mercredi 11 mai 2011

Silence, on torture!

َAyat al-Ghermezi, 20 ans, est étudiante et poétesse bahreïnie. Quand, à la mi-février, le Bhreïn a postulé à sa part au printemps arabe, comme la plupart des jeunes dans ces pays gouvernés par des oligarchies tyranniques et corrompues, Ayat a fait acte de présence dans le mouvement de contestation. Autant par ses descentes quotidiennes dans la rue que par la poésie engagée qu'elle récitait dans les manifs et les sit-in. Poésie devenue en la circonstance action. Ayat n'a manqué aucun rendez-vous sur la place de la Perle, ce rond-point du centre de Manama devenu au fil des jours le site des protestations, la place Tahrir de la capitale bahreïnie. Dans chaque mêlée, Ayat honorait le combat qui la soudait à son peuple. Sous la fumée des lacrymogènes, le feu à balles réelles, les tentes dressées sur la place ou le monument de la Perle, quand elle sortait d'une marche c'était pour prendre le micro et réciter devant une foule gagnée à sa verve un poème.

La poésie engagée n'a de sens que déclamée et montrant de l'index l'ennemi à abattre. En cela, Ayat n'a enfreint aucune loi du genre, aucune morale littéraire ou éthique artistique. Néanmoins, l'oligarchie, le pouvoir en général, les dictatures arabes en particulier, n'aiment pas les poètes, les vrais. Car il y a les flagorneurs, ou lèche-bottes, d'un côté et les poètes de l'autre. Ces derniers sont de tout temps debout. Ne savent pas opiner de la tête dans le sens approbateur. Répugnent à se courber ou prêter allégeance.
Pour avoir été de cette race-là, Ayat ne pouvait que pécher à l'endroit du pouvoir. Et elle a péché. Elle a commis le "délit" de critiquer plus d'un symbole de la monarchie, entre autres le roi et son premier ministre, tous deux des al-Khalifa. C'est un lèse-majesté qu'elle paiera très cher.

Fin mars, dans la vague de répressions qui s'est abattue sur le Bahreïn pour mater la révolte, Ayat est embarquée par la police qui la séquestre dans un lieu inconnu et -comme on en aura la confirmation plus tard- soumet à la pire torture qu'on puisse imaginer. En même temps, partout où ses parents crient leur détresse ils butent soit contre le black-out total sur le sort de leur fille soit sur le cynisme de ceux qui "voudraient bien lancer un avis de recherche si les intéressés acceptent d'abord de signer une déclaration portant disparue leur fille". On imagine aisément le calvaire de ces parents se déplaçant jour après jour de poste en poste, frappant à toutes les portes, téléphonant à tel et tel, sans réussir à avoir la moindre nouvelle de leur fille.

Mi-avril, soit plus de deux semaines après l'arrestation de Ayet, un appel anonyme parvient aux parents pour leur dire enfin que leur fille se trouve à un hôpital militaire. Arrivés sur le lieu, ces derniers ont juste le temps de constater que Ayat est dans le coma. Cause: hémorragie consécutive à un viol répété, telle est la constatation des médecins, vraisemblablement perpétré par plusieurs policiers jusqu'à ce que la victime en soit tombée dans l'état ayant nécessité son hospitalisation. Les efforts des médecins pour secourir la jeune fille sont vains. Ayat succombe des suites de ce crime innomé, sous les yeux de ses parents.

A.Amri
11.05.11

Page dédiée à la mémoire de la martyre sur Facebook

samedi 12 mars 2011

Arrêtez d'insulter le peuple!

Monsieur le Premier ministre,

Permettez-moi de vous rappeler que c'est le peuple qui vous a permis d'accéder à la primature. Et ce peuple est encore capable de vous en congédier s'il vous juge indigne de la charge.

Vous êtes au poste de premier ministre pour une période de transition, un épisode éphémère. Et les conditions dans lesquelles vous avez été investi de cette fonction sont censées vous éclairer assez sur les tares reprochées à votre prédécesseur pour n'en être pas vous-même prévenu.

