Le 13 décembre 2016, Eva
Bartelett, blogueuse et journaliste indépendante canadienne, dénonçait dans un
espace onusien les fausses informations, diffusées par le camp anti-Bachar,
afin d’entacher la victoire de l’armée arabe syrienne à Idleb. Elle est
immédiatement interpellée par Christopher Rothenberg du journal norvégien
Aftenposten qui n’admettait pas que « les organisations internationales
sur le terrain [Alep-Est] » pussent mentir. « Pourquoi,
demandait-t-il, ne devrions-nous pas croire à tous ces faits parfaitement
vérifiables que nous voyons sur le terrain ? Ces hôpitaux bombardés, ces civils
dont nous parlons, les atrocités qu'ils ont connues... Comment pouvez-vous
justifier le fait d'appeler tout cela « mensonges » ? » Avant de
répondre à ces questions, Eva Bartelett demanda au journaliste norvégien de lui
dire quelles étaient les organisations internationales qui se trouvaient sur le
terrain à Alep-Est. Et comme le journaliste ne put y répondre, demeurant
silencieux, Eva Bartelett souligna qu’il n’y en avait aucune. Elle rappela à ce
propos que la seule source d’informations des médias occidentaux de
l’establishment était « l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme,
basé au Royaume-Uni », lequel en fait n’est qu’une seule personne. Ce pseudo-observatoire, rappela encore
Bartelett, puise ses informations auprès d’une coterie de groupuscules
corrompues comme les Casques blancs. « Les Casques blancs, dit-elle, ont
été fondés en 2013 par un ancien militaire britannique. Ils ont reçu des fonds
des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Europe et d'autres Etats à hauteur de 100 000
000 dollars. Ils prétendent sauver des civils à Alep-Est et à Idlib. Pourtant,
personne à Alep-Est n'a jamais entendu parler d'eux. Je dis personne,
car je sais que 95% de ces territoires à Alep-Est ont été libérés. Les Casques
blancs prétendent être neutres, et pourtant on peut les voir porter des armes,
près des corps de soldats syriens. Dans les vidéos qu'ils produisent figurent
des images d'enfants visibles dans d'autres rapports. […] Ils ne sont donc pas
crédibles, l'OSDH n'est pas crédible, les militants sans nom ne sont pas
crédibles. »
En vérité, outre la non-fiabilité de ces
organisations fantoches sur lesquelles s’appuient les médias traditionnels, il
y a mille et un exemples de fausses accusations qui s’accumulent depuis 2011
pour corroborer encore les dires d’Eva Bartelett. Et à l’exemple de l’affaire
des couveuses de la maternité du Koweït, qui à
la mi-octobre 1990, semble avoir ouvert le long chapelet d’impostures
instrumentalisées pour la diabolisation de Saddam Hussein, le feuilleton
mythomane anti-Bachar a débuté par des fables dont les personnages, présentés
comme des victimes du régime « dictatorial », sont soit des jeunes
filles, soit des enfants. Cette « catégorie vulnérable », classique
de la propagande dans toutes les guerres, a constitué le fer de lance de la
guerre médiatique contre le régime syrien. C’est ainsi que, vers 2006, émerge
sur la toile un blog intitulé A Gay Girl In Damascus, dont l’auteure
s’appelle Amina Araf Zeinab. Sous ce nom aux consonances clairement arabes et
féminines, l’univers des médias sociaux découvre la présumée lesbienne syro-américaine
qui, tout en défendant sans complexe aucun son droit d’homosexuelle, se
présente comme militante anti-Bachar. Au début du « printemps
arabe », cette Amina informe ses lecteurs qu’elle rentre à Damas pour
soutenir la révolution syrienne. Puis tout à coup, début juin 2011, ses
publications cessent de paraître. Une présumée cousine diffuse alors un message
sur les réseaux sociaux, qui fait état de l’enlèvement d’Amina par trois hommes
armés. L’auteure assure avoir vu de ses propres yeux cet enlèvement et donne
même des indications sur la voiture ayant embarqué la victime. La toile
s’enflamme aussitôt pour exprimer l’indignation suscitée par cet acte de
banditisme, immédiatement attribué -cela va de soi, aux « sbires de
Bachar ». Même le Département d’Etat américain ne reste pas indifférent.
Mais comme l’affirme un dicton arabe, la corde du mensonge est courte.
Après toutes les campagnes menées sur Internet par la communauté LGBT, toutes
les tempêtes mobilisant l’opinion internationale pour défendre la noble
cause d’Amina, le monde découvre, quelques jours seulement après, que le
personnage d’Amina et le récit de son enlèvement sont un canular. La présumée
lesbienne syro-américaine s’appelle Tom MacMaster, un américain âgé de 40 ans
originaire de Géorgie, qui voulait contribuer à sa façon à la propagation du bénit
printemps. Malheureusement pour lui et pour sa « belle cause »,
il a été trahi par la photo qu’il attribuait à son personnage fictif, laquelle
était celle de Jelena Lečić, une expatriée croate résidant au Royaume-Uni.
Celle-ci, découvrant sa photo sur des articles dédiés à ladite Amina et publiés
au Guardien,
a dénoncé l’usurpation de son identité, un usage de faux qui l’avait
éclaboussée au même titre que le peuple syrien, ce qui a permis de révéler au
grand jour l’imposture.
