jeudi 18 avril 2013

Pour une Tunisie en couleurs, et non en noir et blanc



Saadia Mosbah, voix qui monte des viscères de notre pays, pardonne-moi de n'avoir pu t'entendre plus tôt.


Le mot chien, assure Aristote, ne mord pas. Ni n'aboie d'ailleurs, nous rappelle Gérard Genette."Mais, souligne ce même auteur, rien n'interdit à quiconque d'opiner au contraire, et de tendre l'oreille ou garer les fesses".1

Les Tunisiens sont-ils racistes? Voilà un "chien" qui risque de faire tourner les talons à bien de prévenus alertes ! Rien qu'à soupçonner les supposés d'une pareille interrogation, plus d'une sainte nitouche dirait: "quoi ? nous racistes ? A Dieu ne plaise !"

Saadia Mosbah

Ceux que la question pourrait étonner, persuadés de l'exception tunisienne à ce propos, se trompent.
Nous ne sommes pas immunisés contre cette gale. Ni contre tant d'autres formes d'intolérance, toutes indignes des hommes authentiquement libres, authentiquement hommes. Dans la Tunisie bourguibienne puis benalyenne, il était de bon ton de nous auto-encenser et nous complaire dans une certaine image de marque nationale qui nous flattait. Qui flatte encore l'écrasante majorité du peuple, au vu des mobilisations citoyennes que suscitent les périls menaçant nos acquis, nos valeurs progressistes dont certaines datent de Carthage. Nous disions, nous disons toujours que les Tunisiens, produit de  multiples brassages de populations et de cultures dont leur terre n'a jamais cessé d'être le creuset, sont de nature ouverts. La position géographique du pays, son histoire et sa civilisation multimillénaires auraient vacciné ses habitants contre les virus susceptibles de menacer leur cohésion.
 
Hélas, la réalité n'est pas tellement conforme à cette image. La révolution qui pâtit depuis deux ans d'un fascisme religieux nous a révélé combien l'idéal est encore très loin du réel. Faut-il mettre davantage en lumière le fossé qui nous sépare de ce à quoi nous aspirons en parlant encore de racisme ? Beaucoup, à tort, estiment que ce n'est pas le moment d'en rajouter. Nous en avons déjà assez, dit-on, avec le salafisme jihadiste, péril qui angoisse tous les Tunisiens, plus urgent, prioritaire. Nous voyons renaître en plus, dans certaines zones oubliées par le développement, une forme de régionalisme qui nous inquiète, quand, au nom de la décentralisation, une partie des Tunisiens se dresse contre une autre, ou contre le reste des Tunisiens. Nous avons vu aussi et voyons encore réapparaitre des haines, des dissensions qu'on croyait révolues, des heurts sanglants entre douars, tribus, archs, pour un pouce de terre sur quoi untel, de tel sang, a indûment empiété.  Bref, nous dit-on, il ne faudrait pas rajouter au fardeau déjà assez lourd, sous peine de voir le dos de la jeune révolution brisé sous tant de charges.

Mais le bel alibi ne tient pas, qui tombe à faux dès qu'on rappelle les objectifs de la révolution. Car la chanson qu'on répète, le slogan cher aux révolutionnaires, le son de cloche partout repris, les jérémiades continuelles au nord comme au sud, ne sont-ils pas justement pourquoi le peuple a consenti des morts et fait une révolution?
Quand on monte ici et là en créneau pour rappeler les laissés-pour-compte, pourquoi en exclure les éternels exclus de toutes les "révolutions"? A-t-on vu un ministre noir, ou même son ombre, dans les différents gouvernements qui ont succédé à la chute de Ben Ali ? Combien y a-t-il de députés noirs dans notre Assemblée constituante? Combien de Noirs gouverneurs, délégués, directeurs dans telle ou telle administration nationale ?

Le racisme n'est pas seulement le mépris manifesté, articulé, le regard arrogant, hautain, l'insulte sous-entendue ou proférée en toutes lettres, qu'une race, à travers des individus ou des groupes de sa couleur, se permet à l'encontre d'une autre. Il n'est pas non plus seulement dans l'agression physique qui cible une couleur différente, une peau non partagée, quand la haine exacerbée franchit le pas qui l'ôte à toute compression, la rend littéralement palpable. Mais il y a pire: le racisme latent, invisible, muet: l'indifférence. Et l'exclusion qui s'ensuit sous toutes ses formes.

Dans la Tunisie souffrant de ce mal qui nous intéresse ici, tout combat contre le racisme qui ne commence pas par apporter les soins appropriés à l'indifférence et à l'exclusion est voué à l'échec. Nous croyons avoir fait une révolution pour tous les Tunisiens, alors que nous sommes en réalité encore loin de l'avoir faite cette révolution. Il est temps, grand temps, de nous demander ce que la prétendue révolution de la Dignité a donné aux Noirs tunisiens.

De 1846, date à laquelle notre pays a aboli l'esclavage, à l'heure de cet article, en passant par l'indépendance de 1956, que sont au juste dans leur pays les citoyens noirs? Peut-être des hommes émancipés, encore faut-il que tout le monde soit d'accord là dessus, ce qui n'est pas toujours évident quand notre langage, miroir de l'inconscient, révèle que beaucoup d'entre nous sont encore à l'âge des esclavagistes2. Peut-être, voire assurément, ces citoyens sont-ils une bonne chair à canon. Et à charbon dans l'ère des auto-immolations par le feu. Là-dessus, il n'y aurait pas beaucoup de marge pour la chicane. Mais quand les canons se taisent, et depuis le temps qu'ils se sont tus, depuis que la radio et la télévision ronronnent la douce chanson d'une Tunisie pour tous les Tunisiens, les Noirs, personne ne les voit réellement lotis dans cette Tunisie. On les estompe loin derrière nous. Plus loin que les déshérités de Sidi Bouzid, plus morts que les martyrs de la révolution, exclus comme tant d'autres ayants-droit sur le papier qui crèveront probablement tous, eux et leur postérité, avant que la révolution ne songe à les consoler d'une belle épitaphe !

A preuve, cette constitution dont on ne cesse de débattre depuis l'âge de Noé, les papiers encrés et sur-encrés, les projets, les amendements, toute cette paperasse et les années passées à les élucubrer, y a-t-on consacré une ligne, une seule, la plus petite mention qui soit pour dire quelle place les Noirs ont dans notre constitution ?

Le vrai racisme tunisien réside essentiellement à ces deux derniers niveaux. Le jour où la Tunisie relèvera le front, et découvrant la poitrine avec fierté, donnera le sein à tous ses enfants sans distinction de race, de confession ni de couleur politique, le racisme comme langage, attitude ou pensée, tombera de lui-même, sera caduc, pâle souvenir d'un passé vieux et lointain.


Saâda, première merveille de l'âge candide

Tout petit, pour être né dans une contrée presque hors de l'écoumène, une zone rurale perdue au sud tunisien, la première fois que j'ai vu un Noir c'était à l'âge de six ans.