Il semble que ni vous ni votre ministre de l'intérieur n'avez assimilé les règles du jeu politique propre à la révolution. Quand le peuple vous somme d'en finir avec le système Ben Ali, qu'il crie:" RCD, dégage!", qu'il descend dans la rue et monte par deux fois à la Kasbah pour en chasser les imposteurs, vous êtes censé avoir reçu cinq sur cinq le message en vertu duquel vous êtes l'actuel premier ministre.

Or pour oser reconduire dans leurs fonctions des administrateurs de la dictature déchue, comme ce fut le cas récemment avec 117 délégués issus du RCD dissous, que la décision vous revienne directement ou soit du seul ressort de votre ministre de l'intérieur, vous donnez l'impression que vous n'avez tiré aucune leçon des deux sit-in de la Kasbah. Au peuple qui crie:" RCD, dégage!" vous rétorquez de manière pour le moins insultante: "Engageons des RCD!"

Le peuple qui a bouté hors du bureau que vous occupez votre prédécesseur l'a fait parce que ce dernier et une bonne partie de son équipe devaient impérativement suivre leur maître. Incarnant de facto les tentacules de la pieuvre benalyenne, la tête de cette pieuvre étant tranchée il serait absurde de soutenir que ces appendices sont sains, qu'ils peuvent s'adapter à la révolution ou que celle-ci puisse les résorber ou s'en accommoder dans cette phase transitoire.

Nonobstant vos déclarations et vos promesses, vous donnez l'impression que vous êtes incapable de rompre réellement avec l'époque révolue. Vous donnez aussi l'impression que vous êtes incapable de comprendre le sens réel de la révolution. Et ce déphasage par rapport au sens de l'histoire et à la volonté du peuple risque de vous emporter vous aussi dans le sillage de ceux qui ont grossièrement insulté le peuple.
Si vous êtes là pour tenter de nous jouer un autre tour de passe-passe, dites-vous que le peuple en a assez qu'on le méprise et qu'on se méprenne encore sur son compte. Dites-vous que ce peuple est prêt à remonter à la Kasbah pour faire valoir ses droits si besoin. Sinon, épargnez au pays et à vous-même cette agaçante tartuferie dont les Tunisiens ne veulent plus.

Le peuple qui a réalisé une révolution exemplaire jusqu'ici, qui a libéré d'autres peuples frères de la léthargie séculaire et incarne depuis le 14 janvier 2010 le porte-flambeau de l'émancipation, le peuple dont l'épopée héroïque est devenue référence dans le monde entier, le peuple qui a donné à la Tunisie ce rayonnement sans précédent ne peut plus vous autoriser ni vous ni vos successeurs à l'insulter!

S'il faut le souligner davantage, dites-vous que ce peuple qui a botté son cul à Ben Ali ne peut plus respirer de près ni de loin la charogne infecte léguée par la dictature. En d'autres termes, RCD et consort dehors! Les hommes de main et les laquais de Ben Ali n'ont plus aucune légitimité pour administrer les affaires du peuple.


Alors, au nom du peuple, faites le ménage comme il se doit dans les appareils administratifs publics ou partez! faites juger les criminels et leurs complices ou partez! Et que la Tunisie en finisse une fois pour toutes avec la carcasse en putréfaction de la pieuvre benalyenne!
Au nom du peuple, donnez un coup de balai à ce tas d'excreta qui étouffe le jasmin de notre Tunisie et profane la révolution!
Au nom du peuple, mettez-vous à la page de la révolution ou .. dégage!

A. Amri
12.03.11

lundi 14 février 2011

La caravane passe

Provocateur et parfois insultant, Pierre Piccinin, professeur d'histoires et de sciences politiques à l'École européenne de Bruxelles I, écrit sur Facebook ce qui suit:

Égypte: la présidence est exercée par le Conseil supérieur des Forces armées; l'équipe gouvernementale mise en place par le président Moubarak avant sa retraite pour sa résidence de Charm el Cheik reste en place; c'est elle qui assurera la "transition démocratique"; l'armée a commencé à dégager la place Tahrir et a procédé à l'arrestation discrète de plusieurs leaders des manifestants.

