mercredi 19 février 2020

Cabaret: racine arabe et nomenclature orientale


«Les ghaouâzi feignent d’avoir été piquées par une abeille qu’elles cherchent sous leur costume en poussant de petits cris pour saisir l’insecte imaginaire. Sans discontinuer la danse, elles enlèvent d’un mouvement rapide une première pièce de leur vêtement et la jettent sur le tapis ; puis elles se dépouillent d’une seconde en appelant : nahleh, nahleh avec des gestes qui expriment tour à tour la crainte d’être piquée et l’espoir de voir bientôt l’ennemi hors de la place. A force de recherches toujours infructueuses, elles finissent par ne conserver qu’un voile très léger qu’elles laissent flotter au gré de leurs mouvements. Peu à peu la danse devient plus vive, les figures s’animent et, par un mouvement « involontaire », la dernière pièce du costume ne tarde pas à rejoindre les autres. » (Henry de Vaujany, Le Caire et ses environs, E. Plon (Paris), 1883, pp. 91/92)



Que peut-il y avoir de commun entre le Moulin Rouge, le Lido, et les sinistres ruines abandonnées
dont on voit l'illustration sur ce collage de photos ?

Selon toute évidence et aussi étrange que cela puisse paraître à certains, les deux établissements parisiens, cabarets des plus prestigieux, partagent avec le nom arabe des ruines illustrées la même racine étymologique. Et il semble non moins évident que tout ce qui fait la nomenclature du cabaret occidental moderne[1], ne serait que la reproduction de ce à quoi le cabaret oriental s'identifie. Mais avant d'aborder ces deux points, voyons ce que le TLFi nous dit au sujet de "cabaret".

Mot attesté en français dès 1275, dont la première forme kabaret apparaît dans le Livre des bans et ordonnances de Tournay, manuscrit 215. "Terme attesté presque exclusivement en picard et en wallon aux 13eet 14es.", précise encore la même source, qui indique qu'il est emprunté au moyen néerlandais cabaret (caberet, cabret) « auberge, cabaret, restaurant à bon marché », avant de clore la définition par une autre remarque: ce cabaret (caberet, cabret) néerlandais est lui-même emprunté à l'ancien picard camberete « petite chambre », l'équivalent du français "chambrette".

Cette attribution au néerlandais semble dénuée de tout fondement philologique. Et ce pour quatre raisons au moins. 

Rappelons  d'abord que le mot français a été longtemps considéré d'origine obscure. A part Gilles Ménage (17e siècle) [2] qui a tenté de le rattacher à un supposé caparetum latin, lui-même issu d'un mot grec signifiant "manger à goulée", et qui fut cité avec réserve jusqu'au 19e siècle, les lexicographes des deux derniers siècles semblent s'accorder à dire que "l'origine du mot reste à trouver". C'est l'opinion que partagent, entre autres, Philippe Le Bas[3], Emile Littré[4], Auguste Scheler[5], Albert Dauzat[6], et j'en oublie. Et d'une.

Et de deux: ni "cabaret", "caberet", "cabret", ni tout autre forme de mot apparenté ne semblent figurer dans un dictionnaire néerlandais antérieur au 20e siècle. Les dictionnaires français-néerlandais de Pieter Marin[7], Jean Des Roches [8], Jacques François Jean Heremans [9], Jacob Kramers[10], Gilad Soffer[11], dans toutes les occurrences associées au français "cabaret" donnent diverses synonymes néerlandais dont pas un n'a la moindre analogie avec le mot français. La seule référence (que j'ai pu trouver sur le web) attestant du mot est "Néerlandais - Vocabulaire en contexte", et voici la traduction de la définition qu'elle donne du mot: "1- A Paris un cabaret est un petit théâtre avec un café, où se produisent des revues, des spectacles de variétés et des spectacles du genre léger; aux Pays-Bas et en Allemagne, le cabaret est plus satirique et politique. 2- Le cabaret politique a fleuri dans les années 30 et 60: c'était une sorte de spectacle avec des blagues et des chansons de protestation."[12]

Et de trois: contrairement à ce que nous dit le TLFi, plus d'une référence néerlandaise soutient que "cabaret is een Frans woord" (cabaret est un mot français). Et ce mot figure d'ailleurs dans De Franse woorden in het Nederlands [13], titre qui se traduit par "Des mots français en néerlandais".

Et de quatre: il serait étonnant, et c'est le moins que l'on puisse en dire, que "cabaret", "caberet" ou "cabret" aient pu exister en néerlandais sans être dénichés par Littré, Dauzat, Deny, pour ne citer que ces trois auteurs, dont les deux derniers, du reste, jugent plus probable une origine arabe.

