« Quoi ! dit-il en lui-même, je suis à peine hors de mon palais, je suis encore sous les murs de Samarcande, et l’on m’ose outrager ! Ah ! perfide, votre crime ne sera pas impuni ! Comme roi, je dois punir les forfaits qui se commettent dans mes états ; comme époux offensé, il faut que je vous immole à mon juste ressentiment. » Les mille et une nuits [1]
« L'ignorance est la mère de tous les crimes. Un crime
est, avant tout, un manque de raisonnement. » (Balzac) [1]
« Ô liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! » (Manon Roland) [2]
« De tanz crimnes fu acusez
E de tanz laiz vizes provez » (Benoît de Sainte Maure) [3]
Le français crime, dont la première forme crimne, « manquement grave à la morale, à la loi », est attestée en 1165 [4], dérive, selon le TLFi, du latin classique crimen, inis, qui signifie « accusation; crime, méfait ». Littré rattache le mot latin au grec ϰρῖμα krima, jugement, de ϰρίνειν krinen, juger.
En vérité, que ce latin et ce grec soient apparentés ou non, c'est dans l'arabe جَرِيمَةٌ jarima, qui, outre les affinités phonétiques évidentes qu'il présente avec "crime", est de sens identique [3][4][5][6][7], qu'il faut chercher l'étymologie du mot. La vocalisation en "k" de la consonne arabe "ج j" n'a rien de surprenant; elle se rencontre dans divers autres mots latino-romans d'origine arabe, comme camelus/chameau (de l'ar. جمل jamel), citoual (variantes cedouale, cetoal, citouar (de l'ar. جدوار jadwar), accise et assise (de l'ar. الجزية al-jizia), belléric (de l'ar. بليلج belilej), emblique et variante emblic (de l'ar. أملج amlej)...
جَرِيمَةٌ jarima, substantif féminin, dérive du verbe جَرَمَ jarama
(commettre un délit, un forfait). Sa variante جُرْمٌ jorm, (substantif masculin), est employée pour désigner surtout un délit moral (péché). De la même racine verbale dérivent جَارِمٌ jarim et مُجْرِمٌ moujrim (criminel), تَجْرِيمٌ tajrim (criminalisation), اجْرَامٌ ijram (criminalité)...
Incriminer, cybercriminalité, discrimination, sont quelques uns des nombreux dérivés de crime [8]. Et dans la liste de vocables que le TLFi recense comme synonymes de crime [9], il doit y avoir une bonne dizaine, au moins, qui sont issus de racines arabes [10].
A. Amri
07.05.2020
1- La Cousine Bette, in Les Parents Pauvres, Œuvres Illustrées, V. 3, Paris, 1867, p. 93.
4- Nicole Gonthier date de 1160 la première attestation du mot, sous la plume du poète normand Benoît de Sainte Maure [Source].
5- Georg Wilhelm Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halis Saxonum, 1837, p. 78.
6- Reinhart Pieter Anne Dozy, Supplément aux dictionnaires arabes, T. 1, Leide et Paris, 1927, p. 188.
7- Edward William Lane, Arabic-english lexicon, V. 2, Londres, 1865, p. 413. 10- "Faute" (voir Pihan), "assassinat" (voir Wiktionnaire), complot ( voir notre article), espionnage (voir notre article), "homicide", "parricide", "infanticide" (pour "-cide", via le latin "caedo" (frapper, couper, abattre) de la racine arabe قَدَّ qadda (couper en longueur) qui a donné قَدٌّ qad (fait de couper), قَدِيدٌ qadid (viande coupée en forme de lanière, salée et séchée pour être conservée), قِدَّةٌ qidda (groupe humain isolé), تَقَدَّدَ taqaddada (se disperser); "péché", via le latin
pecco de
إِفْكٌ i
fk (péché et mensonge) qui a donné المُؤْتَفِكات al-mouôta
ficat (nom désignant Sodome et Gomorrhe); sacrilège de
سَقَّارٌ saqqar (qui commet un sacrilège, racine qui a donné aussi "sacré"); inceste, via sa racine latine
castus, de
قِسْطاس qistas et قِسْطٌ qist', signifiant respectivement "balance de la justice, justice" et "justice, piété", brigandage, via sa racine italienne
briga (troupe, compagnie), de
فِرْقَةٌ firqa, de sens identique, fraude, via le latin fraus, de فُرْصَةٌ forsa (opportunité[
11], dont le synonyme arabe
نُهْزَةٌ nohza signifie "opportunité de vol".
11- Le terme opportunité est lui-même dérivé de cette racine voyellisée فِرْصَةٌ firsa (vent qui pousse les vagues), et non de "portus" comme le veut l'étymologie communément admise. Nous promettons de lui conscarer très prochainement un article.
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