Je ne savais encore rien des pyramides de Memphis, rien des jardins suspendus de Babylone. De l'ébène dont on vante partout le bois et le beau poli, je ne savais rien. Ni n'avais entendu parler de Saba et Balkis sa reine. Et je ne soupçonnais pas, à cet âge tendre, qu'il pût y avoir dans l'univers une beauté tout aussi enchanteresse que la première merveille dénichée par mes yeux dans ce monde. Une merveille que l'école m'avait révélée en même temps que les lettres de l'alphabet et les figurines du maître. Une camarade de classe de mon âge, avec qui je partageais le pupitre en bois, le banc d'écolier. Avec qui je partagerais aussi pour un bout de temps les olives noires, les figues sèches, les dattes. Les châtiments du maître aussi, en toute équité mérités, et supportés avec délice tant qu'ils étaient partagés. La retraite battue, quand tous les petits se disputaient l'honneur de franchir le premier la cour de l'école vers la sortie, pour ma première merveille découverte comme pour moi- l'honneur et le bonheur étaient d'être constamment à la traîne. Afin de partager encore, rentrant chacun à sa maison, un bout de chemin commun et les dernières miettes du goûter qui nous restaient.

Cette petite reine noire que je porte à ce jour dans mon cœur s’appelle Saâda.


Elle n'avait d'autre couronne que la couleur de sa peau. Il est certain qu'elle était belle, très même. Mais quelquefois je me demandais si je ne m'étais pas trompé; je me disais qu'elle n'était peut-être pas aussi belle qu'elle me paraissait, car je ne voyais personne de mes petits camarades masculins me la disputer. Sans doute étais-je trop candide encore pour deviner ce qui les éloignait de Saâda. Je ne savais pas encore ce qu'est le racisme. Et même si j'avais pu le découvrir, ou en soupçonner quelque chose par la suite, je ne pense pas que cela ait pu me déplaire ou susciter ma colère. Au fond de moi, consciemment ou non, j'aurais plutôt sourdement remercié les racistes d'être insensibles à la beauté de Saâda. Pour le bonheur « égoïste » de celui qui l'a tant aimée. Et qui n'aurait pas souffert que sa petite reine pût enchanter d'autres yeux que les siens.

J'ignore ce que Saâda est devenue aujourd'hui, si elle est encore en vie ou n'est plus de ce monde. Mais chaque fois que la mémoire remonte à la source de l'affection, c'est Saâda qu’elle rencontre à tous les carrefours, avec toujours un reste de goûter qu'elle vient partager avec moi.

Et quel doux émoi quand la mémoire rappelle le meilleur des offrandes partagées !
Deux mains voisines sur le pupitre, là au milieu, à un centimètre plus bas que l'encrier de notre vieille école du buvard et de la plume. Deux mains côte à côte, à plat posées !

Quel enchantement pour nos yeux surplombant de telles mains, à voir chacune s'éblouir de ce que l'autre lui donnait ! Dix doigts alignés, un pouce de chaque côté, au milieu les deux auriculaires: nous ne savions même pas à quoi la forme conique ainsi faite ressemblait. Jusqu'au jour où le maître nous a surpris !

Si le maître ne dicte pas, ne voit rien, s'il ne fait pas les cent pas entre les rangées, pour les mains ainsi étalées c'est presque un moment d'ivresse mystique, une étreinte d'épidermes, la fusion entre ces petites mains elles-mêmes, la chair à deux couleurs avec le bois. Impossible de les séparer. De réprimer le courant qui les unit. Impossible de les détacher de leur support auquel elles semblent soudées. Impossible de trouver entre elles une fissure, si minime soit-elle, pour y glisser l'oreille d'une feuille, d'un buvard.

Et ce magnétisme étrange, ce tropisme candide invincible, n'a rien de pervers. Rien de ce que pourrait suggérer une lecture savante, le regard d'un adulte imbu de son savoir analytique, de sa science infuse ou des armes de la psy.

Elle et moi n'avions que six ans. S'il pouvait y avoir quelque chose de libidinal dans ce jeu d'enfants candides, ce ne pourrait-être que de la sensualité sublimée, édénique -je dirais. L'enchantement pur de deux peaux qui s'épient, bien plus par la vue que par le toucher en soi, dans le bain d'un fluide mystique et imparable. Et le bonheur des yeux venait de la magie de ces couleurs disparates mais unies, qui se valorisent réciproquement par le contraste leur, et de ce même contraste se complètent au lieu de s'opposer, s'attirent au lieu de se repousser.  

Plus tard tout au long de ma vie, quand dans la rue, dans un commerce, un square, je vois un couple mixte, outre le doux frisson, irrépressible que cette union heureuse me procure, je me sens baigné, baignant dans l'éternel fluide qui les unit. Le même bonheur édénique perçu par nous deux il y a une éternité. Et je me sens  heureux pour ce couple, heureux pour les petits que nous étions, l'un et l'autre généreux, d'avoir osé sentir en bas âge ce que les racistes, leur vie durant, seront incapables de sentir. C'est au creuset de la différence que la beauté sublime se fait, croît, grandit et jouit le plus intensément de la vie.

Quand le maître a découvert notre jeu, l'année était presque finie. Nous reçûmes, les mains dans la même étreinte, dix coups de baguette. Étaient-ils douloureux ? je ne m'en souviens plus. Mais je me rappelle que ce fut à tel prix que nous avons appris comment dessiner, en bas âge et à deux mains, un cœur humain !  
 
J'ignore ce que Saâda est devenue, si elle se souvient encore de moi au cas où elle serait encore de ce monde, mais moi je ne l'ai pas oubliée. Ni ne suis près de jeter les reliques que je conserve d'elle dans ma mémoire. Car c'est à leur lumière que, grandissant, j'ai appris l'amour de l'humanité. Je dois à ma petite camarade de six ans ma stature d'homme libre, ma fibre d'enfant de tous les continents. Ce que j'ai transmis à mes enseignés et mes enfants. Ce que j'écris ici. Elle est constamment dans ma peau, dans mon pouls comme le crépitement d'une fine grêle de feu, dans chacun de mes combats pour le triomphe de l'humanisme. Et dans le sourire de chaque Noir où que je le rencontre, dans la chaleur de sa poignée de main où que je la reçoive, dans l'étreinte du frère noir où qu'il me reconnaisse des siens.

Saadia, petite sœur, pardonne que je ne t'aie pas revue plus tôt !

Et si je projette sur ton visage, sans embarras aucun, la tendresse que je ressens pour Saâda, c'est que "revoir" n'est pas seulement un jeu de rhétorique pour moi, n'est pas qu'un verbe au sens figuré, mais une perception réelle, authentiquement ressentie.


Reina Saba, chanteuse centrafricaine
C'est seulement aujourd'hui que j'ai déniché ta photo, lu ton texte, et repensant à l'heureux enfant qui, à travers Saâda, puis les frères du continent et ceux de la planète, t'avait aimée alors qu'il n'avait que six ans, j'ai décidé de t'écrire ce mot.

Pour te dire ce que j'ai souffert, et dieu sait ce que j'ai souffert, fier tunisien et pas moins africain que le plus noir du continent, en lisant ce texte où tu clamais haut l'amour de ton pays, le nôtre. Tout en faisant, juste et si fort, le procès de ce racisme monstrueux qui nous donne des sueurs et des frayeurs.

Se peut-il, Saadia, que la Tunisie éponyme de l'Afrique, l'Ifriqia dont les premiers dieux tutélaires sont le Saturne africain et sa parèdre la non moins africaine Tanit, puisse être si méconnaissable?

Se peut-il que le premier pays arabe à avoir aboli l'esclavage, y précédant même une légion de pays occidentaux censés plus rapides sur les voies pionnières (Suède, France, USA, la plupart des pays d’Amérique latine, la Russie, l'Espagne) puisse être à ce point raciste?

