samedi 30 mars 2013

Ali Zammour: Avez-vous lu les inédits de la révolution?












Ni divers gauche panarabisme
baathisme ni droite ni maoïsme
retroussez un peu la chape
et vous la verrez coiffée d'un béret
la révolution

I-

Avez-vous lu les fatwas de l'éminence grise
que Karadhaoui guide de la néo-révolution
a émises?

Déposez vos armes
plus rien ne vaille la chape emblématique
béatique symbole de liberté!
Et ne vous étonnez pas qu'on vous dise
Éminence Grise et consorts
nous sommes capables
de faire couler un bâtiment de guerre naval
à la magie d'une pincée d'encens et de benjoin!

II-

à la baraka d'une chape verte
et  quelques psaumes dits
par les fakirs thuriféraires
aux nettes frappes de l'ardent bendir
pour agaillardir l'ardeur de la transe
à réciter malouf et soufi citer
ne vous étonnez pas qu'on vous dise
Éminence Grise et consorts
on peut reprendre aux impies Jérusalem
et faire de Sinaï une province égyptienne!

 III-

nous reprendrons Inch Allah le Golan
pour autant que nous soyons dans la grâce de la chape
et Inch Allah rendrons son Age d'or
à notre histoire passée
ni frontières ni multiconfessionnel ni étatique
de Tanger à Bagdad puis à Médine
aboli sera le passeport
unifiée la nationalité

IV-

debout partisans de la chape,
faites le salut rituel!
vite alignez-vous derrière
pour la guerre prêts au jihad
car sans ses vertus à la chape
rien vous ne pouvez faire
la chape ayant au passé milité
en clandestinité de sainte
vomissez tout ce qu'on vous fit ingurgiter
dans ces putains de païens livres
"la pensée impie, oh, oui!
d'origine occidentale"

V-

ne suivez guère Guevara
ni sa guerre à Patrice et révolutionnaires
révolu ce vieux mensonge
à duper niais partisans
révolu legs de partis bolcheviques
à la trique s'il le faut
alignez-vous derrière la chape
escapes et colonnes du futur émirat
dont l'émir Inch Allah sera
de la secte polaire.

VI-

A Lénine dites haut:" rassurez-vous!
c'est sous Banna et la bannière
que  prolétaires marchent désormais
aux lutte de classes caduques
les caciques préfèrent mieux
multiconfessionnelles luttes
entre chiites de confession
et confession de sunnites
ce n'est pas la caduque révolue
lutte à dialectique
non que non que non
c'est au bon principal cacique
de décider quelle voie aux suivants
populaire ou pas à suivre
à la lumière des phares barbus
et leurs barbes de henné teintes!

VII-

de ces jours le gouvernail est aux barbes
et sous la chape de bitume hamdoullah!
l'Immaculée révolution est féconde
en sus -hamdoullah encore-
Qatar de ses rials nous aime
qui à l'égard des peuples
est très généreux et prévenant

mais attention!
en sourdine Qatar nous a vendu
un fichu agenda infecté
concocté par les soins du sionisme

VIII-

Qatar a pompé à l'excès du liquide
et fait de l'antique chimère un caïd
à la lutte des peuples le dos tourné
à-reculons sur la voie passéiste
quant aux sectes et consœurs confessions
au grand jour toutes émergeant
pullulent elles et leurs surenchères
s'adjugeant comptant payés
religion de saints et saintes
plus sionisme-normalisation
et enfin l'anormal panarabisme

Avez-vous ouï dire -curieux ce dire ouïe!
avez-vous ouïe dire la voix cheikhale
comme Tartuffe se contredisant
qui dit non à Palestine
les armes et la lutte armée
sans l'aval ni l'appel
de la musulmane con-frérie sainte
il ne leur manquerait si éclairés
que frapper d'apostasie sainte
les pénitents et le commun des croyants
tous devenant gibier de potence
pour leur sainte inquisition

X-

Cheikh, tu as tort de parler ainsi
et de bénir les fatwas de tes compères
Mon avis est que tu es sénile
mythomane pris au piège de tes mensonges
un État califatif, ou le fictif 6e califat
mon pays n'en veut pas
cuirassé de ses Lumières
et sa pensée laïque: un bastion

XI-

mon pays par vous est imprenable
inviolables sont ses forts
au tir de vos fatwas inébranlables
mon pays ne fait cas
ni du flux de votre obscurantisme
ni du babisme de vos barbes
ni de postulant cheikh coquin
qui prend pour putain la Tunisie!

Le Pays-de-la-verdure sait
ce qu'était votre passé
et quel fascisme incarnent les barbes

Ali Zammour ( Texte arabe sous ce lien)
Traduction: A. Amri

30.03.2013

lundi 25 mars 2013

Inédits de déni

"Inédits de déni" ou les textes sauvés de l'enfer, sont le tronçon d'une vie déniée, inédite pour les habitués de ce blog, que je compte faire paraitre bientôt.

Je ne me rappelle plus quand je les avais "relus" une dernière fois, les ayant commencés depuis 78, pour les condamner sans appel à mort, au début des années 80. Le lieu par contre, hantant le texte même, fut Malakoff surtout, entre autres zones de bivouac en région parisienne.

Longtemps frappés de déni et en attendant d’être brûlés, ces textes ont été jetés et oubliés au fond d'un carton. Lui-même jeté dans la cave d'une épicerie que tenait mon frère. Au moment de rentrer au pays, faute d’avoir pu les incinérer sur leur terre natale, et bien plus par une réaction inhibitive -le souci de ne pas laisser trainer derrière moi des torchons pas propres, à leur mise au couloir de la mort j’ai rajouté la peine de l’exil.                                   

Arrivé au pays, c’était à bord d’une voiture  où mes seuls compagnons de traversée étaient des cartons de bouquins, dont une bonne moitié acquise aux puces, le condamné à mort devait être exécuté dans l’immédiat, mesure prioritaire sans quoi il m’aurait été difficile de me réimplanter dans la « tribu ». Pour soulager ma conscience une fois pour toutes. Et pour le carton qui a trop attendu ce coup de grâce, et pour moi qui craignais que tant de papiers moisis pussent infecter le lieu et les papiers à venir.                                                        
Par un soir d’hiver de l’an 1983, ce fut à un bûcher de sainte inquisition mahométane, en bonne et due forme, que je livrai mes condamnés à mort. Pour des centaines de feuilles jaunies ou pâlissant des affres de l'enfer, froissées, d’autres en parties rongées et sentant le doux parfum des souris malakoffiotes, jetées dans un fond de baril et arrosées d’essence.

Puis au moment où le carton était à moitié brûlé, à la faveur d'un petit café chaud que ma douce femme vint servir au bourreau enfumé que j'étais, un peu ivre de toute cette encre devenue des cendres sans vie, fatigué et -sans trop savoir comment, peiné d’avoir été hâtivement inclément à l’encontre d’une partie de moi-même  assassinée -à sang froid et avec préméditation, j’ai suspendu la peine pour le reste des papiers.  

Durant trente ans, alors même que je ne pouvais plus « désinfecter mon garage de leurs moisissures puantes» –comme le souhaitait vivement ma femme, je les léguai à l’oubli.                                                                                          
Puis un jour, alors que j’avais des petits travaux d’aménagement à faire au garage, au moment où mes enfants me demandaient s’ils devaient jeter le «vieux carton» comme tant de choses encombrantes dont a débarrassé le lieu, sans hésiter je demandai que le  vieux carton soit monté à « l’antre du Vieux ».