Cette origine dont le TLFi ne veut pas apparemment entendre parler, se décline, dès le 19e siècle, sous deux formes. Il y a d'abord le  خمارات "khammarat" proposé par Antoine Paulin Pihan [14], pluriel de  خمارة khammara (taverne, cabaret), dérivé deخمر khamr (vin). Pihan l'avait soutenue en se fondant sur une notice d'Etienne Quatremère [15] qui la rendait assez plausible. D'ailleurs, Deny, une première fois, suivi de Dauzat[16], estimaient possible que le français ait pu dériver son "cabaret" de ce "khammarat" arabe.

Mais, plus pertinente encore, la seconde racine:  خرابات kharabat, en quoi Jean Deny [17] voit le prototype du mot roman. Et il faut souligner que les références qui concordent avec cet avis ne sont pas rares. 

Dès 1810, le linguiste, philologue et orientaliste-arabisant Antoine-Isaac Silvestre de Sacy remarquait la pertinence du mot arabe "duquel, écrit-il, vient sans doute notre mot cabaret [18] ". En 1868, quoique ne citant pas les racines, Alexis Favrot publie une liste de nombreux mots français d'origine arabe parmi lesquels figure cabaret[19]. En 1943, c'est de cette racine kharabat que Jean Deny tire la racine du mot français[20]. Étymologie que corroborent de nombreux dictionnaires bilingues publiés dès le 19e siècle, dont le turc-français de Thomas Xavier Bianchi [21], le persan-arabe-anglais de John Richardson [22], l'hindoustani-anglais de John Shakespear [23]...

Les mots arabes «kharabat خربات » et «kharba خربة » (ruine), tous deux dérivant de «خراب kharab» (destruction, démolition), du verbe خَرِبَ khariba (tomber en ruine, se démolir), désignent proprement tout habitat en ruines ou une masure abandonnée. C'étaient (et ce sont toujours) le refuge de fortune, quelquefois de prédilection, pour les buveurs, les noctambules noceurs, les fêtards, bref, tous les joyeux drilles fuyant la société conservatrice et ses tabous, et pouvant réaliser dans ces espaces mi-clos ce que la bien-pensance des leurs désigne par fassad ou fahicha.

De ce prototype arabe ayant à ce jour ce sens-ci restreint, le mot a voyagé, au fur et à mesure de l'expansion musulmane, pour s'introduire en Perse[24], aux Indes[25], en Afghanistan[26], en Turquie[27], etc., au sens de « taverne, cabaret, lieu de prostitution ». 

Au 14e siècle, Mahmoud Ghazan Khan, ilkhan de Perse de 1295 à 1304, a voulu interdire, par devoir religieux, les kharabat. Mais la tradition de ces établissements était tellement ancienne que le monarque n'a pu le faire, de peur de compromettre des intérêts séculaires attachés à l'activité de ces établissements. L'orientaliste allemand Walter Behrnauer écrit à ce propos: "Gazan défendit d'établir de pareilles maisons (kharâbât), et d'y recevoir des femmes débauchées; à ses yeux, leur suppression appartenait aux devoirs absolus de la religion. Cependant comme des raisons d'intérêt les avaient fait tolérer depuis les anciens temps, et que cette habitude était devenue constante, on ne pouvait pas tout d'un coup abolir un pareil usage; il fallait y travailler graduellement, jusqu'à ce qu'il pût être aboli complètement. En attendant, il était urgent de ramener les femmes qui n'avaient pas de penchant pour cet infâme métier. C'est une injustice manifeste de forcer à une manière de vivre vicieuse celle qui n'y est pas encline. En conséquence il défendit de vendre les filles à la classe des maîtres des kharâbât; celles qui s'y trouvaient étaient, libres d'en sortir; personne ne devait les en détourner."[28]
 
"La nomenclature de kharabat, écrit Abbas Amanat[...], pourrait bien refléter le dénigrement du mode de vie nocturne et sa relégation dans des quartiers délabrés et peu recommandables, ou dans des ruines antiques (kharabeh) à la périphérie des villes. Par extension, il a été appliqué aux tavernes des quartiers zoroastriens, juifs, chrétiens (à l'exemple des Arméniens) et hindous où le service du vin dans un espace semi-public était toléré. Au kharabat, les sexes opposés, y compris les prostituées et les transsexuels, hommes et femmes, pouvaient se mélanger, et la musique, la danse et les réjouissances étaient monnaie courante[29]".

Comme on le voit, référent et référé le cabaret occidental moderne n'est que le produit du prototype arabo-musulman, quand bien même celui-ci, du fait des interdits et tabous religieux, ne pourrait prétendre à meilleure appellation que celle de cabaret borgne.