Se peut-il que le pays de Barg Ellil (Eclair de la nuit), pays qui riait, pleurait et s'émerveillait entier quand j'étais jeune, les samedi soir ne dormait jamais tant qu'il n'ait suivi le dernier épisode du feuilleton radiodiffusé, dont le héros est noir et esclave, puisse à ce point devenir "noir et blanc"?

Quand j'ai lu ton texte, Saadia, comme toi j'ai eu honte. Non d'être tunisien mais pour la Tunisie qui ne mérite pas qu'on la prostitue ainsi, qu'on la gangrène, que le fanatisme religieux des uns, le racisme primaire des autres, l'intolérance inadmissible des uns et des autres, la rabaissent à nos propres yeux, aux yeux du continent et dans le concert des nations.

Ni notre religion ni nos lumières ne justifient cette haine qui s'empare d'une partie de nous-mêmes pour la dresser contre l'autre. Nous ne voulons pas de cette lèpre que nous condamnons où qu'elle puisse flétrir un pays, que nous n'acceptons pas de voir parmi nous flétrir le nôtre. Notre pays, constamment au confluent des civilisations, aux quatre vents ouvert depuis la source du temps, beau aux yeux du monde en raison de sa capacité à parler Orient, Occident, Nord et Sud, tout en restant tunisien, ne peut pas permettre à la vermine raciste, pas plus qu'à l'obscurantisme dont la vermine se nourrit, de le souiller.

Notre peuple est le produit de mille et un brassages d'hommes et de sangs. Berbères, Puniques, Romains, Arabes, Turcs. Il y a des milliers d'ans, sur cette terre et pour cette terre le sang versé pour défendre Carthage, ou étendre ses frontières, ne se disait jamais noir, ou pas noir.  Dans l'histoire de Tacite et la mémoire du peuple, c'est le sang carthaginois. Pour repousser les premières vagues de la conquête islamique, pour prendre le flambeau du conquérant ensuite, pour bâtir toute l'histoire qui a permis à notre pays d'étendre vers d'autres pays et d'autres continents l'islam, pour reconduire enfin l'histoire à l'indépendance, au milieu du siècle dernier, puis  à la révolution du 14 janvier, les Noirs et pas noirs se sont toujours appelés Tunisiens, blessés ou morts, et jamais combattants de telle race ou de telle confession.
C'est pourquoi, Saadia, quand j'ai lu ton texte, comme toi j'ai eu honte. Et c'est peu dire, trop peu dire que j'ai eu honte. J'ai eu, et j'ai encore, envie de hurler pour vomir ma colère, mon indignation, mon refus de souscrire à ces actes racistes qui profanent notre Tunisie.

Puisse ce cri de dignité atteindre les cœurs malades et réanimer en eux, plus noble et digne de notre Tunisie, l'amour de l'humanité !

Merci du fond du cœur pour ton texte,
Saadia

Je sais que l'essentiel je l'ai passé sous silence, ou pas à fond traité: où est ma Saâda, elle et son frère, dans le paysage télévisuel, cinématographique, politique ? Pourquoi nous n'aurions pas notre Obama ? Je ne dirais pas Angela Davis parce que toi, pour notre fierté, tu la réincarnes parfaitement.
Et puis où sont les autres Tunisiens ? les non-musulmans d'abord:  juifs, chrétiens, athées ?
Où sont aussi les bi-nationaux tunisiens?

La lutte continue. Ensemble nous ouvrirons bientôt des brèches dans ce mur à détruire, et le plus tôt possible. Parce qu'il procède non pas seulement du même racisme, de la lèpre même, mais de son germe fondamental, la graine du racisme.

Ahmed Amri
18.04.2013 




=== Notes ===

1- Gérard Genette, Mimologiques : Voyage en Cratylie, Seuil, coll. « Poétique », Paris, 19761, p.7


2- "Loussif" (de الوصيف al-wassif, esclave) et "kehlouche" (de akhal, de kohl كحل [khôl] collyre noir, avec connotation péjorative) ne sont que deux petits exemples d'un glossaire raciste tunisien qui révèle combien nous sommes en retard par rapport au progrès revendiqué.

Au même sujet sur ce blog:

Tunisie: justice pour tes enfants mal-aimés!

mardi 16 avril 2013

Les hauts et les bas de la piété musulmane





Version I

 moult ou prou,
voile à ta guise ce que tu peux
 pieuse sœur musulmane
aux vœux  érotomanes

dévoile ce que franc pimpant tu voues et veux


aux apôtres de la vertu et sa pudeur
            niqab d'Allah et ses toiles
           le bas saint pour sa voile  
 au mât de tapecul sur mer  toujours bandeur
              

chaste sœur la foi n'est juste que dépouillée
 
              l'âme mahométane

               ne se flétrit ni fane
que Satan y voie un bas dos à chafouiller


 tant qu'à Allah l'âme voue sous le voile engagé
              le front dévot et chaste
             que son postère peste
sous le string atteste austère l'habit léger
             

qu'importe le dos au vent qu'on tourne taquin
                     la vertu dans la tête
                       coquette et si douillette
se rit de la lune qui cligne au mât coquin


au clair de la lune ah mon ami pierrot
      chante haut le profane
      quelle céleste manne

si à la nymphomane
 tu prêtes ta plume pour équarrir ses maux!

  Version II  



moult ou prou,
voile à ta guise ce que tu peux
 pieuse sœur musulmane

et dévoile ce que tout franc tu voues et veux

aux vœux  érotomanes



aux apôtres de la vertu et sa pudeur
            niqab d'Allah et ses toiles
 
au mât de tapecul sur mer  toujours bandeur

           le bas saint pour sa voile  


               chaste sœur la foi n'est juste que dépouillée
 
              l'âme mahométane
      
si Satan y voie un bas dos à chafouiller

               ne se flétrit ni fane


 tant qu'à Dieu le cap voue sous le voile engagé
              son front dévot et chaste
           peu en chaut  que le postère à l'habit léger
sous l'austère string peste

              qu'importe le dos au vent qu'on tourne taquin
              la vertu dans la tête

se rit de la lune qui cligne au mât coquin
                  si coquette et douillette


au clair de la lune ah mon ami pierrot
      chante la nymphomane
      quelle céleste manne

si à l’érotomane
 tu prêtes ta plume pour équarrir ses maux!



A. Amri
16.04.13

lundi 15 avril 2013

Au pays de Molière et Voltaire

Depuis 2009, le maire de Paris Bertrand Delanoë, avec la bénédiction de la machine lobbyiste sioniste, a laissé entendre qu'il pourrait bien fermer le théâtre de la Main d'Or dont Dieudonné est le gérant. Que ne ferait-on pas pour être toujours sous les bonnes grâces du sionisme?

Fermer un théâtre en France: quelle déchéance pour le pays de Molière! pour Voltaire et les marchands de son rayonnement, quel argument-massue!

Laquais du sionisme en Occident, thuriféraires du nouvel
ordre mondial, en quoi votre sainte guerre contre Dieudonné diffère-t-elle de l'obscurantisme wahabo-taliban que vous fustigez inlassablement au nom des prétendues Lumières et liberté d'expression dont vous portez si dignement les vulgaires oripeaux? En quoi votre hargne contre Dieudonné en France diffère-t-elle de la persécution qui cible ailleurs, de l'autre côté des Pyrénées, tant d'auteurs incarnant la pensée osée ou affranchie? En quoi votre puritanisme républicain et laïque des temps décadents diffère-t-il de la chasse aux sorcières qui a fait les tristes nom et renom de vos prédécesseurs saints inquisiteurs d'autrefois, de ces vieux temps que vous stigmatisez en toute circonstance et, indûment, prétendez révolus et caducs?

