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dimanche 31 mars 2013

Josiane Boureaux: pour l'Aphrodite bourrelle de cœurs


Josiane Boureaux, le pinceau d'Ouranos ressuscité!

La plume qui dérape quelquefois -quand elle encre un papier trop lisse- peut se permettre, introvertie, de pervertir les mots, ou plutôt d'user dans le langage déjà perverti et ranci, en surabondance empilé et compilé dans nos dicos, pour prêter à une vieille divinité grecque déchue par son propre sang le pinceau qu'il n'avait pas. Ouranos n'était pas un peintre. Ni un poète. Ni amant de beau. Bourreau du beau, bourreau de la famille, bourreau de la femme, de l'énergie vitale et séminale qu'il ne sut contenir ni investir dans le sensuel, l'affectif, le tendre, voilà ce qu'il était au juste, Ouranos. Et il serait tout aussi juste de dire qu'il fut déchu par son fils Cronos en raison du pinceau qu'il n'avait pas! Toutefois, à l'instant même où Crono(s) l'amputa du bourru bourdon de bourreau qui le rendait peu aimable à sa femme et ses enfants, à partir de l'instant précis où le tronçon de chair ensanglantée tomba dans sa mare de sang, revanche de la virilité martyre: ses attributs sectionnées au tranchant d'une pierre assassine devinrent un pinceau!

C'est un tel pinceau -en sus du sien propre de peintre- que Josiane Boureaux aurait saisi à temps pour nous donner cette 8e merveille du monde! A temps parce que l'instantané que la peintre immortalise à travers ce chef-d’œuvre nous restitue l'instant précis, la seconde même qui vit sortir de la virilité immolée ce que Ouranos dans sa vigueur et sa superbe méprisante virile, bourrelle du féminin, n'a pu donner.

Je  ne voudrais pas profaner la femme, à tant soit peu  insinuer ou laisser entendre (à travers des maux/maux qui ballent de la tête dans tous les sens)  que le sensuel talent au féminin, Josiane Boureaux, puisse refouler un complexe de castration. Pour tenir si
Josiane Boureaux: Aphrodite huile sur toile -2006
fier le pinceau fécondateur, frère du calame, à qui nous devons cette superbe Aphrodite et le vertige des mots. Mais c'est juste pour rendre  cette incontestable justice à  Josiane Boureaux -à la manière de la plume qui dérape- que le Beau pinceau qu'elle est, le beau pinceau par quoi elle "franchit le miroir", trempé dans l'inaltérable beau du sensuel, nous ravit !

Et c'est peu dire! trop dire!

C’est à nous hommes, et sud-méditerranéens surtout, et quelquefois trop phallocrates, même "waadistes" du génie féminin que nous n’aimons pas toujours voir prodiguer, de peur qu’il éclipse les phallocrates, à nous tels phallocrates -si nous pouvons nous humaniser un peu- de louer comme il se doit le sensuel qui nous flatte. Rajouterait-il à la superbe phallocrate qu'il pique de tel sensuel fini, tel sensuel ne peut que nous réjouir, si beau, si inimitable.

L'Aphrodite de Josiane Boureaux est une toile datant de 2006 et classée par son auteure dans les œuvres de Sensualité.

Cette peinture semble avoir lavé le sang viril martyr d'Ouranos émasculé par le cruel fils, Cronos ou le crono, le temps qui avale et ravale ses petits, nous les humains, de peur que l'imprécation de son père ne lui fasse subir les mêmes torts, ou pire, que l'impiété filiale avait commis sur l'instigation de la mère terre Gaïa.

Au premier plan qui émerge difficilement pour l’œil de l’observateur, en raison de l'ascendant imparti au sujet et l'autorisant à empiéter sur tel plan, on note d'abord le contraste de couleur avec le fond: la large palette du blanc, un certain dégradé de tonalités qui va de l'immaculé pur aux teintes légèrement bleutées, mais ayant pour dominante le clair, le blanc.
Ce clair et blanc qui tranche avec les tons froids, en arrière-plan, du bleu et noir, au fur et à mesure qu'il monte vire au jaune d'or, avec des petits filets de rouge, rouge sang qui émaille ici ou là le corps naissant d'Aphrodite. L'élément proprement pittoresque (océan, eaux, ciel, nuages) semble participer d'un émoi virginal qui soulève tout autant le terrestre que le céleste. L'éther en est saisi, comme la mer, par ces remous qui crachent la Beauté, mais voudraient en brider l'élan fuselé vers le ciel. C'est l'Apothéose à son stade initial, dédiée à la déesse de l'Amour, des Plaisirs et de la Beauté, entre autres.