Pour la première fois depuis une éternité, sous l’accès d’une tendresse plaidant la cause du moisi, je songeai à remettre sous mon burnous les miens bâtards enfants de mon sang. Je songeai à réexaminer à leur endroit la sentence de mort pas encore assurée d’amnistie, afin de réhabiliter ne serait-ce que pour le parfum de ses reliques la fougue d'un cheval ailé de ma jeunesse perdue. Le « tronçon » de cette partie dont je me fus lâchement amputé. Et quand j’ai pu faire tel réexamen, c’est la totalité des rescapés de mon inquisition qui fut amnistiée. A juste droit sortie de la disgrâce, ces rescapés de l’enfer purent non seulement jouir de la douillette chaleur de mon burnous, mais bénéficier aussi de la réhabilitation totale, autant pour eux les chanceux que pour leurs petits frangins nés sous une mauvaise étoile. Martyrs petits par la tendre pensée réhabilités et suppliés de pardonner l'holocauste dont l'injuste histoire ne parlera pas.

Sincèrement, profondément, j’ai regretté avec beaucoup d’amertume ce que j’assimilerais à un infanticide de la jahilya. Et j’ai dû même pâtir de cette rémanence de cris qu’il me semble entendre encore aujourd'hui, jaillissant de ce feu qui crépitait de mes feuilles, transformant indument l'acide vocal de ma jeunesse en cendres. 
Pourquoi ce déni d’abord, le regret ensuite ?                                                                                             
Parce qu’il y a un jour dans notre vie à tous -je crois, où –nous regardant un peu au miroir, avec un œil plus introspectif que d’ordinaire, nous pensons que le moment est venu d’emboiter le pas au temps qui nous distance un peu. Et qui nous tance. Nous jugeons alors qu’il n’est plus permis de porter certains vêtements, devenus étriqués et démodés -parce que baroques, qui ne sont plus de nôtre âge. Quand telles fripes sont de l’ordre écrit, que tel écrit porte, outre le code graphique d’une langue dont on n'est pas natif, dont on ne pourrait être un fils prodige, mais -dans le meilleur des cas- un coquin d'amant, souvent fruste ou pas assez stylé, pas trop pliable aux convenances de tel registre et tel ton, et donc quelque peu décentré d'instinct et « en faux » avec l’amante, la belle cause que plaide le nouvel âge ne pourrait que botter au cul son baroque à l'âge mort !

On a beau se sentir encore à la verdeur du baroque, beau encore tiquer sur la guêpière parisienne à couvrir de son burnous, beau se dire que le bourru poils camelin et le satin gracieux pourraient se faire des transports communs, on se plie au verdict du premier cheveu blanc qui émerge de sa tête baroque !

Quand outre ce déni de l'étoffe cameline, "les bâtards nés sous le burnous" se ressentent autant de l'encre cameline que de la plume djebelienne dévoyée, que les confidences et les confessions du « mahométan » eux-mêmes rajoutent aux malheurs de "la nichée mixte", que le mixte risque de paraître moins ennoblissant de l'amour que profanateur -ne serait-ce qu'aux yeux bien-voyants de la bien-pensante opinion qu'on se fait pour les autres, ces enfants mal-aimés deviennent en tel cas encombrants.
Ils n'arrêtent de tordre au cheveu blanc qui les voit la tête et le bon sens de la conscience bien pensante. Ces coquins de lutins qui se lèchent et pourlèchent sur des feuilles dont certaines sentent la bière, le Bordeaux ou Sidi Brahim, se complaisant dans le sensuel "déjanté", parfois cynique quand le "déjanté" commerce en plus avec l’obscène,  s'enivre au jus vert de ses maux et mots, que pourrait dire leur père pour les défendre auprès du blanc cheveu rassis ? Que c'était sa mystique mahométane et son oliban mâle ? que tels lutins, si on les laissait grandir un peu et se faire un menton moins glabre, seraient derviches tourneurs au service de Sidi Mehrez ou de Lella Manoubia ? qu'ils pourraient même prétendre au titre de djihadistes servant la causse d'Allah par le tranchant de l'épée érotique dévote ? Le rassis  blanc cheveu n'en sortirait que victorieux contre l'avocat du diable.

Quand enfin ces textes, ou certains, risquent de nous compromettre aux yeux des nôtres, femme et enfants surtout, parce qu’ayant un caractère biographique, ou qu'on présume comme tel, intime et pas plus défendable ni digne d'indulgence,   alors le déni de l'âge baroque se profile comme la juste sentence, la sage et la seule mesure à prendre pour être de son temps. 


Ahmed Amri
25.03.2013

jeudi 21 mars 2013

Au fil des mots que les maux enfilent


Il y a des maux en nous incubés et incurables, qu'aucune panacée, chirurgie sélective, microchirurgie ou médecine de charlatans ne peuvent déloger de leur terrier. Parce que séquelles de vies mortes enfouies dans notre  univers sensible, débris de glace refoulés dans l'inconscient. Ils ne parlent pas ni n'élancent pour celui qui ne les entend pas, ne les soupçonne pas. A qui fasse de l'introspection son troisième œil, au toubib de soi qui dissèque ses mots, il les voit comme des bactéries fourmillant sur sa peau, tout aussi nombreuses, si ce n'est plus, que les pores de celle-ci. Il les sent rouler sur les papilles de sa langue, goûte au fondant de leur loukoum -amer- dont il avale des cubes et des cubes. Il en voit des essaims de guêpes voltiger autour de son nez, que les narines aspirent en reniflant, telles les pincées de neffa, le tabac à priser -fort- que l'aiguillon et son feu rendent piquant. Dans les yeux, ce sont des ballets, des carnavals, des saturnales de guêpières dont on ne se sature jamais. Et pour l'oreille, chants de fêtes foraines, appels et rappels de démons de succubes réclamant leur dû. 

Quand l'art, la poésie, l'écriture sous toutes ses formes s'en mêle, et que le prurit des mots accolés à leurs maux en emmêle des fils qu'il démêle dans le magma informe de l'inconscient, à se tâter ou gratter tel ou tel point du sensoriel, ce sont des grappes de mots et les pampres  de leur homonyme qui tirent de sa pointe la plume..afin que celle-ci les tire!

Il y a des maux disséminés sous la crête de nos papilles. Par légions. Postés en avant-garde pour
alerter nos sens. Dedans la nervure de la langue, sous l'émail des dents et sur les lèvres. Avec un ingénieux système de communications entre eux et, réparties dans le reste du corps, les autres unités de  surveillance sensorielle. Des réseaux, des câbles et des antennes, des stations de relai et des satellites. Pour soumettre chaque mot, pensé ou dit, lu ou écrit, à l'examen introspectif du mal qui le concerne. Et tel mal couvre alors son sens, non plus tout à fait comme un mal. Mais comme un mâle.
Puis poste le sens à l'outil de l'artiste qui s'en saisit: plume,  pinceau, corde musicale ou tout autre moyen d'expression artistique, reçoivent ainsi chaque jour des milliers de ces mots fécondés par leurs maux, qu'ils enchâssent dans l’œuvre de création.

Ainsi en nous les maux qui président aux mots.
Leur liquide séminal, leur graine de semis, le germe fécondateur. Et l’œuf qui s'en insémine, le fœtus qui sort de leur tissu. Sans quoi le mot ne naisse ni vive. Comme la terre sans la pluie. Et vice versa. Gaïa sans Ouranos. Et vice versa. Le projet maternel sans le paternel projet pour faire vie commune et la vie.

Il y a des maux qui -sortis de telle union entre deux projets de fécondation croisés- sont  aux mots frères jumeaux. D'autres cousins ou copains. D'autres encore à leur homonyme synonyme de l'âme sœur.  Le complément de la partie, la partie du tout indivis.