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La corde du mensonge est courte. (Proverbe arabe)
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François Belliot, qui évoque cette affaire, nous
fournit de nombreux autres exemples dont celui de Zaïnab el-Hosni. Cette jeune
syrienne de 18 ans a été déclarée, fin juillet 2011, enlevée à son domicile
familial à Homs. Quelques semaines plus tard, la vidéo « d’un corps en
affreux état, écorché, démembré et décapité » est mise
en ligne, et le cadavre est présenté comme étant celui de Zaïnab. Là encore, la
toile se met en branle et ce cadavre se transforme, pour des jours et des
jours, en alléchante pâture alimentant les réquisitoires les plus virulents
contre le régime de Bachar. Et
alors que la surmédiatisation de cette affaire allait croissant, que la
« martyre » de Homs devenait en moins de rien une icône de la
« révolution » syrienne, encore une fois la corde du mensonge s’est
avérée courte. Le 5 octobre 2011, soit deux mois après l’annonce de son
assassinat, Zaïnab el-Hosni apparaît à la télévision pour dire qu’elle est en
vie, qu’elle n’a jamais été enlevée par qui que ce fût, et qu’elle a tout
simplement fugué de la maison à cause d’un problème avec ses frères.
Sur ce même volet, on ne peut occulter les
« attaques chimiques » prétendument perpétrées à plusieurs reprises
par le régime syrien. De 2013 à 2018, ce régime n’a cessé d’être accusé de
frappes au chlore, au gaz moutarde, au sarin. Mais à chaque fois, les récits,
les vidéos, les images de présumées victimes, trahissent des anomalies, des
incohérences, des contradictions, des personnages déjà vus, qu’il serait
difficile de ne pas songer à des opérations sous fausse bannière. Et les
sources d’information à ce propos sont toujours les mêmes : les Casques
blancs et l’Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), deux officines
dont l’intelligence avec les ennemis de la Syrie et de Bachar n’est cachée pour
personne. Après , François Belliot qui a consacré la belle part de son livre cité
à l’analyse des divers récits et documents en rapport à tous les présumés
massacres imputés au régime syrien, et conclu à la grande part de mensonge sur
ce volet, en 2019 WikiLeaks a publié de nouveaux documents qui confirment, en
ce qui concerne la présumée attaque chimique d’avril 2018, ce mensonge. A son tour, au lendemain de la réédition mise
à jour de son livre « Tempête sur le Grand Moyen-Orient », tout en rappelant
que « les mensonges sont légion dans le cas syrien, tellement nombreux
qu’il s’avère difficile de les « traiter » tous », Michel Raimbaud
souligne à propos des « bombardements chimiques » d’Idlib que « nous
nous trouvons face à une redite de l’affaire Colin Powell de 2003 en Irak et de
la séquence de l’été 2013 en Syrie (attaque de la Ghouta). »
Tout ce tissu de mensonges, on ne peut le
citer sans évoquer encore une fois la stratégie hargneuse de Caton l’Ancien,
qui de nos jours est plus ou moins imitée en Occident par certains héritiers de
la romanité. Le 17 août 2012, après avoir visité un camp de réfugiés syriens à
la frontière turque, Laurent Fabius déclare que « le régime syrien doit
être abattu, et rapidement. » Et « M. Bachar el-Assad ne
mériterait pas d'être sur la terre ». Suite
à l’« attaque chimique de la Ghouta » en date du 20 août 2013,
immédiatement attribuée au régime syrien, le
même ministre français a brandi la menace d’une intervention militaire. « Les
options sont ouvertes, dit-il, la seule option que je n'envisage pas,
c'est de ne rien faire». En
réaction à cette fanfaronnade qui condamnait expéditivement Bachar, Dominique
Mazuet a publié un article dans lequel il rappelait que « Caton, dit
l’Ancien, avait pris l’habitude d’entamer et de conclure toutes ses
interventions au Sénat par un ronflant : « Carthago delenda est ». Il
finit par avoir gain de cause et la troisième guerre punique permit une
« victoire totale » sur les impudents phéniciens, qui avaient eu l’outrecuidance
de disputer à Rome l’hégémonie sur la Méditerranée. » Et tout
en laissant entendre que la fâcheuse hargne de Fabius contre Bachar pourrait
bien engendrer à son tour une nouvelle guerre punique, il conclut son
article par ces mots : « C’est donc à cette ancienne lecture et à
ce précédent notoire que je songe lorsque j’entends le proconsul Fabius
bégayant ad nauseam la fable qui a tant et si bien servi l’atlantisme
servile pour répandre le chaos, la mort, la misère et la destruction, en Irak,
en Libye et maintenant en Syrie ».
Le lecteur averti sait que cette figure
comparant la Syrie d’aujourd’hui à Carthage et les faucons de l’alliance
atlantiste à Caton l’Ancien n’a rien de fantasmagorique. Si Michel Raimbaud
intitule « Delenda est Syria » [Il faut détruire la
Syrie] le premier chapitre de son livre Les guerres de la Syrie, c’est
que ce pays, comme il le dit de manière explicite, « est la Carthage
des temps modernes ». Et
d’ailleurs, est-il besoin de le rappeler ? c’est de la Syrie que les
fondateurs de la Carthage historique sont venus. Par conséquent, sans autre forme de procès,
la mère de Carthage doit payer à son tour les « justes terreurs » des
Romains d’aujourd’hui.
Ahmed Amri
Extrait de ma postface à Décennie avec le Lion de Damas de Bouthaïna Chaaban, Ed° ITRI, 2022
29. 03. 2022