dimanche 14 avril 2013

Ce 9 avril 2003 .. quand Azza a pleuré


Aux origines de ce texte, la tentative inaboutie de traduire un poème arabe que j'ai déniché sur le web en 2010, intitulé يوم بكت عزّة الشرع  [Le jour où Azza Echaraâ a pleuré].
D'après la page qui le publie, le poème aurait été composé le jour même de la chute de Bagdad, et, fait singulier, son auteur serait mort à peine son texte achevé.

Curieux d'en savoir plus sur ce poète
inconnu et les circonstances exactes de sa mort, j'avais beau naviguer, beau chercher, je ne pus rien trouver à ce  propos, à part des pages reproduisant le poème en question, et la maigre indication que l'auteur, irakien et s'appelant Ahmed Omar Bakr, vivait à Al-Qaïm, ville frontalière avec la Syrie. C'était non seulement frustrant pour moi, mais intrigant. D'autant plus que le texte, bien ficelé, d'une métrique irréprochable et d’un style châtié, ne semble pas écrit par quelque rimailleur faisant son baptême de feu dans l’écriture poétique. Une telle compétence littéraire ne saurait s'attribuer à un poète né et mort le même jour, dans ce contexte tragique lié à la chute de Bagdad, et à la faveur d'une communion avec l'émotion débordante d'une journaliste qui pleure en direct à la télévision.

 

Le nom Ahmed Omar Bakr [1] ne serait-il pas un pseudonyme derrière lequel une personnalité irakienne illustre se serait cachée, par pudeur, ou plus vraisemblablement par réserve politique, le tournant historique dans lequel l'Irak s'engageait alors, dictant une telle prudence ? La pertinence de cette hypothèse n'a cessé de se consolider dans mon esprit ; et au fur et à mesure que je relisais le poème, j'y décelais une foule d'indices corroborant cette conviction. J'ai même fini par me demander, à la lumière de l'indice faisant appartenir l'auteur à Falloujah, si ce poète ne serait pas tout simplement l'un des proches collaborateurs de Saddam Hussein, ou même Saddam en personne.   



Quoiqu'il en soit, l'hommage que ce poète rend à Azza Echaraâ, vibrant, m'a littéralement saisi
. Et j'ai tenté à plusieurs reprises de le traduire. Sans toutefois réussir à obtenir la mouture digne d'être publiée. La rhétorique du texte arabe et sa dimension mélodique, deux aspects ayant motivé mon coup de cœur pour le poème, me paraissaient difficilement transposables en français, et je ne voulais pas les sacrifier pour une traduction qui tienne uniquement compte du sens. Ce serait une manière de charcuter misérablement le texte original. De guerre lasse, j'ai décidé d'abandonner la traduction tout en transmettant à ma manière le message, ou l'hommage que l'auteur rend à sa destinataire, refondu dans le présent article. Le "je" qui marque celui-ci à certains passages, véridiquement mien, factuel dans tout ce qui a trait à l'histoire, devient pronom partagé avec le poète, à partir du moment où je confronte des épanchements pleuraux historiques avec celui de la journaliste syrienne.


[1] En Irak, mais c'est également valable pour d'autres pays musulmans, ces trois prénoms ont une dimension symbolique évidente : pour les sunnites, ils font figure de hagionymes, étant respectivement prénoms du Prophète et des deux califes qui lui ont succédé, Abou Bakr et Omar. Le signataire du poème est un sunnite, et il s'adresse à un lectorat de cette confession : la femme même à qui il rend hommage est également sunnite.



Au square Firdos de Bagdad

De quelque télé que puisse fuir un Arabe
en ce mercredi 9 avril 2003, c'est au cœur de Bagdad que sa télécommnde le jette.

Il est 16h moins quelques minutes, et les télés du monde entier transmettent en direct, depuis le Square Firdos, les inoubliables images de la chute de Bagdad. On focalise sur la foule en liesse qui escorte les chars libérateurs. On y surfocalise sur toutes les chaînes. Comme pour nous dire que l'humanité peut palper des yeux l'Irak qui commence à respirer, qui va tourner sous peu une sombre page de son histoire, son âge chronique du bronze. Et les jeunes qui prodiguent sourires et cris de joie, le bain de foule offert aux chars, les bras locaux qui prêtent main forte aux démolisseurs du dictateur: toutes ces images et d'autres à suivre, plus éloquentes encore,  ne peuvent qu'être propices à l'euphorie. La guerre est finie, les malheurs de l'Irak aussi, et une nouvelle ère va commencer dès aujourd'hui.

Le temps fort, l'intensité dramatique de ce western joué en terre arabe, c'est la "danse du scalp" autour de la statue de Saddam.
Un instant d'ivresse pour les caméras: on sent qu'il y a derrière chaque objectif des yeux qui papillotent, des pupilles qui papillonnent, comme si le moment historique où culmine l'exploit du conquérant engage aussi cette armée médiatique. Comme si chaque correspondant, son équipe technique, l'organe de presse qu'ils représentent, ayant  leur part eux aussi au triomphe historique, demandent à recevoir et partager en toute équité les honneurs de la consécration. Leur tronçon de bronze à chacun si possible. Leur tranche de trophée, serait-elle des plus mince, en souvenir de ce jour saillant dans leur vie professionnelle



On voit la statue de Saddam se couvrir d'abord du drapeau américain. Le drapeau a envie d'encagouler longuement la tête de bronze. Le front de Saddam, secouru par un coup de vent, ne s'y prête pas aussi facilement qu'on le veut. La caméra se tourne vers la foule qui applaudit. Puis vers le geste qui motive cette manifestation d'approbation. Et l'on voit le drapeau américain hissé par un jeune irakien. Longuement. Le temps que les clichés éternisent l'instant, que le monde, en Occident mais aussi de ce versant-ci de l'histoire et de la géographie, appréhende dans toute sa symbolique l'image. 


Puis, à travers un plan large, Saddam qui s'incline. Tout semble avoir été calculé pour que cette posture s'étire dans le temps, soit suffisamment perceptible, s'imprègne dans l’œil de l'histoire qui filme, et l'histoire qui aura à visionner et revisionner cette séquence. Les cordes métalliques tirent le dictateur aplati. Les cris de la foule montent. Et Saddam tombe enfin, coupé en deux. La foule en transe accourt. Et commence alors la danse du scalp.

Chez Azza à Damas

 

Reconstitution de l'évènement sous d'autres yeux.
 

Loin de Bagdad, à Damas et dans les studios de la télé syrienne, Azza Al-Shara عزة الشرع est sur le plateau pour le journal de 16h.


L'édition dont elle a préparé la présentation quelques minutes plus tôt est fin prête. Le compte à rebours commence. Le réalisateur lui fait signe d'ouvrir le micro et de prendre la posture d'adresse au public. Azza ne soupçonne pas encore ce qui se passe à Bagdad.

Elle entame la lecture des titres. Avec le même sourire qui lui est habituel. Divinement attachant. La
même grâce naturelle qui lui donne un charisme particulier.
Pour le contexte historique qui nous concerne, peu de ses pairs, je crois, auraient ce fluide magnétique qu'elle a, et grâce à quoi, en Syrie comme dans le reste du monde arabe, elle a pu fidéliser à son journal des millions de téléspectateurs.

Mais
ce 9 avril 2003, à peine le journal de 16h commencé, une dépêche imprévue ravit l'éclat du visage et sa grâce. L'imprévu intervient au moment précis où la femme finit la présentation des titres. Un papier qu'elle voit glisser entre ses mains, qu'elle parcourt d'un œil pendant que l'autre intercepte les premières images de la statue en cours de démolition. Tandis que sur un écran qui reprend en différé le début de l'action, les images montrent le drapeau américain encagoulant la tête de la statue.