Le mot kharabat romanisé aurait fait sa première apparition en Picardie à travers la langue d'oïl, au 13e siècle. Et comme la plupart des mots français tirés de l'arabe, il a subi sa part d'altération, une métathèse de phonèmes renversant l'ordre des deux dernières syllabes ayant fait de "cara-bat" "caba-ret". 


A. Amri
 17.02.2020

Notes:

1- Si le cabaret parisien n'a commencé à flirter avec l'art dans sa forme coquine, où se côtoient divertissement et prostitution, qu'à partir de 1943, on peut dire qu'en Orient ce type d'art remonte à l'antiquité, et les ambubaies syriennes, mi-artistes mi-prostituées, étaient déjà connues même par les auteurs romains. Quant aux cabarets cairotes, comme nous l'apprend Pierre Loti, entre autres âmes damnées d'orientalisme, ils avaient leurs "revues" coquines depuis le 19e siècle, exécutées tantôt par des almées ou des ghawazis, tantôt par des travestis. Et de nombreux auteurs tels que Louis Claude Joseph Florence Desnoyers, Paul Gavani, Goupil Fesquet, Henry de Vaujany, Antoine Barthélemy Clot-Bey, ont décrit, au milieu du 19e, la danse nahleh (de l'ar. نحلة abeille ) qui n'est autre que le prototype du streaptease occidental.

Laissons les revues et parlons lexique de cabaret:
alcool, vin, coupe, tasse, gobeau et gobelet, café, godet, dame-jeanne[1][2], gaupe, gourgandine, eau-de-vie (comme aqua vitae, aquavit, branntwein, whisky et vodka, ce sont des calques de l'expression alchimique arabe اكسير الحياة [élixir de vie]), siroter (dérivé de sirop), sorbet, absorber (dérivé de la même racine que sorbet, sirop, chorba) caoua, limonade, orangeade, cidre (par le grec σῑ́κερᾰ sikéra (boisson enivrante) de l'arabe سَكِرَ sakira (s'enivrer), cuine, carafe, scène, arroser, sabler...


2- Dictionnaire étymologique de la langue française, T. 1, Paris, 1750, p. 275.


3- Dictionnaire encyclopédique, T. 3, Paris, 1841, p. 511

4- Dictionnaire de la langue française, V. 1, Paris, 1863, p. 445.

5- Dictionnaire d'étymologie française d'après les résultats de la science moderne, Bruxelles, 1873, p. 69.
6- Dictionnaire étymologique de la langue française, Larousse (Paris), 1938, p. 122.

7- Dictionnaire hollandais-français et français-hollandais, Amsterdam, 1782.

8- Nieuw nederduytsch en fransch woorden-boek / Nouveau dictionnaire françois-flamand (deux volumes), Anvers, 1782

9- Nederlandsch-Fransch woordenboek, Anvers, 1869 

10- Nieuw Nederlandsch-Fransch woordenboek, Gouda, 1875.

11- 19000+ Vocabulaire, Français - Néerlandais, Néerlandais , Chitchat, 2015

12- Sté d'auteurs, Néerlandais - Vocabulaire en contexte partie 2 / Woorden in context deel 2, De Boek Superieur, 2017, p. 255

13- Jean Jacques Salverda de Grave, Johannes Jacobus Becker Elzinga, De Franse woorden in het Nederlands, J. Müller, 1906, p. 69/290/360

14- Dictionnaire etymologique des mots de la langue francaise derives de l'arabe..., Paris, 1866, p. 79

15- Aḥmad ibn ʻAlī Maqrīzī, Histoire des sultans mamlouks de l'Égypte, traduction et notes de Quatremère, V. 2, Partie 2, Paris, 1845, p. 164

16- Albert Dauzat, op. cit. p. 122.

17- Hotel à côté du Moulin Rouge: article.

18- Relation de l'Egypte par Abd-Allatif, traduction et notes de Silvestre de Sacy, Paris, 1810, p. 392.

19- Alexis Favrot, La nomenclature médicale des Arabes, Paris, 1868, p. 17.

20- « Mots français d'origine orientale d'après les documents fournis par Jean Denys », in Le Français Moderne, II, Paris, 1943, p. 241-251.

lundi 17 février 2020

Quand "scène" et dérivés seront-ils relogés dans leur sakéna arabe ?

« Une vision bornée de l'histoire nous a imposé d'en localiser les sources non loin de chez nous, dans l'aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athéniens et romains. [...] Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit, comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient... » (Pierre Rossi)


Scénario, scénique, scénette, scénographie, scéniquement, scéno-graphique, scénographiquement, scénite, scénopégie... et la liste peut encore s'allonger, dérivent de la racine scène, mot attesté en français depuis 1531 au sens de « représentations théâtrales de l'Antiquité ».

