Ses cantiques, composés par lui-même ou puisés dans le vaste répertoire des maîtres classiques de l'école soufie[1], sont tellement prisés par les mélomanes du genre qu’il a vendu, de 2003 à 2015, plus de 34 millions d’albums[2]. Tous ses concerts, un peu partout aux cinq continents, sont donnés à guichets fermés. Et il est le seul artiste, le seul chanteur au monde à avoir battu un record d'affluence au cours d'un concert à Istanbul avec 250 000 spectateurs massés coude à coude au square Taksim. Largement considéré comme le musicien musulman le plus en vue au Royaume-Uni, il apparaît chaque année depuis 2010 sur la liste des « 500 musulmans les plus influents du monde ». Il est aussi le plus jeune récipiendaire du doctorat honorifique en lettres, délivré par l'université de Roehampton en 2009, pour sa « contribution inestimable au domaine de la musique ». En 2006, le Time magazine le définit comme « la plus grande rock star de l'islam », et le journal d’information britannique The Guardian comme « la plus grande star du Moyen-Orient ». Dans une liste de Britanniques célèbres établie par la BBC News en 2009, il arrive à la 14e place.
Citoyen britannique né en Iran de parents azéris, Sami Yusuf (aujourd’hui âgé de 41 ans) a passé la majeure partie de sa vie à Londres. Comme sa musique, il est un syncrétisme de l'Orient et de l'Occident. Il doit à son père, compositeur, et ses professeurs de la Royal Academy de Londres sa passion pour Bach, Chopin, U2, Sting, ainsi que son étude approfondie de la musique moyen-orientale et classique. Musulman, pratiquant, et quoique se disant apolitique, il n’est pas resté à l’écart des questions brûlantes de cette époque. Il estime que c'est un devoir musulman de dénoncer l'oppression et l’intolérance, quelle que soit la religion de leurs victimes. A travers ses chansons, il a fustigé tour à tour les rebelles musulmans pour le massacre d'écoliers de Beslan en Tchétchénie, les massacres commis par les Israéliens à Gaza ou ailleurs, le gouvernement français pour avoir interdit le foulard dans les écoles publiques, le décret migratoire de Donald Trump qui interdit l’entrée sur le territoire américain, de façon permanente, aux ressortissants de six pays majoritairement musulmans…
@Sami Yusuf - Beyond the Stars (Live at @Expo 2020 Dubai)
Voici comment le Time Magazine évoque l’ambiance suscitée par ses concerts en 2006. « La salle de concert est comble, conquise d’avance. Les 5 000 Arabes présents dans le public poussent des acclamations assourdissantes, tapent des pieds, frappent dans leurs mains et scandent « Sa-mi ! Sa-mi ! » jusqu'à ce que les lumières s'éteignent enfin. L'orchestre s’enfle et Sami Yusuf, 26 ans, émerge à travers des volutes de fumée, vêtu d'un chic costume noir et d'une chemise blanche à col ouvert. En l'apercevant, la foule devient folle, crie et siffle comme si Elvis venait d'entrer dans le bâtiment. Mais quand Yusuf commence à chanter, il est clair qu'il n'est pas tout à fait comme les autres rock stars. « Paix et salutations sur vous, ô Messager de Dieu », chantonne-t-il. Et malgré toute l'excitation palpable du public, un décorum tacite est observé. Les acclamations et les chants sincères ne se transforment jamais en danse mixte dans les allées – après tout, cela pourrait être considéré comme une violation de la loi islamique. »[3]
Ahmed Amri
16. 02. 2022
[1] Tels que Jalal-eddine Rumi, Hafez et al-Hallaj.
[2] British star Sami Yusuf delights crowd at SIBF, WAM, 8 novembre 2015.