En matière de "live" et ses imprévus, ses agréments et désagréments, Azza n'en était pas à sa période de noviciat. Tant de fois elle a eu à se heurter contre ces difficultés qui interviennent au milieu d'un journal, tombent quand on ne les attend pas. Ces écueils du direct, elle en a vu des tas par le passé. Et n'a jamais manqué de tact pour les contourner avec succès à chaque fois. Mieux: c'était surtout dans ces moments qui bousculent les plans échafaudés, brisent le cours initial du journal, que la journaliste savourait le véritable charme du direct. Sa capacité d'improviser,  de rattraper de ses propres ailes tel ou tel évènement, l'histoire courant incessamment plus vite que l'information, ou meubler un silence, un vide, une défaillance techniques, l'absence d'images, le reportage qui ne suit pas son annonce: c'étaient là où réside son vrai talent de journaliste. De sorte que lorsqu'ils surgissent, ces écueils du direct deviennent pour ell
es des moments de défi plus gratifiants que des journaux sans incident: son charisme n'en est que plus servi. 
 
Ce 9 avril 2003 néanmoins, au journal de 16h, Azza est subitement trahie par son génie. En moins de rien, elle devient méconnaissable.

Et les millions d'Arabes, dont beaucoup, dépités par "l'objectivité" surprenante d'Aljazeera, étaient de nouveaux convertis à la chaine syrienne, ces téléspectateurs qui ont pu voir en la circonstance Azza Al-Shara n'oublieront jamais, à mon sens, ce 9 avril des années 2000. Non pas tant à cause de ce qui s'est passé à Bagdad. Mais à cause  de cette émotion, singulière et si poignante, qui a pris  en traître la vedette de télévision syrienne.

Pour comprendre

Comme la masse écrasante de ses frères et sœurs dans le monde arabe, Azza était la dupe du mensonge médiatique. Et c'est d'autant plus cruel pour elle que sa propre chaine, et elle-même en conséquence, étaient partie prenante dans cette duperie.

Une heure seulement plus tôt dans le journal de 15h, Azza rappelait aux téléspectateurs la dernière déclaration du ministre irakien de l'information, datant de la veille, le 8 avril 2003. Une déclaration prévenante comme d'habitude. Comme d'habitude rassurante, qui barrait le chemin à toutes les inquiétudes. Azza a beau être de ceux qui font l'opinion, beau savoir faire la part de la propagande, être habituée à ces communiqués militaires qui bercent la foule crédule, disant toujours, et partout, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, avec la "Mère des Batailles" elle s'est laissée piéger par son cœur. Ce 9 avril 2003, elle est loin de s'attendre à un tel décalage entre l'image et le communiqué de la veille. Même le théâtre de l'Absurde serait incapable de produire un tel inédit.

Le 8 avril 2003, comme à l'accoutumé crânant pour le bonheur de la télé et du panarabisme, Mohamed Saïd al-Sahhaf disait que les assaillants américains, ou selon son propre terme les « علوج ôloujs »[2];  étaient « sur le point de se rendre ou d'être brûlés dans leurs chars » ! Puis en moins de 24 heures, le rebondissement qui fait chavirer la télé et l'histoire. Ce n'était pas dans la logique de l’épopée : la Mère des batailles devait avoir d'autres revirements, d'autres crochets, plutôt un crescendo conforme aux attentes du public, héroïque pour Bagdad, tragique pour la Maison Blanche, le suicide collectif des ôloujs, leur pendaison à la statue de Saddam, sinon aux barres métalliques d'un pont de l'Euphrate, celui de Babylone surtout !


Trente-six ans plus tôt, à la veille de la guerre des six jours, c'était presque le même ton, la même promesse épique, la tonalité berceuse du discours archétypal, les communiqués bus dévotement, et jamais soumis à quelque examen froid et critique, comme si la critique et la froideur, en telle circonstance, étaient synonymes de trahison.
Le même son de cloche quand Naceur sommait les Sionistes d'Israël de repartir d'où ils venaient, sans quoi ils seraient immanquablement jetés à la mer. Et au moment où le public, l'oreille scotchée à la radio, s'enivrait, au moment où les souks avaient épuisé tous leurs stocks de transistors à la faveur de ce rêve délirant, on apprenait l'inénarrable débâcle, la déroute des armées arabes sur tous les fronts !
Les mêmes masses populaires qui, en 2003, croyaient avoir oublié la défaite de 67, impénitentes- se laissaient peloter par les mêmes berceurs, caresser dans le sens du poil par l'éternelle école de rhétorique arabe, la poétique mensongère, la phraséologie où usait et abusait Mohamed Saïd al-Sahhaf pour abreuver les âmes mordues de récits épiques.


Retour à Azza

Quand Azza Al-Shara عزة الشرع a vu les premières images en provenance du Square Firdos, c'est tout juste si elle a pu balbutier deux à trois mots. La face congestionnée sous le choc, elle n'est plus ce qu'elle était encore une minute plus tôt. Plus la grâce auréolée de son sourire, de sa lumière charismatique crevant l'écran. A peine l'ombre d'elle-même, elle cherche sa voix, ne la trouve pas. Déshydratée, sa langue se tétanise. La femme suffoque. Tend la main pour chercher un verre d'eau. La retire aussitôt dans un geste irréfléchi. Elle tente de se dérober à la caméra. En vain. Dans ses yeux, comme un S.O.S, un sourd appel à l'équipe technique. Mais ni caméramans ni réalisateur, eux-mêmes médusés, ne trouvent en eux le réflexe pour couper.
Et pour les millions de regards rivés au petit écran, en Syrie ou ailleurs, en diverses villes du Liban dont Beyrouth, aux cafés de Haïfa, à Irbid en Jordanie, à Al-Qaïm au nord de l'Irak, et probablement en d'autres zones de pays limitrophes de la Syrie[3], on se demande si les larmes, les perles chatoyantes qui roulent en travers des cils, alors que d'autres s'ébrouent sous les paupières, peuvent encore se faire contenir !

Les paupières tentent de les ravaler. L'âme altière aurait tout fait pour réprimer ses larmes, endiguer l'épanchement. Et plus d'un téléspectateur probablement à son tour saisi, pris dans les rets de tels cils qui l'hypnotisent à tant éclipser le reste de l'écran, se serait demandé si le sel qu'il ressentait lui-même aux yeux, brûlant, sortait de son cœur ou de la poitrine de Azza Al-Shara. Azza qui suffoquait encore de l’irrépressible sanglot tempêtant sous ses côtes.

Quand elle a craqué enfin, c'est certain : ils ne doivent pas être rares ces Arabes -croyant faire partie d’une secte vaccinée contre le pouvoir de l'image, qui auraient détourné la face ! Pour cacher leurs propres larmes.    

Réflexe puéril de vanité virile ! Vaine parade de la cuirasse masculine qu'entame l'épreuve, réaction sans effet de la peur soupçonnant la contagion...[4]

Ken Norton
J'ai vu maintes fois des volcans

J'ai vu maintes fois des volcans émotionnels exploser sous mon nez.J'ai vu pleurer en live des hommes et des femmes, sur maintes télés.

J'ai vu, adolescent, Bourguiba pleurer. Mais Azza et Bourguiba sont incomparables. Les moments historiques pareillement.

J'ai vu en 76, à ce jour indélébile, une montagne de muscles fondre en pleurs. Un boxeur trahi par ses hoquets, jugeant en fin de match que l'arbitre l'avait volé. La télé était encore en noir et blanc. Cependant, dans la rémanence continuelle de l'image, le visage de  Ken Norton battu aux points par Mohamed Ali Clay est resté le même. Ne s'est pas déteint malgré le temps. Ce 28 septembre 1976, bien que fan inconditionnel de Clay, pour ce match-là je n'ai pas oublié les larmes de Norton. D'autant qu'à l'époque, je me souvenais encore de deux duels précédents, datant de 1973, perdus eux aussi aux points par ce boxeur tout aussi méritant que Clay. Chaque fois que mon souvenir rappelle les larmes de cet homme, c'est de son côté que je me range. Sans complaisance aucune pour son adversaire, envers et contre guerres de religions et dictées de ralliement. L'injustice, quelles qu'en soient la nature et les motivations, si vous vous y complaisez par intérêt ou sympathie,  tôt ou tard elle vous en réclamera le tribut.