Le TLFi rattache le mot  au latin scaena « scène d'un théâtre,
Scène de Hôtel Feydeau, mise en scène d Georges Lavaudant
théâtre », « scène publique, scène du monde », « mise en scène, comédie, intrigue », « partie d'un acte », du grec
σκηνή « construc-tion en bois, couverte, où on jouait les pièces de théâtre », d'où « partie de la scène où jouaient les acteurs », « fiction de théâtre », d'où « fiction, mensonge ».

Mensonge, fiction: il y en a aussi un peu dans cette définition, quand le TLFi fait de "baraque" (premier sens du mot grec) un lieu "où on jouait les pièces de théâtre". Et ce que le TLFi ne vous dit pas, c'est qu'en grec le mot signifiait d'abord tente. Et si les Grecs désignaient autrefois les Arabes par Scénites[1], c'est tout simplement parce que la skéné (scène=tente) était l'habitat de prédilection des Arabes, et des bédouins en particulier. Le dictionnaire grec-français de Charles Alexandre, de même que Littré, et Antoine Paulin Pihan ont le mérite de nous rappeler ce sens premier du mot grec. Pihan précise même, en s'appuyant sur Charles Alexandre, "que le sens de scène théâtrale, appliqué au mot grec, est un peu détourné de sa signification primitive". Mais qu'importe ! Ce qui nous intéresse davantage ici, à savoir d'où le grec tire ce mot, Littré, le TLFi, ni autres mystes de philologie et lexicographie françaises, ne daignent en donner la moindre précision.


Et pourtant, on ne compte pas les références [2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10], [11],qui nous disent que ce grec σκηνή skènè est en fait un mot  sémitique, et les grecs le doivent probablement à l'arabe سَكِنة  sakéna (habitation), du verbe سَكَنَ sakana (habiter, demeurer), plutôt qu'à l'hébreu "châkan"(id.). La racine trilitère arabe س.ك.ن  S.K.N. est la même souche auquel le moyen français doit
meschinage et ses variantes et apparentés [12], dont mesquin (1604), mesquinement (1608) et mesquinerie (1624),  conservés en français moderne. C'est la même encore dont le français tire le terme anatomique échine.

A. Amri
17.02.2020

Notes:

1- Voir la géographie de Strabon, tome I, Paris, 1867, p. 85 et 362.

2- Etienne Guichard, Harmonie étymologique des langues, Paris, 1606, p. 952
3- Samuel Bochart, Geographia Sacra, Caen, 1646, p. 185.
4- Louis Thomassin, Méthode d'étudier et d'enseigner chrestiennement et utilement la grammaire, ou les langues, François Muguet, 1690, p. 249 5- Beuzelin, Nouvelle méthode pour faciliter la première étude de l'arabe, Paris, 1855, p. 138
6- William Muss-Arnolt , On Semitic Words in Greek and Latin, American Philological Association, 1892, p. 75, note 10
7- Antoine-Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 329.
8- Giovanni Semerano, Le origini della cultura europea: rivelazioni della linguistica storica. Dizionari etimologici : basi semitiche delle lingue indeuropee, L.S. Olschki, 1994, p. 552
9- Marco Antonio Canini, Etimologico del vocaboli italiani di origina ellenica con raffronti ad altre lingue, V. 2, Torino, 1865, p. 891
10- John Ogilvie, The Imperial Dictionary: English, Technological, and Scientific, V. 2, Londres, 1861, p. 677  
11- Noah Webster,  A Dictionary of the English Language, V. 2, Londres, 1832, n. p.
12-Meschinnage, mechinaige, machinaige, mecmescin, messin, mischin, meschineste, meschinette, meschiner....(Source)


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jeudi 13 février 2020

Godolphin l'Arabe, ou le Roi du vent




King of the Wind par Wesley Dennis
"Quand Allah a créé le cheval, il a dit au vent: « Je veux qu'une créature vienne de toi. Condense-toi. » Le vent s'est condensé, et le résultat fut le cheval. " (Marguerite Henry, King of the Wind, 1948)

 "L'hiver de 1732 avait été très froid et les gelées fréquentes. Vers la fin du mois de janvier de cette année, une assez grande foule s'était amassée au bas du Pont-Neuf, à l'angle de la rue Dauphine et du quai des Augustins, à Paris.
Rien n'était et n'est encore malheureusement plus commun que le triste spectacle qui ras-semblait ces oisifs. Le pavé, rendu très glissant par le givre et le verglas, ne donnant aucune tenue aux chevaux, un de ces animaux, attelé à une grosse charrette pleine de bois, ne pouvait parvenir à faire avancer d'un pas cette pesante voiture. Le charretier, homme grand et vigoureux, vêtu d'une blouse bleue, à l'air dur et grossier, accablait ce cheval de coups de fouet, le frappant tantôt sur la tête, tantôt sur le corps, avec une impitoyable brutalité
."

