« Les marchandises de toute
nature, originaires de l'un des deux Pays et importées dans l'autre, ne
pourront être assujetties à des droits d'accise, de consommation
intérieure ou d'octroi, perçus pour le compte de l’État, des communes ou des
corporations, supérieurs à ceux qui grèvent ou grèveraient les objets
similaires de production nationale ou les matières avec lesquelles ils auront
été fabriqués. » (Article 5 du Traité de commerce conclu entre la France et les
Pays-Bas le 24 mars 1882)[1]
Accise
est un terme qui a fait son entrée en français au 16e siècle. Le TLFi en donne la définition qui suit: «
Impôt indirect portant sur les objets de consommation, principalement sur
les boissons.» Quant à son étymologie, la même source nous apprend que le
mot est «emprunté à l'anglais excise « impôt sur les marchandises
comestibles » depuis 1596, que cet anglais est à son tour emprunté au moyen
néerlandais excijs « impôt sur les denrées »,
transformation de accijs, peut-être par rapprochement avec
excĭdere « couper, enlever ».
Assise,
au sens de « redevance imposée, imposition », est attesté dès 1170. Et le TLFi en fait un dérivé du verbe
asseoir.
Excise, variante
orthographique de accise, semble n'être entré en usage que dès 1733.
Excision, attesté
dès 1340 au sens de « arrachement, destruction », avant de signifier, dès 1549,
« arrachement, destruction », est donné dérivé du latin excisio (« entaille »).
En fait, ces quatre mots français et le latin excisio sont des emprunts à deux mots arabes apparentés.
En fait, ces quatre mots français et le latin excisio sont des emprunts à deux mots arabes apparentés.
Accise, assise: jargon médiéval de finances arabo-musulmanes |
Les trois termes relatifs à l'imposition, accise, assise
et excise dérivent de l'arabe الجزية al
jizia, via le siculo-arabe relayé par les Normands de Sicile. جِزْيَةٌ Jizia, formé définie الجِزْيَةُ al-jizia est un mot de sens identique,
dont le référé s'appliquait tantôt pour l'imposition sur la terre, tantôt sur
le commerce. Introduit dans la Sicile musulmane, le mot a désigné le tribut
imposé par les musulmans aux indigènes non convertis. Adshisia [2][3], orthographié gesia, gisia [4], gesjat [5], gisib [6], dans les archives normandes, s’est
romanisé sous l’administration de Frédéric II, prenant tour à tour les formes cise
et accise [7]. De la même racine, le turc
tire son cizye [8], de sens identique.
Pour comprendre les lois ayant fait de al-jizia accise, il faut
rappeler que l'élision de "l" de l'article arabe "al" est
fréquente dans l'histoire des emprunts romans à l'arabe:القائد al qaïd a donné acaïd, القصدير
al qasdir acazdir, الزعرور
az-zaârour acérola, acérole et azerole... Quant à la vocalisation du
"ج j" par "k" (le premier
"c" du couple "acc", elle se constate à travers divers mots
comme acérole, acemi,
bardache, doronic, belléric, emblic (emblique)... Le "ز z" s'est maintenu à travers le
"s" flanqué de 2 voyelles. Que ce soit pour "assise",
"accise", ou "excise", c'est la même loi de vocalisation
qui explique la romanisation du mot arabe.
Affiche de site gouvernemental fr. |
Pour excisio, racine latine de excision, il faut en
chercher l'étymologie dans l'arabe الْجَزُّ
el-jezz (tondaison, découpage, taille), déverbal du verbe جَزَّ
jezza (tondre, couper, tailler). Là encore, l'élision du "l" de
l'article arabe, ainsi que les mêmes vocalisations vues précédemment,
expliquent aisément le passage du mot arabe à la forme latinisée.
Pour conclure, le TLFi est invité à considérer que "assise" et "accise" ne sont que deux variantes orthographiques du même mot. Et par la même, prendre en compte l'hypothèse de Pihan [9] en ce qui concerne l'étymologie de "assise" (substantif) au sens 1.
Pour conclure, le TLFi est invité à considérer que "assise" et "accise" ne sont que deux variantes orthographiques du même mot. Et par la même, prendre en compte l'hypothèse de Pihan [9] en ce qui concerne l'étymologie de "assise" (substantif) au sens 1.
20.03.2020
Notes:
1- In Annuaire des deux mondes: histoire
générale des divers états, V. 12, Paris, 1861, p. 961.
2- Heinrich Leo, Lehrbuch Der Universalgeschichte Zum
Gebrauche in Höheren Unterrichtsanstalten, V. 2, Saale, 1839, p. 250.
3- Heinrich Leo, Histoire d'Italie pendant le Moyen Âge,
trad. Dochez, T. 1, Paris, 1837, p. 213, note 2.4. Dionisius A. Agius, Siculo Arabic, n° 12, Londres et New York, 1996, p. 258.
5- Rosario Gregorio, Rerum arabicarum quae ad historiam Siculam
spectant ampla collectio, Panormi, 1790, p. 14, note b.
6- Heinrich Leo, opt. cit. p. 213, note 2.
7- Heinrich Leo, opt. cit. p. 213, note 2.
8- Marie-Carmen Smyrnelis, Une société hors de soi: identités et
relations sociales à Smyrne au XVIIIe, Peeters Publishers, 2005, n. p.
9- Antoine Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la
langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 47.
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2 commentaires:
Intéressant. Merci pour cette fouille dans l'étymologie et l'histoire! Vous lire est un bonheur Sid Ahmed.
Merci pour l'appréciation, Arwa. J'en suis vraiment très flatté.
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