Vive la révolution! lol



Ce n'est pas très sympathique de jouer pour nous la Cassandre à chaque fois, Pierre. Au lendemain de la fuite de Ben Ali, alors que le monde entier saluait la victoire du peuple tunisien, que la rue -à Tunis ou à l'intérieur du pays- ne désemplissait pas encore, tu nous faisais entendre ce même son de cloche, cette même note dissonante. Et en fait, ce n'est pas tant la dissonance en soi qui me paraît insultante et provocatrice: c'est le temps choisi et surtout le ton. Comme si Égyptiens et Tunisiens n'avaient pas réalisé déjà quelque chose qui vaille qu'on cite, un exploit, et non des moindre, pouvant justifier leur fierté, comme si la chute de Ben Ali puis celle de Moubarek n'autorisaient aucun espoir pour les millions d'Arabes qui les avaient appelées de tous leurs vœux et les ont à bon droit fêtées un peu partout dans le monde, comme si l'impact psychologique de ces deux révolutions sur les peuples qui s'y reconnaissent, qui se sont d'ores et déjà libérés, ne compte pas, comme si, enfin, une révolution ne peut avoir de sens que si elle balaye instantanément et d'un seul trait l'héritage de tant et tant d'années de dictature et d'oppression.
J'oubliais de mentionner aussi que tu contestais à la révolution tunisienne même l'appellation. Je présume que la contestation vaut aussi pour l'Égypte.

Voilà contre quoi je m'élève au juste quand je faisais état de cette dissonance révoltante. Et n'invoque pas d'autorité intellectuelle, Pierre, pour te permettre cette provocation, à mon sens, déplacée. Un universitaire qui se respecte se doit un minimum d'objectivité dans ses propos s'il se veut crédible. Le vocabulaire péjoratif très connoté (post en date du 18 janvier), l'intention dévalorisante et pour le moins méprisante, ôtent toute prétention à la rigueur d'un discours supposé analytique.

Quant à cet épouvantail islamiste que brandissent traditionnellement Adler, BHL et Finkielkraut, entre autres, autant je comprends l'angoisse de ces "maîtres penseurs" et de leurs disciples (parce que le sionisme, c'est certain, vient de perdre deux alliés notoires, voire deux agents fidèles dans la région, sans compter ce qui va s'ensuivre) autant je trouve ridicule chez les nôtres (et je voudrais que ce possessif s'entende dans un sens plus politique que communautaire) cette angoisse d'un avenir confisqué par les islamistes.
Je suis persuadé que nous sommes en retard d'une guerre, les amis. Depuis la chute de l'Irak, la gauche bouge autour de nous et évolue à pas de géant, dépassant les vieux clivages et les querelles de chapelle: lisez Chomsky, Bricmont, Collon, Boniface, Paul-Eric Blanrue... Méditez les alliances de Hugo Chavez et ses voisins dans l'Amérique latine avec l'Iran, le Hezbollah, le Hamas, la Turquie. L'islam politique est devenu pièce maîtresse dans la résistance contre le sionisme et l'impérialisme, et ce n'est pas tout: que ce soit en Égypte ou en Tunisie, les vieilles images stéréotypées au sujet de ces barbus vivant et pensant dans les limbes du Moyen âge ne sont plus valables. Plus de 63% des dirigeants au sein du Hezbollah sont des femmes. Toute la gauche libanaise et les chrétiens réunis autour de Michel Aoun sont alliés avec le Hezbollah. En Palestine, les dernières révélations faites sur Aljazeera plaident plus que jamais pour la légitimité représentative du Hamas.Et quiconque parie encore sur Abbas et consort pour libérer la Palestine ou une partie se trompe.
Mais souligner ceci ne veut pas dire que nous avons déjà fourni aux islamistes une procuration pour nous gouverner en Tunisie ou en Égypte. C'est seulement reconnaître à une tranche de notre société le droit à la vie politique. Il n'y a pas plus d'extrémistes chez nous qu'ailleurs. Il y a seulement des peurs amplifiées, surfantasmées, dont une bonne part importée ou greffée à la faveur de nos vieilles dictatures, peurs que nous devons conjurer ensemble en réapprenant à cohabiter et en disant à ceux qui alimentent la division pour faire perdurer leur règne que nous en avons assez! nous voulons prendre notre destin en main. Et nous en sommes capables, rassurez-vous.
Dites-vous seulement que l'islamisme n'aurait pu prospérer dans notre région sans l'existence d'Israël. Le vrai mal, le diable que toutes les forces vives du monde, arabe ou autre, doivent pointer du doigt est bien celui-là, et non les Frères musulmans d'Égypte ou les Nahdhaouis de Tunisie.
Parce que la terreur réelle n'est pas ni ne doit être chez nous: elle est et doit être ailleurs, à Washington, à Tel-Aviv, dans les officines sionistes où qu'elles puissent avoir pignon sur rue, en rapport avec les promesses de ce printemps arabe pour l'avenir de nos peuples, et parallèlement pour nos rapports de force avec Israël.
Voilà ce qu'il faut prendre en compte avant toute chose; la menace islamiste ce sont les thèses et les alibis des dictateurs déchus. Et de ceux qui pourraient suivre parce que, n'étant pas à bonne école comme l'est Pierre, je suis optimiste. Quoiqu'on en dise et médise, la révolution arabe ne fait que commencer.
A bon entendeur..salamalec!