C'est ainsi que commence, sous la plume d'Eugène Sue(1), l'histoire palpitante de Godolphin l'Arabe(2). Et la scène (3) racontée à travers cet extrait, véridique, nous restitue l'un des moments les plus tristes de la vie de ce cheval. Un moment qui s'imbrique dans ce que l'on pourrait appeler les tribulations parisiennes de Godolphin.


Qui aurait pu l'imaginer, à Tunis et au milieu du 18e siècle, que le cheval de course beylical offert au roi français Louis XV, par un absurde revers de fortune insoupçonné, deviendrait bête de somme attelée à une charrette, « comme le génie à la misère » suivant la comparaison de Théophile Gautier ? Et pire, objet des plus abominables traitements d'une brute de charretier ?


Barbe selon les uns, arabe selon d'autres(4), ce cheval, né vers 1724 au Yémen, avait traversé toute l'Arabie, en son âge tendre, pour séjourner quelque temps à Damas. Il avait été été acquis d'abord par un chérif syien qui l'avait baptisé du nom de Scham(5). Puis, toujours poulain, il avait franchi la Méditerranée une première fois, de la rive est à la rive ouest, ayant été revendu à Hussein Ier, alors bey de Tunisie.  Enfin, après avoir reçu la meilleure éducation hippique dans les haras de ce souverain et fait ses preuves de bon coureur, Scham, âgé de 7 ans, a traversé une seconde fois la Méditerranée, cette fois-ci du sud au nord, vers la France. En en faisant cadeau (6) avec sept autres coureurs aux écuries royales de Fontainebleau, Hussein Ier  devait probablement croire qu'il ferait le bonheur du jeune roi français. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Mais, avant d'en expliquer les raisons, revenons encore à la scène racontée par Eugène Sue:

"Renâclant, soufflant, le pauvre cheval s'épuisait en efforts si continus, que, malgré le froid, il était inondé de sueur et blanc d'écume. Tantôt, se jetant avec une sorte de furie dans le collier, il y donnait si vigou-reusement que des étincelles jaillissaient sous ses fers; tantôt, sans être découragé par ces énergiques mais impuissants essais, il reculait de quelques pas pour reprendre son élan; puis, rassemblant de nouveau toutes ses forces, il tentait encore, mais toujours en vain, de mettre en mouvement cette lourde voiture. Deux fois il s'abattit sous son pesant harnais, deux fois ses genoux touchèrent le pavé glissant, et deux fois le charretier, redoublant de coups et d'imprécations, le releva en le secouant si rudement par son mors, que la bouche du malheureux animal était toute saignante." (7)

Pourquoi une telle injure du sort ? Arrivé un an plus tôt en France en compagnie de sept (8) autres chevaux, Scham et ses compagnons de traversée étaient venus jusqu'au château de Fontainebleau, accompagnés chacun de son saïs. Une fois la livraison faite, tous ces garçons d'écurie étaient rentrés à Tunis. A l'exception d'un seul, Agba, un garçon muet, qui s'occupait de Scham. Pour des raisons à la fois affectives et superstitieuses, étant, d'une part, si attaché au cheval qui lui avait été confié, et d'autre part porteur d'une médaille-amulette censée protéger le cheval contre toutes sortes de maléfices(9), Agba est resté sur les lieux, intégré au personnel domestique de Louis XV.

Louis XV, qui n'avait que quinze ans en 1731, n'ayant pu apprécier à leur juste valeur ces chevaux apparemment marqués par les traversées successives de la mer et de la France(10), on comprend ce qui a valu à Scham
, sur le sol français, ce destin mal emmanché, cette triste page de mektoub. D'ailleurs les autres chevaux n'en furent pas plus chanceux. Si quelques uns avaient été affectés au trait, confiés aux carrossiers du roi, les autres ont dû se faire vendre aussi à des charretiers parisiens. Quant au saïs de Scham, ne pouvant souffrir d'abandonner à son triste sort son protégé, il dut mener une vie errante, à la bohème, afin de suivre au quotidien les traces de son ami.

Retour au récit d'Eugène Sue: "Une troisième fois , enfin , après un dernier et violent effort tenté avec l'énergie désespérée de la douleur, le cheval tomba sur ses genoux ; mais une de ses jambes s'engageant sous lui, il ne put se redresser et resta renversé sur le côté, tremblant, baigné de sueur, et l’œil attaché sur son maître. La rage de celui-ci fut alors à son comble : après avoir cassé son fouet sur la tète du cheval, qui, abattu dans les brancards, pouvait à peine remuer et allongeait en gémissant son col sur le pavé, le charretier, par un odieux raffinement de méchanceté, se mit à donner à sa victime de furieux coups de pied dans les naseaux." (11)

Et de guerre lasse, le cheval ne put que se résigner à encaisser les coups. Tout en léchant, dans une "fierté stoïque" qui n'est pas sans rappeler le loup de Vigny, le sang répandu sur son museau. Tandis que la foule de spectateurs qui ne cessait de grossir, soutenait de son regard l'insoutenable, faute de courage pour faire autre chose que de regarder.

