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jeudi 5 mars 2020

Etymologie: quelle en est l'étymologie ?


De l’arabe التَّامُّ at-tamm (l’accompli, le parfait, le vrai), dérivé du verbe تَمَّ temma (s’accomplir, s’achever, être parfait), ou أَتَمَّ atemma (accomplir, achever), qui a donné le dérivé dialectal et le turc تَمَامْ tamam [1] signifiant « c’est exact, c’est vrai, c’est juste », le grec a tiré son ἔτυμος, étumos, signifiant « vrai », dont il a fait ἐτυμολογία, etumología, donnant le latin etymologia et le français étymologie (1175), de sens identique. Le mot s'est répandu dans plus d'une trentaine de langues de diverses familles (gothique, celtique, romane...), et a donné une dizaine de dérivés en français [2].


Ce grec emprunté à l'arabe, on le savait en Occident, du moins le soupçonnait-on, de longue date. En 1775, Antoine Court de Gébelin soutient que le mot grec dérive d’un radical oriental signifiant « perfection, accomplissement, vérité, justice ».  Voici ce qu’il dit au juste à ce propos : « Il existe dans les langues les plus anciennes de l'Orient, un mot écrit en Hébreu טומ, qui s'écrit et se prononce indistinctement Tom, Tum, Tym ; c'est un mot radical qui signifie perfection, au sens propre ou physique ; et au sens figuré ou moral, accomplissement, vérité, justice. Chez les Hébreux, les Arabes, etc., il a formé des adjectifs et des verbes. Ce mot, uni chez les Grecs à l'Article E, et se chargeant de leur terminaison os, devint l'adjectif E-tum-os, qui signifie vrai, juste, tandis qu'ils laissèrent perdre tout le reste de sa famille. Les Grecs unissant ensuite ce mot à celui de Legia, qui signifie chez eux discours, connaissance, ils en firent le mot E-TUMO-LOGIA, que nous prononçons Étymologie, et qui signifie par conséquent connaissance parfaite, connaissance vraie et juste ; et ils désignèrent par là, la connaissance de l'origine et de la valeur des mots. »[3].

Antoine Court de Gébelin devait ne pas connaître la racine arabeلغَا  lagha (parler) et ses dérivés, autrement il aurait ajouté que  λόγος, lógos (« parole ») est aussi d'origine arabe, de sorte que le grec ἐτυμολογία, etumología, n'a rien de sien dans ce mot, si ce n'est l'habillage phonétique dû à l'hellénisation des deux racines arabes. Logos et bien d'autres mots attribués de façon indue au grec, Abderrahman Benatia en 2005[4], ainsi que Rachid Benaïssa plus récemment [5], les ont restitués à leurs authentiques racines arabes.
En conclusion, je voudrais recommander au lecteur désirant en savoir davantage sur ce que la Grèce doit à l'Orient le livre de Frédéric Mathieu: Platon, l'Egypte et la question de l'âme [6], [7]. C'est un mémoire présenté en 2013 pour l'obtention du Master I de philosophie, et sauf récente restriction d'accès sur Google, il est entièrement accessible en ligne. Ce que l'on peut y apprendre (si l'on est de ceux qui croient au "miracle grec") est si inouï qu'il vaut véritablement la lecture intégrale.



A. Amri
05.03.2020


Notes:

1- Jean Deny, Principes de grammaire turque, Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 72.  
2- Etymologie populaire, étymologique, étymologiquement, étymologiser, étymologisme, étymologiste, étymon, réétymologiser, réétymologisation, rétro-étymologie   
5- Généalogie des langues: et si les grecs et les latins parlaient arabe sans le savoir (conférence donnée à Marseille en date du 27.01.2020)
6- Ed° Frédéric Mathieu, 2013.
7- Platon, l'Egypte et la question de l'âme par Frédéric Mathieu, Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013


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lundi 17 février 2020

Quand "scène" et dérivés seront-ils relogés dans leur sakéna arabe ?