Un autre souvenir plus vivace encore. Datant de septembre 82.
J'ai vu pleurer à seaux, et ce n'est pas exagéré, un correspondant de télé français qui découvrait les massacres de Sabra et Chatila. J'oublierais le nom de ce journaliste, la chaine dont il fut correspondant[5]; mais jamais les hoquets de l'homme pour les martyrs palestiniens. Jamais pour ce débordement de sensibilité inouï, peu coutumier pour moi à cette époque-là, surtout à l'endroit d'une race qui suscitait plus souvent des sentiments d'antipathie que de sincère pitié.
 
Caroline Bourgeret, RTBF-
Septembre1982
J'ai vu à travers des écrits,  témoignages sincères, les larmes de Caroline Bourgeret[6]. journaliste belge, pour les mêmes damnés de la terre palestinienne, les mêmes martyrs de Sabra et Chatila. Ce que cette journaliste subira toute sa vie, en conséquence à cette "descente aux enfers" dictée par les obligations professionnelles, est incontestablement inimaginable. Quand elle dit que  "deux jours durant elle n'a cessé de pleurer "lorsqu'elle elle a vu les charniers, personne ne pourrait mettre en doute ces mots. Et deux jours de pleurs à côté de la vie entière hantée par le souvenir des horreurs, ce n'était rien, si ce n'est un moment de grâce allégeant dans l'immédiat l'oppression du choc.
Jamal Rayan - Aljazeera-
27.12.2008
 
Pour Sabra et Chatila j'ai vu aussi, à travers leurs témoignages écrits, tout aussi poignants, les larmes de Jacques-Marie Bourget et Marc Simon, respectivement reporter et photographe de VSD. Eux aussi garderont de l'épreuve des séquelles irréparables. Et personne ne pourrait imaginer quels cauchemars ils ont dû vivre durant des années et des années[7].
 


Bien que ce soit pour des foutaises médiatisées, je n'ai pas pu rester indifférent non plus aux larmes de Pelé, à la télé vu en 2004 dans les rues de Rio. Pour des foutaises assurément, parce  que ce roi du ballon de tous les temps, malgré les honneurs qu'il a pu voir dans sa vie, a été vivement ému quand son pays l'a désigné premier porteur de la flamme olympique qui devrait arriver à Athènes. Et si je m’en souviens encore, c’est assurément par amour du continent latino-américain et de ses peuples dont une bonne partie est issue de l’Afrique. Je n'imaginais pas Pelé d'une fibre si sensible, alors même que l'exemple précédent de Ken Norton, quoique dans un contexte différent, m'a déjà prouvé que les cuirasses les plus dures ne sont pas nécessairement synonymes de cœurs d'airain.
.
Khawla Hchachna - Soudan TV
27.12.2008
                                                  
J'ai vu Jamel Rayan sur Al-Jazeera: c'était à propos de Gaza sous le phosphore israélien en 2008.  Mais Rayan s'était vite ressaisi.
J'ai vu, sur Soudan TV et pour la même Gaza martyre de l'an 2008, Khawla Hchachna. Sauf que les images du reportage la cachaient, de sorte que seuls les hoquets s'entendaient. Et c'est regrettable car, sans l'image, la voix tombait à faux.
J'ai vu un chef de gouvernement arabe pleurer. Et pleurer tout aussi bien que Bourguiba[8]
 
 
Fouad Siniora
Chef du gouvernement libanais
(Juillet 2005- Novembre 2009
Mais bien que compatissant avec le peuple frère pour les douleurs motivant de tels pleurs, je n'ai pas aimé cet épanchement, si irrépressible pût-il être, parce que, au moment même où cet homme pleurait, d'autres hommes du même pays, plus dignes de respect, faisaient pleurer et se lamenter à tel-Avi, sur le Mur des Lamentations et les frontières de leur propre pays, les lâches qui avaient  suscité les pleurs de tel chef de gouvernement. Car faut-il le dire, le rappeler ? le combat héroïque de la résistance libanaise et les coups durs encaissées par l'entité sioniste et son armée (la 5e puissance armée au monde) ont forcé l'admiration du monde entier, y compris chez les sionistes.

J'ai vu à la première prestation de serment de Barak Obama, c'était en janvier 2009, repéré par je ne sais quel "œil américain" dans une foule estimée à deux millions, un homme noir qui pleurait. Pour Martin Luther King et son discours du 28 août 1963, pour les milliers de frères africains autrefois déportés de leur terre natale et devenus esclaves au continent des Yankees, pour l'histoire promettant de réparer, entre autres injustices, le passé des noirs et le passé noir des USA, de telles larmes ne sont pas facile à oublier.

J'ai vu d'autres larmes, d'autres sanglots, des torrents lavant des petits et grands écrans. Que j'ai oubliés avec le temps.

Mais l'écran que je n'oublierai jamais, quoique ne l'ayant "vu" qu'à travers un poème, c'est cet écran associé aux larmes de Azza Al-Shara. Je ne pense pas avoir été si viscéralement empoigné par le passé, ni ne crois pouvoir l'être pour l'avenir,  comme je l'ai été par les larmes coulant sur la joue de Damas pour sa sœur Bagdad, à travers le vibrant hommage que dédie Ahmed Omar Bakr à la journaliste syrienne !
C'est à travers les yeux de ce poète que j'ai vu pleurer Azza. Pleurer comme une enfant dans toute sa fraîcheur émotionnelle, craquant dans ce moment si éprouvant  et  ne s'accommodant d'aucun masque. En ce 9 avril 2003, elle a pleuré de notre cœur arabe et a fait pleurer du sien syrien tous ceux qui avaient pu la voir en direct. Il ne serait pas injuste de dire que jusque-là l'image télévisuelle n'avait sur nous qu'un pâle pouvoir.

"Nous" ce sont les blasés de ce vieux monde, qui en sommes sortis depuis 67. Vomissant tout ce qui pouvait nous attacher encore à lui, nous avons cru pouvoir lui échapper, totalement nous défaire de lui, partis à la dérive comme des fugueurs, au vent nous lavant de nos attaches et souillures, en voulant à l'histoire de nous avoir cocufiés et jetés loin de l'âge autorisant la fraicheur émotionnelle.

"Nous" ce sont ces millions de blasés par le quotidien et ses lots d'horreur, son mektoub incessamment au rendez-vous. Au rendez-vous alors même que nous n'en voulions plus, l'ayant répudié et déclaré publiquement délié de nous.

"Nous" ce sont ces allergiques aux journaux de 20h, et de toutes les heures, qui s'ouvrent sur le palais, saluant le maître de céans, et n'en sortent que nous morts ou endormis!

Sans la télécommande qui dut nous être salutaire un moment, nous permettant de fuir la médiocrité de l'info locale, nous donnant au moins le loisir de zapper au bon moment, comme pour claquer la porte au nez du  maître de céans, il y aurait belle lurette que nous ne serions plus sur terre!

Et même zappant à la recherche d'une zone de l'écoumène qui soit vivable, qui ne sente pas la fumée et le fumet de nos cadavres brûlant sur tous les bûchers, impossible de claquer la porte au nez de l'histoire arabe! Désespérant de ce monde fou qui nous poursuit, asphyxie où que nous berce l'illusion d'en être sortis et séparés, qui  à l'infini nous tue à bout portant, nous avons fini par boycotter, purement et simplement, l'image.

Sauf de temps à autre, histoire de ne pas payer indument la redevance de la télé,  et c'était pour voir la grâce d'un visage comme celui de Azza !

Quand Azza Al-Shara a pleuré, quelque chose de mystérieux a chaviré en nous. Instantanément, des blocs de glace rompus ont irrigué les zones mortes, les contrées désertifiées, les terres arides. Le "Rub al Khali" du cœur s'est ébroué, recouvrant la verdeur de l'âge. Et nous sommes redevenus puceaux de l'émotion.

Bagdad: qu'en savez-vous ?

