samedi 7 août 2010

La conscience de Hachad n'est pas justiciable

En prison depuis le 15 juillet dernier, Fahem Boukaddous est livré à une épreuve qui n'est pas la sienne. On le somme de gravir la montagne alors qu'il n'a ni piolet ni poumons. On le met dans une situation où le bout de l'ascension, la fin du calvaire, objectivement parlant, n'existe pas. Si ce n'est dans le terme fatidique prévisible. L'appréhension aiguë et fondée que le détenu soit abandonné à ce triste sort interpelle à bon droit notre conscience. Il y a ici une question de vie ou de mort face à laquelle il n'est pas permis de camper dans l'attentisme ou l'indifférence .

On ne le dira jamais assez: Fahem Boukaddous n'est pas seulement malade. Ses jours sont en danger.
Faute de justice et de courage permettant une réhabilitation officielle, laquelle ordonnerait son acquittement pur et simple, une réaction à caractère humain est vivement sollicitée. Ce journaliste, à nos yeux condamné pour un délit d'opinion (1) mérite à bon droit un traitement d'exception. Souffrant d'asthme chronique et de problèmes pulmonaires, arrêté alors qu'il se rendait chez son médecin, sujet en permanence à toutes les complications pouvant résulter de la promiscuité en milieu pénitentiaire, il n'est pas fait pour endurer la peine d'incarcération, ni dans sa totalité (4 ans ferme) ni même, à supposer qu'on songerait à une peine allégée de substitution, pour une période en-deçà.

Tabagisme passif, poussières, chaleur suffocante ou variations quelconques de la température ambiante, absence d'observation clinique et de soins adéquats à intervalles réguliers, à quoi ajouter tous les éléments incommodants dus à la promiscuité de prison, autant de facteurs, et non des moindres, laissent craindre le pire, l'irréparable pour ce détenu. D'où l'urgence de cet appel de détresse qui ne voudrait exclure aucune bonne volonté, de quelque bord soit elle, pourvu qu'elle réponde et sauve l'intéressé.
La place d'un malade, fut-il criminel et récidiviste, n'est pas dans une prison mais à l'hôpital. Et dans le cas de celui dont le seul crime avait été de se faire témoin d'une révolte ouvrière, de braquer sa caméra sur notre plaie suppurante et nous montrer ce que nous ne voulions ni voir ni donner à voir, il serait absurde de lui en vouloir à ce point(2). Son maintien en détention est un calvaire intenable, un crime, d'autant plus que la vulnérabilité de ce malade n'est un secret pour personne. Chaque minute qui passe et retarde les traitements vitaux est susceptible de sonner l'heure fatidique. Si l'État tunisien peut s'accommoder de l'indifférence, d'une telle mise à mort objective et des souffrances infligées au condamné et à sa famille, les Tunisiens ni les amis de la Tunisie à travers le monde ne pourraient le consentir. Loin de tous clivages politiques, il y va de la conscience humaine. La non assistance à une personne en danger de mort, en danger tout court, est un délit dans le code pénal de tous les peuples et toutes les nations. Et il n'y a pas que ce droit plaidant l'assistance urgente. Il y a aussi l'histoire du peuple tunisien qui interpelle le code, lui rappelle un contexte historique et social, à prendre en compte, en même temps que les libertés civiques et les principes constitutionnels. L'emprisonnement de Boukaddous est une injure à la mémoire des leaders historiques du mouvement syndical tunisien. Feus Mohamed Ali El-Hammi, FarhatHachad, Mokhtar Tlili, Habib Achour et tant d'autres encore, des symboles tout autant que des repères qui appartiennent au conscient collectif, indivis, s'ils pouvaient revenir et constataient une telle méprise à l'endroit de leur combat, ne mâcheraient pas leurs mots pour secouer cette loi inique qui profane ainsi leur mémoire.