Honte à vous les bafoueurs de la laïcité, les bâtards des Lumières et des valeurs républicaines! Honte à la France que vous rendez ignominieusement méconnaissable, aplatie, prostituée, tenue en laisse par les sionistes usurpateurs de son identité et maîtres souverains de ses rênes et arènes!  

A.Amri
15 avril 2013


  لا أفهم ولن افهم قط لماذا قتلوك يا فيتيريو..
  وانت الآتي من وراء البحر لتحتظن قضيتنا الأم.. انت الذي تركت ايطاليا لأهلها وابحرت جنوبا وقلت لمن ودعوك هناك: انا راحل لأهلي..لأحبتي..لرفاقي..لأخوتي..لأمي وأبي في غزة..
لا أفهم لماذا نحروك ولأي رب وهبوا الأضحية وبأي رداء أغطي وجهي حين يسألني سائل: أصحيح أن من قتلوه مسلمين؟ عرب؟ فلسطينيين؟

لا أفهم ولن أفهم قط هل قتلوك وهم على وضوء..هل كبروا مثل يوم النحر..هل أموا بوجوههم قبلة ابراهيم..هل بسملوا حتى يتقبل ربهم دم الذبيح؟

لا افهم فيتيريو.. وأخشى الا أفهم ابدا.. وأنت الآتي من وراء البحر.. شاركتنا الحصار والجوع والنار ولم ترحل..حتى تحت الفسفور وأطنان القنابل وايام القصف بلياليها التي فاقت ثلاثة اسابيع، لم تتخل عنا..رابطت معنا لا هم لك غير نصرتنا.. العالم كله يستمع لإذاعتك ومنها ينقل الخبر لأن لا أحد غيرك كان له من الشجاعة ما يدفعه لتعريض حياته للموت..

سجنك الصهاينة وكان ذلك طبيعيا..وكنا نخشى ان يقتلوك لأن ما تقوم به خطير، إذ انت
تصنع الرأي الآخر ..الرأي المعادي للصهيونية وتربحنا في كل يوم الف صديق جديد.. كيف رباه يقتل مسلموك.. او من يدعون انهم من مسلميك.. من جاءهم اخا نصيرا؟

خطفوك يوم 14 افريل 2012 في قطاع غزة.. وبعثوا بشريط فيديو منشور على اليوتايب يطالبون بتحرير زعيمهم هاشم السعدني، هم جماعة التوحيد والجهاد ولدينا منهم الوية كثيرة ربح الصهيانة الكثير من جهادها وتوحيدها وما غنم الله شيئا ولا المسلمون ولا الإنسانية..

ذبحوك صباحا كهذا اليوم..اتراهم وجهوا رأسك للقبلة حتى يكون النحر وفق الشرع؟

تفا..تفا..ثم تفا..على عباد كدنا نكره الإسلام بحماقتهم..

احمد العامري
15 افريل 2013

dimanche 14 avril 2013

Ce 9 avril 2003 .. quand Azza a pleuré


Aux origines de ce texte, la tentative inaboutie de traduire un poème arabe que j'ai déniché sur le web en 2010, intitulé يوم بكت عزّة الشرع  [Le jour où Azza Echaraâ a pleuré].
D'après la page qui le publie, le poème aurait été composé le jour même de la chute de Bagdad, et, fait singulier, son auteur serait mort à peine son texte achevé.

Curieux d'en savoir plus sur ce poète
inconnu et les circonstances exactes de sa mort, j'avais beau naviguer, beau chercher, je ne pus rien trouver à ce  propos, à part des pages reproduisant le poème en question, et la maigre indication que l'auteur, irakien et s'appelant Ahmed Omar Bakr, vivait à Al-Qaïm, ville frontalière avec la Syrie. C'était non seulement frustrant pour moi, mais intrigant. D'autant plus que le texte, bien ficelé, d'une métrique irréprochable et d’un style châtié, ne semble pas écrit par quelque rimailleur faisant son baptême de feu dans l’écriture poétique. Une telle compétence littéraire ne saurait s'attribuer à un poète né et mort le même jour, dans ce contexte tragique lié à la chute de Bagdad, et à la faveur d'une communion avec l'émotion débordante d'une journaliste qui pleure en direct à la télévision.

 

Le nom Ahmed Omar Bakr [1] ne serait-il pas un pseudonyme derrière lequel une personnalité irakienne illustre se serait cachée, par pudeur, ou plus vraisemblablement par réserve politique, le tournant historique dans lequel l'Irak s'engageait alors, dictant une telle prudence ? La pertinence de cette hypothèse n'a cessé de se consolider dans mon esprit ; et au fur et à mesure que je relisais le poème, j'y décelais une foule d'indices corroborant cette conviction. J'ai même fini par me demander, à la lumière de l'indice faisant appartenir l'auteur à Falloujah, si ce poète ne serait pas tout simplement l'un des proches collaborateurs de Saddam Hussein, ou même Saddam en personne.   



Quoiqu'il en soit, l'hommage que ce poète rend à Azza Echaraâ, vibrant, m'a littéralement saisi
. Et j'ai tenté à plusieurs reprises de le traduire. Sans toutefois réussir à obtenir la mouture digne d'être publiée. La rhétorique du texte arabe et sa dimension mélodique, deux aspects ayant motivé mon coup de cœur pour le poème, me paraissaient difficilement transposables en français, et je ne voulais pas les sacrifier pour une traduction qui tienne uniquement compte du sens. Ce serait une manière de charcuter misérablement le texte original. De guerre lasse, j'ai décidé d'abandonner la traduction tout en transmettant à ma manière le message, ou l'hommage que l'auteur rend à sa destinataire, refondu dans le présent article. Le "je" qui marque celui-ci à certains passages, véridiquement mien, factuel dans tout ce qui a trait à l'histoire, devient pronom partagé avec le poète, à partir du moment où je confronte des épanchements pleuraux historiques avec celui de la journaliste syrienne.


[1] En Irak, mais c'est également valable pour d'autres pays musulmans, ces trois prénoms ont une dimension symbolique évidente : pour les sunnites, ils font figure de hagionymes, étant respectivement prénoms du Prophète et des deux califes qui lui ont succédé, Abou Bakr et Omar. Le signataire du poème est un sunnite, et il s'adresse à un lectorat de cette confession : la femme même à qui il rend hommage est également sunnite.



Au square Firdos de Bagdad

De quelque télé que puisse fuir un Arabe
en ce mercredi 9 avril 2003, c'est au cœur de Bagdad que sa télécommnde le jette.

Il est 16h moins quelques minutes, et les télés du monde entier transmettent en direct, depuis le Square Firdos, les inoubliables images de la chute de Bagdad. On focalise sur la foule en liesse qui escorte les chars libérateurs. On y surfocalise sur toutes les chaînes. Comme pour nous dire que l'humanité peut palper des yeux l'Irak qui commence à respirer, qui va tourner sous peu une sombre page de son histoire, son âge chronique du bronze. Et les jeunes qui prodiguent sourires et cris de joie, le bain de foule offert aux chars, les bras locaux qui prêtent main forte aux démolisseurs du dictateur: toutes ces images et d'autres à suivre, plus éloquentes encore,  ne peuvent qu'être propices à l'euphorie. La guerre est finie, les malheurs de l'Irak aussi, et une nouvelle ère va commencer dès aujourd'hui.