mardi 1 février 2011

Pour que l'espoir ne soit pas chimère

"Indépendamment de l’euphorie qui s’est emparée de nombreux observateurs, il ne faut pas se méprendre sur la « révolution » tunisienne, qui, dans les faits, est en train de s’achever par une subtile manipulation : si le président Ben Ali a accepté de se retirer, sous la pression de son propre gouvernement, de l’armée et de Washington, l’establishment benaliste est quant à lui bel et bien resté aux commandes du pays."
Pierre Piccinin - Professeur de d'histoire et de sciences politiques


Le 14 janvier 2011, un immense espoir est né en Tunisie et dans l'ensemble des pays arabes. Au bout de 23 ans de pouvoir dictatorial et mafieux, Ben Ali est acculé à
abdiquer et fuir à l'étranger. La révolution populaire tunisienne a incontestablement marqué ce jour-là une victoire retentissante que l'histoire n'oubliera pas. Pour la première fois dans le monde arabe, si ce n'est dans le monde entier depuis la révolution française, la lutte d'un peuple déterminé à en finir avec un système politique caduc et prendre son destin en main, en s'appuyant exclusivement sur les moyens de la résistance citoyenne pacifique, s'est avérée possible et concluante.

L'impact de cet évènement dans les pays frères est immédiat: en Algérie, en Jordanie,
au Yémen puis en Égypte surtout, les masses arabes qui ne sont pas moins méritantes que le peuple tunisien décident de suivre l'exemple. Ce qui se passe en Égypte, cœur du monde arabe, augure de la fin du vieil ordre établi dans la région. On en tremble à Washington comme à Tel-Aviv. Et pour cause! Et le monde entier vit au pouls de ce soulèvement arabe qui promet de s'affirmer encore et s'étendre à d'autres zones.

Néanmoins, parce que l'euphorie ne doit pas cacher la réalité pour nous, l'optimisme doit rester toujours relatif. Ce qui se trame dans les coulisses américaines pour l'avenir de l'Égypte semble procéder du même ordre qui a arrangé la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, et motivé la visite en Tunisie de Jeffrey Fieltman, une dizaine de jours plus tard. Les USA s'activent pour assurer un changement dans la continuité, du moins en ce qui concerne leurs intérêts stratégiques et la sécurité d'Israël.