Fahem Boukaddous n'a rien fait d'autre que marcher dans le sillage de ces hommes dont l'action, tout au long du siècle dernier, jalonnait l'histoire du mouvement national et ouvrier. Ces hommes, disparus mais jamais éteints dans la mémoire tunisienne, n'ont pas été absents dans les évènements qui ont marqué le Bassin minier, il y a deux ans. Et la caméra du reporter, accusée de fomenter des troubles et condamnée en conséquence, qu'on le veuille ou non est déjà entrée dans l'histoire de notre pays, sous l'auréole et l'autorité historique de ces leaders syndicaux. Qu'il y ait consensus ou non sur les fins politiques imputées à cette caméra, ce n'est pas du ressort de la justice ni de la loi, sauf à politiser loi et justice. Qu'elle arrange un camp ou dérange un autre, la justice est au dessus de tous et d'aucun bord pour pénaliser cette caméra. Mais si le peuple en fait sa fierté, au même titre que l'épopée ouvrière du Bassin minier, forcément cette caméra est en droit de comparaître devant la justice non dans le box des accusés mais sur le banc des témoins, voire à la barre de la défense. Que la justice daigne seulement invoquer la mémoire des Tunisiens, et cette caméra plaidera pro domo le non-lieu dans cette affaire, l'acquittement pur et simple du détenu. Le code qui pénalise l'histoire nationale et la légitimité du combat social nuit tout autant au citoyen qu'au juge. On n'envoie pas en prison la conscience de Hachad. Pour la bonne raison qu'une telle conscience n'est pas justiciable.


En d'autres lieux et sous des cieux autres, la sagesse des peuples et des nations, au sommet du pouvoir comme à la base, aurait réservé à ce journaliste indépendant une autre gloire, des égards plus gratifiants. On l'aurait mis sur les pinacles, comblé de prix et de décorations. Car, n'en déplaise aux autorités politiques et judiciaires, Fahem Boukaddous n’est pas moins méritant que les annalistes historiques européens de divers épisodes du combat social, que celui -ci soit œuvre d'art ou réalité. Artistes, historiens, écrivains, cinéastes , journalistes, toutes les formes d'expression se sont investies dans le témoignage social. Et qui dit témoignage social n'exclut pas ses implications: le droit à la subjectivité, le droit à l'alignement. Le peuple crie mais n'écrit pas ni ne filme ni n'a le loisir d'immortaliser sa voix. C'est une tâche qui ne fait pas partie de ses priorités ni de ses compétences. Elle incombe à ceux qui ont les instruments et le temps pour le faire, et la conviction qu'il y a là des temps forts de notre histoire, à ne pas rater. Des opportunités de salut public, quand bien même le discernement politique serait loin, ou totalement absent, pour cautionner cette évidence. Des moments qui n'admettent ni la cécité, la surdité ni le mutisme. Car, d'une part, sans le document pour la consigner et la matérialiser en phase post-évènementielle, l'histoire des peuples est vouée à la péremption, à l'oubli. D'autre part, sans l'engagement de ce témoin aux côtés des acteurs directs de l'évènement, sans la charge à assumer aussi en tant que porte-parole, ladite histoire n'aura pas d'héritiers. Carthage vue par Tacite n'est pas la nôtre. Et le passé arabe sans le regard d'Ibn Khaldoun aurait tombé depuis longtemps en déshérence.

C'est dire que la justice qui décontextualise Fahem Boukaddous et sa caméra pèche par omission à l'endroit du peuple et de son droit légitime à documentaliser sa voix et son histoire. Ainsi Mark Hermann, Marcel Carné, Jean Renoir, entre autres noms figurant au tableau des caméras ouvrières internationales, n'ont jamais été cités devant des tribunaux, ni le moindrement blâmés d'avoir été partie intégrante dans la lutte historique du prolétariat
. Dans le domaine littéraire, Hugo est enseigné dans le monde entier, y compris notre pays, comme le père de l'écrit social, poème ou roman, qui fustige l'injustice et l'exclusion et nomme sans couvert ses acteurs politiques. Le témoin des "caves lilloises" ou encore l'auteur des Misérables, même s'il se démarque de la Commune, ou refuse plutôt d'y adhérer, n'a été que témoin impliqué et jamais neutre de la France du 19e. A son tour, Zola n'aurait acquis sa notoriété réelle qu'à la faveur de Germinal, chef-d'œuvre de la littérature sociale. Et Zola n'aurait pas écrit une ligne d'un tel roman si le cœur n'était pas aux côtés des travailleurs. A la mort de l'écrivain qui fut aussi journaliste, la foule massée par milliers dans ses obsèques l'attestait de vive voix, qui scandait : « Germinal ! Germinal !» Comme si l'œuvre qui retrace la lutte épique des mineurs en France avait éclipsé en cet instant-là tous les titres laissés par l'écrivain. "Il fut un moment de la conscience humaine », disait de lui Anatole de France, en appui aux cris scandés.