Le temps fort, l'intensité dramatique de ce western joué en terre arabe, c'est la "danse du scalp" autour de la statue de Saddam.
Un instant d'ivresse pour les caméras: on sent qu'il y a derrière chaque objectif des yeux qui papillotent, des pupilles qui papillonnent, comme si le moment historique où culmine l'exploit du conquérant engage aussi cette armée médiatique. Comme si chaque correspondant, son équipe technique, l'organe de presse qu'ils représentent, ayant  leur part eux aussi au triomphe historique, demandent à recevoir et partager en toute équité les honneurs de la consécration. Leur tronçon de bronze à chacun si possible. Leur tranche de trophée, serait-elle des plus mince, en souvenir de ce jour saillant dans leur vie professionnelle



On voit la statue de Saddam se couvrir d'abord du drapeau américain. Le drapeau a envie d'encagouler longuement la tête de bronze. Le front de Saddam, secouru par un coup de vent, ne s'y prête pas aussi facilement qu'on le veut. La caméra se tourne vers la foule qui applaudit. Puis vers le geste qui motive cette manifestation d'approbation. Et l'on voit le drapeau américain hissé par un jeune irakien. Longuement. Le temps que les clichés éternisent l'instant, que le monde, en Occident mais aussi de ce versant-ci de l'histoire et de la géographie, appréhende dans toute sa symbolique l'image. 


Puis, à travers un plan large, Saddam qui s'incline. Tout semble avoir été calculé pour que cette posture s'étire dans le temps, soit suffisamment perceptible, s'imprègne dans l’œil de l'histoire qui filme, et l'histoire qui aura à visionner et revisionner cette séquence. Les cordes métalliques tirent le dictateur aplati. Les cris de la foule montent. Et Saddam tombe enfin, coupé en deux. La foule en transe accourt. Et commence alors la danse du scalp.

Chez Azza à Damas

 

Reconstitution de l'évènement sous d'autres yeux.
 

Loin de Bagdad, à Damas et dans les studios de la télé syrienne, Azza Al-Shara عزة الشرع est sur le plateau pour le journal de 16h.


L'édition dont elle a préparé la présentation quelques minutes plus tôt est fin prête. Le compte à rebours commence. Le réalisateur lui fait signe d'ouvrir le micro et de prendre la posture d'adresse au public. Azza ne soupçonne pas encore ce qui se passe à Bagdad.

Elle entame la lecture des titres. Avec le même sourire qui lui est habituel. Divinement attachant. La
même grâce naturelle qui lui donne un charisme particulier.
Pour le contexte historique qui nous concerne, peu de ses pairs, je crois, auraient ce fluide magnétique qu'elle a, et grâce à quoi, en Syrie comme dans le reste du monde arabe, elle a pu fidéliser à son journal des millions de téléspectateurs.

Mais
ce 9 avril 2003, à peine le journal de 16h commencé, une dépêche imprévue ravit l'éclat du visage et sa grâce. L'imprévu intervient au moment précis où la femme finit la présentation des titres. Un papier qu'elle voit glisser entre ses mains, qu'elle parcourt d'un œil pendant que l'autre intercepte les premières images de la statue en cours de démolition. Tandis que sur un écran qui reprend en différé le début de l'action, les images montrent le drapeau américain encagoulant la tête de la statue.

En matière de "live" et ses imprévus, ses agréments et désagréments, Azza n'en était pas à sa période de noviciat. Tant de fois elle a eu à se heurter contre ces difficultés qui interviennent au milieu d'un journal, tombent quand on ne les attend pas. Ces écueils du direct, elle en a vu des tas par le passé. Et n'a jamais manqué de tact pour les contourner avec succès à chaque fois. Mieux: c'était surtout dans ces moments qui bousculent les plans échafaudés, brisent le cours initial du journal, que la journaliste savourait le véritable charme du direct. Sa capacité d'improviser,  de rattraper de ses propres ailes tel ou tel évènement, l'histoire courant incessamment plus vite que l'information, ou meubler un silence, un vide, une défaillance techniques, l'absence d'images, le reportage qui ne suit pas son annonce: c'étaient là où réside son vrai talent de journaliste. De sorte que lorsqu'ils surgissent, ces écueils du direct deviennent pour ell
es des moments de défi plus gratifiants que des journaux sans incident: son charisme n'en est que plus servi. 
 
Ce 9 avril 2003 néanmoins, au journal de 16h, Azza est subitement trahie par son génie. En moins de rien, elle devient méconnaissable.

Et les millions d'Arabes, dont beaucoup, dépités par "l'objectivité" surprenante d'Aljazeera, étaient de nouveaux convertis à la chaine syrienne, ces téléspectateurs qui ont pu voir en la circonstance Azza Al-Shara n'oublieront jamais, à mon sens, ce 9 avril des années 2000. Non pas tant à cause de ce qui s'est passé à Bagdad. Mais à cause  de cette émotion, singulière et si poignante, qui a pris  en traître la vedette de télévision syrienne.

Pour comprendre

Comme la masse écrasante de ses frères et sœurs dans le monde arabe, Azza était la dupe du mensonge médiatique. Et c'est d'autant plus cruel pour elle que sa propre chaine, et elle-même en conséquence, étaient partie prenante dans cette duperie.

Une heure seulement plus tôt dans le journal de 15h, Azza rappelait aux téléspectateurs la dernière déclaration du ministre irakien de l'information, datant de la veille, le 8 avril 2003. Une déclaration prévenante comme d'habitude. Comme d'habitude rassurante, qui barrait le chemin à toutes les inquiétudes. Azza a beau être de ceux qui font l'opinion, beau savoir faire la part de la propagande, être habituée à ces communiqués militaires qui bercent la foule crédule, disant toujours, et partout, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, avec la "Mère des Batailles" elle s'est laissée piéger par son cœur. Ce 9 avril 2003, elle est loin de s'attendre à un tel décalage entre l'image et le communiqué de la veille. Même le théâtre de l'Absurde serait incapable de produire un tel inédit.

Le 8 avril 2003, comme à l'accoutumé crânant pour le bonheur de la télé et du panarabisme, Mohamed Saïd al-Sahhaf disait que les assaillants américains, ou selon son propre terme les « علوج ôloujs »[2];  étaient « sur le point de se rendre ou d'être brûlés dans leurs chars » ! Puis en moins de 24 heures, le rebondissement qui fait chavirer la télé et l'histoire. Ce n'était pas dans la logique de l’épopée : la Mère des batailles devait avoir d'autres revirements, d'autres crochets, plutôt un crescendo conforme aux attentes du public, héroïque pour Bagdad, tragique pour la Maison Blanche, le suicide collectif des ôloujs, leur pendaison à la statue de Saddam, sinon aux barres métalliques d'un pont de l'Euphrate, celui de Babylone surtout !