Quoiqu'il en soit, dans l'attente de la chute de Moubarek en Égypte, chute que tous les signes annoncent imminente, l
a vigilance s'impose à bon droit en Tunisie, où de nombreux signes inquiétants s'accumulent depuis la fuite du dictateur déchu. Le bras de fer que soutient le gouvernement provisoire contre la volonté populaire appelant à sa chute, les remaniements ministériels successifs qui reconduisent incessamment une majorité d'anciens laquais de Ben Ali, la répression barbare des contestations que ce soit à Tunis ou à l'intérieur du pays, la non dissolution du RCD alors que cette dissolution est le leitmotiv de tous les slogans scandés dans les manifestations populaires des deux dernières semaines, autant de signes doivent alarmer le peuple et le mobiliser pour la poursuite des luttes. Disons-le de vive voix: il ne faut jamais se replier ni desserrer le moindrement l'étau autour du gouvernement actuel sous peine d'avoir à pâtir d'une dictature blessée à mort mais pas achevée.

Au premier acquis de la révolution que fut la chute de Ben Ali doivent suivre ceux pour lesquelles la révolution a mobilisé son peuple. Les Tunisiens ne se sont pas débarrassés d'une vieille dictature pour accepter une nouvelle à sa place. Fût-elle de coton! Ben Ali est parti, toutefois ce n'est qu'une tête coupée de l'hydre dictatorial. "Ali Baba est parti mais les quarante voleurs sont toujours là!" lit-on sur les pages d'internautes tunisiens qui n'acceptent pas qu'on se paye leur tête. Il n'est caché pour personne, et les Tunisiens en premier, que la piovra tient encore le pays. Pieuvre ou hydre au sens mythologique du terme, le système benaliste n'abdiquera pas de son gré. On lui a tranché une tentacule, une tête, deux en sus des six restants ont d'ores et déjà repoussé avec le maintien de ses valets au pouvoir. Ces têtes ou tentacules assurent encore la survie du système pourri. Et la révolution risque en tout temps d'être mot creux pour les Tunisiens comme pour le monde qui les entoure, tant que les cerbères du vieil ordre tunisien sont encore au pouvoir.

Le gouvernement, contrairement à tout ce qu'il nous dit au sujet de la soi-disant démission du RCD de ses membres, continue de collaborer avec le parti, comme en témoignent les actes menés conjointement par les milices et les forces de l'ordre contre les manifestants et les participants au sit-in de la Casbah. Ce parti impliqué jusqu'au cou dans les crimes de Ben Ali et sa bande mafieuse, ainsi que ses milices qui n'abdiquent pas, qui sèment la terreur, saccagent, pillent et menacent de livrer le pays à une guerre civile constituent une autre tête de l'hydre à abattre. Cette tête doit impérativement tomber sans délai. Sans quoi adieu la révolution!

Et nous ne le dirons jamais assez: la révolution, les Tunisiens attachés à leurs valeurs patriotiques et civilisationnelles ne veulent pas d'effusion de sang. Ni piloris ni chasse aux sorcières. Jusqu'ici le peuple a consenti des martyrs dans ses rangs sans répandre la moindre goutte dans le camp opposé. Tant mieux pour une certaine image de marque qui fut constamment la nôtre et dont nous ne voulons pas nous défaire! Un peuple pacifique et tolérant, un pays au carrefour des civilisations, une Tunisie terre des hommes. Ce sont, entre autres, des traits identitaires qui font partie de notre fierté. Et nous ne souffrirons pas d'en immoler un seul au nom de la révolution.

Le capital de sympathie dont notre pays a bénéficié dans le monde entier à la faveur de cette magnifique révolution, nous sommes appelés à le préserver et le soutenir.
Car il sera demain le garant de notre estime, aussi bien dans le bassin de la Méditerranée -notre environnement immédiat, que dans le reste du monde.
Continuons donc dans cette voie et ne cédons en aucun cas ni à la haine ni à la violence. Tous les citoyens, y compris les adhérants au RCD, sont tunisiens à part entière: leurs vies, leurs biens, leur dignité à tous sont sacrés au même titre que la révolution qui catalyse notre espoir.
C'est dire que la dissolution du RCD que nous devons réclamer et réaliser sans concession aucune ne signifie pas guerre contre les rcédistes. S'il y a des criminels dans ce parti, et il y en a incontestablement, il n'appartient à aucun citoyen de s'ériger en juge, ni en son propre nom ni au nom du pays, pour faire justice lui-même. Seuls les tribunaux compétents sont habilités le moment venu à juger les justiciables. Et quoi qu'il en soit, nous qui avons tant souffert de l'arbitraire et de l'oppression sous Ben Ali ne pouvons admettre que d'autres tunisiens, parce que différents et politiquement d'un autre bord, subissent les mêmes torts dans la Tunisie nouvelle. Tout accusé est présumé innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité: voilà un principe de droit universel duquel nous ne devons jamais nous écarter.