Quand il épuisa toutes les brutalités sans parvenir à faire redresser son cheval, le charretier "avisant une botte de paille accrochée derrière sa voiture, en arracha une poignée, la tordit en forme de torche et, tirant un briquet de sa poche, se disposa, avec la plus impitoyable cruauté, à faire souffrir une autre torture à ce malheureux animal, disant aux spectateurs, assez lâches pour le laisser faire : — Je vais griller cette rosse-là... ça la fera peut-être se relever."(12

Le rebondissement qui suit cette scène est-il inscrit dans la logique de ce qui a l'air de quelque chose de providentiel, qui s'était produit à Londres une semaine avant ? 

Au matin de ce même jour de janvier 1732, un
quaker britannique en visite à Paris a reçu de Londres une correspondance lui annonçant une bonne nouvelle. Ce qu'il désirait ardemment depuis tantôt neuf mois, s'était enfin réalisé. Sa  fille avait accouché d'un beau garçon. Et lui, le père et grand-père ainsi comblé, sitôt la lettre reçue et lue, a voulu remercier le ciel par un acte de gratitude singulière. Aussi a-t-il quitté son auberge,  se laissant guider par ses pas dans les rues et les artères de Paris, à la recherche de la créature digne de l'acte médité. Au moment précis où le charretier s'apprêtait à faire subir à son cheval l'ultime supplice évoqué, lequel -est-il besoin de le dire ? pouvant n'être en la circonstance qu'un cautère sur une jambe de bois, en homme providentiel le quaker arriva sur les lieux. Et s'étant frayé un chemin au milieu de la foule, quand il a pu croiser le regard du cheval et aviser le dessein du charretier, d'un bond il sauta et tira ce dernier de la manche de sa blouse.
Arabian, sculpture, par Arthur Du Passage (1838-1909)
S'arrêtant à ce regard furtif échangé entre Scham et le quaker britannique, Maurice Druon écrit: "Pour qui connait les chevaux et les aime, le regard d'un cheval peut être aussi expressif, aussi révélateur qu'un regard humain. Et les chevaux aussi reconnaissent parmi les hommes ceux qui savent les comprendre. Un cheval choisit son maître, autant que le maître choisit la monture. Ce grand œil sombre, à la fois fier et effrayé, qui se tournait vers l'Anglais, n'appartenait pas à une bête de trait, un animal né pour une condition serve."(13)


Acquis par ce quaker au prix de quinze louis d'or, Scham et son indéfectible ange gardien, ainsi qu'un chat, plus tard nommé Grimalkin (14), qui s'était attaché lui aussi au cheval arabe, ont pu clore ce triste épisode des tribulations parisiennes. Et traverser la Manche peu de temps après derrière leur bienfaiteur. Après maintes péripéties tout aussi émouvantes, Scham, devenu le légendaire Godolphin Arabian, a fait inscrire son nom en lettres d'or dans les annales hippiques de l'Angleterre. C'est à lui, après deux étalons précédents de la même race(15), que le pur sang anglais doit sa filiation.

Tombe d'Arabian
A sa mort en 1753,  honneur assurément peu commun qui le distingue de ses congénères disparus, Godolphin a eu droit à une tombe à Wandlebury. Et de nombreux auteurs, des peintres ainsi que des cinéastes lui ont consacré des œuvres inspirées de sa légende (16).

Cette légende, -il faut le souligner, Arabian la doit surtout aux honneurs consécutifs à un combat pour sa "Dame de cœur": Roxana. Et jamais à une performance quelconque sur un champs de course. Car ce cheval n'a jamais couru, n'a jamais voulu courir, sur un hippodrome britannique. Comme on l'a déjà dit, dès que sa rêne n'est plus tenue par Agba son saïs, Arabian devient indocile, et aucun jockey ne peut l'approcher. D'ailleurs, il semble qu'il n'ait été acquis par lord Godolphin que pour servir de boute-en-train
, afin de préparer une jument nouvellement acquise, Roxana, à s'accoupler avec Hobgoblin, l'étalon chouchouté de l'écurie.