Azza Al-Shara
Bagdad l'héritière de Babylone, le pays des Mille et Une Nuits, le berceau de la civilisation abritant les plus vieilles écritures au monde, l'Épopée de Gilgamesh, l'Épopée de la Création, la Descente d'Ishtar aux Enfers, Bagdad les Lumières pionnières quand l'Europe hibernait dans sa longue nuit moyenâgeuse, Bagdad la montre et l'astrolabe, Bagdad qui, mille ans avant la conquête de l'espace, a sondé le ciel et en a tracé astres, orbites et comètes sur ses cartes, Bagdad qui a inventé la caméra, le premier prototype de l'ordinateur moderne, l'arbre à came du moteur, le distributeur automatique. Bagdad l'Histoire qui rayonne sur le monde depuis plus de 3500 ans!12

Bagdad qui tombe ce 9 avril 2003, à 16h, foulée par les bottes de ceux qui ont à peine deux siècles d'histoire: de tout cela condensé dans les images d'une statue qui tombe Azza Al-Shara a pleuré pour nous tous et n'a fait cas de l'histoire qui dira: les Arabes ont pleuré13.



 
A.Amri
13.04.2013
 


 
 
 
Notes: 
 
[1] En Irak, mais c'est également valable pour d'autres pays musulmans, ces trois prénoms ont une dimension symbolique évidente : pour les sunnites, ils font figure de hagionymes, étant respectivement prénoms du Prophète et des deux califes qui lui ont succédé, Abou Bakr et Omar. Le signataire du poème est un sunnite, et il s'adresse à un lectorat de cette confession : la femme même à qui il rend hommage est également sunnite.

[2] Ce terme a été francisé sous diverses orthographes (elche, helche, eledj, euldj, ‘oldj, aaldj) dont la première, « eledj », datant de 1836 sous la plume de Joseph Toussaint Reinaud, signifie : « chrétien ne reconnaissant pas l’autorité musulmane ».

[3] En 2003, contrairement à de nombreuses chaînes arabes satellisées, la télévision syrienne était encore au stade de l'émission hertzienne, ce qui ne lui permettait pas d'être reçue dans des zones plus éloignées.

[4] Je sais que les féministes invétéré(e)s ne me pardonneront pas cette « essentialisation », plus ou moins phallocrate, qui voudrait insinuer que les larmes sont l’apanage des femmes, et que seules celles-ci auraient le droit à les « extérioriser ». Mais la suite du texte, je crois, prouvera que mon propos va plutôt à l’encontre de ce que ce contexte précis permettrait de supposer.  

[5] En 82 j'étais encore en France, étudiant. Et les deux seules chaines de télévision françaises de l'époque, auxquelles il faut rajouter la FR3 régionale, sont Antenne2 (aujourd'hui France2) et TF1. Je pense avoir découvert les massacres de Sabra et Chatila sur cette dernière chaine. Néanmoins, malgré des fouilles tout azimuts sur le web, je n'ai pas réussi à retrouver le correspondant concerné. Quelquefois je me dis que ce pourrait être Jacques-Marie Bourget, correspondant du VSD magazine, ou Pierre-Pascal Rossi qui travaillait pour le compte de la TSSR (Télévision suisse romande) ou encore, intervenant comme témoin, l’écrivain Jean Genet.

[6] Il y a 30 ans, Sabra et Chatila.

[7] En Septembre 1982, Jacques-Marie Bourget et Marc Simon, respectivement reporter et photographe de VSD, s’embarquent vers l'enfer et expliquent pourquoi pleurer : « Au milieu de l’équarrissage pour tous pourquoi ne pas pleurer ? Le seul geste qui apparaît possible, qui a le mérite du silence, celui qui accompagne les vraies douleurs. Je vois Marc baisser la tête et tous les deux nous partageons une honte qui nous tombe dessus. Honte pour l'humanité. Honte pour ces dirigeants, les nôtres, qui ont signé la promesse que ce massacre n'arriverait jamais. »

[8] Qu’on ne dise plus jamais qu’il ne s’est rien passé à Sabra et Chatila

[9] Le 7 août 2006, subissant le contrecoup de 27 jours de bombardement israéliens, le chef de gouvernement libanais Fouad Siniora, alors en réunion avec les ministres arabes des affaires extérieures, s'effondre en pleurs.

[10] « Que d'autres peuples, d'autres continents existent également, qui revendiquent une place bien méritée, non seulement dans l'histoire universelle mais encore dans notre propre histoire occidentale, c'est un état de fait que nous ne pouvons plus ignorer à une époque où nous parlons de la conquête de l'espace.
Aussi le moment semble-t-il venu de parler d'un peuple qui a profondément marqué le cours des évènements mondiaux, un peuple auquel l'Occident et avec lui l'humanité tout entière doivent beaucoup. En dépit de quoi et sur cent traités historiques que vous feuilletterez, vous n'en trouverez guère plus de deux qui mentionnent son nom. Aujourd'hui encore [...] l'Europe prémédiévale ne retient guère l'attention, pas plus que les évènements extra-européens contemporains du Moyen Age. Qu'en ce temps-là, aux portes mêmes de l'Europe, les Arabes aient porté pendant les trois quarts d'un millénaire le flambeau de la civilisation, qu'ils aient donc connu une période de splendeur deux fois plus longue que celle des Grecs, qu'ils aient en vérité influencé l'Occident plus directement et plus diversement que ces derniers, qui s'en soucie ? » (Sigrid Hunke - Le soleil d'Allah brille sur l'Occident (Albin Michel 1963).

 

Notre traduction du poème signé Ahmed Omar Bakr:

Azza Al-Shara, incisif est le glaive de la vérité
Puisse demeurer sauve la Syrie 
Pour que nous reste debout la demeure
Les hordes de l'invasion jusqu'aux dents armées sont venues
Avec leurs chars, infanterie, missiles et satellites
Pour éteindre sur les lèvres le sourire épanoui
Et irriguer des laves de mars les roses
Azza Al-Sara, m'ont tourmenté dans tes yeux
les larmes amères coulant sur tes joues
Rassure-toi, ou plutôt crois en ce serment
Nos âmes à la Syrie seront des murailles
َAzza, Deir ez-Zor sera notre point de passage
Vers un pays abritant la volonté et la résolution
Car , Dieu m'est témoin, cette terre demeurera
Et nos alliés de guerre y seront présents
Azza Al-Shara, Al-Shara l'a dit depuis longtemps
A cette attaque à main armée, honte et déshonneur !
Des maux de leurs crimes nous avons enduré
Ce qui est au delà de toutes les endurances
Eux, ils nous ont brûlés de leurs obus
Que ton feu soit fraicheur salutaire
Je perçois leurs colonnes anéanties à Umm Qasr
Et à l'aéroport nous leur réservons des surprises
Azza Al-Shara, les meilleurs me demandent
Pourquoi en quelques heures Bagdad a chuté
La trahison, dirais-je, épuise le plus rusé des malins
Et la guerre était réclamée par un esclave et un samsar (*)
L’esclave cachait sous sa bure la haine
Et l'autre le veau, des négociants lui ont fait un prix
Assabah [le matin][**] est devenu sordide dans nos glossaires
Et par dessus tout c'est un traitre
Bush finance ses guerres de leurs khazines
Aux vaches laitières qui brament pour lui au Golfe
Quant aux poltrons soi-disant arabes de notre nation
Nous avons juré de nous venger d'eux
Azza Al-Sara, ceux-là n'ont pu entamer notre noblesse
Et si nous accusons quelque défaillance, elle est passagère
La Syrie est notre fierté et Bagdad notre espoir
Deux antres de lions et le reste lupanar
Toute mère est pour nous une Khansa qui résiste

* Samsal, sensal, censal, 
** Sabah al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, émir du Koweït de 2006 à sa mort.