A. Amri
01.02.11

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La Révolution continue
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dimanche 30 janvier 2011

شجرة الطغيان باقية مالم تجتث جذورها


لا معنى لمصطلح الثورة في تونس ولا في أي بلد مر بثورة ثبتت وذكرها التاريخ بدون إقصاء تام وجذري لكل ما له علاقة بالنظام البائد، وليس ثمة أخطر على ثورة تونس الوليدة من الإعتقاد بأن نظام بن علي قد زال بزوال رأس الأفعى. فشجرة الطغيان باقية مالم تجتث جذورها وأي مسار يتوخى الوقوف عند المناداة بالإصلاح مع الإبقاء على رموز الفساد وأجهزة الدكتاتورية المخلوعة هو في الواقع لا يتعدى عملية تقليم لشجرة الطغيان والتقليم في معناه المجازي كما في المعنى الأصلي للكلمة لن يوقف نمو الشجرة بقدر ما سيهيئ لها ظروف التجدد والتفرع بصفة أفضل.

وبالتالي على القوى الحية والواعية في تونس ألا تقع في فخ أنصاف الحلول لأن نظام بن علي في الساعة الراهنة وإن كان جريحا لم يمت بالمرة وسيبقى قادرا على استرجاع أنفاسه ومن ثمة نفوذه طالما لم يتلق طلقة الرحمة. وكل من عاين أحداث القصبة الأخيرة يعي خطورة الوضع الذي تعيشه الثورة، فجهاز القمع للنظام السابق مايزال يعربد مطلق اليدين وحزب التجمع الذي نادى الشعب بحله ما يزال ينشط ويجند زبانيته وميليشياته لضرب الأحرار و صد الثورة عن المسارالشعبي الذي يود إيصالها لشاطئ الأمان ، والإعلام الذي كان يطبل ويزمر لبن علي وحزبه بالأمس ما يزال يتبع منهج التعتيم والتضليل ليومنا هذا مطالبا الشعب الذي ثار ضد دكتاتورية الحديد والنار، بصريح العبارة تارة وبالتضمين طورا ، بأن يقبل دكتاتورية الهراوة والغاز الخانق ويقنع بالتالي بما تم إنجازه، وهو إن دل على شيء فلا أقل من وقوف أحهزة الدكتاتورية المخلوعة شكلا والباقية أصلا وراء المشروع الذي أعد له بن علي قبل هروبه: إبقاء النظام حيا حتى وأن اقتضت عملية إنقاذه اللجوء للمناورة والمغالطة التي نعاين أشكالها على جميع المستويات كالقبول بتهذيب السلطة جهازا وخطابا وتجميل واجهتها الدعائية برفع الشعارات الرنانة وتبني الخطاب الشعبوي و تكوين حكومة وقتية بها مؤشرات انفتاح وإصلاح، وهي إجراءات ما كان ليتم جزء منها في حد ذاته لولا ضغط الشارع، لكن الهدف من كل التنازلات التي قدمتها فلول النظام البائد لا يتعدى إخلاء الشارع بقصد تجميد الثورة والتنكر لتضحية الشعب ودم الشهداء .

أ.عامري
30 جانفي 2011

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lundi 24 janvier 2011

La politique citoyenne



Jean-Claude Tardif, qui n'est pas un quidam contrairement à ce que sa modestie lui dicte de dire, m'honore de ce message:

Cher Ahmed, vous faites (à l'échelle d'un peuple) de la politique au sens grec du mot. Chez nous l'individualisme l'a tuée tout comme je le crains la communication où ce qui en tient lieu est en train d'occire la Démocratie en Europe... Mais ce ne sont là que propos de quidam ou pire d'un citoyen plus qu'ordinaire - amitiés jc

Cher Jean-Claude,

Il y a des moments exceptionnels dans l’histoire des peuples, des moments aussi rares que l'ouverture du ciel, au sens mythique de l'expression, des moments inédits. Et ce que nous vivons en Tunisie depuis le 14 janvier en est un. Note au passage que ce « 14 » porte bonheur aux peuples! il a déjà marqué l'ouverture du ciel pour les prisonniers de la Bastille!