Il y a des mots et des maux qui s'aiment depuis l'état fœtal. S'ils ne naissent pas inséparables comme le couple d'oiseaux portant le nom, s'ils sortent de leur terre matricielle coupés en deux, seraient-ils jetés l'un au pôle nord et l'autre au sud polaire, telles les deux moitiés de l'androgyne mythique jetées chacune à l'extrême bout de l'univers, et chaque bout à l'autre diamétralement opposé, ils surmonteraient les blessures et les saignées, viendraient à bout des dieux qui les avaient séparés, vaincraient montagnes, mers, déserts et les océans pour émerger chacune de son horizon et crier:  j'y ai cru. Et je te ressaisis!


Il y a quelquefois entre les deux juste une amitié.
En tout probe, qui n'a rien à se reprocher, spontanée comme tant d'amitiés authentiquement vécues.
Avec parfois ses hauts et ses bas. Ses joies et ses peines, ses dépits et ses enchantements, à telle ou telle croisée de chemins. Ou sans peine aucune ni rien quelquefois aussi. 


De temps à autre, sans que les maux ni les mots n'en soient prévenus, parce qu'il y a toujours des zones floues dans pareille relation, une amitié  plus tendre.
On la voit émerger petit à petit de la zone d'ombre, plus débordante, et plus réservée aussi quelquefois. Et quand les mots ou compères interrogent cette réserve pas coutumière, le débordement qui intrigue, que la tendresse passe aux aveux, l'amitié comprend alors qu'elle est en train de glisser sur une pente savonneuse.
Les maux et leurs mots, par une complicité qui ne dit pas son nom, ignorent au début. E
t quand la tendresse persiste, quand elle insiste, quand elle monte sur ses ergots, ils la rabrouent vertement et désavouent.

Il y a tant de tendresses martyres qui, pour avoir soupiré à plus fort que l'étreinte de l'ami(e), et plus franc, sont jetées dans un caveau. Puis murées sous la chape en bitume.

C'est là que les amis qui autrefois se disaient frère et sœur, habituellement spontanés et ne se cachant rien,
apprennent petit à petit à ne plus tout se dire, à garder chacun sa part amère pour son jardin secret. C'est là qu'ils commencent, au fil des amputations réductrices auxquelles ils soumettent les désirs jugés impossibles,  à se mentir. Par tous les pores, les mots de l'amitié ne respirent plus que le mensonge. Et le désir impossible qui s'élance, élançant simultanément les côtes qui l'enferment, le dit à l'amitié: tes avocats mentent effrontément.

Et dans ces zones qui cessent ainsi d'être floues, où les mots et les maux
se recouvrant entièrement deviennent grammaticalement paire de synonymes,  se tissent souvent des tragédies que la plume ne dit pas. Par noblesse d'âme, par respect de soi ou de l'autre, par souci de préserver la relation dite fraternelle. 


En pareil cas, soupirer à plus fort que l'étreinte de l'ami(e), et plus franc
, devient presque inceste.


A.Amri
21.03.13


mercredi 20 mars 2013

Langage et roulis




Les mots sont à certains maux vertu d'onguent qui les pénètre. Et la magie qui s'ensuit.

De leurs noisettes de pure crème et perles à substance huileuse, ils transfusent aux maux tétanisés sous la peau, en masses amorphes ou colonnes raides tendues, le lubrifiant  qui engraisse leur machine, huilant rouages rouillés  et les engrenages grippés.

"Je les vois venir ! susurre au poète la plume. Tu veux commencer par une sourde ou une sonore ?  une nasale ? une fricative ? Allez, consonne ! donne-m'en une !"

Le poète frémit quand il entend un tel impératif. Précédé de la suggestion qui sonne ! la plume ayant cette manie de détacher les syllabes chaque fois qu'elle réclame sa con-sonne ! Et pour le plaisir de la narguer un peu, il lui jette une voyelle ! un O, par exemple, qu'il croit inoffensif, comme un os qu'on jette à sa chienne, mais qui s'avère vite sournoisement miné !


Quelquefois quand le satin des sens se mêle de la partie, il y a des lettres rondes qui, au nez du poète incrédule et sa plume émue, supplicient les mots. Quand ceux-ci voient étalée, obscène, l'impudeur qui les fasse loucher. C'est à croire que ces lettres sont des ruches de guêpières, pépinières de pin-up s'affairant devant leurs miroirs, ou répétant à huis clos pour leur prochain défilé de mode ! Et mettant en demeure le poète et sa plume de se tenir sages à leur place, tête levée, au bord du podium. Pour que l'un et l'autre supervisent de A à Z, avec la superbe vue en contre-plongée,  la parade des guêpes ! Apprécier la mesure des pas, tâter l'effet du déhanchement, décider de ce qu'il faut voir et ce qu'il faut sacrifier, quand la guêpe s'arrête à hauteur de vos yeux, se tourne un moment vers vous, mais le regard altier et lointain, une main à la hanche d'un côté, et de l'autre une jambe légèrement infléchie. Avant de claquer sourdement des souliers, tourner sur ses talons et remonter le podium ! Distribuant à droite et à gauche, minutieusement mesurés, ces coups de tamis par quoi les hanches sassent aux maux leurs sens !

Il arrive à la plume et celui qui n'en est plus tout à fait le maitre alors mais à peine un suivant, un auxiliaire, de se brouiller quand il faut élire. La noire satinée guêpière, la rouge bordeaux, la blanche immaculée de la mariée, la fine résiliée dos, le dos nu en V, le décolleté de même V à l'avant,  le corseté de taille?... Et qu'est-ce qui rehausse à telle guêpe tel galbe, la grâce de la ligne, le moelleux des contours, à tel nu et décolleté son aura mystique plus que tout pouvoir affriolant, qui du porte-jarretelles ou de la culotte, de dos ou de face toisés, jaugés, soupesés, a excellé à tel endroit et marqué un plus, ou pourrait faire mieux, avec un millimètre de moins, pour être plus léger,  parfait, et rehausser tel ou tel détail physique ou esthétique ? Et que dire à ce coquet buste sous son bâillon diaphane ? et aux saints que tel bâillon étouffe ? pour que les uns soulèvent un peu la paupière, voire écarquillent les yeux ! et respirent mieux, pendant que l'autre resserre d'un demi millimètre son bâillon, afin que les martyrs auréolés, plus charismatiques pour leurs dévots, soient  en tout saints ?

Maintes fois ainsi les lettres rondes frondent à la plume ses maux que le poète enferre dans le crâne. Rond et moelleux de galbe, et tout son sens aux courbes souples et gracieuses, tirent alors de son nez la plume raide, qui lui crient:" amène-toi coquine amène ! viens m'offrir ce tango !"


Il y a des mots qui sont aux maux ce qu'est le tango aux jambes qui s'y jettent. Pirouettes de sens entrelacés dans les lacets qui en tondent l'herbe. Peu importe que la piste sente le sang des entrailles tripotées, le whisky ou les parfums concupiscents des bouges et des tripots ! Sa superbe ainsi étalée et tripotée, du calice de verre plein qu'on caresse des mains et des jambes, on abattrait leur superbe et la barbe aux tueurs qui s'en tripotent les cartes et les favoris ! Quant aux  braises qui zyeutent et le tabac qui les allume, on n'a que faire des badauds quand à plus beau sa chandelle s'allume !

Et au fur et à mesure que le mou du satin en feu froufroute au bourru du dur qui s'y frotte -et vice versa, dans la cadence des pas frénétiques, et sous les côtes éclatant de l'haleine qui les soulève, la sève qui tangue et plie à sa belle sa taille apprête au  roulis des sens épars le sang qui en bout...