« Une vision bornée de l'histoire nous a imposé d'en localiser les sources non loin de chez nous, dans l'aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athéniens et romains. [...] Prestige du verbe, orgueil de soi, volonté de surélévation : lorsque nous avons prononcé le mot Occident, nous avons tout dit, comme si l’Occident était autre chose que la pente déclinante de l’Orient... » (Pierre Rossi)


Scénario, scénique, scénette, scénographie, scéniquement, scéno-graphique, scénographiquement, scénite, scénopégie... et la liste peut encore s'allonger, dérivent de la racine scène, mot attesté en français depuis 1531 au sens de « représentations théâtrales de l'Antiquité ».

Le TLFi rattache le mot  au latin scaena « scène d'un théâtre,
Scène de Hôtel Feydeau, mise en scène d Georges Lavaudant
théâtre », « scène publique, scène du monde », « mise en scène, comédie, intrigue », « partie d'un acte », du grec
σκηνή « construc-tion en bois, couverte, où on jouait les pièces de théâtre », d'où « partie de la scène où jouaient les acteurs », « fiction de théâtre », d'où « fiction, mensonge ».

Mensonge, fiction: il y en a aussi un peu dans cette définition, quand le TLFi fait de "baraque" (premier sens du mot grec) un lieu "où on jouait les pièces de théâtre". Et ce que le TLFi ne vous dit pas, c'est qu'en grec le mot signifiait d'abord tente. Et si les Grecs désignaient autrefois les Arabes par Scénites[1], c'est tout simplement parce que la skéné (scène=tente) était l'habitat de prédilection des Arabes, et des bédouins en particulier. Le dictionnaire grec-français de Charles Alexandre, de même que Littré, et Antoine Paulin Pihan ont le mérite de nous rappeler ce sens premier du mot grec. Pihan précise même, en s'appuyant sur Charles Alexandre, "que le sens de scène théâtrale, appliqué au mot grec, est un peu détourné de sa signification primitive". Mais qu'importe ! Ce qui nous intéresse davantage ici, à savoir d'où le grec tire ce mot, Littré, le TLFi, ni autres mystes de philologie et lexicographie françaises, ne daignent en donner la moindre précision.


Et pourtant, on ne compte pas les références [2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10], [11],qui nous disent que ce grec σκηνή skènè est en fait un mot  sémitique, et les grecs le doivent probablement à l'arabe سَكِنة  sakéna (habitation), du verbe سَكَنَ sakana (habiter, demeurer), plutôt qu'à l'hébreu "châkan"(id.). La racine trilitère arabe س.ك.ن  S.K.N. est la même souche auquel le moyen français doit
meschinage et ses variantes et apparentés [12], dont mesquin (1604), mesquinement (1608) et mesquinerie (1624),  conservés en français moderne. C'est la même encore dont le français tire le terme anatomique échine.

A. Amri
17.02.2020

Notes:

1- Voir la géographie de Strabon, tome I, Paris, 1867, p. 85 et 362.

2- Etienne Guichard, Harmonie étymologique des langues, Paris, 1606, p. 952
3- Samuel Bochart, Geographia Sacra, Caen, 1646, p. 185.
4- Louis Thomassin, Méthode d'étudier et d'enseigner chrestiennement et utilement la grammaire, ou les langues, François Muguet, 1690, p. 249 5- Beuzelin, Nouvelle méthode pour faciliter la première étude de l'arabe, Paris, 1855, p. 138
6- William Muss-Arnolt , On Semitic Words in Greek and Latin, American Philological Association, 1892, p. 75, note 10
7- Antoine-Paulin Pihan, Dictionnaire étymologique des mots de la langue française dérivés de l'arabe..., Paris, 1866, p. 329.
8- Giovanni Semerano, Le origini della cultura europea: rivelazioni della linguistica storica. Dizionari etimologici : basi semitiche delle lingue indeuropee, L.S. Olschki, 1994, p. 552
9- Marco Antonio Canini, Etimologico del vocaboli italiani di origina ellenica con raffronti ad altre lingue, V. 2, Torino, 1865, p. 891
10- John Ogilvie, The Imperial Dictionary: English, Technological, and Scientific, V. 2, Londres, 1861, p. 677  
11- Noah Webster,  A Dictionary of the English Language, V. 2, Londres, 1832, n. p.
12-Meschinnage, mechinaige, machinaige, mecmescin, messin, mischin, meschineste, meschinette, meschiner....(Source)


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