 
 
      Le poème intégral en arabe

يا عزة الشرع سيف الحق بتار *** فلتسلم الشام كي تبقى لنا الدار

جحافل الغزو قد جاءت مدججة *** درع، مشاة، صواريخ وأقمار

لتطفئ البسمة الزهراء في شفة *** ولتسق الورد مما جاد آذار

يا عزة الشرع في عينيك أقلقني *** دمع حزين على الخدين مدرار

فلتطمئني، بل كوني على ثقة *** بأن أرواحنا للشام أسوار

يا عزة الشرع دير الزور معبرنا *** الى بلاد بها عزم وإصرار

فهذه الأرض بسم الله باقية *** والمردفون لنا في الحرب حضار

يا عزة الشرع قال الشرع من زمن *** سطو المسلح فيه الخزي والعار

لقد صبرنا وآذتنا جرائمهم *** ما ليس يصبره في الصبر عمار

هم اشعلونا بنار من قذائفهم *** كوني سلاما وبرداً أنت يا نار

في ام قصر أرى ارتالهم سحقت *** وفي المطار لنا شأن وأسرار

يا عزة الشرع والاخيار تسألني *** ما بال بغداد بالساعات تنهار

قلت الخيانة أعيت كل داهية *** والحرب نادى لها عبد وسمسار

فالعبد قد خبأت حقدا عباءته *** والآخر العجل قد ساموه تجار

صار الصباح خسيسا في معاجمنا *** وفوق هذا وذاك فهو غدار

بوش يخوض حروبا من خزائنهم *** بقر حلوب وفي الخلجان خوار

أما الرعاديد من أعراب امتنا *** عهدا قطعناه منهم يؤخذ الثار

يا عزة الشرع ما نالوا عراقتنا *** وان أصبنا بضعف فهو دوار

فالشام فخر وبغداد لنا أمل *** هما العرينان والباقون هم عار

فكل ام لنا خنساء صابرة *** وكل خال لنا صخر وكرار

يبقى العراق منارا هاديا ابداً *** كأنه ( علم في رأسه نار)

سيبزغ الفجر من انبارنا وغداً *** من ارض فلوجتي تأتيك أخبار

 

احمد عمر بكر






vendredi 12 avril 2013

Samer Tarek Issaoui nous interpelle depuis sa prison

"Vous porterez mon âme comme un cri pour tous les prisonniers, femmes et hommes, un cri pour la liberté, pour l’émancipation et le salut de ceux qui ont connu le cauchemar des prisons et leur terrible noirceur.
Ma bataille ne concerne pas seulement la liberté individuelle. La bataille que j’ai menée avec mes héroïques camarades, Tariq, Ayman et Ja’affar, c’est la bataille de tout un chacun, la bataille du peuple palestinien contre l’occupation et contre ses prisons. Notre
but est d’atteindre la liberté et la souveraineté dans notre pays libéré et notre bien aimée Jérusalem.



L'auteur de ces mots écrits dans une prison israélienne s'appelle
Samer Tarek Issaoui. Palestinien né le 16 décembre 1979, il a aujourd'hui 34 ans.

Bien que son nom ne soit pas connu en dehors du pays qui vit sous l'occupation sioniste, il est possible que le Guinness World (livre des records) lui ait reconnu le record de la plus longue grève de la faim au monde.

260 jours(*) de jeûne, huit mois successifs sans autre alimentation à part l'eau et le sucre. Et le compteur n'est pas arrêté!

C'est au 1er avril dernier qu'il a atteint ce record infernal de 245 jours inscrits dans une grève de la faim qui se poursuit à ce jour! Et c'est un miracle pour cet homme qu'il soit encore en vie. Mais on se demande pour quand encore il pourra tenir. Aux dernières nouvelles, il s'est même abstenu de boire de l'eau pour protester contre le harcèlement continuel des matons.

Pourquoi cette grève?
Parce que Samer Tarek Issaoui a été emprisonné arbitrairement.

Il a été arrêté une première fois en 2003 pour le seul délit d'"appartenance au FDLP" (Front de Libération de la Palestine). Et il a été condamné à 30 ans de prison!

Le 18 octobre 2011, il a eu la chance d'être libéré dans la transaction liée à l'échange du captif israélien Gilad Shalit contre des prisonniers palestiniens (570 détenus ont bénéficié de cette libération).
Mais le 7 juillet 2012, il a été arrêté de nouveau et le ministère public israélien réclame à son encontre une nouvelle peine de 20 ans de réclusion. Cette fois-ci pour avoir exercé depuis sa libération des "activités politiques" et "visité la Cisjordanie".

Samer Tarek Issaoui est entré en grève ouverte de la faim depuis le 1er août 2012.
Il interpelle notre conscience, celle du monde libre, de l'Occident surtout pour en prendre acte.

Il serait bon de rappeler que la famille de ce prisonnier a subi et ne cesse de subir des souffrances inimaginables depuis l'occupation. Sa grand-mère a été tuée par des balles israéliennes à la première Intifada, quelques années plus tard c'est son frère Fadi qui subit le même sort. Ses trois frères Samer, Midhet et Chadi ont été arrêtés eux aussi et mis en prison. Une telle hargne n'a épargné jusqu'à présent que ses vieux parents, car sa sœur Shirine aussi a été arrêtée plusieurs fois et pourrait l'être encore en vertu de cette loi de la jungle qui permet aux sionistes d'"exceller" dans l'arbitraire.

Merci à Maram Humaid, journaliste palestinienne qui a lancé une campagne de soutien à ce damné de la terre et de la faim. Merci à Chokri Boussetta II qui a intercepté l'appel et me l'a transmis. Je sais qu'en Tunisie (où même les hackers qui ont piraté dernièrement des sites israéliens ont été arrêtés) il n'y a rien à espérer des "amis du prince Hamad de Qatar", objectivement de par cette amitié eux-mêmes tous amis d'Israël!
Mais le peuple tunisien a meilleurs amis, et amis de la Palestine surtout, en Occident. Et nous souhaitons que cet appel soit relayé et parvienne à toucher le maximum de monde.

J'en appelle à la conscience de tous mes amis pour en prendre acte.

A. Amri
12.04.2013

Pour entrer en contact avec Maram Humaid:
prisonerscampaign@gmail.com

Note:

*260 jours en date du 12 avril 2013

lundi 8 avril 2013

9 avril pour la Palestine et la Tunisie

Le 9 avril, les Tunisiens commémorent la journée des martyrs.

Mais ce même 9 avril marque également une grande date mémorielle pour la Palestine, pour ses amis aussi qui se battent partout contre le sionisme.

Deir Yassine: 9 avril 1948
Deir Yassine, le massacre perpétré il y a 65 ans par des commandos sionistes: 120 hommes armés de mitraillettes, grenades et bâtons de dynamite. Ayant pour chef Menahem Begin à qui le "monde libre" décernera 30 ans plus tard le prix Nobel, et lequel? le Nobel de la paix.

Ce 9 avril 1948, entre 250 et 350 personnes ont été élues pour une mort exemplaire, sorties de leurs maisons, rassemblées sur une place centrale, tuées à bout portant. La plupart des femmes et des enfants, des vieux aussi. Pour que le reste des survivants, les Palestiniens de Deir Yassine et tous les autres, quand ceux-ci seront prévenus, sachent ce qui les attend au cas où ils ne cèderaient pas la terre aux enfants du "Peuple élu". Le jour-même ce fut plus de 750 personnes qui sont parties. Les jours suivants -les semaines, les mois, les ans, ils seront un million de réfugiés. Cinq millions aujourd'hui, répartis sur plusieurs camps dans les pays voisins ou à l'intérieur des territoires palestiniesn. Irak, Syrie, Jordanie, Liban, Cisjordanie et Gaza.

Pendant ce temps-là, le "monde libre" ni vu ni su.

Cinq jours après le massacre de Deir Yassine, le 13 avril 1942 le journal français Le Monde daigne consacrer à la boucherie un micro-bulletin que l’œil du lecteur peinerait à repérer dans l'environnement informatif qui sature la page. Une annonce pour chien perdu, à côté d'un tel bulletin, aurait bénéficié de plus d'espace et prévenance journalistique.