Pendant que le poète n'arrête d'écrire ni fronder Satan de ses malédictions !
Tandis que Satan, à chaque malédiction, rameute sa soldatesque de guêpières ! que le déluré de celle-ci, à chaque répétition finie,  jette sa plume à la taille d'une guêpe. De sorte qu'au troisième tango, comme la mer qui s'ébroue de l'écume qui la submerge, de vive voix la plume réclame deux verres !



Pour l'eau salée qui pétille sous la chape de plomb. Le jus de sa bouteille. Le champagne que comprime le bouchon champignon au goulot, le champignon qui menace de sauter dans un éclat de bombe, tant il ne peut tenir ni soutenir la capsule et son muselet de fil à fer qui refoulent l'encre.

A. Amri
20.03.13


A des frères à nous, que nous oublions quelquefois

Quelquefois nous oublions ce sang racé qui est de nous.
Que nous dénient dans leurs tubes à essai les analystes de groupes sanguins soucieux de prévenir l'abâtardissement de notre race, l'altération de ce qu'ils appellent "nôtre pur sang".
Quelquefois ce sang racé, l'autre, le vrai, en nous bouillonnant et plus pur que le présumé pur sang nôtre, nous rappelle à l'irréfragable appel de notre sang de race.

Quelquefois nous oublions injustement des frères à nous.

Je cite pêle-mêle, outre Henri Maillot et Maurice Laban dont les photos illustrent ce texte, morts pour l'Algérie indépendante, l'un au maquis des Arès comme fellaga, l'autre fellaga du même maquis capturé et fusillé alors qu'il criait:"Vive l'Algérie indépendante!"...
Je cite, outre ces frères qui nous ont transfusé leur sang pour nous permettre de vivre libres au Maghreb, mille et un autres du même sang généreux, tombés pour la Palestine, ou ayant passé leur vie en prison pour elle, dont certains -depuis près de 20 ans- à ce jour dans les oubliettes des prisons...
Je cite pêle-même Patrick Arguello, Rachel Coorie, Juliano Mer-Khamis, Vittorio Arrigoni, Koso Okamoto, Ilich Ramírez Sánchez (alias Carlos) Mordechaï Vanunu...et j'en oublie...

Quelquefois nous oublions injustement des frères à nous.

Dont certains, vivants encore, moisissent dans les prisons. Et d'autres, plus nombreux, dans le caveau de la même amnésie.   Morts pour notre patrie et la leur, mais surtout morts pour nous. Morts de nous avoir tant aimés. De n'avoir pu souffrir la trahison du sang, le désaveu du sein nourricier, l'apostat de l'eau et du sel, la maisonnée, l'air et la terre communes.
Morts sous le caveau ou en prison, d'avoir franchi, pour se souder à nous, des interdits minés. Au péril de leur vie, de l'honneur des leurs -les autres leurs, les leurres des autres, parce qu'ils sont justes et beaux, ces frères, et sachant mieux que le "gratin" de nos autres frères faire la part des leurres et des leurs...

Lisez ce texte, s'il vous plaît:

    "Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien, d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Au moment où le peuple algérien s’est levé pour libérer son sol national du joug colonialiste, ma place est aux côtés de ceux qui ont engagé le combat libérateur.
    La presse colonialiste crie à la trahison, alors qu’elle publie et fait siens les appels séparatistes de Boyer-Bance. Elle criait aussi à la trahison lorsque sous Vichy les officiers français passaient à la Résistance, tandis qu’elle servait Hitler et le fascisme.
    En vérité, les traîtres à la France, ce sont ceux qui pour servir leurs intérêts égoïstes dénaturent aux yeux des Algériens le vrai visage de la France et de son peuple aux traditions généreuses, révolutionnaires et anticolonialistes. De plus, tous les hommes de progrès de France et du monde reconnaissent la légitimité et la justesse de nos revendications nationales.
   Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples coloniaux qui embrase l’Afrique et l’Asie. Sa victoire est certaine.

    Et il ne s’agit pas comme voudraient le faire croire les gros possédants de ce pays, d’un combat racial, mais d’une lutte d’opprimés sans distinction d’origine, contre leurs oppresseurs et leurs valets sans distinction de race.
   Il ne s’agit pas d’un mouvement dirigé contre la France et les Français, ni contre les travailleurs d’origine européenne ou israélite. Ceux-ci ont leur place dans ce pays. Nous ne les confondons pas avec les oppresseurs de notre peuple.
   En accomplissant mon geste, en livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour leur combat libérateur, des armes qui serviront exclusivement contre les forces militaires et policières et les collaborateurs, j’ai conscience d’avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés."

Henri Maillot (à droite sur la photo) a écrit ces mots alors qu'il rejoignait le maquis des fellaghas dans les Aurès, le 4 avril 1956. se battant contre la France coloniale pour l'Algérie indépendante. Deux mois plus tard, le 5 juin 1956, il sera arrêté, torturé puis, alors qu'il criait:"Vive l'Algérie indépendante!" fusillé d'une rafale de mitraillette.

samedi 16 mars 2013

Pour le 40e jour du martyr



Aujourd'hui 16 mars 2013, les Tunisiens se recueillent pour le 40e jour du martyr Chokri Belaid.

Dans les rites funéraires de tous les peuples et nations, le 40e jour qui succède à sa perte, quelquefois aussi à son enterrement, est dédié à l’agrégation du  mort. Le rituel commémoratif et sa journée peuvent varier d'une culture à l'autre, mais l’agrégation semble conserver partout la même signification. Prise au sens strictement rituel, religieux ou pas, elle signifie d'une part la célébration de la levée du deuil pour les vivants, et d'autre part -pour le mort, sa consécration à la dignité ancestrale. Le rite musulman d'agrégation ne se distingue pas des traditions funéraires ancrées un peu partout autour de la Méditerranée, en particulier chez les communautés judéo-chrétiennes. C'est une occasion pour la famille, les proches et les amis du défunt de se rassembler au cimetière, un moment de prière et de recueillement sur la tombe de leur mort, quelquefois aussi la purification du lieu par l'encens et l'eau versée dans un petit vase placé à droite et à la tête de la tombe, c’est-à-dire du mort qui gît dessous. Avec le temps, se sont ajoutés les bouquets de fleurs déposés sur cette tombe, chargés d'une symbolique plus laïque que religieuse. En fait, cette symbolique ne plait pas du tout aux ultras de la religion. En particulier ceux qu'on présume assassins et leur commanditaires de Belaid qui nous intéresse ici. Mais laïques ou pas, ces fleurs offertes aux morts se sont intégrées progressivement au rituel funéraire tunisien. On n'en s'étonne pas dans le contexte tunisien actuel. Ayant la même charge affective que celles offertes aux vivants, pour les Tunisiens qui les dédient aux leurs enterrés, c''est une marque d'amour, d'attachement, de fidélité commémoratifs. Et ces Tunisiens s'en fichent éperdument si l'obscurantisme religieux n'aime ni ses vivants ni ses morts.


Depuis le 6 février 2013, jour de son assassinat, Chokri Belaid a été élevé au rang de Farhat Hachad dans le panthéon de la mémoire tunisienne. Difficile de soupçonner que ses tueurs aient pu réfléchir à une telle rançon du crime en passant à l'acte. Même si l'on imagine mal ses assassins faisant un jour leur mea culpa, il est certain que leur lâcheté a donné au martyr bien plus que ce qui lui a été ôté par les balles. Et ce n'est pas tout. Elle a d'ores et déjà laminé leur sainteté  à ceux qu'on présume commanditaires de tel assassinat. Puis commanditaires ou pas, impliqués jusqu'au cou dans les violences qui menacent de rendre méconnaissable notre pays. Violences dont ils sont les pères apologistes,  et les promoteurs perdants puisque le peuple, dès le lendemain des élections du 23 octobre 2012, les a désavoués.