Vivant et gravement atteint dans sa santé, le témoin du Germinal Tunisien, sorti des entrailles du pays et non de l'imaginaire d'un artiste ou d'un intellectuel, ne réclame pas tant les honneurs échus aux personnages cités ni d'autres à lui rendre de son vivant. Mais il n’en est pas pour autant moins digne, qui incarne, jusque dans sa prison, ce combat légitime s’inscrivant dans la tradition des luttes ouvrières tunisiennes, initiées par feus Mohamed Ali et Farhat Hached.

Si le pouvoir ne veut pas admettre cette réalité, qu'il daigne au moins se rendre à la raison des humains. Entre vie et mort en sursis d'un citoyen, il n'y a pas de juste milieu pour écarter la rigueur de cette alternative. Pour seule issue honorable et juste, il n'y a que la libération de Fahem Boukaddous. Salutaire.


A. Amri
22 juillet 2010


1- "Constitution d'une association criminelle susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens et diffusion d’information de nature à troubler l’ordre public": telle est l'accusation qui a valu au journaliste 4 ans de prison, sentence prononcée le 6 juillet 2010 par la Cour d'appel de Gafsa, en l'absence de l'accusé hospitalisé.
En vérité, le journaliste a été puni d'avoir couvert, dans le cadre de son exercice professionnel et en sa qualité de reporter de TV El Hiwar Et Tounsi, le soulèvement des mineurs qui a eu lieu en 2008 dans le sud-ouest du pays.

2- Selon la femme du journaliste, il y aurait plus que le jugement à appliquer pour motiver l'arrestation en sa date et son lieu du malade. Dans une lettre adressée à l'opinion publique au lendemain de cette arrestation, Mme Afef Bennacer a dénoncé une tentative d'achat de conscience proposée au journaliste et refusée par celui-ci, peu de temps avant qu'il ne soit arrêté.

mercredi 4 août 2010

Bibi هون عليك شريف اشهق حبيبي


ألا هبوا لسوق النخاسة أهل يعرب
من يثرب جريا وقرطاج والمغرب
وزفوا لمن امتطاكم متاع علوج
دبورا أحلت لصهيون بعد فروج
لاحياء من صهيل بعد اليوم بساحه
ولا تفكوا الأست يوما أو تلينوا لراحة
فما عاد في زمان شاع البغي فيه
عيب أن يقال كلب تفا بمن فيه
ولا بقي لتاريخ وضيع بالوجه ماء
ليجلد فاجر فيكم وما بكلب حياء

***



هون عليك شريف اشهق حبيبي
واصدح بالغنج عاليا زدني يابيبي
ولا يركبنك من مقامة الفجور غم
فالعلوج في الطابور ألفاف وكم
هذا خلفك لراكبه مركب خسيس
وعلى الهواء بحمده يلهج بسيس
ويمنة صاحب سمو وخلفه جلاله
من وقار تجرد كلاهما و سرواله
وشمالا عقيد تمدد وقبلة بارك
وكل لمن اردف وعربد تارك
وكم أميرا أتى ركضا بتاج ولا إماره
دار صهيون عاريا أم فيها الدعارة







يندى والله دما يندى
لصهيل مهرة فيها من الحرغنج و دود
والداء لا دواء له أو مداو غير داوود
يندى والله دما يندى
الحرف لمن صاح نتانياهو يحيا

أ.عامري
10.08.04

lundi 2 août 2010

Kevin Carter: voyage au bout de l'enfer (autopsie d'un suicide)


Kevin Carter (1960 - 1994)
Ce 27 juillet 1994, seul dans ta voiture et au milieu du désert, ta décision était faite.

Sitôt écrit ton dernier mot à laisser aux Absents, tu partirais. Cette fois-ci pour un aller simple. Et sans le moindre effet encombrant. Ni valise ni téléobjectif. Ni parafe autorisant mission, cartes, boussole. Ni les appréhensions de te fourvoyer à nouveau dans le chemin de l'enfer.

Tu partirais vers un monde que ta conscience, et seule ta conscience, t'as permis d’appréhender comme étant salutaire. Abstrait du mal enduré, intenable, et mettant un terme à ton ordalie. A l’inconfort de cette situation où tu perdais certitudes et repères. Et quoiqu’il en soit, ce serait un monde sans faim. Ni fin. Ni guerres.

La mort a dû te fasciner depuis longtemps. Sourdement, sans que tu aies pu le soupçonner, elle a dû te paraître à la longue plus familière que la vie..