Retour au blanc pour en dire encore ceci: il est à la source comme au sommet, à la naissance virginale comme au couronnement. Elle a beau être païenne, cette déesse, elle s'adjuge sa part de notre inconscient monothéiste: Vierge immaculée de la trainée de robe à la couronne, l'auréole qui l'attache au ciel. Et tel sacré n'est pas profane à l'endroit du Beau: le plaisir, la libido que notre vieux Saint-Augustin le Carthaginois avait mise en évidence, longtemps avant Spinoza, Freud et Jung, est le principe même qui préside à la vie. Comme à la mort aussi parfois. Et à la résurrection. Les jihadistes qu’on envoie, ici ou là, pour mourir, sans les houris promises au paradis- n’iraient pas d'eux-mêmes à la quête paroxystique de la libido. Par conséquent, vêtir ou revêtir la déesse grecque de ce qui appartient à la Vierge, pour le pinceau épicurien et pieux, mais aussi pour nos soufis épris de sensuel, n'a rien d'indécent ni immoral. Quelle que soit la latitude sous laquelle le Beau se profile, femme qui vous désire, ou femme que vous désirez, de chair marmoréenne ou chair qui s'ébroue sous vos bras, il mérite qu'on lui dédie ses autels, qu'on lui brûle un cierge quand on y entre, sinon devant sa porte on se dresse en cierge pour le saluer.      

J'évoquais plus-haut l'instant apothétique dans sa phase initiale. Et c'est à ce niveau précis que le génie créateur de Josiane Boureaux coupe son souffle au poète ravi! Aucune sculpture antique (Vénus callipyge ou Aphrodite, Cythérée ou autres) dans sa beauté marmoréenne, ou aérienne, éthérée, sur une toile de Maitre-peintre, ne saurait égaler l'Aphrodite bourrelle de cœurs!.

Pourquoi? parce que Josiane Boureaux ressuscite le mythe fondateur autant que l'Aphrodite qui en (re)jaillit, ce qu'aucune sculpture n'a encore fait. Ni ne pourra faire, en raison du matériau, taillé ou coulé, qui n'est pas de la nature du colorable.  Elle nous éclabousse de la douce eau qui l'éjecte de l'océan, et pour le bonheur de l’œil qui la saisit à travers l'instantané, tel que les yeux de la peintre en gardent le cliché de conception, tel que le pinceau le reconvertit sur sa toile, non pas au moment immortalisé par tant de marbres froids et autant d'huiles fanées, comme on en voit dans les musées ou les publications afférentes, mais au moment précis de l'accouchement, avec -attaché au placenta de l'océan- le cordon ombilical pas encore sectionné! C'est ce moment précis qui autorise à parler, dans  ma lecture de l’œuvre, de "naissance virginale", quand je mire au sens dénotatif le blanc (à la fois séminal et vestimentaire) dominant le premier plan du tableau.

Et à tel égard, il ne serait pas indécent de dire encore que c'est la virginité aphrodisiaque à l'état pur, la potion que la pilule bleue -malgré ses présumées vertus- ne saurait infuser, ni sortir du labo avec autant de fluidité et d'effet extatique pour les véritables "âmes damnées" du beau!

Et l'on n'épuiserait jamais ce que la plume doit encore au beau. La centralité, niveau cadrage, le plan rapproché, le point de vue horizontal: le marbre, l'huile fanée, le bronze ne pourraient pas autoriser ce que j’appellerais le "rapport symbiotique" entre l’œil dévot et l'objet de sa dévotion. Surtout avec ce regard qui en impose! l'or de l’œuf matriciel, le sang qui souille la nouvelle-née, Le gracieux des courbes qui laissent peu de place aux droites raides, autorisent le chassé-croisé entre ce qu'on voit et ce qui se vit en soi.

Le balayage introspectif consécutif à cette perception d'un art vivant en face de vous n'est pas tant l'acte de votre propre regard, ni n'est plus uniquement du seul ressort vôtre  -prérogative du vivant que vous êtes, mais c'est SON regard à elle, la peinture qui vit et communique sourdement avec vous.

Dès que vous vous ouvrez pour elle, la peinture s'ouvre de son côté à vous.
N'ayez pas peur de jouer avec les maux/mots en jouant avec elle. Ma note additive, sur la page-ci séparée, peut fournir un exemple illustratif. L’œuvre peinte et celui qui la lisse des yeux, ce sont deux voyeurs qui s'épient chacun de son côté! et jouissent chacun de ce que le regard de l'autre, coquet pour ne pas dire mieux, met au creuset commun des sensations reçues et émises. L’œil est un séismographe qui enregistre ici et là l'impact du sensuel et en use autant pour l'exacerber au fur et et à mesure que pour se valoriser soi-même dans le désir ainsi suscité, projeté sur l'objet du désir.

Pour finir, c'est à Josiane Boureaux que le calame cède son fin mot et l'avant-dernier verre de la bouteille, petit texte en vers butiné sur son site:
Photo Josiane Boureaux
"Sans peur assumer ses choix,
au-delà de l’œil humain, l'âme
Au delà de l'apparence, le vrai.
Franchir le miroir, Liberté
L'huile, matière qui me guide
C'est ici le chemin, Liberté."

Josiane Boureaux expose depuis 2006, à Paris surtout mais aussi dans d'autres villes en France. Sa peinture s'articule autour de trois thèmes majeurs: Flamenco, Expression du Corps, Sensualité.

Pour l'auteur de ce blog ravi par ce talent féminin qui franchit le miroir, il y a au moins, outre le talent qui fait valoir à bon droit ce qu'on lui doit, deux raisons supplémentaires pour aimer Josiane Boureaux: elle adore les Tunisiens, et pas seulement qu'à Sfax pour les intimes! et elle soutient la cause palestinienne et le Printemps des peuples arabes.




A. Amri
31.03.13




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