Engagé depuis ses années lycée dans le combat politique, militant puis chef de l'UGET dans les années 80, déclaré par les pouvoirs successifs fauteur de troubles de sa prime jeunesse à sa mort, Belaid était l'un des leaders les plus populaires de l'opposition tunisienne. Avec Hamma Hammi, porte-parole du Front Populaire, parti dont il était depuis le 7 octobre 2012 le secrétaire général, il incarnait pour la gauche et le peuple des déshérités en général le porteur, dans son sens large, de l'espoir socialiste et égalitaire. Ardu défenseur des droits de l'homme et de la justice sociale, sous la toge de l'avocat ou l'habit du citoyen, sur les plateaux de télévision ou dans la rue, Belaid n'a jamais transigé avec l'honneur du combat, le courage ni avec sa conscience de révolutionnaire. Il a connu la prison à l'époque de Bourguiba, subi les harcèlements policiers sous le régime de Ben Ali, les menaces de mort et les agressions sous le gouvernement de la troïka,  mais toujours fidèle à sa stature de leader et ses idéaux politiques, en aucun de ces moments difficiles il n'a reculé ni fait cas d'aucune intimidation politique.

Certes, le 6 février 2013 Chokri Belaid a payé de sa vie cette noble témérité. Mais le peuple, outre qu'il a immédiatement signifié aux assassins qu'ils paieraient tôt ou tard leur acte lâche, a apothéosé,  en une journée que l'histoire n'oubliera pas, le martyr. A ses funérailles nationales le 8 février 2013, près d'un million et demi de Tunisiens, femmes, hommes, enfants, qu’aucun évènement national antérieur, quelle qu'en fût l'envergure,  n'avaient rassemblés dans l'histoire de la Tunisie, étaient au rendez-vous. Et c'était pour rendre à Belaid des honneurs funèbres sans précédent. Mais dont le souvenir hantera à leurs derniers jours les tueurs et leurs commanditaires.

Pour célébrer ce 40e jour du martyr, l'auteur de ce blog a rassemblé, en morceaux choisies, quelques mots vivants du martyr lui-même et d'autres qui ont été dédiés en hommage à sa mémoire.

Mots vivants de Chokri Belaid

"Il y a parmi ceux qui voulaient m'agresser [le 23 janvier 2012] des gens pour qui j'ai plaidé, et plaidé à un moment où ils ne trouvaient aucun islamiste pour les défendre. J'ai été ciblé par la police de Ben Ali pour avoir défendu ces gens-là [les islamistes] et dénoncé, moi et quelques confrères, la question de la torture. Nous étions au barreau tunisien une infime minorité à oser pareille chose. Aujourd'hui, ils se laissent "charger" [contre nous] parce que ce sont les ennemis jurés de l'intelligence."

[...] 
C'est une longue lutte historique qui continue, entre d'une part une force rétrograde, passéiste, armée de sa culture de la mort, avec sa violence, sa négation de l'autre, sa pensée unique, sa couleur unique, son souverain unique et sa lecture unique du texte sacré, et d'autre part la pensée qui plaide l'humain, qui évolue dans une perspective plutôt relativiste, laquelle voit dans la Tunisie un jardin à mille fleurs et autant de couleurs, qui autorise la divergence dans la diversité mais régie par les vertus civiques, pacifiques,
démocratiques.

[...]
La création littéraire et artistique n'est pas justiciable. Un poème, une œuvre théâtrale, une chanson, un film, aucun magistrat sur terre ne peut prétendre que statuer là-dessus relève de sa fonction ou sa compétence. La création artistique et littéraire s'évalue et se corrige par les critiques spécialisés dans ces domaines, et non par les tribunaux..."
Chokri Belaid- Extrait d'un plateau de TV en date du 23.01.2012L'enregistrement intégral traduit en français:



Hommages à Chokri Belaid


Marcel Khalife:  Ohé, le Beau!

"A
Chokri Belaid:
Ohé, le Beau! Quand la folie de la haine s'est emparée d'eux, ils se sont abaissés pour souiller de
boue tes habits. La lumière du matin les a offusqués aux yeux injectés par la débauche nocturne des coquins qu'ils sont. Et leur fétide haleine a empesté la senteur du jasmin.
Oh, l'ami! Poussés par leur haïssable avidité, ils se sont rués sur tes coffres pour pill
er ce que tu as. Mais le fardeau du butin était trop lourd pour qu'ils puissent l'emporter.
Camarade, ton pardon des injures a explosé dans des tempêtes qui les ont jetés à terre et leurs rapines se sont ensablées. Ton pardon était dans la pluie du sang, dans le lever du soleil teint au henné, rouge de colère. Et quand la Tunisie du peuple t'a demandé de façonner à partir de sa vie un modèle qui sorte de ton coeur, elle t'a vu le syncrétiser en puisant tour à tour dans ton feu, ta force, ta vérité, ta générosité et ta paix.

Avec tout mon amour. "
Marcel Khalife -
Traduction A.Amri



Tounès Thabèt : Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place
"Quand sous les balles perfides, tu vacillas, la terre s’est dérobée sous nos pas, nous, tes orphelins. Quand ton sang rougit le sol, mille colères ont grondé et sonné le tocsin de leur règne chancelant. Quand la pieuvre s’attaqua lâchement à tes mots de braise, le tonnerre a soulevé nos rues. Quand les loups ont volé le chant de Nadhem Ghazali sur tes lèvres, un volcan est né qui emportera leurs cris hideux.
 
Roc majestueux, où puiser la force de te survivre, toi qui as donné ta vie avant le temps, à l’heure de la traitrise, quand tu découvris le visage de la lâcheté de ces « assassins que craignent les panthères » ? A l’heure de l’adieu, tu brisas les barreaux de nos peurs et les portes cadenassées de nos angoisses.

Ils s’attendaient au silence, espéraient que la terreur nous étoufferait, que nous serions hagards et pétrifiés, que les mots gèleraient au fond des gorges, que le sel des larmes nous aveuglerait. Mais, « Dieu quel fracas que fait un Camarade qu’on tue »… Un bruit assourdissant emplit nos rues, la clameur couvrit leurs appels au meurtre, leur projet exécrable, leurs mots qui charrient rejet, accusations calomnieuses, déferlante de haine...."  

La suite de ce bel hommage ici.

A. Amri: Préface d'un poème de jeunesse de Belaid traduit

"[...] Ce sur quoi nous devons nous arrêter ici, concernant précisément ces cris lapidaires, et si besoin "embrouiller" le lecteur dans les  digressions nécessaires à la remise dans son contexte du poème de jeunesse de Belaid, c'est le clash par procuration fait aux blasphémateurs de  la gauche arabe. L'identité révolutionnaire de l'auteur et sa couleur, enracinée dans l'histoire,  confrontée à tous les clichés dont ils furent affublés, aux mensonges débités à leur endroit et à l'encontre des divers politiques ou intellectuels de cette gauche, que ce soit en Tunisie ou dans le reste du monde arabo-musulman. C'est ce que nous appelons ici clash par procuration. Avant d'en confier l'exécution au poème, rappelons deux ou trois points ici,  ne serait-ce que pour fournir aux non arabophones quelques clés indispensables au décryptage du texte.  
Pour commencer, nous dirons que ceux qui, en Tunisie ou ailleurs, ont pu se faire une certaine idée, ne serait-ce qu'à travers les médias, de la verve étourdissante de
Chokri Belaid, ceux qui ont aimé ses inoubliables coups de gueule contre le pouvoir et les forces réactionnaires en Tunisie ou ailleurs, ne manqueront pas de reconnaître dans ce texte la même veine, la même fougue révolutionnaire qui animait jusqu'à sa mort le leader du MOUPAD(3). Celui-ci n'aurait rien concédé au jeune qu'il était, si ce n'est la peau pas encore assez tannée par l'épreuve et le candide radicalisme du verbe, le ton impulsif appelé à s'adoucir dans la maturité, à sortir des vieilles ornières doctrinaires.