Tu la côtoyais de si près, partout où tu te déplaçais pour en « voler » le scoop assuré, l'image inédite. De Johannesburg à Darfour, dans les ghettos des uns et des autres, sur les chemins de l’exode et des errances, dans l’enfer des haines ethniques et des guerres, la fumée et le feu des bûchers, sur les charniers comme dans la solitude et la détresse des faméliques devenus tes familiers. Mais aussi -et peut-être plus qu’ailleurs, dans des contrées apparemment moins sauvages, plus humanisées apparemment. Dans l’indifférence de ceux qui voient et laissent faire, ceux qui savent et haussent les épaules, ceux qui ne voient plus et ne voudraient plus rien voir, ceux qui vous diraient, citant le bon sens de l’absurde : « Est-ce que l’Humanité était prévue au programme de la création» ?1

Au fil de tes obligations professionnelles, lesquelles aussi étaient des moments d'escapade vers l'enfer des uns et des autres, par giclées de caméra-mitrailleuse focalisée sur l'inhumain, l'atroce, les horreurs inédites, ta caméra qui raccompagnait tantôt, et tantôt achevait, t'avait permis d'avoir un certain avant-goût de la mort. Ce devait être à la fois âcre et titillant.
Il te fallait maintenant vider d'un trait la dernière coupe pour basculer instantanément, une fois pour toutes, dans la certitude. Tu ne seras plus.

Tant d'images interposées entre les laissés-pour-compte et les Absents, surtout celles qui restent en travers des cils et laissent des échardes dans la mémoire2 t'avaient viscéralement marqué.
Et dans le dédale du doute, quand des doigts s'étaient élevés pour vouer au pilori certains "tricheurs de l'humanitaire", même s'il était injuste de te sentir viscéralement concerné, à tant valser entre ces deux mondes, celui des voyeurs et celui du militant, tu aurais préféré battre en retraite, laissant à nu le militant et accourant au secours du voyeur.
Mais quoiqu'on eût pu dire, Kevin, tu étais surtout d'un autre monde et d'une cause inaltérable.

Aux côtés des laissés-pour-compte, les sous-humains, ceux qui sont livrés à la plus haute des solitudes, les élus de toutes les misères, et dont bon nombre, à la faveur de notre absence et nos bons alibis, ne mettent pas beaucoup de temps pour s'en délivrer. Tous ceux que tu as pu raccompagner, dans tel ou tel instantanés de leur lente ou brève agonie, tous ceux que tu as pu saisir dans tel ou tel traquenard du photographe ou de leurs bourreaux, tous ceux avec qui tu as erré à la recherche d'une goutte d'eau ou de quelque racine à se mettre sous la dent, ne t'avaient jamais quitté.

Et bien davantage ceux qui auraient pu te reprocher un certain zèle de professionnel. De les serrer de si près, les tiens, de te battre pied à pied avec les vautours autour, ils en seraient arrivés à confondre charognard et photographe. C'était en tous cas la sentence de certains juges, dont le plus implacable n'aurait été autre que toi-même, quand il a fallu comparaître devant cet implacable tribunal d'inquisition. Celui des autres et celui de soi. Et tu avais beau plaider pro domo la belle cause, juge et partie que tu étais, tu ne pouvais disculper le photographe, croyant être plus juste de le mettre sans appel au banc des charognards.

Oh, qu'importe! les laissés-pour-compte seraient dédommagés d'une gloire posthume assurée. Et qui mieux, inespérée. Et puis il fallait songer aussi au pain des vivants. Les tirages qui peinent, les caissettes à renflouer, la courbe des invendus . Sans cette manne des guerres salutaires et les non moins salutaires famines en Afrique et ailleurs, l'ailleurs et l'Afrique ce serait nous en place qui l'offririons.
Cela, en appui du jugement que tu prononçais contre toi-même, était le verdict de ceux qui dénonçaient l'affairisme de l'humanitaire. La photo choc ne rapporte rien à ceux qui crèvent et ceux qui sont appelés à crever. A l'audimat des grands médias par contre, oui. Au tirage des feuilles de choux à sensations, aux caisses des rentiers de l'info qu'il faut constamment renflouer, aux frissons des résidents et présidents des Circus Maximus dans la société du spectacle et des loisirs, oui. Et au delà de toutes les estimations.

Mais va quand même Kevin !
Tout cela est loin derrière toi maintenant. Car à l'heure où tu as fini ce mot d'adieu, il ne te reste plus qu'à franchir le dernier pas. Avec un peu de chance, écris-tu, tu pourrais retrouver Ken3.

