De l’arabe التَّامُّ
at-tamm (l’accompli, le parfait, le vrai), dérivé du verbe تَمَّ temma (s’accomplir, s’achever, être parfait), ou أَتَمَّ atemma (accomplir, achever), qui a donné
le dérivé dialectal et le turc تَمَامْ tamam [1] signifiant « c’est
exact, c’est vrai, c’est juste », le grec a tiré son ἔτυμος, étumos,
signifiant « vrai », dont il a fait ἐτυμολογία, etumología, donnant le latin etymologia
et le français étymologie (1175), de
sens identique. Le mot s'est répandu dans plus d'une trentaine de langues de
diverses familles (gothique, celtique, romane...), et a donné une dizaine de
dérivés en français [2].
Ce grec emprunté à l'arabe, on le savait en Occident, du moins le soupçonnait-on,
de longue date. En 1775, Antoine Court de Gébelin soutient que le mot grec
dérive d’un radical oriental signifiant « perfection, accomplissement, vérité,
justice ». Voici ce qu’il dit au juste à ce propos : « Il existe dans
les langues les plus anciennes de l'Orient, un mot écrit en Hébreu טומ, qui s'écrit et se prononce
indistinctement Tom, Tum, Tym ; c'est un mot radical qui signifie perfection,
au sens propre ou physique ; et au sens figuré ou moral, accomplissement,
vérité, justice. Chez les Hébreux, les Arabes, etc., il a formé des adjectifs
et des verbes. Ce mot, uni chez les Grecs à l'Article E, et se chargeant de
leur terminaison os, devint l'adjectif E-tum-os, qui signifie vrai, juste,
tandis qu'ils laissèrent perdre tout le reste de sa famille. Les Grecs unissant
ensuite ce mot à celui de Legia, qui signifie chez eux discours, connaissance,
ils en firent le mot E-TUMO-LOGIA, que nous prononçons Étymologie, et qui
signifie par conséquent connaissance parfaite, connaissance vraie et juste ; et
ils désignèrent par là, la connaissance de l'origine et de la valeur des mots. »[3].
Antoine Court de Gébelin devait ne pas connaître la racine arabeلغَا lagha
(parler) et ses dérivés, autrement il aurait ajouté que λόγος, lógos
(« parole ») est aussi d'origine arabe, de sorte que le grec ἐτυμολογία, etumología,
n'a rien de sien dans ce mot, si ce n'est l'habillage phonétique dû à
l'hellénisation des deux racines arabes. Logos et bien d'autres mots attribués
de façon indue au grec, Abderrahman Benatia en 2005[4], ainsi que Rachid Benaïssa plus
récemment [5], les ont restitués à leurs
authentiques racines arabes.
En conclusion, je voudrais recommander au lecteur désirant en
savoir davantage sur ce que la Grèce doit à l'Orient le livre de Frédéric
Mathieu: Platon, l'Egypte et la question de l'âme [6], [7]. C'est un mémoire présenté en 2013
pour l'obtention du Master I de philosophie, et sauf récente restriction
d'accès sur Google, il est entièrement accessible en ligne. Ce que l'on peut y
apprendre (si l'on est de ceux qui croient au "miracle grec") est si
inouï qu'il vaut véritablement la lecture intégrale.
A. Amri
05.03.2020
Notes:
6- Ed° Frédéric Mathieu, 2013.
7- Platon, l'Egypte et la question de l'âme par Frédéric Mathieu, Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
1- Jean Deny, Principes de grammaire turque, Adrien-Maisonneuve,
1955, p. 72.
2- Etymologie populaire, étymologique, étymologiquement,
étymologiser, étymologisme, étymologiste, étymon, réétymologiser,
réétymologisation, rétro-étymologie
3- Monde primitif, analysé et comparé avec le
monde moderne, V. 3, Paris, 1785, p. 19.
4- Histoire de la colonisation arabique dans la Grèce antique: à travers la mythologie, la toponymie, l'onomastique et le vocabulaire, Editions distribution houma, 2005, pp. 453 et 473.
5- Généalogie des langues: et si les grecs et
les latins parlaient arabe sans le savoir (conférence donnée à Marseille en
date du 27.01.2020)4- Histoire de la colonisation arabique dans la Grèce antique: à travers la mythologie, la toponymie, l'onomastique et le vocabulaire, Editions distribution houma, 2005, pp. 453 et 473.
6- Ed° Frédéric Mathieu, 2013.
7- Platon, l'Egypte et la question de l'âme par Frédéric Mathieu, Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
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