Presque 30 ans durant, la conscience du "monde libre" tétanisée par le souvenir de l'Holocauste, ou la
machine médiatique, la doxa de la Shoah, se tournait rarement du côté de la Palestine. Certes, il y a eu Charles De Gaulle pour l'honneur de la France, les communistes aussi en France et dans le reste de l'Europe, les groupes révolutionnaires d'extrême-gauche qui ont eu le courage de ne pas se conformer aux passages cloutés quand on évoquait le Moyen-Orient, mais le pouvoir politique fut incessamment "sage am d'Israël", très éloigné de la Palestine, constamment satellisé à Tel-Aviv.

Et puis un beau jour, alors que l'actualité ruminait des images de la guerre du Vietnam, il y a eu un évènement
choc qui a fait sauter partout la chape de bitume couvrant la question palestinienne. C'était le 30 mai 1972, quand trois Japonais à peine débarqués à l'aéroport Lod israélien de Tel Aviv, prenant tout le monde à l'improviste, ont tué ce qu'ils ont pu tuer. A l'aveuglette assurément, assurément faisant beaucoup de

Procès de Kozo Okamoto
victimes parmi des innocents. Mais eux-mêmes "innocents", eux-mêmes devant s'immoler sur l'autel sioniste, savaient que c'était le seul moyen d'exhumer de l'oubli le souvenir de Deir Yassine.

Les trois auteurs de l'opération kamikaze: Kozo Okamoto, Tsuyoshi Okudaira et Yasuyuki Yasuda. Seul le premier a pu survivre. Les autres, dans l’esprit chevaleresque des samouraïs, sont devenus des étoiles au ciel.

C'est à partir de l'attaque de l'aéroport Lod ( aujourd'hui aéroport international David-Ben-Gourion) que le complot du silence occidentalo-sioniste, mis à mal, ne pouvait plus maintenir sous la chape de béton la vérité sur la Palestine.

Sans jamais se soustraire à l'emprise du lobby sioniste, ni guérir de la Shoah devenue piqûre de toxicomanie aux mains du sionisme qui l'en piquait et tenait sa pensée en otage, le "monde libre" a commencé quand même de parler des Palestiniens. D'abord et pour longtemps encore, des "terroristes palestiniens" exclusivement. Mais terroristes ou fedayins, peu importe! tant qu'à les associer incessamment au nom de la Palestine, la conscience de certains hommes
Tsuyoshi Okudaira (G) et Yasuyuki Yasuda (D)
authentiquement libres a pu exhumer petit à petit de l'oubli Deir Yassine et d’autres massacres.

Pour savoir par quel prix Koso Okamoto a payé, durant les 13 ans de sa détention dans les prisons israéliennes, l'acte de son engagement pour la Palestine, la vidéo ci-dessous, un témoignage poignant:

http://www.youtube.com/watch?v=gqa66d5QhLU

Ahmed Amri
09.04.2013

اترانا نولد صلاح دين من صلب الثيران

شيخي الجليل
 عميت في
المتاهات
ومني ضاع الدليل
ما عدت
في الليل ابصر مسندا
 لأوراق سوس فسد فصها
 من احباس الظلام
تأكل
حرام لعقلي تفتي

وللقضيب كل الحلال


جلال للجمال يستبيح نحره
على مذابح القضيب النافر
وكأن ربكم بريابوس(1)
لا رب محمد والكعبة

إلاهكم نقطة على راء  الرب
وارجع للسطر
جهاد النكاح في سوريا

هنا معلقات تيوس
حازت على جوائز الظلام
  و
طلاسم هناك وبخور

وزور جليل يلبس ابليس جبة
ونور منحور في مراحيض ردتكم
بين ريش طواويس باللحى
تزق
ونعيق
سود الغربان  تكبر وتفتي
وزفت  كريه 
نتونة للأنف  تزكم
 ما أقبح عذركم حين تفتون للجهاد
حين الدجاج
بقبحكم يفتن
إذ اكلتم عقل السذج
مضغتم روح المناعة فيهم
ليكونوا حطب حرب

حريقا يأكل جسدنا في الشام
وقدسكم يا ابناء القحبة
لا حرب ولا حريق
لا نعيق غربان سود

ولا ريش طواويس
 ولا زق لحية تفتي نارا
 على تل ابيب

«جهاد النكاح» لدى «جبهة النصرة»

تفا لكم من ذيول تعيسة
من بها رب يهوذا
على المختار
شعبه
تفا في مداجن الطحان الأمير
من بول الحميرتشربون نهيقا
ولموز حمد حامدون تحنون الدبور
ما احلاه بولا قلتم
لتونس اصبح مصدر نور

شيخي الجليل
فسدت بكم والله
كتب التفسير والتأويل
وفي دامس ظلامكم
ضاع شعري
و أضاع الدليل
حتى كدت
من فرط ما طغى
على تاريخنا من تدجيل

 لا أعرف اي عام ولدت
وهل على شرع الرب ختنت
ام يجدينى اريه الرب لوجدي
عسى فيه لبوغنيم تصحيح
يزيد به في النكاح غنمي

نسيت متى سن البلوغ

تونس: ما هي قصة «جهاد النكاح» في سوريا؟

لأناث الغنم والنوق
أسبعا شيخ
ام ثلاثا
ام هلالا يكفي

نسيت اين يستحي فرجي
من فرط ما
فرجت في ضيق المداخل
فتاوى ديننا السمح

من كثرة ما حللتم نسيت
هل نحن في الحلال خريف ام ربيع



يا ذا العلم الغزيريا طويل العلم واللحية
يا فانوس الأعمى
والبصيرشمسا

شيخي الجليل
قل لي في تقويم الصحيحين
ومسند البخاري بالخصوص
هلا دللتني
يا شيخ اللصوص
اين  في غياهب التاريخ نحن
اين نسبح


 
يشترون الجنة بزوجاتهم
 - نحن الآن في فجر الصحوة للفتوة نفتي
-أي عام فجور نحن ومتى منه نصحو
- صحونا عام الف واربعمائة وفتوى نكاح
الحمد لله دانت لرماحنا مقدمة الثورة
لكنا مازلنا في باب حل النكاح
نقارع الظلام
  كأشد الصحاح
لنفتح للثوار ما بقي بكرا
في مؤخرة الثورة

- اترى في مسند الصحاح مباح
-كل شيء  عدى الحب الكافر
فيه مباح
مثنى وثلاثا ورباع
حرثكم انى شئتم
امة الصحراء والعطش والقحط
حتى القحب نحل بصحيح القحاب
لتصحو فيكم أمة الصحاح

- اترانا بمحراث بريابوس
شيخي الجليل

وما حللتم تيسيرا للجهاد
نزهر ربيع العرب

اترانا في صحيح الجهاد
عمق الجراح
في صلب التاريخ
ام فاتنا التاريخ
وبالأمم قطار الصحاح

-لا بل نحن الصحاح
و التاريخ فجره
هي نهضة لا تقف
دون تكبير فتكفير فتفجير
- وبالفجور يحل متاريس للتفجير
- دون وقوف الوافي
حي على الجهاد
رمحا لا يكل
في امة الصحاح
لا يصح الجهاد

-اترانا نصل بالرمح
 رحم الثورة
وبصلا نزرعها
بحمم الفحول
وحرث الثيران


اترانا نولد صلاح دين
من صلب الثيران
لقدس تنادينا
والدين فينا
لا يعدو ديدان
تنهش دمشق
عزتنا
ونفيس التاريخ

وبنو صهيون يصيحون:
مرحى مرحى يا ثيران

قم للصلاة يا شيخ
فهذا الآذان

- تكبير فآذان
حي على الفلاح
حي على النكاح



احمد العامري

8 افريل 2013


1- بريابوس:  Priape ou Priapus اله في الأسطورة اليونانية يرعى الخصوبة لدى الذكور ويتميز بقضيب نافر على الدوام

samedi 6 avril 2013

Dans le sillage de Kafka: le procès qui traine

C'est un vieux papier tiré de mes archives mal-aimées. Texte apparemment voué à quelque autel expiatoire, écrit à la bile de l'encre dans les années 80. Je ne me rappelle plus ce que le pécheur de l’époque, l'Absent qui se terre sous le pronom de la 3e personne, a pu commettre comme gaffe pour entamer sa descente aux enfers. Je ne sais plus si tel ego de Joseph K... erre encore dans son désert de fugitif, sans la face et son ombre, l'une et l'autre perdues dans l'acte d’auto-justice auquel il s'est soumis, si la mauvaise conscience le poursuit toujours, hargneuse, ou clémente- de longue date l'eût guillotiné. Mais à relire ce procès exhumé de l'oubli, je voudrais dire au pronom de l'Absent, à son âme, aux anges qui la consolent au ciel, sinon aux démons qui la torturent à l'enfer: puisse ce texte réhabilité par moi pour la jeune plume martyre pardonner à l'Absent ce qu'il put commettre !

