامي، والدليل الزوابع التي أثرناها في تونس، وهي في غير محلها، بخصوص ترشيح راضية النصراوي و لينا بن مهني لجائزة نوبل وسواء كان لهذه الزوابع دور في ترجيح قرار اللجنة بالسويد لصالح توكل كرمان أو لم يكن فهي غنية بالدلالات لمن يقرأ بين السطور. لا أريد الخوض في هذه المسألة ولا تقليص الأحقية التي نالت بقتضاها الأخت اليمنية هذه الجائزة ولكن أود الوقوف أولا عند "الخلخلة" التي أشرت إليها وحددت شقا معنيا بها دون غيره، وكأن هذا "الغير" أفضل حالا مما تسميهم بــ"الجهلة الذين يتلاعب بهم الإعلام". دون سلخ كلامك من سياقه في اعتقادي تكريم توكل كرمان بنوبل إن كتب له أن يصدم ويخلخل شيئا في العقول، وهذا ما نرجوه، يجب أن نرى صدى هذه الصدمة والخلخلة على حد السواء في العقول "المستنيرة أكثر من اللازم" كما في العقول التي لم تنل من النور إلا ما "قذفه الله في صدر"حامليها. فمن يكرس ثقافة الميز والإضطهاد الجنسيين أيا كان لونه السياسي جدير هو أيضا بالخلخلة المأمولة، ولا أقل ممن يدعو لمسخ قيمنا باسم محاربة هذا الميز، ولست من سجناء الراي الأوحد فيما أعتقد لأنكر وجود فئة مغتربة بل متصهينة في شق اليسار ولكن الشجرة لا تحجب الغابة. والغابة في منظوري ليست شقا عقائديا ينتسب لصف الحداثة مثلما يدعيه أو يتصوره البعض ولكنها أكبر من ذلك بكثير. فثقافة النضال النسائي لم تبدأ مع راضية النصراوي أو سهام بن سدرين ولا مع الحداد أو بورقيبة حتى نتهم كل من ينادي بتحرير المرأة بأنه غريب عن دار تونس والإسلام لأن هذا النضال راسخ في تاريخنا وما عليسة الشرقية وسفونيسب وبربيتي وفيليستي القرطاجنيات ومونيكا والكاهنة البربريتين وفاطمة الفهرية والجازية والأميرة الحفصية عطف وعائشة المنوبية وعزيزة عثمانة وغيرهن وغيرهن إلا بعض من محطات لا تحصى في مسيرة النضال النسائية الطويلة والتي أسست قبل مجيء الفكر التنويري والإصلاحي بقرون للثقافة التي ننسبها اليوم جورا لدعاة الحداثة.
والحهل بالتاريخ ليس أقل خطرا على واقعنا من الإستلاب الحظاري بل هو جزء من هذا الإستلاب لأن "المتغربين المنبتين المقتلعين من جذورهم" ليسوا فقط ضمن "الفئة الضالة" المتمردة على القيم الدينية ولكنهم موجودون أيضا في الشق الآخر. وقد لا نراهم بنفس الوضوح لأننا آنيون أو ننظر للمستقبل وفق تصوراتنا ونتناسى الماضي أو لا نعرف من التاريخ إلا الذي شربناه على مقاعد الدراسة أو في خطب الجمعة. وبالتالي يسهل علينا التنكر لرموز نضالية حية بيننا كسهام بن سدرين وراضية النصراوي وغيرهما واتهام هذه الرموز بالزيغ والتصهين والإغتراب فيما لا ننسى قول الشيخ والفقيه والسلف الصالح (الذي استثنينا منه جداتنا) وهم بـرددون وصية علي بن طالب بخصوص "ناقصة العقل والدين".
"أوصيكم بالنساء خيرا فإنهن ناقصات عقل ودين/ أوصيكم بالنساء خيرا فإنهن خلقن من ضلع أعوج" والذين يعتمدون في معاملتهم للمرأة على مبدا وصاية السلف الصالح بحقها ، أخي نورالدين، ألا تعتقد أنهم ليسوا أقل حاجة من "المتغربين المنبتين المقتلعين من جذورهم" لمراجعة تصوراتهم الخاطئة بخصوص المرأة؟ لأنك لو سألت أهل الذكر منهم أو السواد الأعضم من هؤلاء: ما رأيكم في توكل كرمان؟ لقالوا لك معوجة ومن ضلع أعوج ولو نالت جائزة نوبل للسلام عشر مرات. محجبة أو وغير محجبة، لن تستقيم بجائزة إحدى أبرز دلالتها في المنظور الضيق لهؤلاء: أنها من رضى اليهود والنصارى.

