Merci à Tounès Thabet de nous avoir autorisé à publier ce bel hommage à Chokri Belaid, paru au journal Le Temps en date du 8 février 2013. (A.Amri)
«Je suis de la race des guerriers. Ils peuvent me tuer, mais, ils ne me feront jamais taire. Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse. » Chokri Belaid
Roc majestueux, où puiser la force de te survivre, toi qui as donné ta vie avant le temps, à l’heure de la traitrise, quand tu découvris le visage de la lâcheté de ces « assassins que craignent les panthères » ? A l’heure de l’adieu, tu brisas les barreaux de nos peurs et les portes cadenassées de nos angoisses.
Ils s’attendaient au silence, espéraient que la terreur nous étoufferait, que nous serions hagards et pétrifiés, que les mots gèleraient au fond des gorges, que le sel des larmes nous aveuglerait. Mais, « Dieu quel fracas que fait un Camarade qu’on tue »… Un bruit assourdissant emplit nos rues, la clameur couvrit leurs appels au meurtre, leur projet exécrable, leurs mots qui charrient rejet, accusations calomnieuses, déferlante de haine.
Roc majestueux, où trouver les mots pour dire l’ignominie, un jour de deuil, quand pour museler les slogans de feu, ils lancèrent leur déluge de fumée âcre et brûlante, seule réponse à la douleur qui triture les entrailles, aux mots ciselés pour dire la fidélité à ta mémoire, aux sanglots épineux pour te dire cet amour que tu enfantas pour ce pays de miel et d’amertume ?
Comment te dire ce chapelet de mots vibrants, ultime offrande d’un pays blessé, tumultueux, mais vivant ? Comment te dire les cris écartelés de tes pleureuses, la dignité de tes compagnons et le désespoir des jeunes militants ? Entends-tu les cris assourdissants « d’un pays qu’on enchaine ? » Entends-tu la clameur à venir, celle qui, telle une houle, fracassera l’édifice des assassins et de leurs complices, celle qui fera voler en mille éclats leur projet funeste : terreur, vandalisme, meurtres.
Il n’y aura ni peur, ni frayeur, ni épouvante car à l’heure de l’adieu, sera scellé ce pacte sacré de poursuivre ce chemin de croix, les pieds meurtris par la longue marche, les yeux rougis de veille et de fumée amère, persuadés que « contre les violents tourne la violence ». Demain à l’heure où étincelle l’espérance, tu tourneras la tête vers un pays libéré et vivant, revenu de l’exil et de l’errance.
Tounès THABET
Le Temps - 08 février 2013
Titre original: «Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place…»
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Du même auteur sur ce blog:
Fatah Thabet in memoriam
«Je suis de la race des guerriers. Ils peuvent me tuer, mais, ils ne me feront jamais taire. Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse. » Chokri Belaid
Quand
sous les balles perfides, tu vacillas, la terre s’est dérobée sous nos
pas, nous, tes orphelins. Quand ton sang rougit le sol, mille colères
ont grondé et sonné le tocsin de leur règne chancelant. Quand la pieuvre
s’attaqua lâchement à tes mots de braise, le tonnerre a soulevé nos
rues. Quand les loups ont volé le chant de Nadhem Ghazali sur tes
lèvres, un volcan est né qui emportera leurs cris hideux.
Roc majestueux, où puiser la force de te survivre, toi qui as donné ta vie avant le temps, à l’heure de la traitrise, quand tu découvris le visage de la lâcheté de ces « assassins que craignent les panthères » ? A l’heure de l’adieu, tu brisas les barreaux de nos peurs et les portes cadenassées de nos angoisses.
Ils s’attendaient au silence, espéraient que la terreur nous étoufferait, que nous serions hagards et pétrifiés, que les mots gèleraient au fond des gorges, que le sel des larmes nous aveuglerait. Mais, « Dieu quel fracas que fait un Camarade qu’on tue »… Un bruit assourdissant emplit nos rues, la clameur couvrit leurs appels au meurtre, leur projet exécrable, leurs mots qui charrient rejet, accusations calomnieuses, déferlante de haine.
Roc majestueux, où trouver les mots pour dire l’ignominie, un jour de deuil, quand pour museler les slogans de feu, ils lancèrent leur déluge de fumée âcre et brûlante, seule réponse à la douleur qui triture les entrailles, aux mots ciselés pour dire la fidélité à ta mémoire, aux sanglots épineux pour te dire cet amour que tu enfantas pour ce pays de miel et d’amertume ?
Roc
majestueux, comment dire la déconvenue de l’adieu, quand les tirs de
lacrymogène étranglèrent les voix coléreuses et les mots d’amour tressés
un jour de tristesse pour l’ultime hommage, quand, sous les larmes du
ciel, défila ton cortège ? Comment dire la honte ? Y a-t-il des mots
pour crier la colère de voir ta dépouille inondée de cette fumée
irrespirable et les pas précipités et apeurés de ta famille et des
compagnons de lutte ? Comment te dire la chair frissonnante quand des
youyous te saluèrent de cette longue plainte, cri de joie à l’heure de
tes noces avec l’Histoire ?
Comment te dire ce chapelet de mots vibrants, ultime offrande d’un pays blessé, tumultueux, mais vivant ? Comment te dire les cris écartelés de tes pleureuses, la dignité de tes compagnons et le désespoir des jeunes militants ? Entends-tu les cris assourdissants « d’un pays qu’on enchaine ? » Entends-tu la clameur à venir, celle qui, telle une houle, fracassera l’édifice des assassins et de leurs complices, celle qui fera voler en mille éclats leur projet funeste : terreur, vandalisme, meurtres.
Il n’y aura ni peur, ni frayeur, ni épouvante car à l’heure de l’adieu, sera scellé ce pacte sacré de poursuivre ce chemin de croix, les pieds meurtris par la longue marche, les yeux rougis de veille et de fumée amère, persuadés que « contre les violents tourne la violence ». Demain à l’heure où étincelle l’espérance, tu tourneras la tête vers un pays libéré et vivant, revenu de l’exil et de l’errance.
Tounès THABET
Le Temps - 08 février 2013
Titre original: «Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place…»
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Du même auteur sur ce blog:
Fatah Thabet in memoriam