Ken Oosterbroek, ton ami. Tué d’un feu ami, nous dit-on, dans une localité de la banlieue de Johannesburg.

Était-ce lui, Ken, parti trois mois plus tôt, qui t'aurait télégraphié pour te presser de le rejoindre ? Lui n'avait pas choisi de quitter de son propre chef ce monde. Son dernier voyage. Il n'était pas si pressé de partir. Mais sans trop savoir comment, on lui avait offert son aller simple. Et du coup, sans prévenir ni faire d'adieux, il t'avait laissé seul au désert. "Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !"4 Ce matin encore, tout autour de toi le désert en résonnait.
Mais à supposer que Ken ait pu t'appeler de l'au-delà, même si ce grief ne peut rien contre l'irréparable, tu avais tort, kevin, de penser seulement à ton ami Ken. Tu n'aurais pas dû te plier à sa voix, aussi irréfragable pût être son appel. Car tu as fait beaucoup de peines à d'autres amis, surtout ceux que tu ne soupçonnais pas, assez nombreux de part le monde, désormais un peu plus esseulés après toi.
Mais va quand même. Le mektoub est scellé. La messe est dite.

Mais Ken n'aurait été qu'une voix. Le ténor peut-être, mais juste une voix qui ne couvrirait ni n'éclipserait le chœur. Outre le juge que tu t'étais érigé de toi-même pour prononcer la sentence d'un épineux cas de conscience, et rangé à côté d'autres inquisiteurs ingérant le poison de ta consécration, jugée imméritée, il y avait aussi la traîtrise des frères de sang, la boue venant de journaux saintes-nitouches, les uns et les autres te balançant ainsi dans leur sac à ordures, pour te raffermir encore dans ton ultime choix.

Peu importe! Magnanime, sans rancune aucune, dans cet ultime choix tu leur avais offert aussi ton propre cadavre qu'ils dépèceraient des jours et des semaines durant.

Et puis il y avait, plus audible assurément que toute autre voix, le chœur des revenants.
Ceux qui te harcelaient à des heures indues, alors que tu tentais de chercher dans le sommeil un abri. Ceux-là même que tu raccompagnais, qui ne demandaient plus rien à personne, ni pitié ni assistance, rien de rien, si ce n'est le droit de mourir au moins comme les hommes, seuls ou avec les leurs, mais dignement.


Qui d'eux tous t'aurait le mieux subjugué?

Ce ver nu et gringalet qui mourait d'inanition, d'aucuns liraient une
autre appétence, et cherchait un semblant de salut à boire à même la vache l'urine apaisant sa soif? Ce damné qu'on brûlait sur le bûcher de la haine ethnique et qui, enchaîné ou anesthésié par le supplice flambait vaillamment et fumait ? Cet enfant qui rampait à quatre pattes derrière l'âme secourable escomptée et ne cessait d'espérer quand bien même le secours indifférent hâtait ses pas loin devant lui ? Ces squelettes qui conservaient encore une mince bande de peau adhésive, recroquevillés sur eux, incapables même de chasser les mouches qui trouvaient dans ces intouchables une manne pour se nourrir ? Cet enfant dégarni, sans fesses, pas même une, juste une mince planche à la verticale dressée sur deux dents de fourche pointues, dont le dos strié par les côtes saillantes ressemble, et c'est peu dire, au cliché d'une radioscopie, et qui peinait à supporter entre les épaules sa lourde tête?

Ou fût-ce le corbeau maudit que tu n'aurais vu qu'aviné, étourdi ?

La cerise sur le gâteau qui t'a valu la gloire, la consécration ? L'oiseau de malheur venu posant pour l'immortalité de cette image, sans oublier de demander à bon droit qu'on lui cède sa basse venaison, entamant pour le délire des sens et la fin de la faim son compte à rebours. Et indulgent, t'offrant si gracieusement la belle part du cadavre ?

Non, c'était elle qui t'aurait appelé.
Cette enfant qui n'en pouvait plus, à tant l'attendre la fin, et qui chavirait, ivre de lassitude, le visage contre la terre qui ne s'ouvrirait pas pour l'accueillir.
Si l'on en juge par l'aplomb du charognard à l'affût.

Et va quand même Kevin5.
Loin de ton téléobjectif mais à tes côtés quand même, plus jamais ils ne verront l'enfer ces anges que tu as rejoints là-haut.