نقطة ثانية لا بأس من الوقوف عندها أيضا، أخي الكريم، مثلما أشرت في بداية التعليق، حتى نعيد توكل كرمان لسياقها اليمني الدقيق ولا نسلخ الحجاب من بعدين أساسيين لإتمام الصورة: ثقافيا وتقليديا "الحجاب" اليمني المتداول منذ القديم هو النقاب أو البرقع وهو السائد لساعتنا هذه كما نراه يوميا منذ أشهر على الفضائيات في ساحات الثورة اليمنية. وحتى في الجنوب وأيام الإشتراكية لم تشذ اليمنيات على هذه القاعدة .أما الحجاب فيكاد يكون بدعة في التقليد اليمني، والمحجبات، وهذا ما نعاينه أيضا من خلال ما يردنا من صور المظاهرات والإعتصامات، يكدن يعددن على أصابع اليد، بل أجزم أنهن أقل من هذه الأصابع وفق الصورة التي تنقلها لنا الجزيرة وأنت من العاملين فيها و تستطيع التثبت من هذه الحقيقة. وبالتالي لا يمكننا تجريد الحجاب هنا من بعد تقدمي بل ثوري أكيد في السياق اليمني بالذات. وتوكل كرمان التي "خرجت" عن صف المنقبات فرضت صورتها إعلاميا ليس فقط لأنها مناضلة سياسية تنادي بإسقاط النظام بل لأنها تجسد أيضا النضال النسائي بمفهومه التقدمي في ثورة لا تستثني إرثا ثقافيا يشمل هذا المستوى ويتجاوزه لأبعاد أخرى نرى تأثيرها في المحيط الخليجي وليس أقلها برامج تشريك المرأة في الإنتخابات والترشح للمسؤوليات في سعودية الغد أو غيرها على سبيل المثال. ومن ثمة حين نقف عند "رد الإعتبار للحجاب" ونحجب النقاب من الصورة نكون قد حملنا الحجاب هنا ما لا يقبل استيعابه، إلا إذا أردنا توضيفا عقائديا يخدم الإنشاء ولا يقر بالسياق المذكور. إذ لو كانت هذه المرأة من تونس أو مصر لجاز لنا القول أن الجائزة تمثل فعلا رد اعتبار للمحجبات. أما ونحن في اليمن، فإن توكل كرمان تفرض أولا الصورة التي يراها اليمني ولا يراها التونسي: وأعني بها سيدة سافرة الوجه وليست إحدى محجباته(أو منقباته) ولو عملنا بمبدإ القياس والنسبية لقلنا أن المحافظين في اليمن لا ينظرون لتوكل كرمان بنفس العين التي تبدو من خلالها لنا وللمجتمع الدولي بل يعتبرونها إحدى "النعاج الشاردة" وقد تجر وراءها شاردات أخريات من القطيع اعتصم لحد الآن بالساحات دون تبني الحجاب كبديل تقدمي للنقاب.
ومعذرة إن أطلت
نورالدين العيدودي- على الفيس بوك بتاريخ 07- 10- 2011 كتب ما يلي:-*

هذا اليوم وهذه الليلة سيشاهد مئات ملايين الناس على شاشات التلفزيون في كل مكان في العالم، سيدة عربية مسلمة محجبة، لم يمنعها الحجاب من أن تكون مناضلة فاعلة مؤثرة حالمة بالتغيير وبالأفضل لها ولشعبها وأمتها..

سيرون سيدة، وأستعير عبارة صديقي الجنيدي طالب، لا تحمل قنبلة في جلبابها، ولا تفكر في الإرهاب والتفجير، كما اعتادت التلفزيونات أن تصور العرب والمسلمين قاطبة.. بل سيدة محجبة مناضلة، لم يمنعها الحجاب من النضال، ولا حال بينها وبين الثورة..
إن هذه الجائزة بالغة الرمزية هذه المرة، وفيها إنصاف للعرب والمسلمين جميعا ولثقافتهم ودينهم.. فيها إعادة اعتبار للحجاب.. فيها إقرار بأن الحجاب، بخلاف ما يقول المتغربون المنبتون المقتلعون من جذورهم، في بلادنا، ليس حاجزا يمنع العلم والثقافة والفهم عن رأس المرأة..
هذه الجائزة أكبر إنصاف للعرب والمسلمين، وهي من أجمل ثمار ثورات الكرامة العربية، ومن علامات انتقال العرب والمسلمين من مرحلة التأثر برياح الخارج، إلى مرحلة التأثير في العالم بأسره.
فلم تعد المنطقة العربية والإسلامية منطقة منخفض جوي تتقبل رياح الآخرين تعبث بها، بل أضحت بحمد الله منطقة مرتفع جوي سياسيا تهب منها رياح التأثير على العالم كله. وها نحن صرنا نرى الأمريكان والأوروبيين يقلدون الشباب العربي الثائر، ويتجمعون مثل شباب أمتنا العظيم في الساحات، ويسمون ساحات اعتصامهم في وول ستريت وغيرها ساحة حرية على شاكلة ساحات الحرية في بلاد العرب والمسلمين

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Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...