Écrit vingt-six ans avant l'assassinat de son auteur, ce poème, et qui s'en étonnerait? est devenu aujourd'hui une relique de Chokri Belaid. Il n'est que de voir le nombre de partages dont il bénéficie sur les réseaux sociaux, Facebook entre autres, pour mesurer ce que l'effusion de sang a valu et aux assassins et à l'assassiné. Ce don généreux tour à tour consenti et reçu à travers le présent poème montre, après les funérailles nationales grandioses de Belaid, que  la pensée libre et révolutionnaire de cet homme, ce qu'il incarnait de son vivant, inexpugnable, inextricable, restera toujours en vie.  Le jeune poète ne soupçonnait pas que la même main assassine, lapidée par sa voix alors qu'il n'avait que 23 ans, rééditerait le crime à travers sa propre personne. Il ne soupçonnait pas non plus que le panthéon qui a donné à Mrawa sa juste place dans la mémoire des peuples arabes, ce
temple dans lequel il a déposé lui-même son bouquet de roses, lui réserverait le même honneur sitôt assassiné..."

(L'article intégral et le poème traduit sur ce lien)



A. Amri, statut fb publié en date du 6 février 2013


"Ce qu'ils visaient à travers ta personne et ta stature, Chokri, c'est la voix de stentor. La plaidoirie du Maître. La robe qui réverbère la lumière du jour. Le défenseur du droit toujours debout, l'avocat qui ne trahit l'ayant droit ni n'accepte en son nom le moindre compromis de conscience, la moindre lâcheté. Ce qu'ils visaient à travers ta personne et ta stature, Chokri, c'est l'argument percutant qui les met à quia. De tout temps les lâches sortent la hache quand, à court d'argument, ils sont réduits au silence.
Ce qu'ils visaient à travers ta personne et ta stature, Chokri, c'est le soleil qui incommode aux yeux. Les vampires et chauves-souris, ceux qui viennent du cloaque de fange et des ténèbres, ne supportent pas la lumière dont réverbère ta toge.

Quatre balles ou cinq tirées à bout portant pour bâillonner le stentor. La mort nous a ravi un homme, mais pas sa voix.
Ton combat continue, Chokri Belaid. Et nous ne préjugeons pas de cet instant où les balles logées dans ton corps se révèleront clous enfoncés dans le cercueil de tes assassins. Le cercueil de nos bourreaux.
"

A. Amri
16.03.2013

jeudi 14 mars 2013

Pour les nez tournés à la friandise: samsa

C'est probablement en l'été 2009 que j'ai dû goûter pour la première fois aux friandises samsonales.

Difficile de dire,
pour un rescapé du vingtième siècle, ce qui donnait à cette samsa-là son bouquet, ce fumet divin qui, instantanément, m'y a fait tourner le nez. Sans doute la pâte d'amende épilée, verte fraiche émondée, en elle-même gracieuse et toute vertus pour le gourmand des verdeurs samsonales. Étalée, et pas talée du tout, sur sa couche veloutée de miel, de ses pignons blancs  hérissée, et pistaches pleines. Enlacée de la diaphane feuille de brick veloutée, robe légère et tout sensualité, comme ces ailes de demoiselles libellules, et tout autant diaprée, qui froufroutent pour l'émoi des sens et leur bonheur aux heures à souper des soirées estivales(1).

C'était à la faveur d'un plateau Nessma TV, été 2009, que je dois ce que les conteurs de romances appellent coup de cœur,
fatal, pour le duo SAMSA.

Mais quitte à exacerber l'appétence du lecteur que je soupçonne, dans tous ses états, papillotant des yeux -et des papilles et leur palais papillonnant- pour la friandise qui fleure bon la samsa mais tarde à se faire servir, je voudrais digresser un peu pour parler d'un texte, lu à peine une semaine avant ce plateau. Sans les mots et leur pouvoir, la facture de tel texte et le paratexte fracturant ma résistance à la télé, pour toutes les douceurs de la terre je ne me serais planté durant une heure trente, ni trente sans l'heure, devant aucune embaumée brise TV!(2)
Donc, à peine une semaine plus tôt, au hasard d'une prospection web de gisements littéraires pour pédagogue, alors que je cherchais un support sur la musique et ses vertus, je me fis accrocher par un titre des plus racoleur en la circonstance: Respirer un air de musique. Écrit par une Marocaine vivant à Paris, qui ne tarderait pas à me prendre elle aussi dans ses rets friands. Le texte m'avait travaillé, laminé pour être moins résistant à certaines télés. Et m'a donné l'avant-goût pour le moins alléchant de la samsa dont il parlait, louée pour ses bienfaits miraculeux, surtout, recommandée aux cardiaques!
Cardiaque je ne l'étais pas moi-même ni ne le suis, dieu merci, mais jouant souvent avec les mots et leur homonyme, et jouant plutôt cœur que trèfle ou carreau, il m'arrivait souvent de craindre que je n'en arrive, au bout du rouleau,  à ne pouvoir soutenir mes jeux de maux/mots qu'à la faveur d'une bouteille d'oxygène, abouchée à mon cœur! Oui, car aux dires de la Marocaine -plume sorcière- qui parlait de Skander Guetari et Sana Sassi sur tel ton, la samsa tunisienne retape presque les cœurs esquintés!

Je ne saurais trop recommander la lecture de cet article
(3) qui illustre mieux que mes propos décousus les vertus toubibables de Samsa.

En l'été 2009 si je ne me trompe, à l'exception de ceux qui vivent dans la sphère de la capitale ou celle de Sousse, et suivent

Alem Jdid, premier album de SAMSA

assidûment le calendrier de leurs manifestations culturelles respectives, le large public tunisien ne connaissait pas encore ce duo. Le bizertin Skander Guetari, résidant à Paris après avoir bivouaqué un certain temps aux USA,  et Sana Sassi sa coéquipière compagne d'art et d'exil originaire de Sousse mais née en France, pas plus que le pâtissé label SAMSA qui les unit, encore une fois si je ne me trompe pas- n'avaient pas, à proprement parler, pignon sur rue tunisienne.

Et pourtant, le tandem guitariste chanteur-chanteuse
poétesse, n'était pas né à la maternité Nessma TV. Cofondé en l'an 2005 à la ville de Sousse, à peine deux ans plus tard SAMSA conquiert un tronçon de chemin ensoleillé dans la cour des grands. Premier Prix des groupes au Festival de la musique tunisienne pour l'année 2007, et bien que méconnu par nos télévisions comme la plupart des talents qui osent se rebiffer contre la médiocrité, Samsa avait déjà fait depercées, et pas modestes, sur l'autre rive de la mer. Déjà chacun à son titre personnel dès le début des années 2000, ils avaient pu conquérir, tantôt auprès de dilettantes se comptant sur les doigts, tantôt d'un public plus large, des salles parisiennes et d'autres réparties dans plusieurs villes en France. Sana, mordue de poésie et cultivée, écrivait ses propres chansons ou reprenait des succès tunisiens et orientaux, Hédi Jouini et Oum Kalthoum entre autres. Et Skander, non moins cultivé bien que sa guitare soit autodidacte, a tant gratter si bien ses cordes avait réussi à sortir un premier album dès 2004. C'est dire que la méconnaissance de la mère patrie n'empêcherait pas le duo à sang pour sang tunisien  et pas avare de son amour pour la patrie de nous donner, bienfaits de la musique diplomate,  mieux que les ambassadeurs et consuls en titre, partout nommés(4). 