A. Amri
1er août 2010



====Notes====

1- Bertolt Brecht.
2-Voici ce qu'on peut lire sur les carnets laissés par le photographe au sujet de la fillette et du corbeau: "à environ 300 mètres du centre d'Ayod, j'ai croisé une toute petite fille au bord de l'inanition qui tentait d'atteindre le centre d'alimentation. Elle était si faible qu'elle ne pouvait faire plus d'un ou deux pas à la fois, retombant régulièrement sur son derrière, cherchant désespérément à se protéger du soleil brûlant en se couvrant la tête de ses mains squelettiques. Puis elle se remettait péniblement sur ses pieds pour une nouvelle tentative, gémissant doucement de sa petite voix aiguë.
Bouleversé, je me retranchai une fois de plus derrière la mécanique de mon travail, photographiant ses mouvements douloureux. Soudain la petite bascula en avant, son visage plaqué dans la poussière. Mon champ de vision étant limité à celui de mon téléobjectif, je n'ai pas tout de suite remarqué le vol des vautours qui se rapprochaient, jusqu'à ce que l'un d'eux se pose, apparaissant dans mon viseur. J'ai déclenché, puis j'ai chassé l'oiseau d'un coup de pied. Un cri montait en moi. J'avais dû parcourir 1 ou 2 kilomètres depuis le village avant de m'écrouler en larmes. " Kevin Carter (Mini bio du photographe) - source de ce texte.
3- Dans la note de suicide que Kevin a laissée on peut lire au sujet de l'ami assassiné trois mois plus tôt: "Si je suis très chanceux, je vais retrouver Ken" (source)
4- Alphonse de Lamartine (L'isolement).
5- Kevin Carter s'était donné la mort à un moment de dépression. Les atrocités dont il fut témoin, la mort d'un ami assassiné et les critiques acerbes dont il fit l'objet après sa récompense du prix Pulitzer étaient aux origines de cette fin tragique.



Liens externes:




jeudi 29 juillet 2010

Africains, Saint-Cyrois, Novembriens: ils sont faits pour durer

Africains, Saint-Cyrois, Novembriens: les attributs qu'il faut pour mériter la longévité des patriarches. Politiques s'entend. Leurs Excellences Paul Biya et Zine el-Abidine Ben Ali ont tout pour ravir leurs peuples. A eux deux, ils cumulent 51 ans de pouvoir. Un demi siècle d'abnégation totale au service du Cameroun et de la Tunisie. Les droits, les libertés, la démocratie, l'emploi, le niveau de vie décent, quasiment tout ce qu'il faut pour être envié dans ces deux pays est acquis et consolidé. Si vous êtes mécréant ou incrédule, à Allah ne plaise! branchez-vous sur la radio ou demandez leur avis à Bourhen Bsaies et son homologue camerounais.

Ces 6 et 7 novembre, souhaitons aux Africains, Saint-Cyrois et Novembriens longue vie, un autre demi siècle de pouvoir et d'abnégation! Et que la République qui n'a cessé de s'épanouir et prospérer depuis leur accession à la présidence prospère encore et encore s'épanouisse! Pour le bien commun de l'Afrique et de l'humanité!

La fratrie des patriarches

Africains ou Arabes, leurs Excellences qui nous gouvernent appartiennent à la même fratrie. Ce qui les sépare importe peu à côté de ce qui les unit.
Certes, quand vous les alignez côte à côte sur un banc (d'essai), vous ne manquerez pas de remarquer quelques petites différences, des nuances de couleurs, par exemple.
Notre propos n'est pas de disserter là-dessus mais juste de contextualiser une anecdote en noir et blanc que la rumeur attribue à deux chefs d'États africains disparus. Nous disons bien "la rumeur", faute de source documentée à notre connaissance, pouvant confirmer cette anecdote. Si quelqu'un trouve une référence écrite, nous sommes prenant.

On raconte que lors d'une rencontre avec Bourguiba, probablement à la fin des années 70, Senghor aurait conseillé à son homologue tunisien de se retirer sans plus tarder de la scène politique. Sensiblement diminué par la maladie, Bourguiba n'était plus que le fantôme d'un président. Et cela ne pouvait laisser indifférent l'ami qui lui vouait beaucoup d'estime et pensait pouvoir le convaincre de préserver ce qu'il lui restait de sa vieille image glorieuse. On ne sait pas quelle fut au juste la réponse de Bourguiba. Mais Senghor reparti, Bourguiba aurait confié à ses proches quelque chose comme ceci:" Carthage n'est pas Dakar".
Autre anecdote, mais celle-ci authentifiée, quand Bourguiba apprend que Senghor a démissionné de son propre chef avant le terme de son mandat, il semble impressionné, très même, et le dit à ses proches.
Senghor aurait-il quitté le pouvoir pour avoir prévu ce qui l'attendait s'il imitait l'exemple de Bourguiba? Quelle que soit la réponse, on retiendra surtout ceci: toute grande qu'elle ait été, Carthage ne voyait pas aussi loin que Dakar.