En vérité, ni la dictature déchue ni l’opposition ni tel ou tel observateur étranger n’avaient pu prévoir, à la naissance du soulèvement ou même au fort des répressions sanglantes qui en ont marqué le tournant décisif, que ce peuple réaliserait l’incroyable exploit qui est le sien: la chute d’une dictature des plus féroce, sans autre arme que la descente dans la rue. Puis la résistance encore, la poursuite de la lutte en vue de préserver de la confiscation cette révolution. Le tout sans que ce peuple n’ait à se souiller les mains d’une seule goutte de sang, malgré les dizaines de morts dans ses rangs.

A l’heure où je t’écris, j’apprends que des jeunes sont arrivés hier dans la nuit à Tunis, venus de l’intérieur du pays, la plupart à pied, ayant franchi pour certains pas moins de 250 km, si ce n’est plus, et ce pour « écrire » ce que j’appellerais l’épilogue digne de cette extraordinaire épopée. Ce sont les frères, les cousins, les héritiers de Bouazizi, les partisans de son appel issus du peuple des déshérités, qui voudraient conquérir Carthage. Ou du moins la Casbah dont la chute serait, à leurs yeux, synonyme de la prise de la Bastille. Comme moi, comme toi, comme tant d'autres qui avons été pris de court dans la bourrasque de cette révolution, ils croient fermement que le salut de celle-ci passe inéluctablement par la dissolution de l'actuel gouvernement.

Ce matin, Aljazeera a montré les images de ces jeunes qui ont passé la nuit devant le premier ministère, étendus à même les dalles, serrés les uns contre les autres, beaucoup sans couverture, par une nuit d’hiver où la température avoisine les 5°. Malgré le recours renouvelé aux bombes lacrymogènes et à l'arrosage par jets d'eau pour les disperser et faire replier, ils tiennent bon. Malgré la harangue de ce général qui contrôle la sécurité du pays depuis la fuite de Ben Ali, et l'assurance répétée que la révolution n'a plus rien à craindre, ils ne semblent pas près de desserrer l'étau!

Ajouter une imageC'est te dire en fin de compte que ce que je fais sur le front des internautes n'est rien à côté de la lutte directe des nôtres sur le terrain. Et quoi qu'il en soit, même si ce modeste combat peut correspondre à ce que tu dis, je ne serais qu'une goutte dans l'océan. Ce dont je ne doute pas, en tout cas, c’est que cette révolution nous l’attendions depuis une éternité. Sur Facebook ou sur nos blogs, nous avons été des centaines de Tunisiens à appeler de tous nos vœux l’avènement de ce moment, chacun à sa manière, les uns sous de faux profils, d’autres à visage découvert, certains de l’extérieur du pays, d’autres de l’intérieur. Censurés, intimidés, opprimés et les plus coriaces de nous emprisonnés, et nous avons persévéré quand même.

Aujourd'hui et en ce moment difficile de notre histoire, autant nous sommes heureux d’avoir apporté chacun sa modeste contribution à la réalisation de cet exploit historique que nous vivons, autant nous sommes conscients que le plus dur reste à faire : préserver cette révolution et lui épargner, une fois qu’elle aura été menée au bout de sa phase actuelle, les dérives susceptibles de la menacer ou d’entacher son caractère citoyen et pacifiste.

En ce qui concerne ta vision de la politique sur l'autre rive de la Méditerranée, je dirais malgré tout: méfie-toi de l'eau qui dort!