Trente-six ans plus tôt, à la veille de la guerre des six jours, c'était presque le même ton, la même promesse épique, la tonalité berceuse du discours archétypal, les communiqués bus dévotement, et jamais soumis à quelque examen froid et critique, comme si la critique et la froideur, en telle circonstance, étaient synonymes de trahison.
Le même son de cloche quand Naceur sommait les Sionistes d'Israël de repartir d'où ils venaient, sans quoi ils seraient immanquablement jetés à la mer. Et au moment où le public, l'oreille scotchée à la radio, s'enivrait, au moment où les souks avaient épuisé tous leurs stocks de transistors à la faveur de ce rêve délirant, on apprenait l'inénarrable débâcle, la déroute des armées arabes sur tous les fronts !
Les mêmes masses populaires qui, en 2003, croyaient avoir oublié la défaite de 67, impénitentes- se laissaient peloter par les mêmes berceurs, caresser dans le sens du poil par l'éternelle école de rhétorique arabe, la poétique mensongère, la phraséologie où usait et abusait Mohamed Saïd al-Sahhaf pour abreuver les âmes mordues de récits épiques.


Retour à Azza

Quand Azza Al-Shara عزة الشرع a vu les premières images en provenance du Square Firdos, c'est tout juste si elle a pu balbutier deux à trois mots. La face congestionnée sous le choc, elle n'est plus ce qu'elle était encore une minute plus tôt. Plus la grâce auréolée de son sourire, de sa lumière charismatique crevant l'écran. A peine l'ombre d'elle-même, elle cherche sa voix, ne la trouve pas. Déshydratée, sa langue se tétanise. La femme suffoque. Tend la main pour chercher un verre d'eau. La retire aussitôt dans un geste irréfléchi. Elle tente de se dérober à la caméra. En vain. Dans ses yeux, comme un S.O.S, un sourd appel à l'équipe technique. Mais ni caméramans ni réalisateur, eux-mêmes médusés, ne trouvent en eux le réflexe pour couper.
Et pour les millions de regards rivés au petit écran, en Syrie ou ailleurs, en diverses villes du Liban dont Beyrouth, aux cafés de Haïfa, à Irbid en Jordanie, à Al-Qaïm au nord de l'Irak, et probablement en d'autres zones de pays limitrophes de la Syrie[3], on se demande si les larmes, les perles chatoyantes qui roulent en travers des cils, alors que d'autres s'ébrouent sous les paupières, peuvent encore se faire contenir !

Les paupières tentent de les ravaler. L'âme altière aurait tout fait pour réprimer ses larmes, endiguer l'épanchement. Et plus d'un téléspectateur probablement à son tour saisi, pris dans les rets de tels cils qui l'hypnotisent à tant éclipser le reste de l'écran, se serait demandé si le sel qu'il ressentait lui-même aux yeux, brûlant, sortait de son cœur ou de la poitrine de Azza Al-Shara. Azza qui suffoquait encore de l’irrépressible sanglot tempêtant sous ses côtes.

Quand elle a craqué enfin, c'est certain : ils ne doivent pas être rares ces Arabes -croyant faire partie d’une secte vaccinée contre le pouvoir de l'image, qui auraient détourné la face ! Pour cacher leurs propres larmes.    

Réflexe puéril de vanité virile ! Vaine parade de la cuirasse masculine qu'entame l'épreuve, réaction sans effet de la peur soupçonnant la contagion...[4]

Ken Norton
J'ai vu maintes fois des volcans

J'ai vu maintes fois des volcans émotionnels exploser sous mon nez.J'ai vu pleurer en live des hommes et des femmes, sur maintes télés.

J'ai vu, adolescent, Bourguiba pleurer. Mais Azza et Bourguiba sont incomparables. Les moments historiques pareillement.

J'ai vu en 76, à ce jour indélébile, une montagne de muscles fondre en pleurs. Un boxeur trahi par ses hoquets, jugeant en fin de match que l'arbitre l'avait volé. La télé était encore en noir et blanc. Cependant, dans la rémanence continuelle de l'image, le visage de  Ken Norton battu aux points par Mohamed Ali Clay est resté le même. Ne s'est pas déteint malgré le temps. Ce 28 septembre 1976, bien que fan inconditionnel de Clay, pour ce match-là je n'ai pas oublié les larmes de Norton. D'autant qu'à l'époque, je me souvenais encore de deux duels précédents, datant de 1973, perdus eux aussi aux points par ce boxeur tout aussi méritant que Clay. Chaque fois que mon souvenir rappelle les larmes de cet homme, c'est de son côté que je me range. Sans complaisance aucune pour son adversaire, envers et contre guerres de religions et dictées de ralliement. L'injustice, quelles qu'en soient la nature et les motivations, si vous vous y complaisez par intérêt ou sympathie,  tôt ou tard elle vous en réclamera le tribut.

Un autre souvenir plus vivace encore. Datant de septembre 82.
J'ai vu pleurer à seaux, et ce n'est pas exagéré, un correspondant de télé français qui découvrait les massacres de Sabra et Chatila. J'oublierais le nom de ce journaliste, la chaine dont il fut correspondant[5]; mais jamais les hoquets de l'homme pour les martyrs palestiniens. Jamais pour ce débordement de sensibilité inouï, peu coutumier pour moi à cette époque-là, surtout à l'endroit d'une race qui suscitait plus souvent des sentiments d'antipathie que de sincère pitié.
 
Caroline Bourgeret, RTBF-
Septembre1982
J'ai vu à travers des écrits,  témoignages sincères, les larmes de Caroline Bourgeret[6]. journaliste belge, pour les mêmes damnés de la terre palestinienne, les mêmes martyrs de Sabra et Chatila. Ce que cette journaliste subira toute sa vie, en conséquence à cette "descente aux enfers" dictée par les obligations professionnelles, est incontestablement inimaginable. Quand elle dit que  "deux jours durant elle n'a cessé de pleurer "lorsqu'elle elle a vu les charniers, personne ne pourrait mettre en doute ces mots. Et deux jours de pleurs à côté de la vie entière hantée par le souvenir des horreurs, ce n'était rien, si ce n'est un moment de grâce allégeant dans l'immédiat l'oppression du choc.
Jamal Rayan - Aljazeera-
27.12.2008
 
Pour Sabra et Chatila j'ai vu aussi, à travers leurs témoignages écrits, tout aussi poignants, les larmes de Jacques-Marie Bourget et Marc Simon, respectivement reporter et photographe de VSD. Eux aussi garderont de l'épreuve des séquelles irréparables. Et personne ne pourrait imaginer quels cauchemars ils ont dû vivre durant des années et des années[7].
 


Bien que ce soit pour des foutaises médiatisées, je n'ai pas pu rester indifférent non plus aux larmes de Pelé, à la télé vu en 2004 dans les rues de Rio. Pour des foutaises assurément, parce  que ce roi du ballon de tous les temps, malgré les honneurs qu'il a pu voir dans sa vie, a été vivement ému quand son pays l'a désigné premier porteur de la flamme olympique qui devrait arriver à Athènes. Et si je m’en souviens encore, c’est assurément par amour du continent latino-américain et de ses peuples dont une bonne partie est issue de l’Afrique. Je n'imaginais pas Pelé d'une fibre si sensible, alors même que l'exemple précédent de Ken Norton, quoique dans un contexte différent, m'a déjà prouvé que les cuirasses les plus dures ne sont pas nécessairement synonymes de cœurs d'airain.
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Khawla Hchachna - Soudan TV
27.12.2008
                                                  
J'ai vu Jamel Rayan sur Al-Jazeera: c'était à propos de Gaza sous le phosphore israélien en 2008.  Mais Rayan s'était vite ressaisi.
J'ai vu, sur Soudan TV et pour la même Gaza martyre de l'an 2008, Khawla Hchachna. Sauf que les images du reportage la cachaient, de sorte que seuls les hoquets s'entendaient. Et c'est regrettable car, sans l'image, la voix tombait à faux.
J'ai vu un chef de gouvernement arabe pleurer. Et pleurer tout aussi bien que Bourguiba[8]
 
 
Fouad Siniora
Chef du gouvernement libanais
(Juillet 2005- Novembre 2009
Mais bien que compatissant avec le peuple frère pour les douleurs motivant de tels pleurs, je n'ai pas aimé cet épanchement, si irrépressible pût-il être, parce que, au moment même où cet homme pleurait, d'autres hommes du même pays, plus dignes de respect, faisaient pleurer et se lamenter à tel-Avi, sur le Mur des Lamentations et les frontières de leur propre pays, les lâches qui avaient  suscité les pleurs de tel chef de gouvernement. Car faut-il le dire, le rappeler ? le combat héroïque de la résistance libanaise et les coups durs encaissées par l'entité sioniste et son armée (la 5e puissance armée au monde) ont forcé l'admiration du monde entier, y compris chez les sionistes.