Mais plutôt que de se prêter à ce rôle peu honorable de souffleur,
The Duel par Rosa Bonheur (1895)
Arabian a préféré viser plus haut: percevant, à travers divers signes reçus de Roxana, que celle-ci lui donnait la préférence sur le gras et pesant
Hobgoblin, il a décidé de détrôner d'abord cet étalon infatué, ce rival briguant un honneur qui ne lui revenait pas. Et s'introniser ensuite par le mérite de son propre sang sultan de l'écurie Godolphin. Pour ce faire, il a provoqué en duel son rival. Et un vrai duel s'en est effectivement suivi, dont l'auteur français précité, avec l'extraordinaire brio de sa narration, a fait l'un des épisodes les plus saisissants de l'épopée schamienne. Un épisode qui se termine par ces lignes: "Hobgoblin tomba sur ses genoux ; mais, se relevant par un dernier effort, il prit la fuite, et alla honteusement se réfugier dans la box de Scham. Resté vainqueur, Scham n'abusa pas de la défaite de son rival pour le poursuivre. Fier, radieux, triomphant, il s'arrêta. Alors, la tête haute, l’œil ombragé par une longue mèche de sa crinière sanglante, il jeta un hennissement long et retentissant comme un chant de gloire. Un autre hennissement, impatient, nerveux, passionné , haletant, lui répondit. C'était Roxana, noble prix du vainqueur..."(17)


De l'union de Roxana et d'Arabian vont naître des fils, petits-fils et arrière-petits fils champions. "Au meeting de Newmarket, en 1738, écrit Henry Lee, trois de ces fils se trouvaient engagés, le même jour, dans des courses différentes. C'étaient Lath, cinq ans, Cade, quatre ans, et Regulis, trois ans. Ils gagnèrent tous trois. Leur propriétaire, lord Godolphin, avait tellement escompté ce triple succès, qu'il avait fait conduire leur père sur l'hippodrome, afin qu'il pût assister à la victoire de ses enfants."(18).

On ne compte pas ses descendants qui ont contribué à leur tour à honorer cette légende: Eclipse (1764-1789), cheval de course britannique invaincu toute sa carrière, Man o 'War (1917-1947), affectueusement surnommé Big Red, meilleur cheval de l'histoire des courses américaines,  Secrétariat, (1970 –1989) surnommé lui aussi « Big Red », l'un des plus grands champions américains de l'histoire des courses...

En guise de conclusion, rappelons qu'une étude faite par Barbara Wallner et ses collègues de l'Institut d'élevage et de génétique animale (Université de médecine vétérinaire de Vienne), publiée en 2013, a révélé que presque tous les pur-sang anglais et près de la moitié des races de chevaux de sport modernes dans le monde portent l'haplotype Eclipse, descendant de Godolphin, le Roi du vent (19).



A. Amri
15..02.2020




Notes:
 
1- La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, p. 101. 

2- Edward Coke (le quaker britannique dans le récit d'Eugène Sue) fut le premier propriétaire britannique de ce cheval. A sa mort, le cheval est légué à Roger Williams. Et quand lord Godolphin l'achète, il le baptise de ce nom: Godolphin Arabian.

3- Ce mot, attesté en français depuis 1531 au sens de « représentations théâtrales de l'Antiquité » , du latin  scaena (tente, berceau, scène de théâtre), du grec σκηνή skènè (construction en bois, couverte), est en fait emprunté à l'arabe سَكَنٌ sakan (habitat), du verbe سَكَنَ sakana (habiter). Voir à ce propos:
- Etienne Guichard, Harmonie étymologique des langues, Paris, 1606, p. 952
- Samuel Bochart, Geographia Sacra, Caen, 1646, p. 185.

- Louis Thomassin, Méthode d'étudier et d'enseigner chrestiennement et utilement la grammaire, ou les langues, François Muguet, 1690, p. 249
- Beuzelin, Nouvelle méthode pour faciliter la première étude de l'arabe, Paris, 1855, p. 138
- William Muss-Arnolt , On Semitic Words in Greek and Latin, American Philological Association, 1892, p. 75, note 10
- Antoine-Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 329.

- Giovanni Semerano, Le origini della cultura europea: rivelazioni della linguistica storica. Dizionari etimologici : basi semitiche delle lingue indeuropee, L.S. Olschki, 1994, p. 552

4- Pour le "General Stud Book", registre généalogique de chevaux en Grande-Bretagne et en Irlande, c'est un barbe. Mais il y a lieu de croire que cette identification ne serait que le produit d'une confusion faite avec le cheval Brown Western Barb (voir L'histoire de DNA : Godolphin Arabian le roi des boute-en-train). Pour Eugène Sue également, c'est un barbe, et de l'une de ses meilleures branches, le Bou-ghareb, « un des plus dignes descendants d'une des plus anciennes races de Barbarie, nommée, à cause de sa vigueur et de sa vitesse, race des rois du jarret »( La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, pp. 118/119). Cet avis est partagé par de J. Brunton Stephens (The Godolphin Arabian: The Story of a Horse, Londres, 1873). Pour Judith Blunt-Lytton (éleveuse de chevaux arabes et joueuse de tennis), Godolophin arabian est probablement de race arabe ou descendant de chevaux arabes. (The Authentic Arabian Horse, George Allen & Unwin Ltd., 1979, 3e éd.)