(Feuille I)

Sans trop savoir pourquoi, tout bêtement, insensément il a commis l'irréparable. Et sitôt revenu à lui-même, quand il a pu se regarder une dernière fois dans le miroir, sa première réaction fut de donner un coup de boule, un vrai coup de plafond, à la face méconnaissable que tel miroir reflétait.


Ni les éclats de verre et leur fracas, les échardes restées au front, les tessons au cœur, ni le cadre du miroir se ressentant de sa vacuité ne purent rendre à l'homme ce qu'il avait perdu.

Qu'est-ce qui aurait pu le conduire à une telle chute
?
Jamais il n'en percera au juste le mystère. Pour cogiter
là-dessus, et juste,  il faudrait retrouver d'abord ce qu'on a perdu. Le miroir en face de soi. Ou sa face dedans.  

Peut-être fût-ce le coup d'une sidération. Le vrai coup astral tel que décrient, oraux ou romanesques, les vieux récits des bergers lunatiques. Une sidération qui frappe sans préavis, le scorpion, le sagittaire, l'influent rayon qui tire sa langue au serpent, servant ses crochets à venin qu'il dilate, et la morsure qui s'ensuit, injectant le
traître trait  dans l'artère vive du cerveau. Démoniaque, imparable, la possession, puis la dépression, le cafard. Le délire. L'épilepsie qui ronge son sujet. Et le léger chef supplantant la tête qu'on avait entre les épaules.

Paul Hella - Pierrot de la lune
On erre, on divague... La lubie. Et l'irréparable.

Assurément un accès de folie. Bien plus qu'une absurde lubie de poète. A ce moment-là on
ne sait plus pourquoi, ni comment on flanche. Pourquoi, d'habitude la tête sur les épaules, bon chic bon genre, subitement on tombe si bas. On perd la tête.

Peut-être bien, au sens littéral du mot, une sidération.



La lune d'autrefois qui charmait les poètes. La muse qu'on osait tâter des yeux. Désuet ce désir-là quand l'encombre, sombre comme la mort, et tout aussi oppressant que ses affres, le venin qui serpente, violente les reins et l'échine dorsale, en coupe et découpe des vertèbres qui sautent, n'arrête de sillonner de ses zébrures le corps martyr, ni d'infuser dans les veines le poison mortel. Quand battant la chamade comme une guerrière, et nue, qui se meurt dans son dernier réduit, l'âme hurle: assez, venin! fais-moi violer son fort pour tâter sur sa chair la peau! c'est ça, ou la mort cérébrale.  Je ne tiens plus, je capitule.

Maintes fois autrefois la poésie capitulait.
Le lait que tétait la plume, la lune qui subjugue le poète -l'arpète n'y verrait que triviale métaphore de tutu, mais le têtu calame ou le poète, comme jadis, n'y voit que, pure, la force sidérale qui dicte. A la voix de quoi la verve se plie.

Dessus on tique. Et baigné de tel éclat, on lisse la grâce et on écrit.

L'inconscient, peut-être, tourmenté par la plénitude et ne sachant quel péril sous le moelleux contour, que l'amour transi magnifie et cache, couve des yeux sans plus sentir l'effet pervers de son charme.

Peut-être bien un coup de soleil.
Lui qui aime tant les bains de soleil. Alors que l'astre est au zénith, si brûlant, splendide, qu'en bas la peau sans masque ni semblant de parasol se délecte à tel hammam.

Peut-on,
sous l'empire des sens, en venir à dire n'importe quoi? Quelquefois oui. Oui, toujours. Mais lui qu'aurait-il pu dire, délirant, à l'astre resplendissant du jour, pour en subir le contrecoup et la tourmente, si ce n'est: tu m'éblouis, tu m'aveugles. Mais va! je cède à l'ascendant quand bien même il brûle. Et si j'en meurs calciné, hourra le martyr! Peut-être bien un coup de soleil de tel ordre. A s'en mordre de plaisir les lèvres qui boivent sa coupe dorée, le cristal quand il chante, quand il hante de ses inflexions torrides le candide dévot qui les boit, quand, morsure après morsure, le soleil entame le bastion inviolable du poète, qu'il brise la porte cadenassée du temple. Et souverain, tyran, implacable il soumet à l'irrévocable diktat la plume déplumée. Et plume, ou plumet, le calame se signe. Et signe des acrostiches que le maître déchu, le poète, n'avait jamais écrites, tant qu'il avait le nez du poète!

Sous la
cruelle dictée des puissances sidérales, signe seul le stylo putschiste, quand n'assume plus ses dits le poète démis de l'autorité magistrale.

(Feuille II)

II- Le procès-verbal
 
Viscérales tes lamentations, tes peines, poète, mais "au delà de la condamnation et de l'enfermement, chaque homme reste libre en lui-même"(1). Maintenant, assume, ou crève!

Ta putain de lubie, ta folie sidérale, la puissance que tu ne saches appréhender ni définir,  lune, dis-tu, de mes deux! soleil, l'étoile polaire, Satan, la milice céleste, peu importe son nom! c'est du délire, du toc, des alibis pour que tu puisses boire ta honte! Arrête ce charivari sans sel ni cumin! Et dis-nous, putain, où au juste tu veux en venir?

Ayant déposé les armes, dis-tu, et signé l'acte de capitulation, tu as cédé. Parfait! c'est beau! et te voilà blanchi, le chantre au chant de cygne! sorti comme le cheveu de sa pâte de farine!
Bon sang, bon dieu! si tu crois qu'à ce prix-là, c'est l'acquittement pur et simple, tu te goures, tu te mets le doigt dans l’œil, et dans l’œil de ton tutu la plume! 

Et pourtant, tout ce qu'il dit n'est pas charivari.
Tout ce qu'il sait, ce dont il est sûr, c'est que dès l'instant où sa plume, trempée dans l'orbite astrale, n'obéissait plus qu'à la voix invisible, lui-même n'était plus qu'un possédé. Qui écrirait ses maux. Peut-être. Et de piètre façon. Mais dans les mots de la voix qui avait conquis le calame, qui dictait, succube à son scribe, la consonne astrale et sa voyelle! Et au fur et à mesure que la phrase s'étirait, que le vers saturait la phrase, les maux infectaient le poème, le calame qui s'en flattait.

Taratata!
Tandis que réduit au silence, poète -tu veux dire, ferré ou serré dans sa camisole de force, dirais-tu, le pauvre maboul de poète n'était plus maître de ses mots.

Tu te fous de qui au juste? De ton soleil ou ton étoile polaire? Ose dire encore que seule la plume sous l'ascendant qui l'emporte, forte de l'encre qui la remplit et qu'elle éjacule -ose dire que pendant que ta coquine de plume glisse lisse sur le papier, toi maboul poète, dessaisis  de ton sceau de signataire, dessaisis de tes terres à fou qui ne peux plus les administrer, terres annexées et soumises au pouvoir central du calame, toi pendant ce temps-là, en attendant que les Nations-Unies s'unissent contre ton conquérant, tu ne faisais que tourner dans l'orbite astrale, satellisé, tel le derviche tourneur sous la voûte des cieux! Ah le pieux qui tourne sous les basques du ciel, tout miel pour sa lune, et pour son soleil cierge qui brûle sous l'ascendant!