J'ai vu à la première prestation de serment de Barak Obama, c'était en janvier 2009, repéré par je ne sais quel "œil américain" dans une foule estimée à deux millions, un homme noir qui pleurait. Pour Martin Luther King et son discours du 28 août 1963, pour les milliers de frères africains autrefois déportés de leur terre natale et devenus esclaves au continent des Yankees, pour l'histoire promettant de réparer, entre autres injustices, le passé des noirs et le passé noir des USA, de telles larmes ne sont pas facile à oublier.

J'ai vu d'autres larmes, d'autres sanglots, des torrents lavant des petits et grands écrans. Que j'ai oubliés avec le temps.

Mais l'écran que je n'oublierai jamais, quoique ne l'ayant "vu" qu'à travers un poème, c'est cet écran associé aux larmes de Azza Al-Shara. Je ne pense pas avoir été si viscéralement empoigné par le passé, ni ne crois pouvoir l'être pour l'avenir,  comme je l'ai été par les larmes coulant sur la joue de Damas pour sa sœur Bagdad, à travers le vibrant hommage que dédie Ahmed Omar Bakr à la journaliste syrienne !
C'est à travers les yeux de ce poète que j'ai vu pleurer Azza. Pleurer comme une enfant dans toute sa fraîcheur émotionnelle, craquant dans ce moment si éprouvant  et  ne s'accommodant d'aucun masque. En ce 9 avril 2003, elle a pleuré de notre cœur arabe et a fait pleurer du sien syrien tous ceux qui avaient pu la voir en direct. Il ne serait pas injuste de dire que jusque-là l'image télévisuelle n'avait sur nous qu'un pâle pouvoir.

"Nous" ce sont les blasés de ce vieux monde, qui en sommes sortis depuis 67. Vomissant tout ce qui pouvait nous attacher encore à lui, nous avons cru pouvoir lui échapper, totalement nous défaire de lui, partis à la dérive comme des fugueurs, au vent nous lavant de nos attaches et souillures, en voulant à l'histoire de nous avoir cocufiés et jetés loin de l'âge autorisant la fraicheur émotionnelle.

"Nous" ce sont ces millions de blasés par le quotidien et ses lots d'horreur, son mektoub incessamment au rendez-vous. Au rendez-vous alors même que nous n'en voulions plus, l'ayant répudié et déclaré publiquement délié de nous.

"Nous" ce sont ces allergiques aux journaux de 20h, et de toutes les heures, qui s'ouvrent sur le palais, saluant le maître de céans, et n'en sortent que nous morts ou endormis!

Sans la télécommande qui dut nous être salutaire un moment, nous permettant de fuir la médiocrité de l'info locale, nous donnant au moins le loisir de zapper au bon moment, comme pour claquer la porte au nez du  maître de céans, il y aurait belle lurette que nous ne serions plus sur terre!

Et même zappant à la recherche d'une zone de l'écoumène qui soit vivable, qui ne sente pas la fumée et le fumet de nos cadavres brûlant sur tous les bûchers, impossible de claquer la porte au nez de l'histoire arabe! Désespérant de ce monde fou qui nous poursuit, asphyxie où que nous berce l'illusion d'en être sortis et séparés, qui  à l'infini nous tue à bout portant, nous avons fini par boycotter, purement et simplement, l'image.

Sauf de temps à autre, histoire de ne pas payer indument la redevance de la télé,  et c'était pour voir la grâce d'un visage comme celui de Azza !

Quand Azza Al-Shara a pleuré, quelque chose de mystérieux a chaviré en nous. Instantanément, des blocs de glace rompus ont irrigué les zones mortes, les contrées désertifiées, les terres arides. Le "Rub al Khali" du cœur s'est ébroué, recouvrant la verdeur de l'âge. Et nous sommes redevenus puceaux de l'émotion.

Bagdad: qu'en savez-vous ?

Azza Al-Shara
Bagdad l'héritière de Babylone, le pays des Mille et Une Nuits, le berceau de la civilisation abritant les plus vieilles écritures au monde, l'Épopée de Gilgamesh, l'Épopée de la Création, la Descente d'Ishtar aux Enfers, Bagdad les Lumières pionnières quand l'Europe hibernait dans sa longue nuit moyenâgeuse, Bagdad la montre et l'astrolabe, Bagdad qui, mille ans avant la conquête de l'espace, a sondé le ciel et en a tracé astres, orbites et comètes sur ses cartes, Bagdad qui a inventé la caméra, le premier prototype de l'ordinateur moderne, l'arbre à came du moteur, le distributeur automatique. Bagdad l'Histoire qui rayonne sur le monde depuis plus de 3500 ans!12

Bagdad qui tombe ce 9 avril 2003, à 16h, foulée par les bottes de ceux qui ont à peine deux siècles d'histoire: de tout cela condensé dans les images d'une statue qui tombe Azza Al-Shara a pleuré pour nous tous et n'a fait cas de l'histoire qui dira: les Arabes ont pleuré13.



 
A.Amri
13.04.2013
 


 
 
 
Notes: 
 
[1] En Irak, mais c'est également valable pour d'autres pays musulmans, ces trois prénoms ont une dimension symbolique évidente : pour les sunnites, ils font figure de hagionymes, étant respectivement prénoms du Prophète et des deux califes qui lui ont succédé, Abou Bakr et Omar. Le signataire du poème est un sunnite, et il s'adresse à un lectorat de cette confession : la femme même à qui il rend hommage est également sunnite.

[2] Ce terme a été francisé sous diverses orthographes (elche, helche, eledj, euldj, ‘oldj, aaldj) dont la première, « eledj », datant de 1836 sous la plume de Joseph Toussaint Reinaud, signifie : « chrétien ne reconnaissant pas l’autorité musulmane ».

[3] En 2003, contrairement à de nombreuses chaînes arabes satellisées, la télévision syrienne était encore au stade de l'émission hertzienne, ce qui ne lui permettait pas d'être reçue dans des zones plus éloignées.

[4] Je sais que les féministes invétéré(e)s ne me pardonneront pas cette « essentialisation », plus ou moins phallocrate, qui voudrait insinuer que les larmes sont l’apanage des femmes, et que seules celles-ci auraient le droit à les « extérioriser ». Mais la suite du texte, je crois, prouvera que mon propos va plutôt à l’encontre de ce que ce contexte précis permettrait de supposer.  