Je voyais et entendais donc pour la première fois, comme beaucoup de Tunisiens, ces deux jeunes voix. Et le tandem avait de quoi me ravir. Non seulement par ce qu'ils avaient pu chanter sur le plateau ce soir-là(5), à la fois novateur par ses airs, sa rythmiques, et sang pour sang pâtissé pour les nez tournés à la friandise. Mais aussi et surtout par ce qui a pu les faire croiser en France et chanter en tandem. Alors que l'un et l'autre préparaient chacun son doctorat, en littérature française du Moyen âge pour Sana, en génie informatique pour Skander. Concilier les voies estudiantines et artistiques, toutes deux ardues, répondre à leurs exigences respectives, en même temps qu'aux exigences professionnelles parallèles, Skander étant employé à temps plein comme ingénieur dans une société IBM, Sana devant  travailler elle aussi, ne serait-ce qu'à mi-temps afin d'assurer un minimum d'indépendance matérielle vis-à-vis des siens, c'est fantastique. Et pour soutenir une telle gageure et s'en sortir victorieux, ils ne pouvaient que forcer l'admiration.



Aujourd'hui docteure et
docteur dans leurs domaines respectifs, et chanteur et chanteuses dans leur tandem avec publics conquis de divers pays! Sana aujourd'hui mariée et peut-être mère ou mère projet, Skander pas encore (ni père ni marié -si ce n'est l'un et l'autre projet à ma connaissance) et la gageure toujours soutenue et soutenable!

Bref, on a tous les ingrédients faisant de SAMSA la friandise
tunisienne à chant pour chant sensas, et l'inédite samsa à cent pour cent pâtissée exclusivement pour ceux qui raffolent des friandises!

Pourquoi exclusivement? parce que le beau, bon, onctueux, intelligent en un. Et en chacun. Multiplié par deux pour faire ce tandem qui chante, défie, enchante et rend fière d'en être mère la Tunisie.. peut avoir aussi ses profanateurs,  ennemis jurés du Beau(6).







A. Amri
14.03.13


1-
Que l'on veuille pardonner à l'âme damnée de poésie ces incessants tours de derviche autour de Samsa. Sana Sassi et Skander Guetari qui ont trois "S" en commun, mais surtout, sans être casaniers ni chauvins, un enracinement culturel dans le socle samsonal, à travers SAMSA WORLD ils hissent haut la bannière identitaire qui est la leur et qui ne mérite pas qu'on disserte outre-mesure dessus. Mais pour le vertige du derviche, à part le gustatif de Samsa il y a aussi le sonore et ludique des noms propres: Sana Sassi/ Skander Guetari.  Le derviche tourneur y perçoit le sauna de Sana, où ça sue de Sassi! la source mythique, la bénite fontaine de jouvence dont sourd la douce part de pâtisserie! Sinon -sous les cornes dures- il percevrait aussi l'autre guitare que Guetari ne gratte pas et le scanner de Skander... Je dois stopper le derviche tourneur ici, sinon par ses folles pirouettes il risque de me ramener au sauna de jouvence et scanner toubibal à recommander aux cardiaques! On en parlera des cardiaques en leur temps.


2- Allusion à l'éponyme de Nessma TV dont la traduction est "Brise TV".

3- Sur le blog "Courant alternatif" (il n'y a pas de risque à se faire électrocuter par cet alternatif!!) de Sarra Grira. Ci-dessous l'image d'un extrait:

Cliquez sur la photo pour l'agrandir



4- Voici un petit exemple, mais combien éloquent et expressif, de ce que ces chanteurs, diplomates par excellence de la culture tunisienne, rapportent au pays. Les mots ci-dessous envoyés par Thierry Blanc, Français et ayant eu lui aussi un coup de cœur pour la samsa tunisienne. Certes pour remercier d'abord un traducteur, mais pour dire la joie, le bonheur que lui procure la facture de la chanson samsonale. Lisez plutôt!
 

"Merci, merci pour cette traduction... Chaque fois que j'écoutais j'étais ravi (mélodie, voix, instrument) et en même temps terriblement frustré: de quoi cela parle-t-il, ces sons qui rebondissent et dansent dans mon oreille et ma tête que sont-ils? Maintenant je sais... et pour moi l'obsédé du mot, l'assoiffé de poésie, ça me va!"

T
hierry Blanc, dimanche 4 décembre 2011.
5- Ils ont repris de vieux succès tunsiens, Hédi Jouini et Saliha, et chanté Fi-ramchet-aïn في رمشة عين(en un clin d’œil), qu'on peut (re)découvrir -avec traduction en sous-titrage- sur ce lien.




6- L'expression "ennemis jurés du Beau" n'a pas besoin qu'on la défende dans le contexte tunisien actuel. Mais puisque la note est là, pour l'honorer disons que depuis le 23 octobre 2011, voire quelques mois avant, l'art pâtit en Tunisie du mal islamiste: agressions perpétuelles contre des chanteurs, des groupes de musique, des artistes de tout genre, des poètes, intellectuels, journalistes, opposants politiques de toutes couleurs...dans une croissantade obscurantiste contre le Beau, l'Intelligent, le Libre. Les chevaliers à la Triste Barbe (7) de cette croissantade ouverte qui, le 6 février 2013, a coûté aux Tunisiens le Hachad de la révolution Chokri Belaid, ne sauraient saliver ni approcher du nez cette samsa païenne.


7- Les âmes damnées  de littérature classique ne me pardonneraient pas cette analogie sous-entendue par quoi j'aurais mis côte à côte l'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche et nos bourrues barbes en manche (et sauf respect des dames damnées des Belles lettres, sans le manche!). Pour prévenir tout contresens, il n'y a rien de commun entre l'enfant de plume racé de Cervantès et les décervelés bâtards de ma plume! 



Lien extérieur:

Pour en savoir plus sur la discographie de SAMSA

http://samsaworld.bandcamp.com/

mardi 12 mars 2013

A toi petit frère que l'enfer tente

Encore une hostie sur l'autel expiatoire et propitiatoire du feu. Encore un feu frère aux feus Bouazizi et ses frères de feu...

Ce matin comme tant d'autres baignés de tristesse et sentant le rossi, sorti des faits divers le temps d'un flash qui passe, avare de son temps précieux: un frêle corps a brûlé. En fin d'infos servi, diligemment à l'heure du déjeuner, comme pour nous titiller duvet de nuque et les narines.


Ce n'était ni à la tombée du jour. Ni au fort de la nuit. Ni, noir et par un soir raffolant d'encens qui moutonne, un chevreau. Ou toute autre hostie expiatoire ou propitiatoire pour notre salut.

Pouvant sortir le pays de ses tribulations. Exaucer les vœux dévots à ne plus susurrer aux saints Sidis et leurs séides thuriféraires, les uns comme les autres faisant la queue à la file des chômeurs, leurs cartes et marabouts étant brûlés. Embaucher les élus du chômage que leurs Élus n'entendent plus, fort à propos -il faut dire, car ne les retrouvant plus dans les dernières statistiques revues de près et corrigées. Résoudre les problèmes de l'économie en passe d'être toute résolue. Faire pleuvoir dru sur la Tunisie l'or qu'attendent en file indienne tuk-tuk importés depuis la Thaïlande pour le bonheur du tunisien eldorado.