Pas du tout! annexé, c'est sûr, colonisé aussi, dépendant et soumis à l'impériale autorité du conquérant...
Con quérant ta plume! Ah, quel traître coup il t'a mis si bas, knok out dès le premier round!
MARIA DOINA CUBLESAN
Coucher de soleil huile sur toile
Et va dire encore  pourquoi cette folie qui s'éveille aux maux que flatte le poème, quand le poète n'est plus maître de ses mots, que la plume glisse et dérape, le sape en traître et tire du nez, lui dicte les vers à tirer des narines, l'aveu à cracher.



Dis-le, maboul de poète, dis-le qu'on te pardonne, que c'est sous tel diktat, peut-être, tu peux savoir pourquoi et comment, en traître sapé et du nez tiré par l'ascendant qui dicte, tu as tout craché !

Je plains ton air de chien battu. Mais au demeurant, tu n'es qu'un chien qui aboies à la lune!


(Feuille III)
III- Pro domo le plaidoyer


Et de piètre façon, le même chien qui aboie à la lune et serine un air à son saint, a péché à l'endroit du Beau.

A l'endroit du soleil, de la lune ou l'étoile polaire, il n'en sait plus rien, il a commis, capital, le péché qui le met au couloir de la mort.

Alors qu'il voulait seulement délester le ballon que le vent faisait baller, au bout de sa ficelle. Seulement lâcher un renvoi, éructer gros ou gras, peu importe, soustraire son dedans à la pression du gaz qui monte, le sur-plein étant intenable. Et les côtes exigües pas assez élastiques pour en supporter l'oppressant fluide.

Folie, oui!

Lubie de poète, tempête qui emporte la chape de plomb.
L'éruption du volcan dont on ne soupçonne pas un tel débordement, quand la cratère craque, que les laves en feu s'épanchent, coulent sur les flancs, calcinent le bois vert et le sec. Et que, sulfureuse, irrespirable, la fumée monte.



A ce moment-là seulement, putréfié, incrédule, on se tape la tête contre le mur. Dur on se la tape! A donner des frissons à la pierre, la brique ou le béton qui répond à la moelle du crâne.

Marcel Bataillard: Peintre aveugle
Alors que jusque-là, aveugle et sourd, on tordait son cou à la roteuse! en lorgnant sur les deux coupes, alignées sur sa table, qui boiraient, trinqueraient,  et le moment venu roteraient!

Pouah! que c'est amer ce champagne!
Quand on se dit poète, et déboussolé, on assassine le noble, on souille le beau.

On se laisse prendre quelquefois à son propre jeu. Comme par le balai l'apprenti sorcier. Trop sûr de soi, trop con, l'air fringant on saute sur la pente lisse. On pirouette en l'air. Un peu grisé de se sentir léger.

La tête a beau dire attention. On fait la sourde oreille.

Et chenapan, saltimbanque, on se rit du mage tapi en soi, le visionnaire qui se cabre, se défausse de votre jeu pas conforme aux siennes normes, les règles de sa pâte altière. On n'écoute pas le fier. On fait le fier. Et comme sur des patins de farfelu aveugle et sourd, on glisse allègrement à la lisière de la pente savonneuse.

Le faux-pas n'est pas loin. On siffle le soleil. Son soleil à soi. Comme une fille coquette par l'enhardi garçon. On siffle au disque. On croit maîtriser son jeu, son art sorcier. Et hop !

Les beaux patins vous envoient coqueter avec le ravin!

Comme l'apprenti sorcier par son balai trahi.

Quelle vilaine mouche a pu le piquer, quelle folie pour commettre un tel faux-pas! Le faux-pas, et si bas les ronces
où s'enfoncent les pieds. Pour la chaussure et son double-fond pas trop douillet, pour la chatouilleuse plante du pied et la beauté de la couronne à porter sur le front.

Bon dieu! bon sang ! quelle bévue !


(Feuille 4)
IV- Le réquisitoire

Et pourquoi tant de dégâts?
Le monde était beau sans le pot traître de l'égoïsme.
Un verre de cristal à la main, la plume écrivait ce que dictaient les maux. Mot à mot elle chiffrait

Carolus Durand: l'homme endormi
le pouls du cœur, l'acide de la tendresse qui s'écoulait entre les lignes, taisait les cristaux de sel quand ils brûlaient dedans les côtes, interdisait leur poudroiement sous les paupières, altière et sublimant les maux. Que c'était doux de savourer le nectar d'un tel verre, de confier ses vers au cristal pour les chanter! Doux de sentir s'alourdir ses paupières quelquefois. De cette eau d'argent que le calame, viril, refoule pour n'en pas souiller l'encre pure, l'azur diamant de son encre, la parure de sa poésie. Doux de s'assoupir quand la plume tombe, ivre de sa fatigue au bout d'une nuit féconde et tant de feuilles enfantées. Doux de se faire réveiller par une brûlure au lobe de l'oreille, le premier rayon du soleil que la vitre n'a pu stopper, chaud, beau, et venant gratifier la plume dévote, la prêtresse thuriféraire qui s'était endormie à l'autel.

Pourquoi avoir cassé le cristal ? le quartz qui irradiait le soleil et s'en irradiait ?

Sans l’égoïsme et la tyrannie de la cécité, qu'aurait-il pu escompter de si beau à tenter la prouesse
"A la mer seule nous dirons
quels étrangers nous fumes
à la fête de la ville."
(Saint-John Perse)
grotesque, la valse et son vertige, le saut en l'air et la pirouette ? Aveugle idiot, et qui patine sur la glace ! et pourquoi ? pour la gageure de l'idiot, l'idiote prouesse à étaler pour soi, qui dira un jour à Don Quichotte: preux chevalier à la Triste figure, à la faveur de ta lance et rossinante ta dulcinée à la chevelure solaire et à la cristalline voix à toi seule va chanter ce soir. Ce jour, bel égoïste, à toi seul va briller le soleil!

Inénarrable !
Pourquoi la mer s'est-elle tue ?

Plus de vagues ni mouettes qui plissent à l'eau et au ciel ses pans attendris. Plus de ris ni les Grâces pour enchanter le récif, mouiller ses falaises, humecter d'air frais son nez..

La bévue parfaite, inégalée, la grossièreté monstre !

Le monde était beau sans l’égoïsme profane.

L'étale mer offrait à la poésie son sein nourricier. Dedans les côtes et sur les côtes, il faisait bon sentir l'écume des vagues, se souler aux chants des sternes, promettre à l’horizon sa bouteille à la mer.
Et se taire....




Conclusion: Si vous êtes Cancer comme le fakir chevillé à sa planche à clous, méfiez-vous de la lune et ses méfaits allant croissant au fur et à mesure de la plénitude astrale. Méfiez-vous aussi du soleil s'il a sur vous un ascendant qui vous fasse prendre des bains de canicule à son heure zénithale. Si vous êtes sudiste, étoilé ou pas, ne commettez jamais l'erreur fatale de coqueter dans vos rêves avec l'étoile polaire. Si vous êtes égoïste, demandez tout à la mer, sauf qu'elle devienne pour vous, et pour une nuit -sous la pression d'une folie, d'une lubie, d'un alibi, ou d'un lobby lunatique- un bar pour le seul verre qui boira sans trinquer !

A. Amri

Inédits de déni (1980)
06.04.2013

Ulysse et la sirène des mers



Heureux qui comme Ulysse a vécu à Djerba

Et cependant que là-haut cent huit prétendants
Pénélope repoussait par son fil vingt ans
A l'absent fidèle et chaste sous sa koubba



La-bas sur l'île enchantée par ses poétesses

Ulysse l'ingrat, de vers gras et foie se gavait
Cent huit sirènes des mers nuit et jour l'émouvaient
Vingt ans durant chez la Tunisie son hôtesse

A.Amri
06.04.2013

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...