Aujourd'hui la Tunisie semble vouée à un destin qui rappelle la triste période de ce qui se tramait autour de Bourguiba, entre 69 et 75. Plus d'un le dit: la présidence à vie n'était pas l'œuvre de Bourguiba ni son vœu personnel. Les éminences grises, les arrivistes de l'ancien parti et les profiteurs de tout bord savaient que leur survie en dépendait. Et ils avaient obtenu ce qu'ils voulaient. Nous sommes persuadé que les trompettistes qui ressuscitent l'allégeance à vie aujourd'hui, autour de Ben Ali,ne sont pas plus nombreux qu'ils ne l'étaient par le passé autour de son prédécesseur. Mais ils sont animés des mêmes motivations, sont tout aussi influents et pourraient bien parvenir à leurs fins.
Quoi qu'il en soit, cela ne fera de mal à personne de se remémorer et remémorer le passé évoqué à travers les anecdotes précédentes et ces deux exemples de pouvoir africains.

En 87, il nous a fallu un Général et une cohorte de toubibs pour en finir avec un pouvoir devenu insupportable. Faudra-t-il attendre que l'histoire se répète pour permettre la seule possibilité d'alternance que les Africains et les Arabes sont en mesure de nous donner?

A. Amri
29.07.2010

samedi 24 juillet 2010

الآن، الآن وهنا تسأل الموؤودة

لامني صديق لوضع حبل الغسيل على واجهة خارجية حين شهرت بلغة فولتير ولو بإشارة خاطفة (1) على منبر إحدى الشبكات العنكبوتية لفحوى وثيقة مصورة تستعرض فتاوى أهل الدين بجواز نكاح الطفلة . وكان الأحرى بي ألا أنشر عن أمتي وشعبي ما يسيئ لشعبي وأمتي وكأن الإساءة لم تكن قائمة من المصدر وكأن الجريمة في حق الملائكة تركت لي ما يبرر ستر العورة والتكتم على هذا الذبح المشفوع بالشريعة والأصول والسيرة. عذرا يا صديقي العزيز، ولكن هؤلاء الذين يستبيحون دم الأطفال لإرضاء الغريزة البهيمية ليسوا منا ولا من ديننا ولا من ملتنا حتى نستحي من فضحهم، أو نهادنهم بأي شكل كان. والثوب المتسخ والنتن الذي ينشر في هذا المكان يشفع لنا حين نقول ليس هناك فرق يذكر بين من يقتل الأطفال في غزة وجنين وقانا وبغداد ومن يغتصبهم في المهد في باقي الوطن حتى وإن ادعى المغتصبون في الفقه فلسفة. والموؤودة حين تسأل، وهي تسأل الآن الآن وهنا، ستسائل الضمير المتخاذل والصامت على الجريمة قبل المغتصب لأن القاصرة التي تزف لمن اشتراها من أبيها وأمام شهود عيان متواطئين هي في أفضل الحالات موؤودة وإلا كيف يصوغ أهل العقل والتدبير مبررا مثل رضاء الوالد أو ولي الأمر للتشريع في جواز النكاح..والحال أن ضمير هذا الوالد مرهون أولا وقبل كل شيء بصك المهر المعروض أو المدفوع. ألا يعتبر الرضى المشار إليه توقيع ضمير مباع؟ اليس ثمة في عمليات الزيجة هذه ما يعادل جرائم الزور وشهادة الزور والرشوة والإرتشاء؟ وحتى وإن نفى أهل الذمة صحة احتراز من هذا القبيل في خصوص من يعطي الموافقة على زيجة ابنته القاصرة دون خضوع لسم المال، ماذا عن حق الفتاة في اختيار الزوج المناسب لها؟ ماذا عن حقها في اكتساب العمر والتجربة والمعارف التي تؤهلها لتكون زوجة وأما ومدرسة العقل الأولى التي يرتبط بها مستقبل الأجيال والشعوب والأمم؟ ماذا عن حق الطفلة في الإستمتاع بطفولتها؟ في اللعب مع أقرانها؟ في أحلام البراءة؟ في النهل من حنان الوالدين والعيش في دفئ العائلة؟ ماذا عن حق الطفلة في رفض اليتم الموقع عليها بالإنابة مع تزكية شهود الجريمة وشيوخ الفقه الأفاضل؟ ثم ماذا بقي لنا لغسل الدم المهدور وتعطير الثوب النتن؟ السيرة النبوية، سند الشيوخ الأفاضل والنور الذي يستندون إليه لإجازة نكاح الأطفال. هذا الجواب أو السيرة المزعومة غير صحيحة، بل الصحيح هو السيرة النبوية المبتورة لأن البتر هو السند الأول لشيوخ الفقه الذين يجيزون هذا الزواج. حين يذكرون عائشة يتناسون السياق التاريخي والنبوي من ناحية أي بناء الرسول على عائشة في السن التي أهلت عائشة للبناء هو إقرار بوجوب الزواج من راشدة وإلا لما منع الرسول نفسه من التريث لسنوات قبل البناء الفعلي وسن الرشد بالمنظور النسبي متوفرة في هذه الحالة إذا أخذنا بعين الإعتبار الفارق التاريخي بين الأمس واليوم ودون النظر إلى سريان تقليد الزواج المبكر للجنسين حتى الساعة في العديد من أصقاع العالم ثم حين نذكر عائشة نتناسى فاطمة ونتناسى بالخصوص فيما يهمنا هنا والدها الذي زوجها راشدة وأبى لعلي أن يتزوج عليها طالما كانت حية برا بفلذة الكبد وذودا عن حقوق المرأة التي تصلب اليوم باسم الله وتحكيم العقل الظلامي فينا 
 