Mais au grand jour, et tout aussi vert que le dernier, pas moins vert que le premier, un jeune brûlé par le pyromane et tunisien désespoir.


Sans être noire hostie chargée de nos péchés, il a déposé dans le vase des cendres victimaires ses peines et nos fautes. Sur le bûcher des dieux chthoniens qui raffolent de la tendre chair nôtre, il s'est offert corps et biens perdus méchoui accommodé aux essences pétrolières, grillade de foie salée et tête aux quatre épices avec le chou-fleur de la cervelle, propitiatoire et devant allécher la pluie qui boycotte printemps et sa terre. Et faire baisser d'un cran le prix des denrées qui nous flambent, et mangent toutefois crus.


Sans préjuger, à en juger toutefois par l'affluence vers les mosquées à l'heure où l'encens du corps moutonne, dans l'enchantement des dieux chthoniens. Et l'indifférence des minarets pressant vers la prière ses fidèles.


Frêle comme le feu dernier et tous les feus frères de feu, sur le bûcher de notre misère. Un autre frère à Bouzizi.

Un bout d'enfant comme tel, au bout du chemin et du rouleau, venant à bout de la vie qui, pour l'avoir trop supporté, n'en voulait plus de lui.

Dis-moi, petit frère, jusqu'à quand devrons-nous, sur l'autel de ces dieux humains qui insultent notre misère, immoler des Bouazizis? Jusqu'à quand permettre que soient grillés par le feu nos oisillons et leur duvet? Et la coque à peine éclose de nos œufs couvés?

Jusqu'à quand, petit frère, intenter contre la misère abstraite de ses orfèvres, contre seulement ses outils d'orfèvres, la charrette, le chariot des sandwichs ambulants, la mallette des parfums diplômés, le renommé carton à cigarettes bédouines qui sillonnent les rues, la citadine caisse à cirer bivouaquant dans les parages des cafés, aux cafés la chaise louée à l'année sans l'acquit et la quittance, la mendiante tzigane et les Gavroches des rues à arpenter d'impasse en impasse, sans y jamais capturer vif bout d'espoir, sans jamais vive bout d'espérance. Et le silence qui sirote à petites lampées et grandes nos vies, et la cadence des portes refermées sitôt on y frappe. Et les lettres jamais rendues par facteurs et PTT, mortes closes sitôt timbre aux PTT payé et tamponné?

Et ces procès que nous intentons contre l'indifférence, le silence, la mort, par nos corps devenus insupportables, invivables, sans la dignité qui les fasse tenir debout?

Jusqu'à quand, petit frère, intenter ces procès coûteux et sans verdict de justice contre les fourchettes et les couteaux des pyromanes. Et mythomanes. Et mégalos aux chaises trouées qui dans l'aisance rotent et nous découpent. Et sans Dieu pour déposer contre eux?
Sans Dieu à chaque fois, toujours absent, jamais convoqué pour comparaître à la barre des témoins et montrer du doigt ses pyromanes assassins.

Ils sont là, petit frère, assis à l'ombre de l'Absent, les superbes présents d'Allah qui nous comblent! Sans présents -ni le présent qui les voie- pour la bouche épouse de ramadan. Sans présents à part l'absolue prédication de Sa parole absolutoire. Qui ne permette à épouse de cocufier son ramadan!

Là, qui nous mènent à tous les abattoirs, tantôt à la prompte massue qui ne sait lire ni écrire(*), pour notre salut éternel -disent-ils,  tantôt à la douceur des maux qui nous laminent, à la divine piqûre de fatwas, toutes aussi promptes que la massue, qui "la" piquent et nous la massent!

Là, toujours diligents, petit frère, pour nous mener droit au paradis, et dans la camisole de force, à nos fers ferrés. Sinon l'enfer nous voyant fourvoyés sur le chemin, au dernier mangera ceux qui auront survécu aux bûchers terrestres!

Écoute le mufti qui roucoule, cravachant nos maux! Regarde-le nous montrant de la pointe du sceptre qui soulève ses bas côtés à l'ample robe des cieux, gracieuses à qui les brigue et mande au bout du chemin des méritants, au milieu du jardin mérité, de mille bassins et fontaines dorées entourées, les douceurs divines!

Regarde, petit frère, sous les basques qui s'évasent, ce que nous réservent les divines alcôves qui nous enchantent!

"Et hue! dia! croyants! Vous en voulez ou pas de ces douceurs divines?"

Les appas et l’appât que marchands d'illusions nous injectent dans leurs piqûres. Pour nous décapiter. C'est qu'ils nous veulent tous des Bouts à zizi, comme Mohamed Bouazizi mais sans la tête! Pas cogitant du tout, à la rigueur si cogiter nous tente, ne cogitant que par le tronçon de chair retranché de son bout!

C'est pourquoi, outre les bûchers sataniques de Bouazizi et ses frères de feu, ils ont inventé, sacrés, les bûchers de la haine divine. Des tonnes de Bouzizis s'y jettent au fil des jour, entre les ablutions de la prière matinale et la prière qui scelle le jour. Tandis que d'autres bienheureux attendent leur tour. Tous, dieu merci, rachetables à l'enfer promis pour autant qu'ils acceptent qu'on  leur retranche, à coups de piqûres endormant le cogito temporel et profane, à chaque Bouzizi le tronçon de bout qui pense. Tandis que l'autre, que la géhenne du mufti ne menace de ses braises ni tance, droit et tout ouïe à la coquetterie céleste, aux houris qui minaudent et l'appellent, panse ses maux et leur susurre à mufti le baume de ses dits.

"Va, petit frère, bondis, saute au paradis qui te hèle!" Et le coton céleste, son satin et ses fanfreluches, te tirent du nez. Jihad en Syrie! en série jihad partout! souris aux anges, petit frère, bout de chair martyre qu'on panse! danse autour du feu, le temps que là-haut les promises t'allument un bâton d'ambre! Panse ton machin le temps qu'elles préparent au sultan son bain ambré.

Puis.. au feu! et que ça saute!
Au suivant!...."


Ils sont là, petit frère, assis à l'ombre de l'Absent, les superbes présents d'Allah qui nous comblent! Les pyromanes qui brûlent et fument nos phénix. Et qui clappent et se pourlèchent, tout le temps que le doux fumet leur titille mèches de saints et les naseaux. Ils reniflent haut l'eau de notre sel, le zeste de notre citron et les senteurs zélés de l'estragon au jus de cumin. Ils renâclent fort les essences des hosties, l'eucharistie qu'exhale, toute vertu, nos bûchers. Et quand nos cendres sont servies après dessert aux agapes, à pailles et pincées dévotes se disputant la poudre noire d'Afghan, ils sniffent et crient: Allahou akbar! Dieu est grand!

Jusqu'à quand, petit frère brûlant vert pour les agapes de nos saigneurs, le théâtre de Beckett à vivre guichets fermés, à répéter jour et nuit, à la vie, au théâtre à ciel ouvert de la vie? A quand Fin de Partie sans le noir théâtre, petit frère, et l'absurde noir pour metteur en scène?

Quand enfin ces procès que réclame ayants-droits et les âmes de leurs damnés, qu'il faut engager ici et maintenant contre le désespoir, ses artisans et ses apôtres?

A.Amri
12.03.2013

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130312100511/

*- Expression empruntée à l'arabe لا تقرا لا تكتب, qui signifie:" impitoyable"

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