[5] En 82 j'étais encore en France, étudiant. Et les deux seules chaines de télévision françaises de l'époque, auxquelles il faut rajouter la FR3 régionale, sont Antenne2 (aujourd'hui France2) et TF1. Je pense avoir découvert les massacres de Sabra et Chatila sur cette dernière chaine. Néanmoins, malgré des fouilles tout azimuts sur le web, je n'ai pas réussi à retrouver le correspondant concerné. Quelquefois je me dis que ce pourrait être Jacques-Marie Bourget, correspondant du VSD magazine, ou Pierre-Pascal Rossi qui travaillait pour le compte de la TSSR (Télévision suisse romande) ou encore, intervenant comme témoin, l’écrivain Jean Genet.

[6] Il y a 30 ans, Sabra et Chatila.

[7] En Septembre 1982, Jacques-Marie Bourget et Marc Simon, respectivement reporter et photographe de VSD, s’embarquent vers l'enfer et expliquent pourquoi pleurer : « Au milieu de l’équarrissage pour tous pourquoi ne pas pleurer ? Le seul geste qui apparaît possible, qui a le mérite du silence, celui qui accompagne les vraies douleurs. Je vois Marc baisser la tête et tous les deux nous partageons une honte qui nous tombe dessus. Honte pour l'humanité. Honte pour ces dirigeants, les nôtres, qui ont signé la promesse que ce massacre n'arriverait jamais. »

[8] Qu’on ne dise plus jamais qu’il ne s’est rien passé à Sabra et Chatila

[9] Le 7 août 2006, subissant le contrecoup de 27 jours de bombardement israéliens, le chef de gouvernement libanais Fouad Siniora, alors en réunion avec les ministres arabes des affaires extérieures, s'effondre en pleurs.

[10] « Que d'autres peuples, d'autres continents existent également, qui revendiquent une place bien méritée, non seulement dans l'histoire universelle mais encore dans notre propre histoire occidentale, c'est un état de fait que nous ne pouvons plus ignorer à une époque où nous parlons de la conquête de l'espace.
Aussi le moment semble-t-il venu de parler d'un peuple qui a profondément marqué le cours des évènements mondiaux, un peuple auquel l'Occident et avec lui l'humanité tout entière doivent beaucoup. En dépit de quoi et sur cent traités historiques que vous feuilletterez, vous n'en trouverez guère plus de deux qui mentionnent son nom. Aujourd'hui encore [...] l'Europe prémédiévale ne retient guère l'attention, pas plus que les évènements extra-européens contemporains du Moyen Age. Qu'en ce temps-là, aux portes mêmes de l'Europe, les Arabes aient porté pendant les trois quarts d'un millénaire le flambeau de la civilisation, qu'ils aient donc connu une période de splendeur deux fois plus longue que celle des Grecs, qu'ils aient en vérité influencé l'Occident plus directement et plus diversement que ces derniers, qui s'en soucie ? » (Sigrid Hunke - Le soleil d'Allah brille sur l'Occident (Albin Michel 1963).

 

Notre traduction du poème signé Ahmed Omar Bakr:

Azza Al-Shara, incisif est le glaive de la vérité
Puisse demeurer sauve la Syrie 
Pour que nous reste debout la demeure
Les hordes de l'invasion jusqu'aux dents armées sont venues
Avec leurs chars, infanterie, missiles et satellites
Pour éteindre sur les lèvres le sourire épanoui
Et irriguer des laves de mars les roses
Azza Al-Sara, m'ont tourmenté dans tes yeux
les larmes amères coulant sur tes joues
Rassure-toi, ou plutôt crois en ce serment
Nos âmes à la Syrie seront des murailles
َAzza, Deir ez-Zor sera notre point de passage
Vers un pays abritant la volonté et la résolution
Car , Dieu m'est témoin, cette terre demeurera
Et nos alliés de guerre y seront présents
Azza Al-Shara, Al-Shara l'a dit depuis longtemps
A cette attaque à main armée, honte et déshonneur !
Des maux de leurs crimes nous avons enduré
Ce qui est au delà de toutes les endurances
Eux, ils nous ont brûlés de leurs obus
Que ton feu soit fraicheur salutaire
Je perçois leurs colonnes anéanties à Umm Qasr
Et à l'aéroport nous leur réservons des surprises
Azza Al-Shara, les meilleurs me demandent
Pourquoi en quelques heures Bagdad a chuté
La trahison, dirais-je, épuise le plus rusé des malins
Et la guerre était réclamée par un esclave et un samsar (*)
L’esclave cachait sous sa bure la haine
Et l'autre le veau, des négociants lui ont fait un prix
Assabah [le matin][**] est devenu sordide dans nos glossaires
Et par dessus tout c'est un traitre
Bush finance ses guerres de leurs khazines
Aux vaches laitières qui brament pour lui au Golfe
Quant aux poltrons soi-disant arabes de notre nation
Nous avons juré de nous venger d'eux
Azza Al-Sara, ceux-là n'ont pu entamer notre noblesse
Et si nous accusons quelque défaillance, elle est passagère
La Syrie est notre fierté et Bagdad notre espoir
Deux antres de lions et le reste lupanar
Toute mère est pour nous une Khansa qui résiste

* Samsal, sensal, censal, 
** Sabah al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, émir du Koweït de 2006 à sa mort.

 
 
      Le poème intégral en arabe

يا عزة الشرع سيف الحق بتار *** فلتسلم الشام كي تبقى لنا الدار

جحافل الغزو قد جاءت مدججة *** درع، مشاة، صواريخ وأقمار

لتطفئ البسمة الزهراء في شفة *** ولتسق الورد مما جاد آذار

يا عزة الشرع في عينيك أقلقني *** دمع حزين على الخدين مدرار

فلتطمئني، بل كوني على ثقة *** بأن أرواحنا للشام أسوار

يا عزة الشرع دير الزور معبرنا *** الى بلاد بها عزم وإصرار

فهذه الأرض بسم الله باقية *** والمردفون لنا في الحرب حضار

يا عزة الشرع قال الشرع من زمن *** سطو المسلح فيه الخزي والعار

لقد صبرنا وآذتنا جرائمهم *** ما ليس يصبره في الصبر عمار

هم اشعلونا بنار من قذائفهم *** كوني سلاما وبرداً أنت يا نار

في ام قصر أرى ارتالهم سحقت *** وفي المطار لنا شأن وأسرار

يا عزة الشرع والاخيار تسألني *** ما بال بغداد بالساعات تنهار

قلت الخيانة أعيت كل داهية *** والحرب نادى لها عبد وسمسار

فالعبد قد خبأت حقدا عباءته *** والآخر العجل قد ساموه تجار

صار الصباح خسيسا في معاجمنا *** وفوق هذا وذاك فهو غدار

بوش يخوض حروبا من خزائنهم *** بقر حلوب وفي الخلجان خوار

أما الرعاديد من أعراب امتنا *** عهدا قطعناه منهم يؤخذ الثار

يا عزة الشرع ما نالوا عراقتنا *** وان أصبنا بضعف فهو دوار

فالشام فخر وبغداد لنا أمل *** هما العرينان والباقون هم عار

فكل ام لنا خنساء صابرة *** وكل خال لنا صخر وكرار

يبقى العراق منارا هاديا ابداً *** كأنه ( علم في رأسه نار)

سيبزغ الفجر من انبارنا وغداً *** من ارض فلوجتي تأتيك أخبار

 

احمد عمر بكر






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