C'est par le sang des Palestiniens que les tristement mémorables chroniques de l'État sioniste ont été écrites. Et c'est sur les ossements des mêmes hosties humaines palestiniennes que les piliers de cette entité ont été érigés.
Ce qui se produit depuis un mois à Gaza est l'énième épisode de l’interminable feuilleton de génocide et d'épuration ethnique en Palestine, dont le prélude remonte à 1948, l'année de la Nakba que les sionistes appellent « indépendance ». Entre le 15 février et le 22 mai de cette triste année, soit en l’espace de 3 mois seulement, ce sont 700 Palestiniens -dont pas un n'était armé- qui ont été massacrés à Qaisariya, Deir Yassin, Naceur al-Din, Ein al-Zeitun et Tantura. C’est dans le sang de ces premiers martyrs de la Nakba que le nouveau-né sioniste et « enfant » héritier de l’impérialisme occidental au Moyen-Orient a reçu son sacrement de baptême. Pour le peuple palestinien démuni et ainsi frappé, cette série noire de cinq massacres successifs révélaient les prodromes de l’avenir terrifiant qui les attendait. Par centaines, milliers et bientôt des millions[1], commença l’exode forcé de ceux qui, à Gaza, au Liban, en Jordanie, en Syrie ou ailleurs deviendront des réfugiés. Et comme l’autel du sionisme réclamait incessamment davantage de sang et d’hosties palestiniennes, il y eut d’autres carnages encore : Qalqiliya, le 10 octobre 1956 : 70 morts ; Kafr Kacem, 19 jours plus tard, 53 morts ; Khan Younès, le 3 novembre de la même année, 250 morts. Puis Sabra et Chatila, du 16 au 18 septembre 1982, 3750 morts ; la mosquée d'Ibrahim, le 25 février 1994, 60 morts ; Jénine, le 26 janvier 2023, 500 morts...
Ce fleuve de sang palestinien qui n’arrête de couler répond en fait à un plan de nettoyage ethnique méthodique mijoté bien avant le début de la Nakba. Ce que la Haganah, la principale milice sioniste clandestine en Palestine mandataire, conformément à son plan dit « Daleth »[2] rédigé en mars 1948, a entamé pour le « sacrement de baptême » évoqué, ce que Netanyahou et sa coalition d’extrême-droite font aujourd’hui, et les massacres et lots d’exactions sans nombre perpétrés durant les 75 ans d’occupation à l’encontre du peuple palestinien, tout cela ne constitue que des maillons de la même chaîne, des pierres dans le même édifice dont le plan a été tracé, en juin 1938, par David Ben Gourion en ces termes : « Je suis pour le transfert forcé des Palestiniens. Je n'y vois rien d'immoral. »[3]
Netanyahu aux Nations Unies (22 septembre 2023), montrant la carte du Nouveau Moyen-Orient "nettoyé de la Palestine"
Quand, le 28 octobre dernier, Netanyahou déclare que la présente guerre contre Gaza « c'est la seconde guerre d'indépendance »[4] pour Israël, quiconque appréhende à son juste sens cette formule ne peut se méprendre sur ce qui s'y exprime en filigrane : c'est leur seconde nakba aux Palestiniens que le premier Ministre israélien annonce à demi-mot[5]. En d'autres termes, la présente guerre est une opération qui devra reconduire ce qui a été accompli en 1948 et parachever en conséquence le transfert forcé des Palestiniens. Ce transfert, cela va de soi, ne vise pas uniquement la population gazaouie mais englobe aussi celle de la Cisjordanie. Et les incessants carnages subis par les Palestiniens tout au long de ce mois (le plus sanglant dans l'histoire des conflits israélo-arabes), les bombardements qui visent pêle-mêle habitats collectifs et particuliers, écoles, hôpitaux, refuges de fortune, poste-frontière de Rafah, caravanes en exode, ambulances et corps médicaux, journalistes et leurs familles, membres du personnel de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l'UNRWA, cette stratégie de terre rasée, brûlée et irriguée du sang palestinien, n'a d'autre but que de faire plier les survivants de l'holocauste gazaoui au plan de la « seconde guerre d'indépendance » israélienne.
Cependant, et on ne le dira jamais assez, quels que soient la barbarie dont est capable l'État sioniste, quelles que soient les horreurs et atrocités de ses crimes, quelle que soit son arrogance, c'est sur cet Etat lui-même que s'abattront fatalement, tôt ou tard, les incalculables retombées de ce nouvel épisode d'épuration ethnique. La Palestine et sa résistance ne capituleront jamais. Et si, selon Yossi Klein Halevi, chercheur principal à l'Institut Shalom Hartman israélien, « le 7 octobre, Israël est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les Juifs »[6], personne ne peut imaginer ce qu'Israël sera encore quand la conscience humaine, émancipée de la toile d'araignée sioniste, sortira de sa léthargie.
Ahmed Amri
05. 11. 2023
[1] On estime qu'à la fin de 1949, entre 700 000 et 1 million de Palestiniens, soit 90% de la population indigène, sont devenus réfugiés, installés principalement à Gaza et en Cisjordanie, puis au Liban, en Syrie, en Jordanie et en Egypte. Au lendemain de la guerre des Six Jours (1967), plus de 300 000 Palestiniens supplémentaires se sont ajoutés à ce chiffre. Aujourd'hui, on parle de 5 millions et demi de réfugiés palestiniens répartis entre la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Cisjordanie et la Bande de Gaza
[2] Voir traduction de l’extrait du livre d’Ilan Pappé (The Ethnic Cleansing of Palestine) ci-dessous insérée en photocopie.
[3] Central Zionist Archives, minutes of the meeting of Jewish Agency Executive, 12 June 1938.
[4] https://www.courrierinternational.com/article/conflit-pour-netanyahou-israel-livre-sa-seconde-guerre-d-independance
[5] Rappelons qu'en 2000, à peine devenu Premier ministre d’Israël Ariel Sharon a fait cette déclaration : « nous allons maintenant achever ce qui n’a pas été achevé en 1948 » !
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