5- Dans son King of the Wind, Marguerite Henry interprète ce nom comme une apocope de "شمس chams" (soleil).

6- Rappelons que l'arabe الهدية al hadya (le cadeau) a déjà donné l'espagnol alfadia et le portugais odia, adia (de même sens). Le mot "hadie" (de sens identique) est attesté dans Maqrê Dardeqé, un dictionnaire hébreu-italien-arabe écrit en 1395 et publié à Naples en 1488. On en trouve également l'attestation dans le Glossaire Hébreu-Français du 13e siècle (Mayer Lambert et Louis Brandin, Genève 1977, p. 256).

7- Eugène Sue, op. cit., p. 101/102.


8- Le chiffre varie selon les sources, allant de 6 à 9, mais on s'accorde à dire que tous les chevaux avaient été sélectionnés parmi des mâles destinés à devenir étalons.

9- Eugène Sue, op. cit., p. 102.

10-Selon le site Thoroughbred Heritage,  pendant son séjour en France, le vicomte de Manty, qui a pu voir Scham dans les écuries de Louis XV, l'a décrit comme étant magnifiquement fait mais "à moitié affamé", avec un tempérament têtu qui le rendait mal aimé du personnel de l'étable. Il est très probable qu'il était en mauvaise condition physique, après son voyage de Tunis, à la cour du roi français. Le film tiré de l'oeuvre de Marguerite Henry (King of the Win) évoque également ce fait.

11- Selon la légende qui sera tissée plus tard autour de Godolphin l'Arabe, ce garçon d'écurie était persuadé qu'un signe blanc, sur son pied droit arrière, prédestinait le cheval à une existence d'exception. En même temps, un autre signe sur le poitrail, en forme d'épis de blé, augurait de qulque malheur pouvant frapper le cheval. Et le garçon d'écurie aurait reçu du bey tunisien en personne une médaille-amulette dont le pouvoir est de contrer, justement, ce malheur.


12- Eugène Sue, op. cit., p. 103.


13- Le Prince Noir, in Des seigneurs de la plaine à L'hôtel de Mondez: nouvelles, R. Julliard, 1962, p. 111.

14- "Godolphin fut le héros d'un exemple d'amitié rare, écrit Henry Lee. Il avait pour camarade de
Peinture de George Stubbs (1724-1806)
box un chat qui ne le quittait pas pour ainsi dire, et qui passait son temps, soit sur son dos, soit couché entre ses jambes de devant. Quand Godolphin mourut, en 1753, à l'âge de 29 ans, le chat refusa de manger, languit quelque temps et mourut à son tour. Le portrait de Godolphin et de son chat, par Stubbs, se trouve encore au château de Gog-Magog." (
Historique des courses de chevaux de l'antiquité à ce jour, Paris, 1914, p. 40)

15- Byerley Turk (1684-1706) et Darley Arabian (1700-1730)

16- Pour les livres: outre le récit en français d'Eugène Sue, , - Eugène Sue, La Cucaracha, V. 2, Paris, 1842, on peut citer encore, dans l'ordre chronologique de leurs parutions:
- Eugène Sue, The Godolphin Arabian; or, The history of a thorough-bred, Londres, 1845
- James Brunton Stephens, The Godolphin Arabian: The Story of a Horse, London, 1873
- Frederic George Stephens & Lefevre Gallery, The Duel (the Godolphin Arabian and Hobgoblin), L. H. Lefèvre (Londres), 1896
- Marguerite Henry, King of the Wind, Chicago: Rand McNally, 1948 

- Maurice Druon, Le Prince Noir, in Des seigneurs de la plaine à L'hôtel de Mondez: nouvelles, R. Julliard, 1962
- Peter Cannon-Brookes, The Crabbet Park Portrait of The Godolphin Arabian, hrupp Farm Publishing, 2004

Peinture: The Godolphin Arabian, par George Stubbs
The Godolphin Arabian par Daniel Quigley
Le Duel par Rosa Bonheur (Musée du Louvre).

Sculpture:
Arabian par Arthur Du Passage (1838-1909)

Cinéma

King of the Wind de Peter Duffell (1990), d'après le roman éponyme de Marguerite Henry (1948)

Partie I:



Partie II:

 

Partie III:


Godolphin arabian: documentaire tunisien de Taieb Jallouli (2011).

17- Eugène Sue, op. cit., p. 200.

18 Op. cit., p. 40.

19The father of ALL racehorses: Scientists discover majority of modern thoroughbreds are descended from the British stallion Eclipse.



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