Al-Rahel Al-Kabir الراحل الكبير est une troupe musicale libanaise qui a vu le jour au début de l'année 2013.
Quoique ce nom (qui signifie littéralement "Le Grand Disparu") puisse
suggérer une dédicace votive, un hommage à un cher défunt comme on
pourrait de prime abord y songer, en réalité il a un tout autre sens. S'il y a quelque dédicace funéraire dans cette enseigne artistique peu commune, c'est -par dérision- à
l'honneur d'un disparu non regretté, un mort plutôt réprouvé à qui la troupe ne voue ni pieuse pensée ni le moindre culte.
Selon Khaled Sabih (journaliste, compositeur et parolier membre de cet
ensemble) le disparu concerné ici est " le patrimoine dans ce qu'il a de
rigide et contraignant". C'est l'âme musicale classique, momifiée, étriquée et considérée à tort
comme un élément fondamental de l'émergence d'un artiste. Telle défunte, Al-Rahel Al-Kabir ne se revendique pas de sa lignée ni ne veut en sacraliser l'héritage.
Il veut se défaire de cette momie juchée sur la poitrine des créateurs,
l'enterrer sans regret pour doter les potentialités artistiques arabes
d'une nouvelle dynamique. Par conséquent, l'ambition de la troupe est
de révolutionner la musique arabe à travers des formes, des contenus
et des techniques émancipées du cachet traditionnel et sclérosant.
Certes,
cette ambition ne signifie pas un rejet en bloc de l'art contesté. A
preuve: depuis sa création il y a un an, la troupe a repris de
nombreuses chansons du
patrimoine oriental, libanais et égyptien en particulier. Dont des
titres de Cheikh Imam père de la chanson engagée arabe.
Néanmoins, comme on pourrait en juger à travers le répertoire du groupe
qui compte actuellement une douzaine de titres, le rythme mélodique
oriental, les préludes instrumentaux longs et lassants, les notes
languissantes, entre
autres traits de cette âme classique, semblent bannis du style
moderniste revendiqué par cette troupe. Dans ce même esprit de
rénovation, les chansons reprises par la troupe ont subi un relooking à
travers de nouveaux arrangements. Il faut souligner aussi que le tarab ( émotion poétique et musicale)
n'est plus considéré comme un concept clé de la musique arabe chez
cette
troupe. Même si l'esthétique n'en est pas pour autant reléguée au
dernier plan, dans les soucis de la troupe elle n'est pas primordiale.
Du moins ne doit-elle jamais primer sur la force du message, en
l’occurrence engagé, du
groupe.
Ci-dessous une illustration sous-titrée en français.
Le
tout nouveau titre de la troupe Al-Rahel Al-Kabir, intitulé "Madad Sidi
(Votre baraka, Maitre/Monseigneur !)", est un pamphlet incendiaire au
ton très virulent dédié à Monseigneur Abou Bakr al-Baghdadi Calife de
l'EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant) et Commandant des Croyants
de l'Euphrate à l'Océan.. plaise à Allah qu'Il rallonge sa barbe !
"Madad", mot arabe dont l'étymologie signifie "secours, assistance
guerrière, pourvoi en troupes fraîches d'une armée en guerre", quand il
est employé dans une apostrophe [Madad Untel !] équivaut à une prière
dévote, une imploration généralement adressée à une autorité religieuse,
particulièrement le Prophète ou ses compagnons, laquelle signifie: "Ô
toi untel, intercède en notre faveur auprès de Dieu !" ou encore:
"comble-nous de ta baraka!"
La chanson parodie des
litanies dédiées au Prophète ou encore, comme c'est le cas chez les
soufis, à des maîtres de la mystique musulmane élevés au rang des
saints. La rythmique caractérisée par un tempo rapide et le leitmotiv "madad, madad sidi" ne sont pas
sans rappeler le mouvement de certaines noubas, l'ambiance typique à la transe soufie.
Pour ce qui est des paroles, ce sont les dits de la dérision contre la déraison de Baghdadi et ses abadies, la satire mordante contre les califoutraques de ces temps maudits.
Pour ce qui est des paroles, ce sont les dits de la dérision contre la déraison de Baghdadi et ses abadies, la satire mordante contre les califoutraques de ces temps maudits.
A.Amri
27.08.2014