J'ai vécu en France la fin du dernier septennat de Giscard et le début du premier septennat de Mitterrand. Je me souviens de ce 8 mai 81, de l'orage qui a précédé la proclamation des résultats électoraux (inoubliable ouverture du ciel, celle-là aussi!) et de la fête nocturne sur la place de la Bastille. Moi qui crois dans une certaine mesure à l'éternel retour, je voudrais vivre et revoir la gauche, mais une gauche qui incarne réellement les forces vives de la France, reconquérir le pouvoir.

Excuse si j’étais un peu long. Et merci du fond du cœur pour tes messages.

Amitiés,

Ahmed


A. Amri

24.01.11

Jean-Claude Tardif, poète et nouvelliste français.


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lundi 17 janvier 2011

La Révolution continue

En ce 14 janvier dont l'histoire se souviendra, le dictateur tunisien a capitulé et pris la poudre d'escampettes. Mais l'épopée du peuple tunisien n'a pas dit son épilogue. La Révolution n'est pas terminée.

N'en déplaise à ceux qui parlementent, négocient, vendent et achètent sans mandat du peuple, ceux qui pillent encore et tuent pour justifier le couvre-feu, ceux qui reconduisent dans leurs fonctions les vieux laquais de Ben Ali, le peuple ne veut rien de moins que la fin d'un système. Avec tous ses appareils répressifs, ses sbires, ses juges et agents corrompus et impliqués dans la longue liste de crimes qui a conduit au soulèvement général du peuple.

En un mot, Ghannouchi et compères, la clique qui rampait sous Ben Ali et soutenait sa dictature ne peut plus gouverner au nom de la Tunisie.

Le dictateur parti, il faut que sa valetaille le suive. Il faut aussi que le parti, en tant que label et organisation politiques, disparaisse.
Le RCD qui, de l'indépendance tunisienne à nos jours, sous sa vieille dénomination comme sous la nouvelle, a exclu la majorité des Tunisiens du pouvoir, qui a tout fait pour museler la voix de l'opposition et s'accaparer le droit de l'exercice politique, aujourd'hui que le peuple a dit haut son mot, doit partir. A la Mecque ou ailleurs, peu importe! mais qu'il parte sans délai! Qu'il cesse de profaner le pouvoir au nom des Tunisiens! Qu'il cesse de revendiquer une pseudo-légitimité que les crimes sans nombre commis sous son règne et le sang des révoltés qui n'a pas encore séché désavouent! Ni ceux qui sont tombés sur le chemin de la Révolution ni les leurs ne peuvent admettre une telle insulte.

Le corps de Mohamed Bouzizi qui s'est embrasé par le feu de l'injustice ne s'est pas encore éteint. Et il ne s'éteindra pas de si tôt. Pas tant que les damnés de la terre pour laquelle il s'est immolé ne recouvrent leur dû: justice! justice! justice!

Justice pour ceux qui ont souffert et souffrent encore à cause d'une politique à tous niveaux élitiste, des choix économiques régis par les lois d'un capitalisme sauvage, qui consacrent la loi de la jungle, ne profitant qu'à une minorité, ceux qui règnent et ceux qui vivent dans leur sphère, les arrivistes de tout bord, caniches et lèche-culs arborant la carte du RCD.

Justice pour les justiciables qui n'avaient ni Dieu ni maître à part Ben Ali et leur propre cupidité, qui se sont vautrés dans un luxe immérité et indécent, qui ont soutiré les deniers du contribuable, c'est-à-dire l'argent des humbles, pour s'offrir une existence de cocagne et condamner de larges tranches du peuple à végéter dans la misère.

Justice enfin pour la Tunisie entière! Ce pays qui, des années durant, dans la presse écrite comme à la télé, voyait ternir son image de marque par la légion des tabbalas et zakkaras (timbaliers et fifres), ce pays meurtri et jamais soumis, ne s'est pas révolté pour la gloire d'un label!

Révolution du Jasmin, oui, si c'est pour dire révolution blanche; le peuple n'a pas de sang sur les mains et tant mieux pour la gloire de sa révolution! Mais le jasmin ne peut embaumer au milieu d'un tas de fumier qui gouverne encore le pays!

A. Amri
17.01.11

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