 
أحمد العامري
 2010. 07. 24
 
 
نص الإشارة
Nos docteurs de foi sont formels: avec le consentement d'Allah et du père, votre épouse vous pouvez la prendre au berceau.

vendredi 23 juillet 2010

Garrote ta plaie et sanglote (Afef Bennaceur)

A la mère de Hafnaoui Al-Maghzaoui
parce qu'elle est en moi

Garrote ta plaie et sanglote
car il n'est de remède à ta blessure
à part le sel des larmes

Toi qui as aimé
et engendré un amour
dédié à la patrie
sanglote et recommande-lui
de transmettre le salut
à celui qui l'avait précédé
pour le repos des prophètes


Il n'est de remède à ta blessure
en l'absence des élégies
Le poème n'a de couleur
si ce n'est celle du pays
et il n'est de pays à ta peine
alors attends-le

La plus belle des mamans l'ayant attendu
et il t'est revenu en martyr

Est-il vrai que nous avons triomphé?
ou est-ce la défaite de la poésie
sous le feu des brûlures?
De quelles graphies soutiendrions-nous
notre taille
alors que toutes les lettres sont creuses?

Devrions-nous avoir honte de ta peine?
Le héros est le séducteur du poème
sa prophétie
Mentiraient-ils, les poètes?

Devrions-nous nous taire
quand le barde déclare l'amour des ports?

Ô flux du matin
et parfum des aires
Ô l'aveu du sang
le nom du pays
l'inviolable vérité
et l'appartenance!

Mon pays, tu me reviens
tu reviens à moi
visage comme tous les visages
déjà partis
la malédiction des prophètes t'a stérilisé
et le jour pleure ceux qui sont tombés

Agite les mouchoirs de notre mal du pays
à la face de la cité qui s'interroge
sur l'étoile des martyrs
Agite pour la rétroversion
de ceux qui sans s'être approvisionnés pour le voyage
se sont contentés de traverser le tunnel

Afef Bennaceur
Texte en arabe

Traduit par A.Amri
23.07.2008

mardi 20 juillet 2010

Butée comme trente-six mille mules

Au fur et à mesure que la trotteuse* fait des hanches et emboîte le pas à Socrate, escaladant au Nord le chemin du péripatéticien, la trotteuse politicienne au Sud, dont plus d'une dictature arabe est l'incarnation, esseulée et sans denier aucun, quand elle ne dévale pas la pente dans le sens opposé des aiguilles de la montre, se tient butée comme pas moins de trente-six mille mules.


Hamm : Quelle heure est-il?
Clov : La même que d’habitude.
Hamm : Tu as regardé?
Clov : Oui.
Hamm : Et alors?
Clov : Zéro.


Samuel Beckett (Fin de Partie)


*Ne pas se méprendre sur le sens ici: petite aiguille indiquant les secondes sur le cadran d'une montre.

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...